Le consommateur et son logement dans les textes récents ou l’émiettement des dispositions protectrices applicables au « consommateur de logement »
Alors que le nouveau Code de la consommation entrera en vigueur le 1er juillet prochain, force est de constater qu’il n’aura pas le monopole de la protection des intérêts des consommateurs et que le mouvement de spécialisation et d’externalisation du droit de la consommation se poursuivra. En témoigne l’actualité législative foisonnante applicable au « consommateur de logement », locataire ou propriétaire.
Le droit de la consommation a vocation à régir les contrats conclus entre un consommateur et un professionnel. À l’origine son apparition se justifie par le déséquilibre, constaté ou supposé, de la relation liant un consommateur à un professionnel et l’inefficacité, ou du moins l’insuffisance, des règles civilistes à appréhender ce phénomène. Alors que le droit des contrats vient de faire l’objet d’une réforme d’ampleur avec l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et que notre Code civil intègre des dispositifs d’inspiration consumériste1, précisément pour lutter contre des déséquilibres, des abus contractuels et des situations de dépendance, on a pu douter de la nécessité de maintenir un Code de la consommation2. Or à un droit spécial ne doit-il pas correspondre un code tout aussi spécial ? En cela, l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du Code de la consommation applicable au 1er juillet prochain est le signe que le droit de la consommation n’aura pas été « ébranlé » ou affaibli par la réforme du droit des contrats.
À l’heure où le Code de la consommation s’apprête à faire peau neuve, un constat s’impose : plus que jamais, le droit de la consommation ne se limite pas au seul code éponyme. Ces dernières années, se sont développés en marge de ce code des textes protecteurs de contractants qui ne sont autres que des consommateurs, personnes physiques agissant à des fins n’entrant pas dans le cadre de leur activité professionnelle3. En témoignent les dispositions applicables aux consommateurs se procurant des services d’assurance ou bancaires, achetant des séjours auprès d’opérateurs du tourisme4, ou bien encore faisant l’acquisition d’un immeuble à usage d’habitation. Alors que le bénéficiaire du Code de la construction et de l’habitation ou du Code du tourisme est bien souvent le consommateur, ce vocable n’est quasiment jamais utilisé par chacun d’eux5. Ce mouvement de spécialisation et d’externalisation des dispositions consuméristes est également perceptible lorsque le consommateur contracte avec un professionnel en vue de se procurer la jouissance d’un logement ou lorsque, âgé, il conclut un contrat de séjour avec un établissement dans lequel il va être accueilli. Entrent alors en lice la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs6 et le Code de l’action sociale et des familles tous deux récemment modifiés. La première vise les locaux à usage d’habitation ou à usage mixte professionnel et d’habitation constituant la résidence principale du preneur. Le second s’applique aux établissements sociaux et médico-sociaux accueillant des personnes âgées7.
Si le consommateur fait l’objet de l’attention du législateur contemporain quand il est locataire ou résident d’une maison de retraite, d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EPHAD), ou d’une autre forme de résidence d’accueil, eu égard au rapport de forces inégales entre les parties et de sa vulnérabilité économique, voire physique ou psychique, il n’est pas pour autant négligé lorsqu’il acquiert un logement à usage d’habitation ou l’affecte en garantie d’un crédit bancaire. Dans ce domaine, le Code de la consommation retrouve sa place de choix, sans toutefois être hégémonique puisque le législateur vient de lui soustraire, en 2015, certaines opérations au profit du Code de la construction et de l’habitation.
Sur fond de navigation entre différents codes et diverses législations, faisons un état des lieux des réformes récentes adoptées à propos du « consommateur de logement » en distinguant la protection qui lui est accordée comme locataire ou résident (I) et comme acquéreur de son logement ou utilisateur de celui-ci à des fins de garantie (II).
I – Le consommateur locataire ou hébergé dans un établissement pour personnes âgées : une protection d’inspiration consumériste hors du Code de la consommation
Les années passant, les relations entre les bailleurs et les locataires se sont détériorées au gré de la crise du logement. Il devenait urgent de rétablir la confiance en apportant des retouches à la loi du 6 juillet 1989. Ce qu’a fait la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové dite loi Alur8 (A). Le rééquilibrage de la relation a également été effectué dernièrement au profit des locataires ou des résidents vulnérables, âgés et souvent dotés de ressources modestes (B).
