Rentrée du tribunal de commerce de Créteil : une année studieuse attend les juges consulaires

Publié le 16/02/2017

Le 26 janvier dernier, le tribunal de commerce de Créteil faisait sa rentrée dans la salle des assises. Pendant cette audience solennelle, cinq nouveaux magistrats ont pris leurs fonctions. La procureure adjointe du TGI de Créteil, Françoise Chaponneaux, et la présidente du tribunal, Brigitte Gambier, ont décortiqué les résultats de l’exercice 2016. Elles ont également souligné les nouveaux défis qui attendent la juridiction pour 2017.

« C’est une audience très importante car nous accueillons aujourd’hui de nouveaux juges, qui ont été élus, c’est-à-dire choisis par leurs pairs », a déclaré Françoise Chaponneaux, procureure adjointe au tribunal de grande instance de Créteil devant les professionnels du droit de la juridiction du Val-de-Marne rassemblés, en ce jour de rentrée solennelle, dans la salle des assises. Cinq nouveaux juges, quatre hommes et une femme, prenaient leurs fonctions au tribunal de commerce de Créteil. Ils viennent remplacer le départ de magistrats ayant démissionné ou étant arrivé à la fin de leur mandat et portent l’effectif du tribunal de commerce de Créteil à 45 juges, pour un effectif théorique de 47.

La procureure adjointe a commencé par rappeler leur mission, avant de leur rendre un hommage appuyé, soulignant le caractère bénévole de leur engagement. Comme le veut la tradition, elle a ensuite détaillé l’activité du tribunal de commerce pendant l’année écoulée, chiffres à l’appui. L’année a été stable, avec une légère augmentation des procédures collectives, mais un taux de liquidations baissant de 5 % pour revenir à son niveau de 2014. « Ça se tient », a sobrement commenté la procureure adjointe. En guise de recommandations pour l’avenir, elle a rappelé que la priorité était d’agir plus tôt pour les entreprises en difficulté, « ne pas attendre qu’il n’y ait plus d’autre choix que la liquidation judiciaire », avant de laisser place au discours de Brigitte Gambier, présidente du tribunal de commerce.

À Créteil comme ailleurs, la justice consulaire est largement masculine. C’est pourtant une femme qui préside le tribunal de commerce de la juridiction du Val-de-Marne. Après avoir à son tour chaleureusement accueilli les nouveaux juges, rappelant qu’ils s’étaient « engagés à une journée complète de présence pour assurer leurs audiences, et à rédiger leurs décisions sur leur temps de loisir », Brigitte Gambier leur a rappelé les obligations nouvelles qui pèsent sur eux. Depuis l’entrée en vigueur de la loi de modernisation de la justice, le 18 novembre dernier, les juges consulaires ont en effet une obligation de formation. Une mesure qui devrait passer relativement inaperçue à Créteil où, d’après la présidente, tous les magistrats suivent des formations régulières depuis 2005. « Cette formation des nouveaux juges qui doit être théorique mais également pratique, leur permet, depuis leur prestation de serment, d’assister non seulement aux audiences mais également aux délibérés des chambres de contentieux afin de voir comment leur formation est mise en pratique et de les préparer à traiter les premiers dossiers simples qui leur seront attribués dès la fin du mois de février 2017 », a-t-elle précisé. L’année 2017 devrait néanmoins leur demander un effort supplémentaire. Les magistrats devront en effet assimiler les nombreuses évolutions législatives adoptées pendant l’année 2016, parmi lesquelles la réforme du droit des contrats et les nouvelles dispositions du Code de commerce. Selon Brigitte Gambier, « la difficulté n’est pas d’assimiler ces nouveaux textes, mais d’en faire une bonne utilisation dans le temps ».

Détaillant ensuite rapidement les chiffres de l’activité de l’année écoulée, Brigitte Gambier a souligné l’augmentation de 20 % des immatriculations au registre du commerce et des sociétés. « Si ces chiffres sont toujours dopés par l’obligation d’immatriculation des auto-entrepreneurs, l’augmentation est également sensible pour l’immatriculation des sociétés commerciales qui progresse de 15 % et des sociétés civiles et GIE qui progresse 18 % », a-t-elle précisé, voyant là une preuve de l’attractivité économique du département du Val-de-Marne.

