Journal d’un avocat au temps de la Covid-19

Publié le 04/12/2020

Un bizutage qui tourne mal, des migrants violemment délogés de la Place de la République, une affaire Bismuth qui dérape dans le vaudeville…Retour sur une semaine agitée en compagnie de notre pénaliste au regard toujours aussi acéré, Loeiz Lemoine. 

Samedi 21 novembre : Un procureur nommé Arfi

J’ai beau essayer de me détacher de l’affaire Daval, ses échos et sa rumeur parviennent jusqu’à moi. Ainsi, après avoir fustigé dans son réquisitoire la « médiatisation » de l’affaire, l’avocat général, manifestement pas ennemi du paradoxe, tient une conférence de presse sur les marches du palais, comme dans la chanson. Quelle nécessité autre que celle de sa propre publicité ?

La mort, à 100 ans, de Daniel Cordier, ancien secrétaire de Jean Moulin. Etonnant papier de Têtu (qui naguère publiait la photo de l’avocat tout nu) : « Pourquoi ce silence gênant autour de l’homosexualité de Daniel Cordier ? ». Ah bon, un silence gênant ? RT de Caroline Mécary avec ce commentaire : « Rendre hommage pleinement à Daniel Cordier, Alias Caracallas (sic), mort hier, alors il faut rappeler qu’il était gay & que cette particularité a aussi fait de lui, le résistant qu’il a été. Qu’il repose en paix. Immense respect » Rendre hommage au courage des résistants, je suis tout à fait d’accord, mais la dernière phrase dépasse mes capacités de compréhension : son homosexualité a fait de lui le résistant qu’il était ? Peut-être y a-t-il un courage gay, comme il y a un génie lesbien ? Il me semble que Daniel Cordier, dont le courage n’est plus à louer, aurait parlé de son homosexualité si ça lui avait paru pertinent, pas besoin de Têtu et Mécary.

Je devrais être en train d’ouvrir des huitres et de battre une petite sauce pour mon cocktail de crevettes (mayo, ketchup, Worcester sauce, crème fraiche, un doigt de whisky, un peu de 5 baies, une recette qui a fait ses preuves) mais les médias ne me laissent pas de répit :

« Le procès de Nicolas Sarkozy s’ouvre lundi. @fabricearfi récapitule “les preuves matérielles” qui, selon lui, incriminent l’ancien président. » C’est quoi exactement, ça ? Le procureur Arfi requiert avant le procès, pour éviter que ces cons de juges aillent, par mégarde, relaxer Sarkozy ? Heureusement, Médiapart veille !

Dimanche 22 novembre : Notre faute, encore et toujours…

Très étonnante offensive contre les horribles français racistes. Quand c’est Al Jazeera on comprend, mais que le Washingon Post s’y mette, avec des informations aussi grossièrement fausses, laisse pantois : le président français aurait voulu fliquer les enfants musulmans en leur attribuant un numéro spécial pour qu’ils puissent aller à l’école… en fait elle parle du numéro de Sécu….

Où on va ? La journaliste corrige ensuite cette erreur, mais persiste dans l’idée selon laquelle la France maltraite les musulmans. Il y a, depuis qu’on nous a zigouillé des compatriotes, une offensive d’une violence inouïe de la part de la presse de gauche américaine. Je crois que je vais relire La Tâche.

Lundi 23 novembre – la victime est la coupable

Edgar Morin sur Europe ce matin, comme c’est triste d’entendre des propos aussi lamentables. Il nous explique que les caricatures n’étaient pas l’expression de la liberté française, mais seulement « de grossières caricatures », et il y aurait, selon lui, une contradiction entre la liberté et notre responsabilité, « si je fais un acte sans penser aux conséquences possibles […], je fais un mauvais usage de ma liberté ». Les conséquences, Edgar, c’est qu’on a décapité un prof et abattu Cabu à la Kalachnikov ! Encore une fois, pour un intellectuel de cette portée, c’est la faute des victimes. Du coup je suis obligé de le classer dans la catégorie des traitres, des soumis, qui donnent raison à ceux qui nous attaquent, donc font des victimes, quelque part, les responsables de ce qui leur est arrivé. Ma liste s’allonge, y compris de noms que j’ajoute à regret, mais je serai intraitable.