A – Le renforcement des droits du locataire par le recours au contrat-type
Nous n’aborderons pour les besoins de notre étude qu’une mesure emblématique de la loi Alur insérée à l’article 3 de la loi du 6 juillet 1989 : celle imposant le recours à un contrat-type en tant qu’elle nous semble révélatrice du procédé consumériste de formalisation de la relation contractuelle. Ici, le législateur a fait le choix d’un contrat-type de nature réglementaire pour encadrer a minima la relation bailleur-locataire puisque le contrat de bail doit respecter un modèle type défini par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de concertation9. Une notice d’information10 relative aux droits et obligations des parties, aux voies de conciliation et de recours et à la garantie universelle des loyers, doit aussi être annexée au contrat-type de bail. Doivent s’y conformer les baux conclus à compter du 1er août 2015 portant sur des locations nues ou meublées. Elle a pareillement instauré un contrat-type de syndic de copropriété11.
Certes, le recours aux contrats-types d’origine réglementaire12 n’est pas si fréquent que cela en droit de la consommation. L’ordonnance de mars 2016 réformant le Code la consommation impose le recours à un modèle d’offre de crédit immobilier fixé par arrêté du ministre chargé de l’Économie13. Avant la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, dite loi Lagarde, les offres de crédit à la consommation devaient répondre elles aussi à des modèles types14. En revanche, le droit de la consommation est friand du formalisme informatif et des mentions obligatoires devant figurer, à peine de sanctions diverses – pénales ou civiles –, dans les contrats de consommation. En témoigne la réglementation exigeante des contrats conclus à distance ou hors établissement15. La différence entre un contrat-type d’origine réglementaire et un encadrement pointilleux du contenu et de sa présentation est alors très tenue. Et l’idéologie est la même : préserver les intérêts de la partie supposée faible dans la négociation.
Cependant pour le bail d’habitation, le renforcement récent des obligations des bailleurs (encadrement des honoraires des intermédiaires16, des loyers et du congé, et ce au risque de décourager plus d’un propriétaire de réaliser un investissement locatif), comme l’emploi du contrat-type n’est pas lié à la qualité du partenaire du locataire. Que le bailleur soit professionnel ou non mais simple particulier, le régime protecteur impératif s’impose. C’est d’ailleurs peut-être le nombre important des bailleurs non professionnels sur le marché locatif privé qui a pu motiver ce choix. Il permet à ces propriétaires de logements loués de sécuriser leurs contrats sans être contraints de recourir aux services d’un professionnel de l’immobilier. De même, en imposant un contenu minimal obligatoire, la loi Alur permet une standardisation des contrats de bail de nature à favoriser la comparaison des offres par les consommateurs tout en les protégeant. On peut raisonnablement penser que si la location meublée examinée dernièrement par la Cour de cassation avait été soumise à l’exigence du contrat-type visé par l’annexe 2 du décret du 29 mai 2015, qui doit respecter l’article 23 de la loi du 6 juillet 1989 sur les charges récupérables et en faire mention, le propriétaire aurait renoncé à la clause imposant au locataire de rembourser au bailleur toutes les charges, quelle qu’en soit la nature, et de ce fait jugé abusive dans l’affaire en question17.
B – Le renforcement des droits du locataire âgé ou accueilli dans un établissement
Deux lois sont venues compliquer la sortie du contrat conclu avec un consommateur de logement vulnérable quand elle est initiée par un bailleur ou un gestionnaire d’établissement d’hébergement au sens de l’article L. 312-1 6° du Code de l’action sociale et des familles.
La loi Alur a renforcé la protection du locataire d’un local à usage d’habitation ou mixte âgé de plus de soixante-cinq ans et aux revenus modestes18. Dorénavant, le bailleur ne peut pas s’opposer au renouvellement du bail et donner congé s’il ne lui propose pas une offre de relogement correspondant à ses besoins et à ses possibilités dans les limites géographiques légalement définies. Auparavant, la protection jouait pour les locataires de plus de soixante-dix ans et dont les ressources annuelles étaient inférieures à une fois et demie le smic. La nouvelle protection légale cesse toutefois si le propriétaire a lui-même plus de soixante-cinq ans ou s’il justifie de la même condition de ressources modestes que celle prévue pour son locataire. La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques dite loi Macron a étendu ce dispositif aux contrats de bail en cours.
