Le tribunal administratif de Montreuil renoue avec les audiences de rentrée

Publié le 23/10/2017

Pour la première fois depuis plusieurs années, une audience solennelle de rentrée s’est tenue au tribunal administratif le 20 septembre dernier. Une manière pour la présidente Dominique Kimmerlin de dresser un bilan de l’année écoulée dans la juridiction administrative et d’ «  ouvrir son tribunal sur la cité  ». 

La dernière audience solennelle du tribunal administratif de Montreuil remontait à 2014. Pour cette rentrée, la présidente Dominique Kimmerlin a souhaité faire revivre cette tradition tombée en désuétude. Elle a justifié ce choix en tout début de discours. «  Cette audience solennelle donne l’occasion à la juridiction de présenter son activité et ainsi de rendre compte de son action à ses interlocuteurs privilégiés que sont les avocats, les administrations d’État et des collectivités locales, les experts et commissaires-enquêteurs mais aussi les juridictions judiciaires et financières. Elle permet également d’informer le grand public sur l’activité du tribunal grâce à la présence des médias  », a-t-elle ainsi déclaré, avant de rappeler la mission du tribunal administratif  : juger de contentieux concernant l’urbanisme, le droit au logement, les APL, le RSA, ainsi que des contentieux « très sensible en lien avec les libertés publiques ». Autant de « contentieux concernant la vie de nos concitoyens », a insisté la présidente, pour qui « la juridiction administrative n’est plus cette grande inconnue et rencontre un écho de plus en plus important dans la vie de la cité ».

Dans une salle comble, sur les bancs de laquelle se pressaient les présidents du tribunal de grande instance et du tribunal de commerce de Bobigny, la présidente de la cour d’appel de Paris, la bâtonnière de la Seine-Saint-Denis, le doyen de l’université Paris 13 ainsi que des représentants de presque toutes les institutions départementales, Dominique Kimmerlin a d’abord procédé à un rapide rappel historique. Cela fera bientôt 10 ans que le tribunal administratif a été implanté à Montreuil, afin de rapprocher les citoyens de la justice alors qu’ auparavant, les requêtes administratives étaient jugées à Cergy-Pontoise. Depuis sa création, le tribunal traite en moyenne 10 000 requêtes par an et compte 42 magistrats, 35 agents de greffe, 4 assistants de contentieux, 6 assistants de justice répartis en 10 chambres. Il couvre le département de la Seine-Saint-Denis, l’intégralité de l’emprise de l’aérodrome de Paris-Charles-de-Gaulle et, depuis le 1er janvier 2017, le centre de rétention administrative n° 3 du Mesnil Amelot.

Ce transfert à Montreuil des recours présentés par les étrangers retenus au Mesnil-Amelot a provoqué un regain d’activité. Avec 10 163 affaires jugées au cours des 12 derniers mois, celle-ci est revenue à son étiage habituel, après 2 années de baisse en 2015 et 2016. «  Ce tribunal monodépartemental enregistre ainsi autant d’affaires que ceux couvrant plusieurs départements  », a rappelé Dominique Kimmerlin. Le délai moyen constaté est de 1 an et 11 jours, soit 9 mois de moins que la moyenne nationale.

Représentant 3 100 dossiers par an et 35 % des affaires traitées, le contentieux des étrangers est largement en tête dans la juridiction. Des chiffres qui reflètent l’importance de la population étrangère en Seine-Saint-Denis et s’expliquent par la présence de l’aéroport de Paris-Charles de Gaulle et du centre de rétention du Mesnil-Amelot dans le département. « Parmi ces affaires, 14 % des affaires concernent un étranger retenu ou assigné à résidence dont l’affaire est jugée selon une procédure de 72 heures », a détaillé la présidente. « Cette activité met en évidence le lien très direct entre l’activité du tribunal et la mise en œuvre des politiques publiques par son principal pourvoyeur de dossiers, la préfecture de la Seine-Saint-Denis », a-t-elle souligné.

Avec 23 % des affaires traitées ; le contentieux social, comprenant majoritairement les requêtes liées au DALO, au RSA et celles introduites par les travailleurs privés d’emploi, occupe la deuxième place. Le contentieux fiscal, représentant 15 % de l’activité, occupe lui, la troisième place. Ce dernier, « d’une grande technicité », selon la présidente, s’explique par l’implantation dans le ressort territorial de toutes les directions nationales de contrôle fiscal : la direction des grandes entreprises et la direction des vérifications nationales et internationales sont en effet implantée à Pantin  ; la direction des résidents à l’étranger et celle des services généraux sont, elles, à Noisy-le-Grand.

Une fois fini le traditionnel égrenage des chiffres de l’année, Dominique Kimmerlin a tenu à saluer le travail du personnel du tribunal, « des femmes et des hommes qui portent haut les valeurs du service public », a-t-elle affirmé. L’année 2017, riche en réformes, a exigé de leur part des compétences nouvelles. Le décret « justice administrative de demain », adopté pour accélérer le traitement des dossiers et renforcer les conditions d’accès au juge, a ainsi entériné à Montreuil le contentieux des mesures d’éloignement, autrefois jugé à Melun. L’année 2017 a, d’autre part, vu la dématérialisation des procédures rendues obligatoires. Les parties doivent désormais utiliser l’application Télérecours dans la totalité de leurs échanges avec le tribunal. Un changement qui permet, selon la présidente de la juridiction administrative, davantage de «  fiabilité, de célérité et de sécurité  », mais qui a nécessité un effort de formation pour le personnel. Enfin, 2017 a vu la médiation se développer ; en partie grâce à la loi de modernisation de la justice, qui introduit l’action de groupe et donne un cadre à la médiation devant le juge administratif. « Ces nouveaux outils accompagnent un mouvement de fond », a estimé Dominique Kimmerlin, qui a affirmé son souhait de voir la médiation gagner encore davantage de terrain.

Pour illustrer aussi concrètement que possible l’activité du tribunal, Dominique Kimmerlin a cédé à la fin de l’audience la parole à deux magistrats, Emmanuelle Topin et Jean-François Gobeill, venus présenter un certain nombre de décisions rendues en 2017. Visant à souligner la diversité de l’activité de la juridiction, la sélection montrait que le tribunal avait été amené à intervenir sur des questions de laïcité, de permis de construire, de bioéthique ou encore de droit du travail. À l’issue de cette présentation, quelques avocats s’interrogeaient sur l’absence dans la sélection d’exemple concernant le droit des étrangers, contentieux dont la présidente avait pourtant largement souligné l’importance lors de la première partie de l’audience.

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