Île-de-France

« C’est une richesse d’avoir cette multitude de compétences »

Publié le 15/09/2020

En novembre dernier, une nouvelle cheffe de pôle régional du Défenseur des droits a été installée pour couvrir une partie de l’Île-de-France. Sophie Pisk, 51 ans, juriste de formation, est aujourd’hui référente pour Paris et les départements de l’Essonne, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne et du Val d’Oise. Engagée dans les luttes contre les inégalités, elle a dédié sa vie professionnelle à la défense des droits.

N’essayez pas de chercher Sophie Pisk sur les réseaux sociaux, elle n’a ni compte Facebook ni Twitter. Une recherche de son nom fera avant tout apparaître son travail, comme sa participation en 2002 à l’ouvrage collectif : Victime ou témoin de racisme : comment agir ? Ou encore sa contribution aux Actes de la journée régionale de LaFédé co-organisée avec Profession Banlieue, Quand l’écran remplace les personnes, quelle place pour la médiation ? (2019), intitulée : « La dématérialisation, un facteur d’accroissement des inégalités d’accès aux droits ».

Sophie Pisk est une fervente défenseuse des droits humains. Elle a débuté sa carrière dans un cabinet d’avocat généraliste avant de rejoindre le service juridique du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP). Elle y prodigue des conseils pour les personnes victimes de racisme ou de discriminations ainsi que sur les droits des étrangers et le droit d’asile. « C’est une ONG ayant un statut consultatif auprès de l’ONU et membre de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH), ce qui était une opportunité de porter des projets autour du respect des droits humains en France », précise-t-elle au téléphone.

Le MRAP participe, avec d’autres collectifs, au long processus de création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE). Fondée par la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004, (JO, 31 déc. 2004), elle a été fusionnée le 1er mai 2011, avec la CNDS, le Médiateur de la République et le Défenseur des enfants pour former le Défenseur des droits. En 2005, Sophie Pisk a « naturellement eu envie de postuler ». Elle devient juriste chargée de l’instruction de réclamations. En 2008, elle devient référente juridique du nouveau réseau de bénévoles. « Au moment de la fusion avec le Défenseur des droits, nous avions 130 bénévoles ». Aujourd’hui, plus de 500 délégués sont sur le territoire national en métropole comme en Outre-mer.

Retour sur le terrain

Jusqu’en 2015, elle continue d’élargir ses compétences en développant entre autres des partenariats avec la société civile. « J’ai eu un parcours très enrichissant, j’avais envie de revenir sur le terrain ». Elle occupe ensuite le poste de conseillère juridique des délégués de l’institution en Île-de-France : « Ma mission était de servir d’appui et de développer des stratégies sur la manière de prendre en charge des réclamations, et le cas échéant de faire remonter au siège auprès des juristes les dossiers nécessitant des enquêtes approfondies ».

Alors que le Défenseur des droits décide de se décentraliser, sont créés 12 postes de chefs de pôles régionaux. L’un d’eux ira à Sophie Pisk en novembre dernier. Leur but, selon la description du site, est de « faciliter le travail entre les équipes de juristes et les délégués, favoriser les initiatives locales de promotion de l’égalité et de notoriété et collaborer au mieux avec les services publics et l’ensemble des acteurs locaux, des coordinateurs régionaux qui s’installent progressivement dans chaque région ». Sophie Pisk a aujourd’hui la charge de 73 délégués du Défenseur des droits.

Au service des autres

Depuis le début de ses études de droit, Sophie Pisk a toujours eu en tête l’envie de conseiller et d’aider. « Au sein du cabinet où je travaillais, il y avait ce lien avec l’argent avec lequel je n’étais pas à l’aise », confie-t-elle. « J’ai eu l’opportunité d’aller vers le milieu associatif et ça a répondu à mon souhait d’être utile, d’être proche des personnes qui rencontrent des difficultés, dans le cadre d’un collectif qui partage mes valeurs ».

Elle qui dit avoir « toujours eu une fibre sociale », francilienne depuis plus de 30 ans, est heureuse de pouvoir se mettre au service des autres. « Sans pour autant pouvoir faire des miracles, parce que toutes les réclamations ne donnent pas lieu à des résultats. Mais nous avons la possibilité de rechercher des éléments qui permettent aux réclamants d’être reconnus dans leur préjudice et d’obtenir réparation ».

Son quotidien consiste à répondre aux demandes d’avis des délégués qui reçoivent le public : comment analyser les situations et les difficultés soumises par le réclamant ? Est-ce que telle administration a bien interprété la loi ? Y a-t-il eu erreur d’interprétation ? Quel texte invoquer ? « J’ai une mission d’appui juridique mais aussi d’orientation stratégique, sur la meilleure façon de traiter un cas, notamment par la voie du règlement amiable ».

Avec 25 ans d’expertise sur les questions de discriminations, Sophie Pisk assure une formation complète pour les délégués qu’elle est chargée de recruter. « J’essaye de coordonner aussi le réseau. Il ne faut pas les laisser seuls dans leur permanence. Il faut créer des temps d’échange, d’analyse de pratiques et d’expertise afin de partager l’actualité juridique ». Avec une majorité de retraités provenant d’horizons très divers, généralement liés aux domaines du droit, « ce sont les compétences de chacun et chacune que je tiens à mutualiser », dit-elle.

Une grande fierté

Sophie Pisk faisait partie de « celles et ceux sceptiques au moment de la fusion des quatre entités administratives », selon ses propres mots. « Avec quatre autorités ayant des anciennetés différentes et des modes d’actions différents, je craignais que la lutte contre les discriminations ne soit diluée. Plusieurs années après, j’estime que c’est une bonne réforme, du point de vue des personnes qui nous saisissent afin de leur éviter d’aller d’un guichet à l’autre. Lorsqu’une difficulté est présentée sous le prisme de la lutte contre les discriminations, mais qu’il n’y a pas d’éléments suffisants, le particulier va peut-être trouver une issue à sa difficulté via une autre approche juridique multiqualifiée, notamment la protection des droits de l’enfant ou le respect des droits des usagers des services publics. C’est une richesse d’avoir cette multitude de compétences ».

Représentante de l’institution dans les territoires où elle est affectée, son rôle consiste également à développer des partenariats notamment avec des collectivités locales, comme avec le conseil départemental de la Seine-Saint-Denis en matière de prévention des discriminations et de promotion des droits de l’enfant. « L’une des forces du Défenseur des droits est de faire respecter les droits, de les restaurer, mais aussi d’être une source de propositions et de critiques constructives des pratiques. Au sein d’instances nationales ou internationales, nous pouvons porter des réflexions et impulser des réformes des textes et des pratiques. Je suis très fière d’agir au sein du Défenseur des droits », poursuit-elle.

Très attachée à la déontologie, Sophie Pisk se veut très vigilante à ne pas confondre ses engagements dans sa vie privée et ceux de sa vie professionnelle. Un dénominateur commun recouvre cependant les deux : lutter contre les inégalités, la paupérisation et la vulnérabilité économique. Elle conclut : « Nous avons des personnes qui se retrouvent au ban de l’accès au droit. Il faut faire évoluer leurs conditions de prise en charge ».

LPA 15 Sep. 2020, n° 156c4, p.6

Référence : LPA 15 Sep. 2020, n° 156c4, p.6

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