Quant à la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement (loi ASV), elle s’est emparée du contrat de séjour pour personnes âgées et l’on ne peut qu’être frappé par l’inspiration consumériste. D’une part, le nouvel article L. 311-4-1, II, du Code de l’action sociale et des familles accorde à la personne accueillie – ou le cas échéant à son représentant légal – un droit de rétractation dans les quinze jours de la signature du contrat, ou de l’admission si elle lui est postérieure. Aucun délai de préavis ne peut lui être opposé et aucune autre somme que le prix de la durée de séjour effectif ne peut être exigée ; formulation de laquelle on induit la prohibition de toute pénalité. Au-delà du délai légal de rétractation, le résident se voit attribuer un droit de résiliation du contrat de séjour à tout moment. Doit alors être respecté le délai de préavis conventionnel dont la durée ne doit pas excéder une durée prévue par décret (à venir). Qu’il s’agisse de la rétractation ou de la résiliation unilatérale, l’usager n’a pas ici à justifier sa décision qui est discrétionnaire. En outre, la loi lui accorde, à compter de la notification de sa décision de résiliation au gestionnaire de l’établissement, un délai de réflexion de quarante-huit heures pendant lequel il peut revenir sur sa décision sans avoir à justifier de motif. Ce délai de réflexion s’impute alors sur le délai de préavis. L’expression « droit de réflexion » semble curieuse car le mécanisme instauré vise à revenir sur une décision prise par l’usager ; ce qui relève davantage d’une logique d’un dédit ou d’une rétractation.
D’autre part, le nouvel article L. 311-4, III, du Code de l’action sociale et des familles encadre strictement la résiliation du contrat par le gestionnaire de l’établissement. Trois cas seulement peuvent être invoqués. Le premier concerne l’inexécution par la personne âgée accueillie d’une de ses obligations contractuelles (comme l’accumulation de loyers impayés) et du manquement grave ou répété au règlement de fonctionnement de l’établissement. Le texte prévoit cependant une dérogation si un avis médical constate que l’inexécution ou le manquement en cause résulte de l’altération de ses facultés mentales ou corporelles. Dans ce cas, il y aura un obstacle à la décision de rupture décidée par le professionnel. Deuxièmement, est visé comme motif de rupture opposable à la personne accueillie la cessation totale d’activité de l’établissement. Enfin, la résiliation peut être initiée par le gestionnaire d’établissement si la personne accueillie cesse de remplir les conditions d’admission et que son état de santé nécessite durablement des équipements ou des soins non disponibles dans sa structure. Dans ce cas, il doit s’être assuré que la personne dispose d’une solution d’accueil adaptée. Quel que soit le motif invoqué, le professionnel accueillant des personnes âgées doit respecter un délai de préavis fixé par décret, dont la durée ne peut être inférieure à la durée maximale du délai de préavis applicable à la résiliation du contrat par le résident.
L’encadrement légal des motifs de résiliation des contrats de séjour par les professionnels fait suite à deux recommandations déjà anciennes de la Commission des clauses abusives19 dans lesquelles elle préconisait que soient éliminées, pour la première, les clauses autorisant le professionnel dans des contrats à durée déterminée à résilier de plein droit le contrat pour d’autres motifs que le non-paiement par le consommateur de ses frais de séjour dûment justifiés, ou à résilier un contrat à durée indéterminée pour des motifs autres que sérieux et légitimes, notamment si le consommateur est de mauvaise foi ou ne répond plus aux critères fixés contractuellement lors de son admission. Pour la seconde, était visée la clause permettant au professionnel de résilier le contrat sans préavis et sans avis médical attestant de l’impossibilité définitive pour l’intéressé de résider dans l’établissement.
