Droit des produits de santé : actualités de l’année 2016 (1re partie)

Publié le 03/07/2017

Cette chronique annuelle du droit des produits de santé présentée par les chercheurs du Centre de droit privé et droit de la santé (EA 1581) de l’université de Paris Lumières (Paris VIII) souligne les points importants de l’année 2016 au plan national et européen en fonction des thèmes sélectionnés : définition du médicament, monopole pharmaceutique, brevets et marques de médicaments, vente en ligne de médicaments sur internet, contentieux concurrence, recherche biomédicale…

I – Définition du médicament

Distinction entre médicaments et compléments alimentaires : l’arrêté du 26 septembre 2016 sur les compléments alimentaires

Le décret n° 2006-352, du 20 mars 2006, relatif aux compléments alimentaires a donné lieu à la rédaction de plusieurs arrêtés, qui ont redessiné la frontière entre deux qualifications juridiques qui entrent fréquemment en concurrence : celle de médicament et de complément alimentaire1.

On se souviendra qu’un arrêté du 9 mai 20062 avait fixé les doses maximales de nutriments autorisés dans les compléments alimentaires. Pour la vitamine C, qui a beaucoup occupé les prétoires au cours des dernières décennies, l’arrêté a ainsi fixé la dose maximale autorisée dans les compléments alimentaires à 180 mg. Depuis l’entrée en vigueur de ce texte, les produits qui contenaient des dosages plus élevés en substances actives ont disparu de la vente libre afin de ne pas courir le risque d’une requalification en médicament par l’Administration ou le juge.

Plus récemment, un arrêté du 24 juin 20143 est venu dresser une liste positive des parties de plantes qui, bien que n’étant pas traditionnellement considérées comme alimentaires, peuvent entrer dans la composition d’un complément alimentaire (ex. : l’écorce de saule blanc). Le texte prévoit néanmoins une réserve d’importance en rappelant que la présence d’une telle plante dans le produit ne doit pas conduire à ce qu’il constitue un médicament par fonction, « notamment en exerçant une activité pharmacologique » (art. 11). On rappellera à cet égard que la définition du médicament posée à l’article L. 5111-1 du Code de la santé publique précise que si un produit répond aussi bien à la définition du complément alimentaire qu’à celle du médicament, seule cette dernière qualification juridique doit trouver à s’appliquer.

L’arrêté du 26 septembre 2016, entré en vigueur le 1er janvier 2017, établit une liste positive des substances chimiquement définies, à des fins nutritionnelles ou physiologiques, autorisées dans les compléments alimentaires4. À titre d’exemple, figurent dans ce texte des substances telles que la Créatinine ou la Carnitine qui, elles aussi, font débat quant à la nature juridique du produit dans la composition duquel elles entrent. À l’instar de l’arrêté de 2006 applicable aux nutriments, cet arrêté de 2016 clarifie le débat puisqu’il estime que jusqu’à un certain dosage, ces substances peuvent entrer dans la composition d’un complément alimentaire. Néanmoins, là encore, le texte précise que l’ajout de ces substances ne doit pas conduire à ce que le produit constitue un médicament par fonction, notamment « en exerçant une activité pharmacologique » (art. 5).

L’opérateur avide de sécurité juridique restera toutefois sur sa faim. En effet, l’alinéa suivant du même article 5 ajoute que « la quantité de substance à but nutritionnel ou physiologique présente dans la portion journalière maximale (…) ne doit pas atteindre la dose considérée comme pharmacologique ». On passe donc, dans le même article, de l’interdiction pour un produit d’avoir une « activité » pharmacologique, à l’interdiction d’avoir une « dose » pharmacologique, ce qui ne recouvre pas strictement la même notion et surtout ce qui s’articule mal avec la définition du médicament. Il eut été préférable de paraphraser cette dernière en prohibant toute substance conduisant à avoir un effet « significatif » sur les fonctions physiologiques, en exerçant notamment un mode d’action pharmacologique5.

On rappellera enfin que la plus grande prudence reste recommandée aux opérateurs, puisque la jurisprudence considère qu’un produit autorisé comme complément alimentaire peut néanmoins toujours faire l’objet d’une requalification en médicament, et ainsi exposer celui qui le fabrique ou distribue à une sanction pénale6.

Jean-François LAIGNEAU

II – Monopole pharmaceutique, exercice illégal de la pharmacie : Cass. crim., 16 févr. 2016, n° 14-88052

