Le tribunal de commerce de Paris a le moral au beau fixe

Publié le 13/02/2018

Lors de la rentrée solennelle du tribunal de commerce qui s’est déroulée le 17 janvier dernier, son président Jean Messinesi, a évoqué des signes encourageants sur la santé des entreprises. Il s’est également félicité de la hausse du budget alloué au fonctionnement de sa juridiction et de la création prochaine d’une justice économique internationale.

La rentrée solennelle, c’est avant tout l’occasion de dresser un bilan d’activité chiffré de l’année écoulée. À ce titre, le président du tribunal de commerce de Paris, Jean Messinesi, a mis en garde lors de sa rentrée, le 17 janvier dernier, contre certains chiffres en trompe-l’œil. Si les nouveaux dossiers de contentieux au fond ont affiché une baisse de 22 % en effet en 2017, celle-ci s’explique par le transfert hors de Paris du siège social de plusieurs mutuelles qui a engendré une chute de 70 % des affaires de caisses de retraite ou de prévoyance.

Hors caisses, les dossiers contentieux de fond ont au contraire augmenté tandis que les jugements sont restés stables, ce qui aboutit à une hausse du stock. Des dossiers non seulement plus nombreux mais aussi plus compliqués dans lesquels les avocats réclament souvent de plaider, a souligné au passage le président. Autre augmentation en 2017, celle des ordonnances sur requêtes qui ont dépassé la barre des 5 000. En revanche, les autres chiffres du tribunal sont en baisse. Ainsi, les référés ont diminué de 7 %, de même que le nombre d’ordonnances rendues (4 200). Le recours aux injonctions de payer, qui avait connu un engouement exceptionnel ces trois dernières années, s’est légèrement tassé, mais le tribunal a tout de même émis plus de 14 500 ordonnances à ce titre. La bonne nouvelle se trouve du côté des procédures collectives. Si la baisse des demandes d’ouvertures de sauvegarde et de redressement judiciaire demeure marginale et qui plus est tempérée par une augmentation du nombre de salariés concernés (10 %), en revanche c’est une baisse franche qui touche les liquidations judiciaires : moins 7 %. « Ces développements semblent confirmer qu’en dépit d’accidents rencontrés par certains grands groupes, une amélioration de la situation des entreprises s’est amorcée en 2017. Une tendance que confirme aussi la baisse du nombre de demande de mandat ad hoc et de conciliation » a commenté Jean Messinesi. La prévention des difficultés est une activité à laquelle le tribunal attache beaucoup d’importance. À ce titre, l’an dernier plus de 45 juges ont conduit plus de 1 700 entretiens avec des dirigeants d’entreprises qui semblaient connaître des difficultés. « Il y a également un aspect des procédures collectives auquel nous avons décidé de nous attacher, c’est le désarroi, parfois le désespoir des chefs d’entreprise qui voient de nombreuses années d’efforts anéanties, a confié Jean Messinesi qui entend avec l’aide des professions du chiffre et du droit, de psychologues et avec le soutien du parquet faciliter l’établissement de l’association APESA (Aide psychologique aux entrepreneurs en souffrance) auprès du tribunal de commerce de Paris. Créée par Marc Binié, greffier en chef au tribunal de commerce de Saintes, l’association tente d’apporter un traitement professionnel à ces situations de détresse. Le réseau APESA est aujourd’hui déployé auprès de 40 tribunaux de commerce.