Sur les 17 131 décisions rendues par la juridiction, seules 60 ont fait l’objet d’un appel. Un chiffre remarquablement bas, comme n’a pas manqué de le souligner la présidente. « Vous pouvez constater que le taux d’appel de nos décisions est extrêmement bas puisqu’il est de l’ordre de 3 pour 1000 », s’est-elle félicitée.

Brigitte Gambier a souligné la légère baisse de l’activité du tribunal de commerce de Créteil « de 9 % en contentieux et de 6 % en traitement des difficultés des entreprises ». Une évolution mise en parallèle avec l’engagement du barreau du Val-de-Marne pour développer la conciliation judiciaire assistée et faire en sorte que « les procédures contentieuses n’aient lieu qu’en dernier recours ». « Il semble que pour les affaires simples les parties aient plutôt tendance, soit à avoir recours aux injonctions de payer, soit à privilégier des solutions amiables et ne se résolvent à venir devant le tribunal pour une procédure contentieuse qu’en dernier recours, ce qui d’un point de vue économique est plutôt satisfaisant », a-t-elle précisé.

Comme la procureure adjointe avant elle, elle a déploré que les entreprises viennent trop tard, et a rappelé que si le nombre de procédures contentieuses avaient baissé, les liquidations judiciaires en représentaient encore 80 %. Le tribunal de commerce de Créteil a pourtant cherché à intensifier la prévention en 2016, en mettant l’accent sur la détection et l’information des entreprises en difficultés, et en proposant à celles « qui ont anticipé leurs difficultés ou ont réagi rapidement, de trouver des solutions en toute discrétion, d’en réduire de ce fait l’impact sur leurs activités ». Le nombre de mandats ad hoc a ainsi significativement progressé, passant de 8 en 2015 à 17 en 2016. Le nombre de procédures de conciliation est resté relativement stable, passant à 24 contre 23 en 2016.

Brigitte Gambier l’a concédé : à première vue, ce nombre de procédures préventives peut paraître faible. Leur impact économique est pourtant loin d’être négligeable. « Le chiffre d’affaires total des 41 entreprises concernées par l’ouverture des mandats ad hoc et des conciliations est de 497 millions d’euros pour 297 millions d’euros en 2015. Ces 41 entreprises emploient 3 248 salariés », a détaillé la présidente du tribunal, avant d’analyser ces données. « Ces chiffres démontrent que des entreprises importantes ont de plus en plus recours à ces procédures de négociation avec leurs créanciers, sous l’égide d’un professionnel et avec la garantie du contrôle du président du tribunal et du ministère public pour la conciliation, pour résoudre leurs difficultés, en toute discrétion, ce qui réduit l’impact sur leur activité », a-t-elle ainsi souligné.

La présidente s’est désolée que, bien que ces procédures soient désormais connues des conseils d’entreprises, les demandes d’ouverture de conciliations ou de mandats ad hoc soient encore trop tardives. De même, sur les 344 dirigeants d’entreprises convoqués « pour faire le point » au tribunal de commerce, seule la moitié s’est présentée au rendez-vous, a-t-elle regretté. Pour l’année qui s’ouvre, la priorité sera donc de faire venir plus tôt les entreprises en difficulté au tribunal.

Pour conclure, Brigitte Gambier a rappelés les défis pour l’année qui commence. L’application de la réforme des contrats, et des nouvelles dispositions des Livres 6 et 7 du Code de commerce « ouvrent la perspective de nouveaux contentieux », et imposent aux juges bénévoles un « important effort de formation », a-t-elle de nouveau rappelé lors des dernières minutes de l’audience. Les nouvelles lois posent également des problèmes de logistiques. En interdisant la fonction de magistrat consulaire passé l’âge de 75 ans, la loi de modernisation de la justice va priver le tribunal de Créteil d’une partie non négligeable de ses effectifs. « Nous allons perdre des juges expérimentés. En trois ans, la moitié des membres du tribunal devra être remplacée », a rappelé Brigitte Gambier avant de conclure : « Je garde espoir que dans le décret d’application, le législateur prenne conscience des difficultés d’application de cette loi ».

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