Un contentieux important relatif à la définition du médicament et au monopole pharmaceutique concerne les produits à base de vitamines et de minéraux qui sont considérés comme des compléments alimentaires sous réserve qu’ils ne répondent pas à la définition du médicament par présentation ou par fonction. Les dirigeants d’une société ont été mis en cause par l’Ordre des pharmaciens pour exercice illégal de la pharmacie visé à l’article L. 4223-1 du Code de la santé publique. Il leur était notamment reproché d’avoir commercialisé des gélules à base de bourdaine et de racine de guimauve, des patchs sommeil à base de millepertuis ainsi que diverses substances (ginseng gelée royale et guarana, complexe vision, gingko, etc.) qui répondaient, selon l’ordre professionnel, à la qualification de médicaments par présentation ou par fonction. On rappellera que le bien-fondé d’une demande tendant à l’interdiction de commercialisation ou des poursuites introduites sur le chef de prévention d’exercice illégal de la pharmacie dépend directement de la qualification juridique des produits litigieux. Par un arrêt du 28 octobre 2014, ils ont été condamnés par la cour d’appel d’Aix en Provence pour exercice illégal de la pharmacie, infraction à la réglementation sur la publicité des médicaments et tentative de tromperie. La Cour de cassation7 (Cass. crim., 16 févr. 2016, n° 14-88052)8 rejette le pourvoi formé par une société et son dirigeant et confirme la décision de la cour d’appel en retenant notamment que les prévenus vendaient « des produits présentés comme étant des compléments alimentaires, alors que rien n’indiquait aux acheteurs, notamment, sur les étiquetages des produits cédés, qu’ils faisaient l’acquisition de médicaments pour un usage hors d’un cadre médical ou du circuit pharmaceutique (…) ».

Hélène Gaumont-Prat

III – Autorisation de mise sur le marché AMM et RTU (CE, 29 juin 2016, n° 387890, LEEM, Sté Roche et Novartis Europharm Ltd)

Les recommandations temporaires d’utilisation (RTU) des médicaments sont un instrument juridique introduit par la loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011. La RTU vise à sécuriser la prescription d’un médicament non conforme à son AMM par un médecin qui, pour répondre aux besoins spéciaux de son patient, en se fondant sur les considérations thérapeutiques qui lui sont propres, lui prescrit ce médicament selon la forme galénique et la posologie qu’il estime appropriées, en l’absence d’une spécialité ayant le même principe actif, la même forme pharmaceutique et le même dosage, disposant d’une AMM ou d’une ATU dans l’indication ou les conditions d’utilisation considérée et selon l’article R. 5121-78-1.

On rappellera que la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013 avait modifié la rédaction de l’article L. 5121-12-1 du CSP pour officialiser, à titre dérogatoire, l’élaboration par l’ANSM d’une RTU en présence d’une alternative médicamenteuse appropriée, dans le but soit de remédier à un risque avéré pour la santé publique, soit d’éviter des dépenses ayant un impact significatif sur les finances de l’assurance maladie (RTU dites économiques).

Toutefois, le droit de l’Union européenne n’ayant pas prévu cette dernière hypothèse, l’article L. 5121-12-1 du CSP a fait l’objet d’une réécriture issue de la loi n° 2014-892 du 8 août 2014 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 20149 pour élargir le champ d’application des RTU, sans pour autant les fonder explicitement sur des considérations économiques : « Une spécialité pharmaceutique peut faire l’objet d’une prescription non conforme à son autorisation de mise sur le marché en l’absence de spécialité de même principe actif, de même dosage et de même forme pharmaceutique disposant d’une autorisation de mise sur le marché ou d’une autorisation temporaire d’utilisation dans l’indication ou les conditions d’utilisation considérées, sous réserve qu’une recommandation temporaire d’utilisation établie par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé sécurise l’utilisation de cette spécialité dans cette indication ou ces conditions d’utilisation et que le prescripteur juge indispensable le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l’état clinique de son patient »10.

Le décret n° 2014-1703 du 30 décembre 2014 modifiant les règles relatives à l’élaboration de recommandations temporaires d’utilisation établies en application du I de l’article L. 5121-12-1 du Code de la santé publique11 est venu compléter le texte. Le syndicat (LEEM) et deux laboratoires pharmaceutiques (Roche et Novartis) ont demandé l’annulation dudit décret au Conseil d’État. Les Laboratoires Roche et Novartis étaient directement impliqués dans l’édiction d’une RTU « économique », qui concernait le médicament Avastin (du laboratoire Roche), médicament anticancéreux dont l’ANSM a recommandé le 24 juin 2015, l’utilisation dans le traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), afin de concurrencer les prescriptions onéreuses du médicament Lucentis (produit par le Laboratoire Novartis), et dont le coût est très lourd pour l’assurance-maladie puisque des centaines de milliers de personnes sont concernées par cette maladie. On rappellera que l’Avastin n’a pas reçu d’autorisation pour être utilisé dans cette forme de cécité. Des essais menés aux États-Unis, Grande Bretagne et France avaient conclu à la similarité des deux produits ce qui a conduit les pouvoirs publics à envisager la délivrance d’une RTU en l’absence d’une AMM demandée par les laboratoires Roche.

Le Conseil d’État dans un arrêt CE, 29 juin 2016, n° 387890, LEEM, Sté Roche et Novartis Europharm Ltd12, a rejeté leur requête.

Leur argumentation était fondée sur deux moyens, l’un lié à la conformité du dispositif des RTU avec la législation pharmaceutique de l’Union européenne, les seconds sur le respect des droits fondamentaux de l’Union ainsi que des principes et des libertés garantis par la Constitution. Le renvoi d’une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne a été écarté, le Conseil d’État s’estimant suffisamment instruit par la jurisprudence de la Cour pour juger de la conformité du dispositif français avec le droit dérivé de l’Union.