Bizutage, bahutage, usinage, intégration, si les modalités et les objectifs sont un peu différents, le principe est toujours plus ou moins le même : au nom de la transmission d’une culture, d’une tradition, tous les ans la promo qui précède martyrise celle qui suit, à des degrés divers, comme elle l’a été elle-même. L’idée est d’endurcir les nouveaux et de créer un esprit de corps, ce qui se produit quand on affronte ensemble une adversité. Il faut bien reconnaitre que ça ne se fait pas sans mal et qu’on discerne des constantes qui ne sont pas toutes rassurantes : humiliation, manifestations de sadisme, effet de groupe, alcoolisation, dimension sexuelle dans certains milieux.

Il y aura 35 ans le 2 décembre prochain, j’intégrais l’armée française, dont j’étais un des plus beaux ornements, en qualité d’élève officier de réserve (EOR). L’idée était d’être un peu mieux traité qu’un simple soldat, plus confortablement logé (la chambre individuelle plutôt que la piaule de 8 aux remugles de ménagerie), de manger au mess plutôt qu’à la cantine (j’ai toujours été un peu snob), d’apprendre des choses (j’ai tiré avec à peu près toutes les armes possibles et imaginables, et même fait sauter du plastic), et de faire plaisir à ma maman. Le premier jour, qu’on aborde toujours avec une certaine appréhension, a été pire que dans mes pires cauchemars et j’ai commencé à me dire que jamais je ne pourrais tenir 4 mois de ce régime. En fait, toute cette journée était une mise en scène (une loooonnnngue mise en scène) destinée à tester notre force de caractère et à essayer d’obtenir que le plus possible de volontaires signent des lettres de démission. A la fin on leur révélait que c’était une bonne blague et que tous les personnages odieux qui nous martyrisaient depuis le matin étaient en fait de simples EOR qui avaient intégré l’armée juste deux mois avant nous. Les « faibles » qui auraient démissionné, rachetaient ensuite cette démission à force de tournées au foyer (certains, je peux trahir ce secret honteux, buvaient des Vodka-Malibu).

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Photo : ©AdobeStock/Pavel1964

 

Ayant surmonté victorieusement cet épisode, deux mois plus tard, c’était à nous d’accueillir les nouvelles recrues : nous étions les « anciens ». En ma qualité de « président » du peloton 85/12 (mon unique présidence à ce jour… il est temps que ça change), je devais superviser toute cette journée. J’ai donc passé mon temps à naviguer d’un groupe à l’autre et, je regrette de le dire, de réfréner les ardeurs et parfois les bas instincts de certains. Nous avions imaginé un certain nombre de stratagèmes destinés à décourager les nouveaux, et pratiquement tous ont, par effet de groupe et d’entrainement, amené les plus doux des camarades le reste du temps, à des débordements regrettables. Un seul exemple (pour illustrer, mais je pourrais les multiplier), la fouille des bagages, dans une pièce sombre avec dans les yeux une lampe façon gestapo, et quelques commentaires déplacés sur tel objet qu’une mère attentionnée avait sans doute insisté pour que son petit chéri, futur bidasse, emporte, avec force hurlements sur la victime, ponctués par cette question : vous avez des couilles ? A quoi l’autre répondait (forcément) : oui mon lieutenant ! (pour ceux qui n’ont pas fait leur service, voir Full Metal Jacket, mutatis mutandis) et le « lieutenant » : « ben alors montrez les ! » et le gars baissait son caleçon.

Hannah Arendt aurait certainement retrouvé, dans ce bizutage, la banalité du mal : Machin, charmant garçon dans le civil, mis dans une situation particulière, ne connaissait comme limites que celles que je m’efforçais de poser, mais tout dépassement lui paraissait, sur le moment, acceptable.

Tout ceci, bien sûr, est beaucoup moins grave que la mort de ce jeune homme, fraichement élève à Coëtquidan, noyé lors d’un de ces exercices idiots et mal organisé, alors qu’il avait la vie devant lui et l’abordait plein de projets et d’enthousiasme.

Mardi 24 novembre – M. Darmanin et son terrible préfet

Jour d’élections, Ordre et CNB. Nous votons à distance depuis longtemps, dans ce barreau si particulier sous l’angle purement électoral. Petit clin d’œil humoristique du Bâtonnier : « Ces codes sont valides pour les deux tours des élections ordinales, ne les égarez pas ! ». Humour en effet puisque, chez nous, il n’y a pas de deuxième tour, attendu qu’il y a autant de candidats que de postes (la voilà bien, la vraie démocratie).

Tweet de Nicolas Hervieu, professeur de droit public :

On a quand même encore un peu de marge par rapport à la Turquie d’Erdogan.