La filiation entre le nouvel article L. 311-4 précité et ces recommandations non contraignantes est flagrante. On devrait à l’avenir considérer que les clauses par lesquelles un établissement prévoit dans son contrat de séjour des causes de résiliation autres que celles autorisées sont illicites car contraires à un texte impératif. On peut néanmoins penser que, puisque la jurisprudence ne fait pas toujours la distinction entre clause abusive ou illicite, il sera possible de censurer ce type de clause sur le fondement de l’article L. 132-1 du Code de la consommation20 en tant qu’elle a pour objet ou effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations du résident et du professionnel. Si c’est une association de consommateurs qui agit, la différence entre les deux sera sans conséquence car l’action en suppression de l’article L. 421-6 du Code de la consommation 21 peut viser une clause illicite ou abusive présente dans « tout contrat ou type de contrat en cours ou non, proposé ou destiné au consommateur ».
La loi du 28 décembre 2015 s’inscrit dans une stratégie de lutte contre les clauses abusives imposées par les maisons de retraite et les EPHAD. En effet, depuis la loi Consommation de 2014, l’article L. 314-10-1 du Code de l’action sociale et des familles prévoit, à peine d’amende administrative22, qu’au décès du résident seules les prestations d’hébergement délivrées antérieurement mais non acquittées peuvent être facturées dès lors que les objets personnels ont été retirés des lieux qu’il occupait. Facturer la période alors que la chambre est libérée est devenu impossible. Quant aux sommes perçues d’avance correspondant à des prestations non délivrées en raison du décès, elles doivent être restituées dans les trente jours du décès. Le dispositif est applicable même aux contrats conclus avant l’entrée en vigueur de la loi Consommation. Cette règle de protection des familles des résidents décédés fait elle aussi suite à la recommandation précitée 08-02 de la Commission des clauses abusives recommandant la suppression de la clause ayant pour objet de « permettre à l’établissement de facturer la totalité du prix de l’hébergement d’un mois en cas de décès ou de libération de la chambre en cours de mois ».
Après ce focus législatif sur le « consommateur de logement » locataire ou hébergé, voyons ce qu’il advient de lui lorsqu’il est propriétaire de son logement.
II – Le consommateur acquéreur ou propriétaire de son logement : une protection partagée entre le Code de la construction et de l’habitation et le Code de la consommation
Récemment le législateur national et européen s’est soucié des intérêts des consommateurs acquéreurs de leur logement ou qui, en qualité de propriétaires de leur habitation, sont désireux de mobiliser leur patrimoine immobilier pour obtenir du crédit.
A – L’exclusion des contrats immobiliers de la règlementation des contrats conclus hors établissement
La loi Macron de 2015 est revenue sur le champ d’application de la législation protectrice des contrats conclus hors établissement tel qu’il avait été défini par la loi Consommation de 2014 transposant la directive 2011/83 relative aux droits des consommateurs. Précisons que la notion de contrat hors établissement examinée présentement se substitue à celle de démarchage à domicile, même si elle se veut plus extensive. En 2014, le choix du législateur national avait été de soumettre à ces règles d’ordre public les contrats conclus hors établissement « ayant pour objet la construction, l’acquisition ou le transfert de biens immobiliers, ainsi que ceux relatifs à des droits portant sur des biens immobiliers ou à la location de biens à usage d’habitation principale »23, alors que ces mêmes contrats en étaient exclus lorsqu’ils étaient conclus à distance. Pourtant la directive 2011/83 n’imposait pas cette solution. Elle préconisait même d’exclure du dispositif protecteur consumériste les contrats immobiliers, comme les ventes de biens immobiliers à construire et les contrats de vente à crédit ; lesquelles relèvent déjà d’exigences spécifiques dans les législations nationales.
Au lendemain de la loi Consommation, la solution en droit français n’était donc pas satisfaisante pour la vente de biens immobiliers à usage d’habitation. D’une part, la distinction selon le mode opératoire – à distance ou hors établissement – par lequel le consommateur achète ou loue un logement et la différence de régime qui en résultait était difficile à justifier. D’autre part, soumettre les contrats portant sur des immeubles conclus hors établissement à la législation consumériste obligeait à combiner le droit de rétractation de quatorze jours du Code de la consommation – anciennement de sept jours – attribué au consommateur « démarché » et courant à compter de la conclusion du contrat24 (de plein droit pour un contrat de service et sur sa demande pour un contrat de vente), avec celui de sept jours de l’article L. 271-1 du Code de la construction et de l’habitation. On sait que ce droit de rétractation est accordé à l’acquéreur non professionnel « pour tout acte ayant pour objet la construction ou l’acquisition d’un immeuble à usage d’habitation, la souscription de parts donnant vocation à l’attribution en jouissance ou en propriété d’immeubles d’habitation ou la vente d’immeubles à construire ou de location-accession à la propriété immobilière ». Là, le délai de rétractation commence à courir le lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l’acte.