S’agissant du premier moyen, le Conseil d’État a jugé que l’élaboration d’une RTU ne vise que des cas où il n’existe aucune spécialité de même principe actif, de même dosage et de même forme pharmaceutique disposant d’une AMM dans l’indication considérée et sous réserve de la condition expresse que le prescripteur ait jugé indispensable le recours à cette spécialité pour répondre au besoin thérapeutique de son patient.

Le Conseil d’État a écarté l’argumentation selon laquelle l’élaboration d’une recommandation temporaire d’utilisation pourrait être motivée par des considérations économiques, formellement proscrites par le droit de l’Union en soulignant qu’« Il résulte des termes mêmes du premier alinéa du I de l’article L. 5121-12-1 du Code de la santé publique qu’elle répond à un objectif de sécurité accrue des prescriptions et que le médecin, pour prescrire à son patient dans l’indication ou dans les conditions d’utilisation considérées une spécialité faisant l’objet d’une recommandation temporaire d’utilisation, doit se fonder sur les seules considérations thérapeutiques propres à ce patient ».

Le Conseil d’État écarte également le second moyen fondé sur une atteinte au respect des droits fondamentaux de l’Union ainsi que des principes et des libertés garantis par la Constitution, et rejette les requêtes du syndicat (LEEM) et deux laboratoires pharmaceutiques (Roche et Novartis).

Hélène Gaumont-Prat

IV – Propriété industrielle et produits de santé

A – Validité (CA Paris, 12 janv. 2016, n° 13/13050, Clinipro c/ The General Hospital Corporation)

Le brevet européen n° EP 1490 005 revendiquait un dispositif destiné à réduire par refroidissement les excès de cellules graisseuses de la peau. L’homme du métier était, en l’espèce, une équipe composée d’un spécialiste de la biologie de la peau et d’un spécialiste dans le domaine cryogénique (de la cryolipolyse, s’agissant de la destruction des graisses par le froid).

Suite à une action en contrefaçon, les défendeurs ont soulevé la nullité dudit brevet pour insuffisance de description. La cour d’appel de Paris annule les revendications 1,2,3,4,5,9 et 13 de la partie française du brevet car la description donne des informations insuffisantes sur des paramètres essentiels à la mise en œuvre de l’invention, à savoir notamment quelle température appliquer, pendant quelle durée, avec quelle pression, sur quelle surface de peau, éléments jugés trop larges et imprécis et déboute les titulaires du brevet de leur action en contrefaçon revendications 1,2,3,4,5,9 et 13 du brevet européen n° EP 1490 005.

B – Accès aux médicaments des pays du Sud (Règlement 2016/793 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 visant à éviter le détournement vers des pays de l’Union européenne de certains médicaments essentiels)

L’accès aux médicaments sûrs à des prix abordables a été considéré comme essentiel par l’OMS pour amener chacun au niveau de santé le plus élevé possible. Ses États membres ont réaffirmé leur engagement en faveur de ces principes en mai 2008, et ils ont adopté une résolution intitulée : « Stratégie et plan d’action mondiaux pour la santé publique, l’innovation et la propriété intellectuelle (WHA61.21) ». La politique commerciale de l’UE est reconnue comme ayant un impact direct sur l’accès aux médicaments dans les pays en voie de développement.

Un premier règlement n° 953/2003 du Conseil du 26 mai 2003 visant à éviter le détournement vers les pays de l’UE de certains médicaments essentiels, avait prévu que les entreprises peuvent enregistrer les médicaments dits essentiels contre le paludisme, le sida, la tuberculose qu’ils exportent à un prix peu onéreux dans 78 pays en développement figurant sur une liste. Un logo permanent était placé sur le produit afin d’empêcher sa revente dans les autres pays. Le but est de créer des conditions encourageant les producteurs à pratiquer des rabais importants en faveur de pays pauvres sans compromettre leur prix de vente sur les marchés des pays développés. Ce Règlement a été modifié à plusieurs reprises.

En plus des accords de libre-échange, des instruments juridiques internes ont abordé d’autres questions relatives à l’accès aux médicaments : le règlement (CE) n° 816/2006 du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2006 concerne l’octroi de licences obligatoires pour des brevets visant la fabrication de produits pharmaceutiques destinés à l’exportation vers des pays connaissant des problèmes de santé publique.

L’adoption récente du nouveau Règlement 2016/79313 (supra) vise à améliorer la procédure et éviter le détournement vers des pays de l’Union européenne de certains médicaments essentiels. Diverses modalités sont prévues : adoption pour ces médicaments d’une présentation différente assortie d’un logo, réexamen de la liste des maladies concernées, fixation d’un prix soit ne dépassant pas 25 % du prix départ-usine moyen qu’un fabricant facture sur les marchés de l’OCDE, soit au prix de production majoré de 15 % maximum.

C – CCP

Le contentieux du CCP toujours nourri permet d’affiner le périmètre du règlement 1768/92 sur le certificat complémentaire de protection, règlement abrogé par le règlement 469/2009. Saisie d’un recours contre la décision négative du directeur de l’INPI d’accorder un CCP, la cour d’appel (Paris, 12 avril 2016) rejette le recours du gouvernement des États-Unis en spécifiant qu’il résulte des articles 4 et 5 du règlement que la protection et les droits conférés par le CCP sont délimités par le brevet de base et que l’AMM sert à déterminer le produit objet de la protection ; qu’il est donc indifférent, au regard du bien-fondé de la décision de rejet de la demande de CCP n° 08C0003, que cette demande soit basée sur une AMM obtenue spécialement pour le médicament Cervarix, lequel est, même s’il vise à traiter les mêmes pathologies, un médicament différent du Gardasil, objet d’une AMM distincte, dès lors que la protéine L1 de HPV 16 entrant dans la composition des deux médicaments est la même.

