L’AMF estime qu’il faut renforcer les pouvoirs de l’ESMA

Publié le 18/07/2017

Le président de l’Autorité des marchés financiers, Gérard Rameix, a présenté le rapport annuel d’activité de l’autorité le 21 juin dernier. Dans un contexte financier contrasté et sur fond de Brexit, l’AMF est plus que jamais confrontée à des enjeux stratégiques. Pour son président, Gérard Rameix, « Il est donc grand temps que l’Union européenne passe à l’étape supérieure et renforce la capacité de l’ESMA à garantir une véritable convergence dans la supervision des acteurs, des produits et des opérateurs dans tous les États membres ».

C’est une activité financière contrastée qu’a décrite Gérard Rameix lors de la présentation du rapport annuel d’activité de l’Autorité des marchés financiers (AMF) pour l’année 2016. Seules 17 sociétés se sont introduites sur Euronext Paris pour un montant de 7 milliards d’euros, soit deux fois moins qu’en 2014. Un phénomène que le président de l’AMF explique par l’attentisme lié aux élections présidentielles. Il a précisé que le phénomène était en passe de se dissiper et a cité en exemple l’introduction en bourse d’ALD, filiale de la Société Générale, ainsi que quelques opérations qu’il n’a pas nommées mais qui devraient sortir d’ici la fin de l’année.

En revanche, l’activité des offres publiques s’est maintenue à un niveau élevé avec 39 décisions de conformité, parmi lesquelles de grandes opérations comme l’offre d’achat de Vivendi sur Gameloft ou les offres alternatives (Gecina et Eurosic) visant Foncière de Paris.

Tandis que les marchés d’actions ont réalisé de bonnes performances, apparemment insensibles au Brexit et à la présidentielle américaine, les émissions obligataires des entreprises ont connu une hausse de 16 % pour approcher les 190 milliards d’euros. Quant au capital investissement français, il a dépassé son niveau d’activité d’avant la crise avec près de 15 milliards d’euros de fonds levés.

« Si l’on ajoute à cela des encours de crédit bancaire aux entreprises en hausse de près de 5 % en 2016, il me semble que l’on peut affirmer que, contrairement aux idées reçues, l’accès des entreprises françaises au financement est relativement aisé dans notre pays. La question peut même se poser de savoir si l’endettement des entreprises non financières ne connaît pas une croissance trop rapide », a souligné Gérard Rameix.

Du côté de la gestion d’actifs enfin, 35 nouvelles sociétés de taille entrepreneuriale ont été créées, principalement dans les secteurs du capital investissement et de l’immobilier. Les encours sous gestion ont progressé de 6,4 %, pour s’établir à près de 1 500 milliards d’euros en 2016, confirmant ainsi le dynamisme de la gestion française.

MIF 2, le Forex et les biens divers

Dans ce contexte, plusieurs thèmes ont mobilisé l’attention de l’AMF l’an dernier. D’un point de vue réglementaire européen, le grand chantier a été celui de la transposition de la directive MIF 2 qui entrera en application le 3 janvier 2018 ; elle impose une transparence sur les échanges au-delà du seul périmètre des actions et une obligation de négocier les actions sur des marchés réglementés ou plates-formes.

L’AMF a réalisé un important travail pédagogique auprès des acteurs concernés par ces modifications. Elle a par ailleurs annoncé, en juin 2016, la création d’une division dédiée aux sociétés dites « FinTech », autrement dit, les sociétés qui développent des solutions inspirées des nouvelles technologies dans le domaine de la finance.

Ce secteur, qui englobe notamment la fameuse blockchain — une innovation qu’on dit aussi révolutionnaire qu’internet — est en plein développement.

Composée de vingt-cinq collaborateurs, la nouvelle division travaille en étroite collaboration avec le pôle FinTech Innovation de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). En six mois, la division FIC a rencontré une cinquantaine de porteurs de projets innovants dans l’objectif de les conseiller et de les orienter dans leur procédure d’agrément.

En 2016, l’AMF a également remporté deux victoires très importantes sur le terrain de la protection de l’épargne. La première concerne les publicités de type « Devenez trader » sur internet, dont les auteurs incitent les épargnants à investir sur des marchés risqués comme celui du Forex.

La loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite Sapin 2 a posé l’interdiction de la publicité par voie électronique pour les contrats financiers les plus risqués (options binaires, contracts for difference et contrats portant sur le marché des changes). Une mesure particulièrement efficace car ces sociétés recrutent essentiellement leurs clients sur internet. La même loi a encadré d’autres investissements risqués et de plus en plus prisés par les épargnants : les biens divers. Il s’agit de ces offres d’investissement qui portent sur des manuscrits, des forêts ou des diamants. Ces produits sont juridiquement hybrides dès lors qu’ils sont articulés comme des produits financiers tout en portant sur des biens non financiers. D’où la difficulté pour l’AMF d’exercer un contrôle plein et entier.