Pour mettre fin à ces difficultés et rétablir une cohérence, la loi Macron a abrogé l’article L. 121-16-1, II, du Code de la consommation. Désormais, sont exclus du champ d’application commun aux contrats conclus à distance et hors établissement « les contrats portant sur la création, l’acquisition ou le transfert de biens immobiliers ou de droits sur des biens immobiliers, la construction d’immeubles neufs, la transformation importante d’immeubles existants ou la location d’un logement à des fins résidentielles »25. Dans le même temps, elle a allongé le délai de rétractation du Code de la construction et de l’habitation en le faisant passer de sept à dix jours et a aligné sur la même durée le délai de réflexion lorsque le contrat est rédigé en la forme authentique et n’est pas précédé d’un avant-contrat. De fait, les contrats et avant-contrats ayant pour objet l’acquisition ou la construction d’un bien immobilier à usage d’habitation ont « basculé » entièrement dans le Code de la construction et de l’habitation. Peu importe que le contexte dans lequel les consommateurs les ont conclus renvoie à la notion consumériste de contrat hors établissement. On songe à des contrats signés à domicile à la suite d’une prospection par un professionnel de l’immobilier, au cours d’une excursion à but commercial, voire dans un local commercial immédiatement après que le consommateur a été abordé dans la rue ou sollicité pendant la visite d’un logement témoin. La Cour de cassation26 vient de rappeler que l’article L. 271-1 du Code de la construction et de l’habitation ne concerne que les actes ayant pour objet la construction ou l’acquisition d’un immeuble à usage d’habitation et non pas la promesse portant sur la vente d’un terrain à bâtir. Est alors sans influence le fait que le terrain objet de la promesse de vente soit, par la suite, destiné à la construction d’un logement.
À la lecture du nouvel article L. 121-16-1, I, 12° du Code de la consommation, on notera aussi que le particulier qui conclut un bail d’habitation à distance ou hors établissement ne relève plus de la protection consumériste et qu’il n’y a plus à la combiner avec la loi du 6 juillet 1989. Seule cette dernière s’applique, par application du principe selon laquelle les règles spéciales dérogent aux règles générales27.
B – L’encadrement du crédit immobilier et la protection du logement du consommateur utilisé à des fins de garantie
Dans un premier temps la loi Consommation a abrogé, pour les contrats conclus à compter du 1er juillet 2014, les articles L. 313-14 et suivants du Code de la consommation relatifs à l’hypothèque rechargeable consentie par un consommateur en garantie d’un crédit à la consommation ou d’un crédit immobilier. On se souvient que cette sûreté réelle d’un nouveau genre a été instaurée par l’ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006. Définie initialement par l’article 2422 du Code civil comme l’hypothèque qui « peut être ultérieurement affectée à la garantie de créances autres que celles mentionnées par l’acte constitutif pourvu que celui-ci le prévoie expressément », elle devait relancer la consommation en permettant à des consommateurs de « recharger », à moindre coût auprès de leur prêteur initial ou d’un autre créancier, l’hypothèque constituée sur leur immeuble d’habitation pour la partie du crédit déjà remboursée. Cela afin d’obtenir un nouveau crédit pour financer, par exemple, l’achat d’un bien d’équipement. Huit ans après, sensibilisé aux dangers de cette sûreté et à sa propension à aggraver le mal-endettement ou le surendettement, le législateur l’a supprimée au printemps 2014. Puis il l’a « ressuscitée » par la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises mais uniquement pour les constituants professionnels28. En effet, le nouvel article 2422 du Code civil vise l’hypothèque constituée à des fins professionnelles et ultérieurement affectée à la garantie de créances professionnelles.