C’est à l’occasion d’un contentieux touchant à la validité d’un CCP et d’un recours contre l’INPI, qu’est rendue cette décision de la Cour de cassation (Cass. 1re civ., 3 nov. 2016, n° 15-24189)14. Pour rappel, invoquant le préjudice subi du fait de l’action en contrefaçon et concurrence déloyale engagée contre elles par la société Daiichi Sankyo titulaire du CCP déchu et dont la décision fut annulée par la suite, et soutenant que ce préjudice résultait de la faute qu’aurait commise le directeur de l’Institut national de la propriété industrielle (l’INPI) à l’occasion de l’exercice de ses attributions relatives à la délivrance, au rejet ou au maintien des titres de propriété industrielle, les sociétés Mylan et Qualimed ont mis en cause la responsabilité de l’INPI et agi en réparation devant la cour d’appel de Paris ; l’INPI a soulevé une exception d’incompétence au profit de la juridiction administrative et, subsidiairement, contesté la compétence de la cour d’appel pour connaître du litige en premier et dernier ressort ; la Cour de cassation rejette le pourvoi et se fondant sur la dérogation prévue à l’article L. 411-4, alinéa 2 du Code de la propriété intellectuelle.

Selon la Cour de cassation, après avoir énoncé que c’est dans la continuité d’une tradition qui soumet au juge civil la matière des brevets que les dispositions de l’article L. 411-4 du Code de la propriété intellectuelle, qui sont dérogatoires au principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires, opèrent un transfert de compétence au bénéfice de la juridiction judiciaire pour statuer sur les recours en annulation formés contre les décisions prises par le directeur de l’INPI dans l’exercice de ses pouvoirs en matière de délivrance, de rejet ou de maintien des titres de propriété industrielle, l’arrêt retient que le Tribunal des conflits a étendu la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire pour statuer sur les recours contre les décisions du directeur de l’INPI en cette matière aux actions relatives aux conséquences dommageables des fautes qu’il aurait pu commettre à l’occasion de l’exercice de ses attributions ; qu’en l’état de ces énonciations, dont elle a déduit que, sauf à instituer une rupture d’égalité entre les justiciables et à contrevenir à la logique d’un bloc homogène de compétence judiciaire pour l’ensemble des contestations liées aux décisions prévues par l’article L. 411-4 du Code de la propriété intellectuelle, il n’y a pas lieu de distinguer selon que l’action en responsabilité est engagée par l’auteur du recours en annulation, accessoirement à ce recours, ou par un tiers, indépendamment de toute contestation de la décision faisant grief, la cour d’appel a, à bon droit, retenu la compétence de l’ordre judiciaire.

Elle souligne en outre que l’arrêt énonce exactement que l’article L. 411-4 du Code de la propriété intellectuelle, qui confère à la cour d’appel une compétence en premier et dernier ressort, déroge expressément au principe du double degré de juridiction, lequel n’est ni consacré à titre de principe général du droit ayant valeur constitutionnelle ni exigé par le droit à un procès équitable garanti par l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales

D – Déchéance d’une marque pharmaceutique (Cass. com., 6 sept 2016, n° 14-22005)

Les conditions de déchéance d’une marque pharmaceutique sont rappelées à l’occasion d’une décision de la Cour de cassation (Cass. com., 6 sept 2016, n° 14-22005), qui censure l’arrêt de la cour d’appel de Paris pour insuffisance de motivation et dénaturation des documents de la cause. En l’espèce, en réplique à une action en contrefaçon introduite par la société titulaire d’une marque française OLYMPE’SPORTS désignant des produits pharmaceutiques, les défendeurs ont soulevé à titre reconventionnel la déchéance de la marque pour défaut d’usage sérieux « pendant une période ininterrompue de cinq ans » sur le fondement de l’article L. 714-5 du CPI.

On rappellera le double objectif poursuivi par ce texte : éviter la prolifération dans les registres de marques enregistrées inexploitées (marques de barrage, de réserve, de défense mais aussi de garantir la fonction d’identification qui s’attache à la marque et dès lors l’usage sérieux est envisagé à la fois comme le fondement et la limite de la protection accordée à la marque.

L’arrêt d’appel avait retenu que la marque avait été utilisée à titre de nom commercial sur les offres publicitaires et les bons de commandes. Toutefois, la Cour de cassation relève que la cour d’appel n’a pas procédé à une analyse des usages du signe sur les pages du signe internet et de leur contenu ni ne s’est expliqué sur le fait que les bons de commande portaient le signe OLYMPE’SPORTS. En outre, elle a par erreur mentionné la date de publication de dépôt et non la date de l’enregistrement de la marque.

