Paul-Louis Netter prend la tête du tribunal de commerce de Paris

Publié le 19/02/2019

Lors de la rentrée solennelle du tribunal de commerce de Paris, qui s’est déroulée le 22 janvier, Paul-Louis Netter a été installé dans les fonctions de président. Il termine le mandat de Jean Messinesi atteint par la limite d’âge.

En principe le président du tribunal de commerce de Paris est élu pour une durée de quatre années, mais la loi dite « J21 » a fixé une limite d’âge à 75 ans. Jean Messinesi, juge au tribunal de commerce de Paris depuis treize ans et président depuis trois ans, a donc, lors de la rentrée solennelle le 22 janvier dernier, passé le flambeau au vice-président du tribunal, Paul-Louis Netter, qui terminera son mandat.

Mettre fin à la gratuité de la justice commerciale ?

Pour sa dernière allocution en tant que président, Jean Messinesi a présenté le bilan d’activité 2018 de la juridiction. Globalement, tous les indicateurs d’activité sont à la baisse – 1,6 % de nouveaux dossiers au fond, – 26 % de dossiers de caisse, et moins de dossiers aussi en matière de difficultés des entreprises. Il y a lieu de noter toutefois un rebond des liquidations en fin d’année, sans doute lié au mouvement des « gilets jaunes » qui ont entraîné la fermeture des commerces le samedi dans de nombreux quartiers parisiens plusieurs week-end de suite, pénalisant les plus fragiles. Seuls contentieux en hausse, les référés (+ 5 %) et les requêtes (+ 18,7 %). Les conséquences se ressentent sur les délais : les décisions sont rendues en 50 jours ouvrés en matière de contentieux, 10 jours en référé et, en matière de difficultés d’entreprise, dans les 10 jours de la demande. Le taux d’appel reste faible, 13,8 %, et le taux d’infirmation plus encore : 3,7 %.

Toujours en quête d’améliorer la qualité de ses décisions, le tribunal de commerce de Paris entend les critiques des avocats sur la formation parfois insuffisante des juges consulaires en matière de procédure civile, il va faire un effort sur ce sujet de même qu’il s’est engagé à renforcer la cohérence de sa jurisprudence. Parmi les bonnes nouvelles, Jean Messinesi était heureux d’annoncer que les travaux du dôme allaient débuter (les toiles de Jobbé-Duval sont endommagées et cette partie de l’édifice sécurisée par un filet intérieur). Par ailleurs, le tribunal de commerce de Paris dans son entier est inscrit à l’inventaire des monuments historiques. Mais il manque toujours de place. Le déménagement du TGI de Paris aux Batignolles a libéré des locaux à l’intérieur du tribunal de commerce en particulier ceux affectés au bureau d’aide juridictionnelle. Mais Jean Messinesi regrette que cette place tant convoitée reste pour l’instant fermée au tribunal. Le président juge également nécessaire d’équiper sa chambre internationale des outils modernes de communication. Hélas, il n’a pas le budget pour ! La cour d’appel de Paris lui alloue chaque année des crédits de fonctionnement de l’ordre 12 000 euros qui ne permettent pas d’effectuer des investissements. C’est sans doute la raison pour laquelle Jean Messinesi, en tant qu’ancien banquier, s’indigne de certaines aberrations économiques. À commencer par l’attachement à la gratuité de la justice qu’il remet en cause depuis plusieurs années. À ses yeux en effet, il est inconcevable que les entreprises aient accès quasiment gratuitement à la justice commerciale ; aucun argument tiré des droits de l’Homme ne le justifie en l’espèce. Le résultat, explique-t-il, c’est qu’un procès dont le coût est évalué à 1 300 euros est facturé au justiciable… 74 euros.

Dépôt des comptes annuels : 40 % des entreprises s’abstiennent

Visiblement, ce combat-là sera aussi celui de son successeur. Paul-Louis Netter, dans son allocution de prise de fonctions, qui a suivi celle de Jean Messinesi, a cité le cas récent d’une grande entreprise française leader sur son marché, qui demandait la consignation de la somme de 100 millions d’euros. Son adversaire a sollicité la rétractation de l’ordonnance. Le coût total de la procédure pour les parties s’est élevé à… 57,62 euros. Il faut faire bouger les lignes, estime le nouveau président qui plaide en faveur de l’instauration d’un droit fixe dont le montant serait modulé selon, par exemple, que l’enjeu du litige est inférieur ou supérieur à 1 million d’euros. Parmi les ambitions du nouveau président figure également l’acquisition d’un équipement technique pour le tribunal à la hauteur de ses besoins ou encore la concentration au sein du tribunal de commerce de l’ensemble des contentieux économiques. Le procureur s’est félicité pour sa part du nombre record de créations d’entreprises en 2018 : 700 000, soit 100 000 de plus que l’an dernier. Mais les chiffres de la fin de l’année font redouter que le mouvement des « gilets jaunes » n’entraîne un rebond du nombre de liquidations d’entreprises. Le procureur, qui s’est exprimé en dernier, a souligné qu’il restait très vigilant sur la régularité des procédures en général et des sauvegardes en particulier.

Concernant les dépôts de comptes annuels, il a rappelé que 40 % des entreprises omettent de se livrer à cette formalité. Plusieurs outils sont à la disposition de la justice pour gérer les récalcitrants. L’article R. 247-3 du Code de commerce prévoit une amende. Le problème c’est que le plafond de 1 500 euros d’amende est jugé insuffsant. Il existe bien une procédure d’injonction, mais elle a été qualifiée de « trop formaliste » par le procureur. Reste l’article L. 611-2 du Code de commerce qui donne au président du tribunal le pouvoir d’enjoindre au dirigeant de déposer ses comptes, sous astreinte. Depuis un an, le président du tribunal de commerce et le parquet privilégient cette procédure et le procureur a annoncé qu’il avait l’intention de renforcer les échanges d’informations entre le tribunal et ses services pour accroître le recours à cette procédure.

Le mandat de Paul-Louis Netter s’achèvera à la fin de l’année. Une nouvelle élection aura lieu en octobre prochain pour élire le futur président dans le cadre du mandat classique de quatre ans. Paul-Louis Netter aura la possibilité de s’y présenter.

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