Un budget en hausse

Une autre bonne nouvelle en cette rentrée, c’est que le tribunal se porte mieux sur le terrain des crédits de fonctionnement. D’abord, il a obtenu d’être abonné à des bases d’informations juridiques. Ensuite, le président avait dénoncé il y a deux ans le fait que le budget de son tribunal se montait à moins de 12 000 euros, et que les juges devaient acheter eux-mêmes les ampoules électriques à changer dans le tribunal. Son budget en 2017 est passé à 36 000 euros ce qui lui a permis de moderniser l’éclairage de la grande salle d’audience et du hall d’entrée, de changer les ampoules du 1er étage, de faire laver quelques voilages et même de fournir à tous les juges des codes à jour ! Autre source de satisfaction, l’installation d’un wifi extrêmement sécurisé au sein du tribunal, cette fois non pas grâce au budget alloué par la cour d’appel mais à la générosité d’un juge du tribunal. Le problème, c’est qu’il faut désormais en assurer la maintenance, de sorte que le président a profité de son discours pour faire appel à la générosité : « Peut-être le barreau ou des auxiliaires de justice, nous aideront à y faire face ». Il lui faudra également trouver les moyens de réparer le dôme du bâtiment qui abrite le tribunal : « Même si le filet de sécurité posé il y a plus de 10 ans et régulièrement contrôlé nous rassure, il n’en demeure pas moins que les peintures de Jobbé-Duval qui ornent la coupole se déchirent de plus en plus à la suite des infiltrations d’eau qui endommagent les toiles marouflées ». Enfin, toujours au chapitre des moyens, Jean Messinesi a insisté sur la nécessité pour son tribunal de récupérer les mètres carrés que le déménagement du TGI aux Batignolles devrait libérer. « Chaque semaine nous avons les plus grandes difficultés à tenir toutes les audiences programmées par manque de place, manque de salles d’audience et de cabinets de juges, a-t-il expliqué. Dans la perspective du développement des activités de notre chambre internationale, il faut que nous disposions d’une salle d’audience moderne et équipée de facilités permettant à des traducteurs de travailler. Nous espérons vivement que les fameux arbitrages que nous attendons depuis un an, nous donnerons rapidement accès aux bureaux qui abritent aujourd’hui des services administratifs de la Chancellerie ou des magistrats en attente d’affectation ».

Paris sur la carte mondiale des juridictions économiques

L’ultime bonne nouvelle c’est la création sur une idée du Haut comité juridique de la place financière de Paris d’une justice internationale en France susceptible de récupérer le contentieux financier londonien. Le Brexit va en effet avoir pour conséquence de priver les décisions de justice britanniques de la reconnaissance au sein de l’Union et les soumettre à la procédure de l’exequatur. Or on évalue à environ 10 000 par an le nombre de dossiers de finance internationale traités à Londres. La France s’est donc mise sur les rangs et a décidé de créer des chambres internationales pour attirer ce contentieux. Le tribunal de commerce a déjà la sienne, l’essentiel va consister à créer une justice d’appel. « Les récents efforts sous l’égide de la Chancellerie, déployés par la cour d’appel, par le barreau de Paris et aussi par ce tribunal, vont nous permettre, j’en suis sûr, de mettre Paris, selon les préconisations du président Guy Canivet, sur la carte mondiale des juridictions économiques internationales, s’est réjoui Jean Messinesi. Mais ne soyons pas timides et inquiets, sachons être fiers de nos institutions et de notre capacité à comprendre les entreprises internationales, et faisons-leur savoir tous les avantages qu’elles trouveront à venir plaider devant nous. J’espère que les services de l’État comprendront que notre droit et nos juridictions peuvent jouer un rôle aussi éminent dans l’attractivité de la France que certains de ses produits industriels ou son savoir-faire dans le luxe ».

Enfin, sur fond de réforme de la justice en général et de la carte judiciaire en particulier, le président a confié sa vision de la carte des tribunaux de commerce. À ses yeux, « Il est essentiel que les grands tribunaux de commerce établis dans de grands bassins d’activité économique soient reconnus et leurs compétences clairement identifiées. Cette compétence doit, pour ces tribunaux, être étendue à tous les acteurs de la vie économique ainsi qu’à tous ses domaines ». Il estime également nécessaire que ces tribunaux constituent « des pôles de rattachement pour les tribunaux de taille plus modeste qui, du fait d’une activité moins importante, ne peuvent guère faire bénéficier leurs juges des effets de la courbe d’expérience et qui sont souvent rapidement confrontés à des problèmes de conflits d’intérêt ».

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