E – Importations parallèles et droit des marques (CJUE, 10 nov. 2016, n° C-297/15, Ferring Laegemidler A/S c/ Orifarm A/S)

Une demande de décision préjudicielle a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Ferring Lægemidler A/S, agissant pour Ferring BV à Orifarm A/S au sujet de l’opposition de Ferring à la commercialisation au Danemark de l’un de ses médicaments, tel que reconditionné par Orifarm, dans le contexte d’importations parallèles provenant de la Norvège réalisées par cette société. Cette demande de décision préjudicielle portait sur l’interprétation de l’article 7, paragraphe 2, de la directive n° 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 2008, L 299, p. 25).

En l’espèce, un importateur parallèle avait acheté un médicament marqué comprenant dix doses sur le marché norvégien, l’avait reconditionné dans un emballage ne comprenant qu’une seule dose, pour le commercialiser au Danemark. Le titulaire de la marque s’est opposé à ce reconditionnement en considérant qu’il n’était pas nécessaire et que l’importateur visait seulement un avantage commercial.

L’article 7 de la directive n° 2008/95 prévoit l’épuisement du droit sur la marque apposée sur des produits qui ont été mis dans le commerce sur le territoire de l’Union européenne, étendu à l’Espace économique européen (EEE), avec le consentement de son titulaire, sauf modification ou altération postérieure de l’état des produits.

Selon la Cour, l’article 7, paragraphe 2 susvisé, doit être interprété en ce sens que le titulaire d’une marque peut s’opposer à la poursuite de la commercialisation d’un médicament par un importateur parallèle lorsque ce dernier a procédé au reconditionnement de ce médicament dans un nouvel emballage et y a réapposé la marque, dès lors que, d’une part, le médicament en cause peut être commercialisé dans l’État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992, d’importation dans le même conditionnement que celui dans lequel ce produit est commercialisé dans l’État partie à l’accord sur l’Espace économique européen d’exportation et, d’autre part, l’importateur n’a pas démontré que le produit importé ne peut être commercialisé que sur une partie limitée du marché de l’État d’importation, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

Hélène Gaumont-Prat

V – Commerce électronique de médicaments (arrêtés du 28 novembre 2016)

Depuis son autorisation fin 2012, la vente en ligne de médicaments est un sujet très débattu15, l’ordre national des pharmaciens réagissant en évoquant un danger pour la santé publique16) et l’Académie nationale de pharmacie formulant des recommandations destinées à sécuriser ce nouveau mode de vente17.

A – La jurisprudence est illustrative des problèmes soulevés (CA Paris, 25 mars 2016, n° 14-17730)

En l’espèce, une société commerciale (la Société Enova), dont le président n’est pas pharmacien, offre à la vente au moyen d’un site internet dénommé www.1001pharmacies.com, des produits de santé pouvant être livrés au domicile des clients ou auprès d’une officine partenaire.

Considérant que cette société se livrait au commerce électronique de médicaments, y compris ceux soumis à prescription médicale, le Conseil national de l’ordre des pharmaciens (CNOP) l’a assignée devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris, sur le fondement de l’article 809 du Code de procédure civile, aux fins de la voir condamner à cesser le commerce électronique de médicaments sur le site internet 1001pharmacies.com, sous astreinte de 1 000 € par jour, à compter du prononcé de l’ordonnance à intervenir, et ordonner le retrait des pages proposant le commerce électronique de médicaments sur le site internet 1001pharmacies.com, sous la même astreinte. Par ordonnance contradictoire du 8 août 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a fait droit à sa demande, retenant notamment : – que l’action du CNOP est recevable en ce qu’il a pour mission la défense de la profession et le respect des devoirs professionnels des pharmaciens, s’agissant notamment des conditions de commercialisation en ligne des médicaments, spécialement lorsque ceux-ci sont soumis à prescription médicale ; – qu’il ressort des articles L. 4225-26 et L. 5125-26 du Code de la santé publique que la vente au public de tous médicaments, produits et objets mentionnés à l’article L. 4211-1 du même code, même « par l’intermédiaire de maisons de commission [ou] de groupements d’achats » est réservée au monopole des pharmaciens ; que s’il s’agit d’une restriction au principe posé par les articles 34 et 35 du TFUE de libre circulation des marchandises, celle-ci se trouve justifiée par des raisons de protection de la santé et de la vie des personnes, dans les conditions prévues par l’article 36 du TFUE ; que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) considère cette restriction comme justifiée, notamment s’agissant du commerce de médicaments sur internet ; qu’il a été constaté par huissier que la société Enova Santé, dont aucun des responsables n’est pharmacien, se livre à la vente sur internet de médicaments soumis à prescription médicale et ne se limite pas à la livraison de médicaments commandés par les particuliers auprès des pharmaciens mais exerce un véritable rôle d’intermédiaire ; – que le commerce en ligne de médicaments non soumis à prescription obligatoire est organisé par le point 20 de la directive n° 2011/62/CE, transposée par l’ordonnance du 19 décembre 2012, le décret du 31 décembre 2012 et l’arrêté du 20 juin 2013, codifiés notamment aux articles L. 5125-33 et R. 5125-70 et suivants du Code de la santé publique ; que ces textes soumettent cette activité à diverses réglementations que la société Enova Santé ne respecte pas ; la décision du tribunal de grande instance a ainsi fait droit à la demande du Conseil national de l’ordre des pharmaciens, déclarant recevable son action et enjoignant à la société Enova Santé de cesser d’offrir ou de permettre d’offrir à la vente à distance des médicaments soumis à prescription médicale obligatoire, sur le site qu’elle exploite à l’adresse http://www.1001pharmacie.com et de retirer de ce site les pages proposant le commerce électronique de tels médicaments sans délai. Le tribunal précise qu’à défaut de ce faire, elle encourra une astreinte de 1 000 € par jour à compter de la signification de la présente ordonnance pendant une durée de trois mois, passé lequel délai il pourra être de nouveau statué ; enjoignant enfin à la société Enova Santé de cesser d’offrir ou de permettre d’offrir à la vente à distance des médicaments sur le site qu’elle exploite à l’adresse dans les conditions constatées par les procès-verbaux de Maître Le Marec des 11, 16, 30 avril 2014, 15 et 16 avril 2014 et 6 mai 2014 et lui a enjoint de retirer de ce site les pages proposant le commerce électronique de tels médicaments sans délai ; défaut de ce faire, elle encourra une astreinte de 1 000 € par jour à compter de la signification de la présente ordonnance pendant une durée de trois mois, passé lequel délai il pourra être à nouveau statué.