Dans un deuxième temps, et dans un mouvement inverse dirons-nous, le législateur a voulu faciliter le prêt viager hypothécaire, lui aussi créé par l’ordonnance du 23 mars 2006 et réglementé par les articles L. 314-1 et suivants du Code de la consommation29. On sait que ce prêt, parfois dénommé « hypothèque inversée », est particulièrement destiné aux consommateurs âgés, propriétaires de leur logement, et disposant de modestes ressources30. L’idée est de leur permettre d’affecter en garantie leur habitation pour obtenir des fonds nécessaires au financement des besoins non professionnels, comme rénover le logement ou l’adapter à la suite de la survenue d’un handicap ou du grand-âge, payer des dépenses médicales ou de d’accompagnement à domicile etc. La particularité de ce prêt est de ne pas comporter d’échéances régulières comme dans un crédit classique amortissable, mais de reporter le remboursement à l’aliénation de l’immeuble ou au décès de l’emprunteur avec un plafonnement du montant remboursable à la valeur de l’immeuble à l’échéance du terme.
Pour relancer le prêt viager hypothécaire qui n’a pas eu le succès escompté31, la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte insère dans le Code de la consommation un nouvel article L. 315-2 créant le « prêt avance mutation » garanti par une hypothèque dont le remboursement ne peut être exigé qu’à la mutation du bien. Le texte indique cependant que « le remboursement des intérêts peut faire l’objet d’un remboursement progressif, selon une périodicité convenue ». Dorénavant, les consommateurs peuvent conclure un prêt viager hypothécaire comportant un remboursement périodique des intérêts selon un échéancier. L’avenir nous dira si cette innovation a contribué à financer des travaux immobiliers permettant de réaliser des économiques d’énergie. Il nous dira également si elle a permis de redonner un souffle à ce crédit immobilier particulier en faisant tomber l’obstacle psychologique lié à ce que les emprunteurs reportent les conséquences de leur endettement sur leur descendance. Ici, avec la variante du « prêt avance mutation », ils remboursent de leur vivant. La spécificité du prêt viager hypothécaire est telle que le nouvel article L. 313-2 10° du Code de la consommation résultant de l’ordonnance n° 2016-351 du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d’habitation l’exclut expressément de son champ d’application.
Dans un troisième temps en effet, signalons que la législation sur le crédit immobilier vient d’être modifiée par l’ordonnance précitée transposant la directive 2014/117 du 4 février 2014 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel32. Excepté certains textes, le dispositif entrera en vigueur au 1er juillet prochain et s’appliquera aux contrats de crédit dont l’offre a été émise après cette date. L’objet de cette étude n’étant pas la réforme du crédit immobilier au consommateur, nous nous contenterons d’indiquer que, dans la lignée de la loi Lagarde de 2010 sur le crédit à la consommation, l’ordonnance de 2016 responsabilise l’octroi du crédit immobilier en renforçant l’information précontractuelle – et personnalisée – de l’emprunteur et en instaurant de nouvelles obligations à la charge des prêteurs et intermédiaires de crédit. Leur sont imposés un devoir « d’explications adéquates » permettant à l’emprunteur de déterminer si le crédit est adapté à sa situation, un devoir de mise en garde sur les risques liés au crédit en raison de sa situation financière ainsi qu’une obligation de vérifier la solvabilité de l’emprunteur et d’évaluer le bien immobilier financé à crédit. Puisque l’article L. 313-16 nouveau du Code de la consommation dispose que « le crédit n’est accordé à l’emprunteur que si le prêteur a pu vérifier que les obligations découlant du contrat de crédit seront vraisemblablement respectées », on doit en conclure que le prêteur sera tenu de refuser le prêt sollicité s’il a un doute ; sauf à risquer d’engager sa responsabilité.
