Audience solennelle du TC de Versailles : une année 2023 soutenue
Après huit années à la présidence du tribunal de commerce de Versailles, Xavier Aubry laisse sa place à Bruno Duranthon, ingénieur agronome à la tête d’une société qui développe et commercialise des logiciels destinés à la nutrition animale dans le secteur agricole. L’audience solennelle du 25 janvier dernier fut donc l’occasion non seulement de dresser le bilan de l’année écoulée, mais aussi de la fin du mandat de la présidence précédente.
Selon le président du tribunal de commerce, Xavier Aubry, « la création d’entreprises reste solide dans les Yvelines ». Ce bon état de santé économique s’accompagne d’une activité soutenue pour le tribunal.
Une « activité soutenue » pour 2023
Comme l’a évoqué Xavier Aubry dans son discours, l’année 2023 fut marquée par une « activité soutenue, dépassant dans le domaine de la prévention et des procédures collectives les chiffres pré-crise sanitaire ». Le nombre d’affaires nouvelles en contentieux est lui « quasi stable », tandis que « le stock a baissé de plus de 30 % après une centaine de jugements relatifs aux litiges entre restaurateurs et assureurs ».
Mme la procureure a, quant à elle, souligné « une reprise substantielle de l’activité en matière de procédure collective en 2023 » avec 1 044 affaires nouvelles (toutes sources confondues) « ce qui nous fait fleurter avec le niveau de 2019 ». Elle constate également « la montée en puissance des requêtes en ouverture de procédure collective dans le cadre de la détection des entreprises en difficulté par le président du tribunal de commerce ». Le président en a précisé les causes : « Ralentissement de l’activité économique, allongement des délais de paiement subis par les TPE, tensions de trésorerie avec la disparition des aides de l’État et le remboursement des PGE. Les secteurs les plus touchés sont le bâtiment, la restauration et les sociétés de services récemment créées ».
Pour les chiffres communiqués, Xavier Aubry a relevé près de 30 % de plus d’ordonnances en injonction de payer par rapport à 2022. Procédure qu’il estime « moins coûteuse » et « efficace ».
En termes de prévention, les convocations de dirigeants à un entretien devant un juge ont atteint le nombre de 1 059 contre 859 en 2022. « Les ouvertures de procédures amiables de prévention (mandats ad hoc et conciliations) ont à nouveau fortement augmenté, de près de 60 % comparé à 2022 ». Le greffe a, de son côté, continué son travail « d’identification des entreprises qui ne sont pas à jour de leurs obligations de déclaration de leurs bénéficiaires effectifs » et « 25 000 entités ont été relancées au premier semestre ». 2 100 ordonnances ont été notifiées.
L’« échec lamentable » du guichet unique
Prévu pour être opérationnel au 1er janvier 2023, « cette échéance n’a cependant pas été respectée », note le président. Il évoque « des dysfonctionnements graves », déjà signalés en 2022, « concernant le recueil des formalités de modification et de cessation d’activité ». Xavier Aubry juge donc cette plateforme comme un « échec lamentable » étant donné « l’ampleur des désordres subis » : 2 676 000 formalités en 2022 contre 882 900 en 2023, soit 67 % de moins !
Il a d’ailleurs appuyé son propos avec des extraits du rapport d’audit de la Cour des comptes publié en décembre 2023. Cette dernière relève que « l’échéance initiale était irréaliste compte tenu de l’ampleur du projet, que la gouvernance et le pilotage étaient inadaptés au projet et que les perspectives d’une résolution rapide des difficultés étaient sans garantie ». La Cour des comptes considère aussi que « les conséquences d’une réforme insuffisamment préparée et mal conduite pourraient donc se faire encore sentir pendant plusieurs années sans avoir apporté aux entreprises la simplification attendue ».
Le bilan du président sortant
Dans son discours, la procureure a rendu hommage au travail de Xavier Aubry, reconnaissant « un président très mobilisé, très engagé, très présent pour son tribunal ». Membre du conseil d’administration de la Conférence générale des juges consulaires de 2018 à 2023 et vice-président en 2023, rapporteur général à deux reprises, en 2013 et 2018, au Congrès national des tribunaux de commerce et vice-président du Conseil national des tribunaux de commerce depuis 2020, Xavier Aubry a dédié huit années à la présidence du tribunal de commerce de Versailles.
Il retient pour sa part « avec le concours actif du greffe » : une action volontariste dans le domaine de la prévention des difficultés des entreprises ; la possibilité de saisir, hors instance judiciaire, un conciliateur de justice à partir du site du greffe ou de rencontrer, sans rendez-vous préalable, un avocat du barreau de Versailles chaque mardi après-midi au tribunal ; la création de l’association APESA Yvelines qui propose une aide psychologique aux chefs d’entreprise et la mise en œuvre progressive de la signature électronique des décisions des juges. Enfin, il a souhaité mettre en avant « un souci permanent d’accélérer la mise en état des affaires au contentieux » et « des rencontres annuelles d’échanges avec les administrateurs et mandataires judiciaires sur leurs pratiques et l’appréciation des juges sur leurs prestations ». N’oubliant pas de remercier tous ses collègues juges qui l’ont accompagné, pour leur engagement, « leur abnégation, leur capacité d’adaptation et leur soutien dans les moments difficiles ».
Le TC de Versailles, candidat pour l’expérimentation
La loi d’orientation et de programmation n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 prévoit la création expérimentale des tribunaux des affaires économiques. Dans ce cadre, le tribunal de commerce est renommé tribunal des activités économiques (TAE), « composé de juges élus du tribunal de commerce, de juges exerçant la profession d’exploitant agricole et d’un greffier », a pu compléter Bruno Duranthon, le nouveau président, dans son discours. « Au-delà d’un changement de dénomination, il s’agit d’un élargissement de son champ de compétence. Le TAE connaîtra des procédures collectives et des procédures amiables, quels que soient le statut et l’activité du débiteur, à l’exception de celles ouvertes à l’égard des personnes exerçant l’une des professions mentionnées au second alinéa de l’article L. 722-6-1 du Code de commerce (…) ».
L’expérimentation doit porter sur neuf à douze tribunaux, pour quatre ans. Le TC de Versailles s’est porté candidat. « Il dispose à ce titre d’atouts certains, compte tenu, entre autres, de la diversité des origines professionnelles de ses juges, l’étendue de son ressort », rappelle le nouveau président.
Pour son mandat à venir, Bruno Duranthon a déclaré vouloir également persévérer « dans l’approfondissement de la prévention et de la détection des difficultés des entreprises », à mieux faire connaître les procédures de conciliation et de mandat ad hoc, et de « persister » dans « la promotion de la justice commerciale qui offre aux justiciables des procédures rapides, simples, peu coûteuses, compatibles avec la vie des entreprises et la réalité économique ».
Référence : AJU012q0