La cour d’appel de Paris18, sur appel de la Société Enova, après avoir constaté la recevabilité de l’action du CNOP et rejeté la demande de sursis à statuer, se prononce sur la confirmation de l’ordonnance de référé en toutes ses dispositions au vu d’un trouble manifestement illicite, résultant de la violation de dispositions relatives à la dispensation de spécialités pharmaceutiques par voie électronique.

B – Deux arrêtés du 28 novembre 2016 viennent compléter le cadre juridique du commerce électronique de médicaments

Ce cadre a été mis en œuvre par la directive n° 2011/62/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011 transposée en France par l’ordonnance n° 2012-1427 du 19 décembre 2012 et le décret n° 1562 du 31 décembre 201219 et de l’adoption d’un article L. 5125-39 du Code de la Santé publique issu de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 (art. 145) qui dispose que le ministre chargé de la Santé « définit les règles techniques applicables aux sites internet de commerce électronique de médicaments relatives à la protection des données de santé, aux fonctionnalités des sites et aux modalités de présentation des médicaments ».

On remarquera l’avis consultatif de l’Autorité de la concurrence, avis (n° 16-A-09 du 26 avril 201620) sur les deux projets d’arrêtés, très défavorable. Selon l’Autorité de la concurrence, ces deux projets d’arrêtés reprennent des dispositions dont le caractère restrictif avait déjà été souligné par l’Autorité dans le cadre de précédents avis. En outre, de nouvelles dispositions créent des contraintes additionnelles qui apparaissent disproportionnées par rapport à l’objectif de protection de la santé publique et en outre, le cadre instauré par ces « bonnes pratiques » qui instaure un régime discriminatoire en imposant de nouvelles conditions contraignantes à la vente en ligne qui ne sont pas exigées pour la vente au comptoir, apparaît dissuasif.

Ces arrêtés21 qui se veulent protecteurs de la santé publique, précisent, d’une part, les conditions de la dispensation des médicaments notamment lorsqu’ils sont vendus en ligne et, d’autre part, les règles techniques applicables aux sites internet de vente en ligne.

L’arrêté du 28 novembre 2016 relatif aux bonnes pratiques de dispensation des médicaments dans les pharmacies d’officine, les pharmacies mutualistes et les pharmacies de secours minières, mentionnées à l’article L. 5121-5 du Code de la santé publique formule les bonnes pratiques de dispensation des médicaments et prévoit quelques dispositions particulières au commerce électronique de médicaments. Il précise notamment les exigences applicables au conseil pharmaceutique en ligne (la dispensation en ligne devant obéir aux règles générales de bonnes pratiques de dispensation puisque le site de la pharmacie constitue le prolongement virtuel de celle-ci) : le patient doit remplir avant la première commande un formulaire contenant différentes informations (âge, poids, taille, sexe, traitements en cours, antécédents allergiques, contre-indications…) et attester de leur véracité avec une actualisation possible à chaque commande. Le pharmacien, devra valider ce questionnaire et pourra contrôler l’adéquation de la commande avec l’état de santé du patient. Le site internet de vente en ligne de médicaments doit rendre possible un échange interactif entre le patient et le pharmacien avant la validation de la commande. Un dialogue individualisé, si possible simultané (courriel, boîte de dialogue…), est « impérativement mis en place » entre eux ; le pharmacien doit insister sur le bon usage du médicament (posologie, contre-indications…), la bonne observance du traitement (durée…) et s’assurer de la compréhension de ces conseils par le patient, qui doit pouvoir poser des questions complémentaires. D’autres dispositions portent sur les quantités maximales à délivrer recommandées, sur le contrôle pharmaceutique de la délivrance, sur la possibilité pour le patient de déclarer des effets indésirables et sur son information en cas d’alerte sur un médicament. L’arrêté traite également de l’organisation de l’activité de vente en ligne de médicaments et prévoit que la préparation des commandes doit se faire au sein de l’officine dans un lieu prévu à cet effet et, par renvoi aux dispositions applicables aux pharmacies en général que les locaux de l’officine doivent être d’un seul tenant et adaptés à l’ensemble des activités de la pharmacie.