Des migrants sont virés de la place de la République avec la dernière violence et une inhumanité rare (destruction ou confiscation des tentes, couvertures, etc.). D’un côté, on ne peut évidemment pas laisser s’installer des jungles et autres spots, avec les problèmes que ça peut poser à divers niveaux. De l’autre : comment admettre que le « traitement » du problème soit uniquement policier, avec des gens qui s’acquittent de leur tâche de cette façon ?

Dans le même temps, un journaliste (un vrai) couvrant les manifestations, est interpelé et passe la nuit en garde à vue… M. Darmanin, avec l’aide de son terrible préfet, l’homme au manche à balais dans le derrière, illustre magnifiquement l’inanité de l’article 24 et la nécessité que les actions de la police puissent être filmées, point final. Qu’on menace des policiers ou qu’on les désigne comme des cibles, certes non, mais on voit très bien que sans aucune surveillance, ce sont les débordements et l’impunité.

Mercredi 25 novembre – Paul Bismuth, le vrai ?

Hier j’écrivais qu’il n’y aurait pas de deuxième tour, attendu qu’il y a autant de postes que de candidats. J’ai ainsi montré mes piètres connaissances en matière électorale puisque je reçois ce matin le plus étrange des messages : il y a bien un second tour, pour l’éventuelle élection des deux candidats restant en lice aux deux postes à pourvoir. What ? J’en déduis que le dernier binôme, bien que n’ayant aucun concurrent, n’a pas dû obtenir la majorité absolue, exigée au premier tour, et qu’il en faut un second, cette fois-ci à la majorité relative.

La série Paul Bismuth, et encore un avocat qui nous fait un peu honte.

1er acte : il vient à l’audience pour se constituer partie civile contre, on imagine, Herzog et Sarkozy.

2ème acte : un Paul Bismuth proclame que, non, jamais il n’a voulu se constituer partie civile, ni mandater cet avocat.

3ème acte : l’avocat, après des explications que je n’ai pas comprises précisément (mais j’ai un peu autre chose à faire que de m’enfoncer dans ces marécages), annonce une plainte pour escroquerie et abus de confiance… Bon. Je ne vois pas trop les qualifications pénales. Je vois bien en revanche le ridicule de tout cela.

Tweet de Françoise Degois : « Et puisque les catholiques protestent si fort pour la limitation des places à l’église , je les engage à protester avec autant de vigueur contre le sort fait aux migrants , ce que le pape a largement fait et que j’ai peu lu et entendu depuis 3 jours #indignationselective ».

Réponse imparable de Zohra Bitan : « Chère Françoise, le Secours Catholique, l’église Catholique et un ami de la famille en particulier, Frère Jérome, furent notre secours, notre soutien, nos amis, longtemps et pour nombreuses familles immigrées et encore aujourd’hui et je peux te le démontrer ! @caritasfrance ».

Eh oui, quoi qu’on dise des chrétiens, c’est aussi tout un maillage de charité discrète autour des pauvres, des mal-logés, des étrangers, des prisonniers, une multitude de bénévoles qui, ici ou là, essayent d’œuvrer pour le bien, sans le crier sur les toits. La vérité est souvent plus complexe que ne le suggère l’idéologie, dont le principe est quand même, quelle qu’elle soit, et tous les militants en font (inconsciemment) l’expérience, le simplisme.

Jeudi 26 novembre – L’hypnose, nouvelle circonstance atténuante ?

Veille de déménagement… je ne souhaite pas cela à mon pire ennemi. Le cabinet ressemble moitié à un désert, moitié à un champ de bataille. C’est là, tout de même, qu’on apprécie de s’être reproduit en temps utile. Voici une main d’œuvre docile, corvéable, peu coûteuse (disons-le même… gratuite !).

La force des institutions, sans exception, est la capacité, ou pas, à reconnaitre leurs faiblesses, à les exposer et à les corriger. Rien n’est pire que d’essayer de laver le linge sale en famille, comme si cela la protégeait : c’est tout le contraire. Le gouvernement et Monsieur Darmanin devront bien reconnaitre que, sans la possibilité de filmer les errements de certains policiers, beaucoup d’actes gravissimes, moralement et dans leurs conséquences, passeraient à l’as. La confiance des citoyens dans leur police se perdra en raison des actes de certains, que je veux croire une minorité. Tous ceux qui risquent leur vie, dans l’ombre, dans le sacrifice, pâtiront de ces actes inacceptables, parce que quelques-uns auront armé les ennemis (il y en a) des forces de l’ordre. Au lieu d’un préfet Lallement, relisons la lettre du Préfet Grimaud en mai 68 et saluons la clairvoyance, le courage et l’élévation morale de cet homme.

