Commissaires-priseurs judiciaires : état des lieux avant la fusion avec les huissiers de justice
Pour les commissaires-priseurs judiciaires, l’annonce du rapprochement avec les huissiers de justice en une seule profession d’ici 2022 suscite de nombreuses interrogations sur leur avenir. Le 12 juin 2018, à Paris, l’OMPL (Observation des métiers dans les professions libérales) a présenté son étude prospective en matière d’emploi, de compétences et de formation sur la branche et révèle les enjeux de cette fusion.
Les offices de commissaires-priseurs judiciaires et de sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques sont soumis à des évolutions législatives majeures, notamment avec la création de la nouvelle profession de commissaire de justice. Prévue par la loi Macron d’août 2015 et l’ordonnance de juin 2016, cette dernière regroupera les professions de commissaires-priseurs judiciaires et d’huissiers de justice. En l’absence d’un texte législatif précis, la branche s’interroge sur ses atouts pour perdurer. « Je suis inquiet de ce qui va advenir de cette convention collective sur le plan social », a déclaré le président du Syndicat national des commissaires-priseurs judiciaires, François Antonietti. Ils ont donc fait appel à l’OMPL (Observation des métiers dans les professions libérales) afin de mieux appréhender les évolutions à venir.
Après la loi de 2000 imposant une séparation entre ventes judiciaires et volontaires et celle de 2011 de libéralisation des ventes volontaires, la profession avait, tout juste, trouvé un équilibre. Depuis 2010, le nombre d’offices et de maisons de ventes adossées est resté relativement stable et les effectifs de la branche augmentent. Face à la concurrence et au développement de sites de ventes d’occasion, les professionnels ont joué la carte de la qualité du service rendu, de la déontologie et du renforcement de leurs compétences. Cependant, le paysage du marché des ventes aux enchères publiques a beaucoup évolué.
État des lieux du marché des ventes
L’étude de l’OMPL, menée par Claude Vauclarc, montre que la crise économique a été un levier pour les ventes aux enchères publiques, ce qui a contribué à l’augmentation du chiffre d’affaires de la branche. Aujourd’hui, le marché est davantage tiré par les ventes volontaires (environ 70 % pour 30 % de ventes judiciaires). Si les ventes physiques ont diminué, les ventes électroniques ont considérablement décuplé. Elles représentent 33 % du montant total des ventes contre 6 % en 2010. « L’impact du numérique a été perçu comme plutôt positif, cela a obligé à rationaliser les procédures de travail et a entraîné une augmentation des compétences », précise Claude Vauclarc. Toutefois, les ventes d’objets courants sont aussi en diminution. Mais les commissaires-priseurs ont réagi assez vite en organisant de véritables événements afin de rendre plus attractives leurs ventes courantes et cataloguées. Enfin, le marché des biens incorporels, ouvert par la loi Macron, est perçu comme prometteur par la plupart des professionnels.
Fusion avec les huissiers de justice
À compter du 1er juillet 2022, les huissiers de justice et commissaires-priseurs de justice se seront rassemblés sous le nom de commissaires de justice. Outre la création de cette grande profession de l’exécution, les opérateurs de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques sont également confrontés à l’obligation de fusionner avec une autre branche professionnelle, comme l’indique la loi travail El Kohmri pour les effectifs de moins de 5 000 salariés. Pour les acteurs impliqués, cela représente une menace pour leur double exercice « judiciaire » et « volontaire ».
Les salariés actuels devront-ils abandonner l’une de ces deux casquettes ? Certains déclarent qu’une « profession centrée uniquement sur le judiciaire n’a pas d’avenir ». Les ventes judiciaires étant très aléatoires, leur chiffre d’affaires est majoritairement réalisé à partir des ventes volontaires donc ils ne se sentent pas réellement comme une profession de l’exécutif. D’après l’étude de l’OMPL, ils perçoivent surtout leur cœur de métier autour de l’expertise, de la prisée, de l’organisation et de l’exécution des ventes aux enchères publiques. Pourtant, tous s’accordent pour dire que les ventes judiciaires font partie de l’ADN de la branche et qu’il n’est pas question de les abandonner : « Avec les ventes judiciaires, nous remplissons pleinement notre rôle d’officiers ministériels au service de l’intérêt général ».
Durant les entretiens, de nombreuses autres craintes ont été évoquées, telles que la mise en péril des offices et des maisons de ventes volontaires, la disparition du maillage territorial ou même sur ce qui fonde leur métier avec un appauvrissement des expertises et une paupérisation du marché de l’art français. « Les commissaires-priseurs tiennent à la diversité de leur activité et à la possibilité de se spécialiser sur des marchés de niches », ajoute Claude Vauclarc. Les représentants des salariés, eux, expriment leurs craintes en matière d’emploi. Mais ce qui semble le plus inquiéter la profession est le positionnement important des études d’huissiers de justice sur le marché et le manque de communication avec ces derniers. « Nous avons une destination commune avec les huissiers de justice, mais j’ai le regret de dire que nous n’avons pas pu établir de dialogue avec eux, à ce jour », a déclaré François Antonietti.
L’enjeu de la future formation
Représentants employeurs, comme salariés, s’accordent pour dire que les métiers de leur branche et ceux de la branche des études d’huissiers de justice ne sont pas fongibles bien qu’il puisse y avoir des compétences et activités communes. Ce constat place la formation professionnelle initiale au cœur des enjeux pour l’avenir. En réalité, les conditions actuelles d’accès à la profession de commissaire-priseur et d’huissier de justice sont relativement similaires. Il faut une solide formation juridique, un stage et un examen d’aptitude professionnel. Cependant, il est nécessaire de posséder un diplôme de niveau licence en histoire de l’art ou en arts appliqués, pour les commissaires-priseurs. Il existe également des formations courtes chez les commissaires-priseurs s’ils veulent se spécialiser dans des domaines plus techniques. Mais pour l’instant, peu de propositions concrètes ont été formulées sur la question des compétences et des conditions d’accès à la formation.