L’arrêté du 28 novembre 2016 relatif aux règles techniques applicables aux sites internet de commerce électronique de médicaments prévues à l’article L. 5125-39 du Code de la santé publique, détaille dans une annexe les fonctionnalités des sites internet de commerce électronique de médicaments : le contenu du site internet de l’officine est impérativement rédigé en langue française. L’administration du site internet (qui comprend notamment la gestion des contenus du site internet, à l’exception des données de santé) ne peut être réalisée que par des personnels disposant d’une habilitation délivrée par le pharmacien.
Le patient doit avoir accès à un espace privé, intitulé : « Mon compte », recensant notamment les commandes passées ainsi que l’intégralité de ses échanges avec le pharmacien. Sont exigés lors de la création du compte, les nom et prénom, date de naissance et adresse électronique et, pour les pharmacies mutualistes ou de secours minière, le numéro de membre ou d’adhérent. Le patient a la possibilité de se désinscrire à tout moment.
Le site internet doit mentionner le nom de la personne physique offrant des médicaments.
Il est recommandé que l’adresse du site internet de l’officine comprenne le nom du pharmacien ; cette adresse ne doit pas revêtir une visée promotionnelle ou tromper le patient sur le contenu du site, ou encore être fantaisiste.
Le site internet comporte le logo prévu par le règlement d’exécution (UE) n° 699/2014 de la Commission du 24 juin 2014 concernant le design du logo commun destiné à identifier les personnes offrant à la vente à distance des médicaments au public, ainsi que les exigences techniques, électroniques et cryptographiques permettant la vérification de son authenticité.
Le nom de domaine doit respecter la réglementation en vigueur ; les lettres d’information ne peuvent comporter, s’agissant du médicament, que des informations émanant des autorités sanitaires.
Les forums de discussion et autres espaces de discussions publiques sont interdits, en raison notamment des difficultés pratiques pour veiller au bon usage des échanges qui comportent des données de santé à caractère personnel. Cette interdiction ne porte toutefois pas sur les échanges, non publiés sur le site, entre le pharmacien et le patient. La date de mise à jour de toutes les informations présentes sur le site est indiquée sur chaque page du site internet par la mention « Page mise à jour le… ». La sous-traitance à un tiers de tout ou partie de l’activité de vente par internet est interdite, à l’exception de la conception et de la maintenance techniques du site internet qui ne peuvent cependant pas être confiées à une entreprise produisant ou commercialisant des produits de santé ; le médicament en vente sur internet est présenté de façon objective, claire et non trompeuse.
Ainsi, seuls les éléments suivants doivent figurer sur la présentation du médicament : la dénomination de fantaisie du médicament et sa dénomination commune ; la ou les indications thérapeutiques de l’autorisation de mise sur le marché ; la forme galénique et le nombre d’unités de prise ; le prix, affiché de manière claire, lisible et non ambiguë pour le patient.

Une information relative à ces médicaments rappelant le régime de prix est affichée de manière visible et lisible sur le site internet de l’officine. L’affichage du prix de chaque médicament est identique pour tous les médicaments, afin d’éviter toute promotion ou mise en avant d’un médicament particulier. Cet affichage du prix est effectué sans artifice de mise en valeur (caractères gras, grande police d’écriture, clignotant…) ; une mention spéciale indiquant que les informations relatives aux précautions d’emploi (interactions médicamenteuses, contre-indications, mises en garde spéciales, effets indésirables…) ainsi que la posologie sont détaillées par la notice du médicament. La notice est disponible en format pdf et imprimable. Enfin, les données de santé, considérées comme sensibles font l’objet d’une protection particulière.

Hélène Gaumont-Prat

VI – Prix du médicament

Le prix du médicament et son corollaire l’accès aux médicaments a été l’objet en 2016 de nombreuses discussions et réflexions, tant au niveau national qu’européen et international.

A – Sénat, le médicament à quel prix ? (Rapport d’information de MM. Gilbert Barbier et Yves Daudigny, fait au nom de la commission des affaires sociales, n° 739 (2015-2016) – 29 juin 2016)

Le nombre croissant de polémiques qui entourent la notion de médicament et son prix ont rendu nécessaire une définition par les pouvoirs publics d’une position claire de sa place dans le système de santé français. Le rapport22 mentionne de prime abord que les Français sont de forts consommateurs de médicaments avec en moyenne 48 boîtes consommées par personne et par an. Le rapport aborde plusieurs points : d’abord, la place et la position de l’industrie pharmaceutique qui apparaît en profonde mutation ; ensuite, le périmètre de la prise en charge et les moyens d’action sur le coût du médicament ; enfin, il pose une interrogation sur le meilleur mécanisme institutionnel pour la prise en charge du médicament et la fixation de son prix (la rémunération du médicament en fonction de l’apport en années de vie et en qualité de vie ; la rémunération des médicaments en fonction des « économies » réalisées par l’assurance maladie ; l’adaptation de la rémunération à l’efficacité en vie réelle du médicament.