Le procès du Thalys. Actualité judiciaire riche et même sans Clint Eastwood, un procès intéressant à plus d’un titre. La défense de l’auteur principal, si on comprend bien (puisqu’il a été pris la main dans le sac, donc à moins de contester que ce fut sa main, il faut bien avouer un peu) est :

1°) qu’il voulait « juste » tuer les américains, et non faire une tuerie de masse. Les moins crédules s’étonnent de l’armement et de la quantité de munitions.

2°) Qu’il a été hypnotisé (je cite) par le commanditaire. Moyen original d’atténuation de responsabilité, qui aurait beaucoup plu à Jean Giraudoux. Il faut bien plaider quelque chose.

Une histoire déchirante : une jeune femme convertie, partie en Syrie faire le Djihad avec son mari, lui aussi converti, et quatre enfants qui ont maintenant entre 11 et 2 ans. Elle est atteinte d’une tumeur au colon et implore sa mère de la faire rapatrier pour ce motif sanitaire. Sans compter les enfants, qui eux n’y sont pour rien, et vivent dans des conditions moralement et matériellement déplorables. Que faire ? Comment gérer ces situations, en responsabilité ? Cette jeune femme, dont on comprend la détresse actuelle, fait appel à la France qu’elle a reniée et dont elle est devenue l’ennemi. Maintenant qu’elle est malade, elle lui demande de résoudre un problème alors que c’est elle qui le lui a posé. Faut-il inconditionnellement rapatrier sur notre sol des personnes qui ont juré notre perte ? Quelle est la bonne ligne, moralement et (j’y reviens toujours) en responsabilité ? J’aime mieux ne pas avoir à trancher un tel débat, je le dis honnêtement.

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Photo : ©AdobeStock/Gérard Bottino

Samedi 28 novembre – Oui il y a des policiers qui mentent

La lecture attentive (vivement recommandée d’ailleurs) du présent journal ne montrerait probablement pas d’animosité à l’encontre des policiers. En me relisant, je m’aperçois que déjà, en 2018, j’avais protesté de ma neutralité et de mon absence d’hostilité à l’égard des forces de l’ordre. Mais trêve de justifications et entrons dans le vif du sujet : les avocats savent tous qu’entre des policiers et n’importe quel justiciable, la partie n’est jamais égale à l’audience. Tous en ont fait l’expérience douloureuse car elle constitue, disons les choses nettement, une injustice voire carrément la base d’une erreur judiciaire. L’erreur judiciaire ce n’est pas seulement l’affaire Dreyfus, elle est là dès qu’une juridiction se trompe, ce qui peut arriver, mais devient impardonnable lorsque cette erreur repose sur un mensonge, surtout commis par des personnes qui sont censées faire respecter la loi. Les exemples fourmillent mais je voudrais en citer un qui me parait, à tous égards, topique.

Imaginons deux jeunes gens qui ont fêté leur réussite au bac et les vacances, enfin, après une année d’efforts. Ils rentrent chez eux vers 2 ou 3 heures du matin, sans doute un peu animés. Les policiers de la BAC (hasard), se mettent en mode limier, comme le policier de Coluche : « je me suis dit, toi mon p’tit gars, t’as pas la conscience tranquille ! » et suivent ces délinquants en puissance. Tout d’un coup, disparus ! Ah tiens non, ils sont devant une maison ! Un cambriolage certainement, ni une ni deux, ces athlétiques policiers sautent par-dessus la grille, tombent sur les deux garçons, les frappent, leur écrasent la tête dans le terreau des plates-bandes et les interpellent à la dure. Comme ils se débattent et protestent : rébellion et outrage. En fait, ils étaient chez eux, en train de rentrer se coucher : il n’y a aucune raison de les arrêter (et encore moins de leur mettre la tête au carré). Les policiers ne se démontent pas et forgent un motif d’intervention : pas difficile, on n’a qu’à dire qu’on les a vus casser les rétroviseurs des voitures, les rétros cassés, c’est pas ce qui manque. Et de déposer des petits mots sous les essuie-glaces dans tout le voisinage : nous avons arrêté les personnes qui ont dégradé votre véhicule, venez au commissariat déposer plainte.