La loi Sapin 2 vient de renforcer ses moyens d’action en lui conférant un pouvoir de contrôle a priori sur ces offres. « Tout intermédiaire en biens divers devra justifier d’un large socle de garanties en matière de compétence, d’expérience et d’information pour être autorisé à commercialiser ce type de placements, au même titre que n’importe quel autre placement », précise le gendarme boursier. 

C’est d’autant plus important que ces offres sont jugées, souvent à tort, plus sûres par les épargnants au motif qu’elles portent apparemment sur des biens tangibles et que les rendements offerts sont attractifs. En réalité, s’il en existe d’honnêtes, certaines à l’inverse sont de pures escroqueries. L’AMF va désormais trier à la source en exigeant de leurs concepteurs qu’ils fournissent les mêmes garanties que celles exigées pour les produits financiers traditionnels.

Une petite année en termes de sanctions

Sur le terrain des enquêtes et sanctions, 2016, en revanche, est une « petite année ». Elle a été marquée par la réorganisation de la répression des abus de marché suite à l’affaire EADS qui prévoit désormais un choix nécessaire entre la voie administrative et la voie pénale au nom du principe ne bis in idem. La Commission des sanctions a rendu 16 décisions en 2016. Elle a prononcé 32 sanctions pécuniaires, pour un montant total de 9,725 millions d’euros, à l’encontre de 17 personnes morales et de 15 personnes physiques. Par comparaison, en 2015, l’AMF avait prononcé 22 décisions contre 71 personnes pour un total de 21 millions d’euros, en 2014, 24 décisions contre 87 personnes pour 32,8 millions et en 2013, 26 décisions contre 52 personnes pour 39 millions.

Par ailleurs, 10 accords de transaction ont été signés l’an dernier pour un montant de 2,31 millions d’euros (contre 12 transactions en 2015, 9 en 2014, 5 en 2013).

Interrogé lors de la présentation du rapport à la presse sur la nouvelle articulation des pouvoirs entre l’AMF et le parquet, Gérard Rameix a indiqué que sur l’ensemble des dossiers dans lesquels le gendarme boursier avait ouvert une enquête, le parquet ne s’est saisi que d’un seul.

Par ailleurs, il a précisé qu’il n’y avait eu aucun arbitrage du procureur général. Autrement dit, nul conflit entre l’autorité et le parquet n’a nécessité que le procureur général n’arbitre entre les deux voies procédurales comme le prévoit le nouveau dispositif. L’apparente diminution du nombre et du montant des sanctions n’est donc pas due à une préemption massive des dossiers par le parquet mais plutôt à la conjoncture et à l’augmentation des procédures de transaction. Un phénomène qui devrait s’accroître puisqu’en 2016, le législateur a généralisé la procédure de composition administrative, jusqu’alors réservée aux seuls manquements professionnels, à l’ensemble des manquements susceptibles d’être poursuivis par l’AMF. Les deux premières transactions concernant des abus de marché devraient être soumises prochainement à homologation, a encore annoncé le président Gérard Rameix.

À titre prospectif, le grand sujet est, sans surprise, le Brexit. Pour Gérard Rameix, la priorité consiste à maintenir l’objectif de réduction du risque systémique tout en construisant, dans une Union bientôt à 27, un véritable marché intérieur des services financiers. Cela suppose de finaliser les réformes post-crise et de rectifier les imperfections des textes.

« Néanmoins, tant que les régulateurs de certains États membres continueront d’avoir une application des règles communes que je qualifierai de “souple” pour rester politiquement correct, il sera difficile d’atteindre les objectifs d’une plus grande stabilité financière et d’une plus grande intégration européenne, a souligné Gérard Rameix. Il est donc grand temps que l’Union européenne passe à l’étape supérieure et renforce la capacité de l’ESMA à garantir une véritable convergence dans la supervision des acteurs, des produits et des opérateurs dans tous les États membres ». Dans cette perspective, l’AMF a répondu à la consultation de la Commission sur les agences européennes dans le sens d’un renforcement des pouvoirs de l’ESMA (voir infra).

Pour en revenir au Brexit, celui-ci pose deux questions majeures. D’abord, les futures relations avec la City devront s’inscrire « dans un cadre juridique clair » ce qui suppose, pour Gérard Rameix, de définir précisément les notions d’équivalence et de délégation qui permettent aux établissements installés d’un côté de la Manche d’avoir accès à l’autre ou d’utiliser des moyens situés dans l’autre mais aussi — et surtout — de s’assurer que ces conditions restent inchangées dans la durée. La deuxième question est celle de la souveraineté. Une très large part de la compensation des instruments financiers dérivés libellés en euros s’effectue à Londres.

« Demain, quand le Royaume-Uni sera devenu un pays tiers, la sécurité commanderait que les chambres de compensation ayant une activité importante en euros, puissent faire l’objet d’une supervision directe par les autorités européennes tandis que celles faisant peser sur la zone euro un risque systémique particulièrement important ne pourraient fournir leurs services qu’en s’y établissant », estime Gérard Rameix.

Le mandat de Gérard Rameix à la tête de l’AMF, non-renouvelable, s’achève cet été. À la rentrée, l’AMF aura un nouveau président.

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