On remarquera ici surtout que l’ordonnance de mars 2016 introduit une nouveauté majeure dans le Code de la consommation en soumettant à la législation protectrice du crédit immobilier les contrats de crédit accordés à un consommateur garantis par une hypothèque ou une autre sûreté comparable sur les biens immobiliers à usage d’habitation33. Les crédits hypothécaires visés sont « notamment » (dans le texte) ceux destinés à financer, pour les immeubles à usage d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation, les dépenses relatives à leur réparation, amélioration ou entretien. Corrélativement, l’article L. 312-4 nouveau du Code de la consommation inclut dans le champ du crédit à la consommation les crédits non garantis par une hypothèque dont le montant total est supérieur à 75 000 euros et destinés à financer ces mêmes dépenses sur ces mêmes immeubles. Deux choses sont à noter. Premièrement, le consommateur emprunteur relèvera désormais des textes relatifs au crédit immobilier pour les dépenses de travaux de son logement non plus en fonction de leur montant34 mais dès lors qu’elles sont financées par un crédit garanti par une sûreté réelle sur ce bien. Deuxièmement, il y sera également soumis même si les dépenses en cause n’ont pas une finalité immobilière puisque l’article L. 313-1 2° du Code de la consommation utilise l’adverbe « notamment ». C’est bien le signe que le législateur français comme européen protège non plus seulement l’acquisition à crédit du logement d’un consommateur mais son utilisation comme assiette d’une sûreté en garantie d’un financement.
Avant de clore ce bilan sur l’actualité de la législation relative au « consommateur de logement », notons que le nouvel article L. 313-1 3° du Code de la consommation inclut dans la sphère consumériste les crédits finançant l’acquisition et la construction d’immeubles à usage d’habitation ou mixte accordés à des personnes morales de droit privé (notamment selon le texte celles qui à titre habituel ou en vertu de leur objet social procurent des immeubles) et non destinés à financer une activité professionnelle. On peut suggérer que sont visées ici les sociétés civiles immobilières exclusivement familiales ; à l’inverse des sociétés civiles de placement immobilier et de gestion de patrimoine dont l’objet les fait basculer dans la catégorie des professionnels35. On peut y voir la consécration légale d’une variété de non-professionnel, lui-même défini par le nouveau Code de la consommation comme « toute personne morale qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole »36. L’analogie est ici forte, faute d’activité économique, avec la qualification prétorienne de non-professionnel d’un syndicat de copropriétaires37. C’est aussi le constat que la théorie de la personnalité morale s’amenuise parfois en droit de la consommation car derrière la personne morale se profile un « consommateur de logement »…
Notes de bas de pages
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1.
Bazin-Beust D. et Legrand V., « Droit de la consommation et droit des contrats : 20 ans après », LPA 15 avr. 2015, p. 4.
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2.
Mathey N., « Faut-il défendre le droit de la consommation », Contrats, conc. consom. 2016, repère 3 ; Raymond G., « Mission impossible ? », Contrats, conc. consom. 2015, repère 4 : « La relation consommateur-professionnel est trop spécifique pour se satisfaire d’un droit commun des contrats, intégré dans le Code civil ou dispatché entre plusieurs codes » ; Paisant G, Défense et illustration du droit de la consommation, 2015, LexisNexis, n° 168.
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3.
Article liminaire du Code de la consommation : « Toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ».
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4.
Sur ce point, voir la directive 2015/2302 du 25 novembre 2015 relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyages liés à transposer au plus tard le 1er janvier 2018 réformant la matière.
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5.
Mentionnent le terme de consommateur : CCH, art. L. 134-1 sur le diagnostic de performance énergétique ; C. tourisme, art. R. 211-26 relatif à la garantie financière des opérateurs de voyages et de séjours et art. R. 211-4 sur l’information précontractuelle due par ces mêmes opérateurs.
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6.
L. n° 89-462, 6 juill. 1989, art. 2.
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7.
CASF, art. L. 312-1, 6°.
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8.
Vial-Pedroletti B., « La loi ALUR et les baux d’habitation », Loyers et copr. 2014, étude 1.
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9.
D. n° 2015-587, 29 mai 2015.
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10.
Son contenu a été défini par un arrêté du 29 mai 2015.
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11.
D. n° 2015-342, 26 mars 2015.
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12.
À distinguer des contrats-types et conditions générales rédigés par les professionnels eux-mêmes ou leurs organisations comme le contrat-type de e-commerce commerçants – consommateurs de la CCI Paris Île-de-France.
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13.