Je reconstitue l’itinéraire : les trois quarts des véhicules ne sont pas sur le parcours des jeunes gens. Deux personnes nous ont attesté par écrit que les dégâts sur leur véhicule, constatés noir sur blanc par les policiers, existaient déjà avant… (dont un baron, avec des armoiries et tout, pas le genre de personne qu’on aurait envie de traiter de faux témoin). L’autre s’était déplacée au commissariat pour informer que son véhicule était déjà dans cet état : sans s’émouvoir, mes policiers l’avaient éconduite, sans rien mentionner au dossier. A l’audience, les deux parties civiles, ainsi qu’un lieutenant de police que j’avais fait citer comme témoin, mentent éhontément et sans que quiconque (à part moi) les reprenne. L’un me fait même une leçon sur la jurisprudence qui, si Maître, leur permettait une intrusion en pleine nuit dans un lieu privé. Ce n’est qu’en appel que nos conclusions de nullité (mitigées de fond) sont finalement admises. L’audience se déroule, je plaide, avec le sabre d’abordage entre les dents et au bout de quelques minutes, le président m’interrompt, sans animosité, plutôt dérouté : « mais Maître, vous êtes en train de dire que les policiers ont menti ? ». Oui Monsieur le président, c’est exactement ce que je dis ! Total, nullité de la procédure, fin de l’histoire. La mère d’un des garçons, magistrate de son état, qui avait beaucoup siégé en correctionnelle, laisse alors échapper ce cri du cœur : « Maître, quand je pense que pendant des années, j’ai dit à des prévenus : mais enfin Monsieur, les policiers ne mentent pas ! ».

Ces policiers avaient menti (j’en ai 100 autres exemples), le fait était avéré, reconnu par des juridictions (peu enclines à le constater), et dans des conditions de nature à entrainer des condamnations. Quelle suite pour eux ? Absolument aucune, jamais, point final. Dès lors, pourquoi se gêner ?

Il y a quelques années, un futur bâtonnier, qui assistait une personne poursuivie pour outrage, s’était étonné de voir si souvent le même policier plaignant. Il avait eu cette idée astucieuse d’interroger le Bureau d’ordre pénal sur le  nombre de procédure d’outrages et de rébellions dans lesquelles ce policier était « victime ».

Il avait, à l’audience, sorti une liste longue comme ça de constitutions de partie civile, avec à chaque fois, à la clef, une petite pincée qui mettait un peu de beurre dans les épinards. Il y avait là une question : pourquoi ce policier avait-il tant d’incidents, tandis que d’autres ne portaient plainte que de loin en loin, au hasard des vrais mauvais comportements ? Réaction du parquet, convocation du policier, ou remarques à sa hiérarchie, sur le thème : lui, on commence à le voir un peu trop ? Du tout. Le parquet a limité drastiquement l’accès des avocats au BOP, restreignant les conditions de consultation, avec justification des motifs de la demande. Cela dit tout le parti pris de certains parquets pour les policiers, quoi qu’il arrive.

Dimanche 29 novembre – Ni Mercédès ni mafia

Mercedes
Photo : ©AdobeStock/Bizoo_n

Les policiers qui ont tabassé Michel Zeclerc (tout le monde a vu les images) ont été gardés à vue, prolongés, déférés, et sont en attente d’une saisine du JLD, à la minute où je rédige ces lignes. Atmosphère de lynchage, nous allons probablement, une fois de plus, vers un mouvement de balancier. Nous avons beaucoup critiqué l’impunité des policiers, mais n’oublions pas qu’ils sont, avant tout, des justiciables comme les autres, et doivent bénéficier des mêmes droits et des mêmes garanties. Et rappelons le caractère théoriquement exceptionnel de la détention : si c’est uniquement pour faire écho aux déclarations de Macron, Darmanin, et (le plus mal placé à mon avis) Lallement, alors la décision de détention aura été prise pour de très mauvaises raisons.

Sauvetage du skipper Kevin Escoffier par Jean Le Cam sur le Vendée globe. Mon admiration pour ces marins est totale, même quand ils ne sont pas bretons. L’émotion du naufragé, après 10 heures sur un radeau de survie dans les quarantièmes rugissants. La simplicité du vétéran Jean Le Cam. La fraternité entre ces marins. On se souvient d’Isabelle Autissier récupérée par Giovanni Soldini en 1999, de Loick Peyron volant au secours de « Philou » (Philippe Poupon). Dans les deux cas, le marin se déroutera sans se poser de questions, quitte à perdre définitivement la course, pour aller chercher n’importe quel autre marin en perdition. Pour eux ce sauvetage vaut plus que la victoire.

Ce soir sur Arte, La firme, avec Tom Cruise, Gene Hackman, Jeanne Tripplehorn, Ed Harris et Holly Hunter, du très bon Sydney Pollack. Quand je vois le salaire la maison et la Mercedes de cet avocat débutant, je suis vert. Mais bon, au moins je n’ai pas la mafia à mes trousses.

 

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