Lecture d'ici et d'ailleurs

Regard pluridisciplinaire sur la procréation assistée

Publié le 22/09/2020

M.-X. Catto et K. Martin-Chenut, Procréation assistée et filiation – AMP et GPA au prisme du droit, des sciences sociales et de la philosophie, mare & martin, 2019, 283 p.

À l’heure de la révision en France de la loi bioéthique, cet ouvrage collectif hisse un débat souvent passionné et clivé à la hauteur des exigences d’une recherche pluridisciplinaire (juristes, philosophes, anthropologues, sociologues, démographes et économistes) et largement internationalisée (belle place faite au droit comparé et à différents aspects de droit international, notamment privé).

Abordant pêle-mêle de très nombreuses questions soulevées par l’assistance médicale à la procréation (AMP) et la gestation pour autrui (GPA), ce travail, soutenu par la Mission de recherche droit et justice (GIP Justice), mérite d’être signalé de par la qualité et le sérieux de différentes contributions présentées (pour une présentation générale de l’ouvrage, voir l’avant-propos de K. Martin-Chenut et V. Sagant ainsi que l’introduction de M.-X. Catto).

Ces contributions sont de deux types. On trouve, d’une part, différentes études synthétiques et, d’autre part, la publication de deux débats qui se sont tenus à l’occasion d’un colloque de restitution de la recherche, organisé à Paris en juin 2018.

La tonalité générale de ce travail porte sur les différentes manières pour nos sociétés d’appréhender le désir d’enfant (on parle parfois de « droit à » l’enfant), chaque fois qu’il requiert une AMP ou une GPA. Cet objet d’étude est plus particulièrement (mais pas exclusivement) scruté à l’aune des questions difficiles d’établissement de la filiation de l’enfant ainsi procréé sous assistance.

Le point général d’accroche porte sur les pratiques en ce domaine dont nous savons qu’elles sont parfois éloignées des cadres institutionnels et légaux définis de manière plus ou moins explicite par les territoires, essentiellement étatiques. Cet état des lieux de la pratique permet alors d’ouvrir une réflexion approfondie sur la façon de faire évoluer ou non les approches existantes.

Voici les temps forts de la recherche, spécialement des différentes études proposées : panorama comparatif d’un échantillonnage de législations et jurisprudences sur la procréation médicalement assistée et la GPA (N. Nord) ; analyse critique des solutions existantes de traitement des situations privées internationales (D. Porcheron) ; décryptage des tensions à l’œuvre entre les modèles de traitement de la GPA à l’étranger et la mondialisation (M.-A. Hermitte) ; approche franco-québécoise des attentes juridiques souvent déçues des familles ayant recours à l’AMP (L. Brunet, M. Giroux, J. Courduriès, M. Gross) ; synthèse des trois rapports de recherche remis au GIP justice et librement accessibles en ligne sur le site internet de l’institution (M-X. Catto – http://www.gip-recherche-justice.fr/) ;  l’embarras de juges (français) face à la conciliation de l’intérêt de l’enfant et de l’ordre public (M. Gross, L. Brunet, M. Giroux) ; le profil démographique des personnes ayant recours à une AMP à l’étranger (V. Rozée) ; l’état du droit français en matière de filiation et d’adoption (S. Mollat) ; une discussion des arguments critiques sur la marchandisation du corps en matière de GPA (M. Jouan) ; le jeu des fictions du don et de la marchandise en ce domaine (E. Bertrand) ; une réflexion sur les enjeux en matière de filiation de l’ouverture au plus grand nombre de l’AMP (E. Supiot).

Sur tous ces sujets, les contributions et les débats qui leur sont associés offrent des éléments précieux de réponse sur la manière dont le droit s’approprie ou non les contours des phénomènes protéiformes et particulièrement complexes d’AMP et de GPA. Et ce qui frappe toujours est le niveau très ciselé des analyses. Loin des discours et des slogans, le droit se construit par singularité des pratiques sociales et ce n’est une petite entreprise que d’essayer de l’expliciter et, au besoin, de le critiquer.

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