C. cons., art. L. 313-26, applicable au 1er juillet 2016.
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14.
L’annexe à l’article R. 311-6 du Code de la consommation répertoriait six modèles types.
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15.
C. cons., art. L. 131-16 et s, qui va devenir l’article L. 221-1 et s au 1er juillet 2016.
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16.
La rémunération des personnes mandatées pour se livrer ou prêter leur concours à l’entremise ou à la négociation d’une mise en location d’un logement est à la charge exclusive du bailleur. Les honoraires pour effectuer la visite du preneur, constituer son dossier, rédiger un bail et l’état des lieux peuvent être partagés avec le preneur : L. n° 89-462, 6 juill. 1989, art. 5. La loi ALUR a aussi plafonné les honoraires de ces intermédiaires : v. D. n° 2014-890, 1er août 2014.
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17.
Cass. 1re civ., 17 déc. 2015, n° 14-25523.
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18.
L. n° 89-462, 6 juill. 1989, art. 15, III. Sont visés ceux disposant de ressources annuelles inférieures au plafond de ressources en vigueur pour l’attribution des logements locatifs conventionnés fixé par arrêté du ministre chargé du Logement.
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19.
Recommandation n° 85-03 concernant les contrats proposés par les établissements hébergeant des personnes âgées ; recommandation n° 08-02 relative aux contrats proposés par certains établissements hébergeant des personnes âgées et non habilités à recevoir des bénéficiaires de l’aide sociale.
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20.
C. consom., art. L. 212-1, à compter du 1er juillet 2016.
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21.
C. consom., art. L. 621-8, à compter du 1er juillet 2016.
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22.
CASF, art. L. 314-14.
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23.
C. consom., art. L. 121-16, 1, II.
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24.
C. consom., art. L. 121-21, 1°.
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25.
C. consom., art. L. 121-16-1, I, 12° et C. consom., art. L. 221-2, 12° au 1er juillet 2016.
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26.
Cass. 3e civ., 4 févr. 2016, n° 15-11140.
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27.
Repris par C. civ., art. 1105, al. 3 nouv.
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28.
Cerles A., « Rétablissement par la loi du 20 décembre 2014 », RD bancaire et fin. 2015, comm. 44.
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29.
C. consom., art. L. 315-1, au 1er juillet 2016
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30.
Rép min. : http://questions.assemblee-nationale.fr/q14/14-14944QE.htm. Provansal A., « Le prêt viager hypothécaire : le style Art nouveau », Gaz. Pal. 17 avr. 2007, n° 107, p. 10.
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31.
« Environ 7 000 prêts viagers hypothécaires ont été distribués depuis sa création en 2006, par le Crédit foncier de France, seul établissement à le proposer » : Rapp. Sénat n° 263 (2014-2015), 28 janv. 2015.
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32.
Eréséo N., « Le champ d’application de la directive européenne sur les crédits immobiliers aux consommateurs », Gaz. Pal. 25 août 2015, n° 233c0, p. 3.
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33.
C. cons., art. L. 313-1, 2°.
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34.
Actuellement, les travaux immobiliers supérieurs à 75 000 € basculent dans le crédit immobilier et ceux en dessous relèvent du crédit à la consommation : C. cons., art. L. 312-2-1°.
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35.
CA Metz, 15 déc 2015 refusant d’appliquer l’article L. 137-2 du Code de la consommation à une société civile immobilière faute d’être une personne physique et CA Aix-en-Provence, 10 déc. 2015 considérant cette société comme un créancier professionnel au sens de l’article L. 341-2 du Code de la consommation car la créance de loyer cautionnée est née « de la réalisation de son objet social, s’agissant de l’exploitation par bail de son bien immobilier » : v. Contrats, conc. consom. 2016, comm. 76, note Bernheim-Desvaux S.
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36.
Article liminaire résultant de l’ordonnance du 14 mars 2016.
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37.
Cass. 1re civ., 23 juin 2011, n° 10-30645 ; Cass. 1re civ., 25 nov. 2015, n° 14-20760 jugeant qu’un syndicat de copropriétaires représenté par un syndic professionnel conserve la qualité de non-professionnel et lui appliquant l’article L. 136-1 du Code de la consommation.