L’industrie du médicament constitue un secteur stratégique à la fois par la nature de sa production, qui constitue un outil indispensable au service de la santé des populations, mais aussi par son poids économique ; les industries de santé, en dépit de leur place importante dans l’économie française et de leur résilience face à la crise de 2008, sont entrées au cours de la dernière décennie dans une phase de décroissance. Du point de vue de la consommation, l’enjeu est aujourd’hui celui de la maîtrise de la dépense de médicaments remboursables, qui constituent la majeure partie des produits commercialisés. Dans ce contexte, l’administration des prix du médicament obéit à des objectifs contradictoires qui brouillent sa lisibilité. En conclusion, il est indiqué que si le retour de l’innovation doit être salué et encouragé par des mécanismes en amont de la mise sur le marché, il convient de ne pas surestimer son importance et son coût ; face aux demandes des laboratoires, qui se nourrissent des attentes des patients et des soignants, une évaluation rénovée devrait permettre aux acteurs actuels de gérer l’arrivée des nouvelles molécules.

B – Rapport du 30 août 2016, les entreprises du médicaments (Leem) : « Bilan économique, Édition 2016 »

Le Leem a publié son bilan économique des entreprises du médicament pour 201523, indiquant que ces entreprises ont réalisé plus de 53 milliards € de chiffre d’affaires (CA exprimé en prix fabricant hors taxes), dont 25,40 m € à l’exportation et 27,8 m € dans l’hexagone. La légère reprise, précise le rapport ne doit pas faire oublier la décroissance de – 5 % de 2014, dont les raisons demeurent d’actualité : prix français des médicaments en baisse, alors que ceux-ci sont utilisés comme prix de référence dans de nombreux pays, perte d’attractivité de la France pour la production des nouveaux produits et développement de la fabrication locale dans les pays émergents ». Dans un contexte du marché pharmaceutique contraignant, en France, la situation économique du secteur amène à se poser la question sur sa capacité à rester un atout industriel pour le pays. En effet, en 2015, la France est le seul pays d’Europe à ne pas avoir affiché de croissance de son chiffre d’affaires : les marchés allemands (+6 % de croissance du CA en 2015), espagnols (+16 %), italiens (+13 %) et anglais (+10 %) renouent avec une dynamique de croissance. À l’inverse, le marché français stagne en 2015, confirmant une tendance qui dure depuis quatre ans. À l’échelle mondiale, la part de marché pharmaceutique de la France diminue de manière significative : elle représentait 5,4 % en 2005, 3,9 % en 2014 et ne représente plus que 3,5 % en 2015.

Le président du Leem, Patrick Errard, propose la création d’un objectif de dépenses « médicament », aligné sur l’Ondam général, et des réformes structurelles du système de santé qui permettraient à ce dernier de restituer les économies dégager par ces innovations.

C – Proposition de rapport du Parlement européen sur des options de l’UE pour améliorer l’accès aux médicaments, 12 octobre 2016

Une proposition de rapport24 sur des options de l’UE pour améliorer l’accès aux médicaments en commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire (ENVI) du Parlement européen a été présentée le 12 octobre 2016. Sont visés la montée des prix de certains médicaments devenus inabordables et de nombreux obstacles à l’accès aux médicaments pour les citoyens européens. La proposition de rapport appelle à un renforcement de la capacité de négociation des États membres en ce qui concerne le prix des médicaments, à la promotion par la Commission européenne d’une recherche et développement « motivée par les besoins des patients » et à la mise en place d’une plate-forme publique européenne de recherche et développement financée par les profits que l’industrie pharmaceutique réalise auprès du secteur public. Elle demande également une analyse des incidences de la politique de propriété intellectuelle et d’exclusivité des données sur l’innovation ainsi qu’un encadrement plus strict dans ce domaine.

D – Rapport adopté le 8 novembre 2016 par la Commission juridique du Parlement européen

Afin de renforcer les efforts pour garantir l’accès aux médicaments, un rapport a été adopté le 8 novembre 2016 par la Commission juridique du Parlement européen et le vote final est prévu en 2017.

Il évoque notamment le retard chronique de mise sur le marché des médicaments génériques qui permettrait de faire baisser le coût du médicament et rappelle que ce point avait été ciblé dès 2009 par la Commission européenne qui avait réalisé une enquête sur l’industrie pharmaceutique qui avait démontré les stratégies anticoncurrentielles déployées par certains laboratoires titulaires de brevets.

E – Rapport du groupe de haut niveau sur l’accès aux médicaments aux Nations unies, 14 septembre 2016

Au terme d’une vaste enquête, le groupe a remis en septembre 2016 un rapport qui contient des recommandations adressées aux gouvernements, aux organisations internationales, à l’industrie, à la société civile et autres parties prenantes. Il met en lumière les relations entre droits de propriété intellectuelle, accès aux technologies de la santé, mesures incitatives pour la recherche-développement et possibilités de renforcer la gouvernance, l’obligation de responsabilité et la transparence.

F – Jurisprudence

Le prix du médicament est également débattu en France et il fait l’objet de nombreux contentieux.

  • Une décision du Conseil d’État (CE, 13 mai 2016, n° 381148)25 vient préciser les termes de l’article L. 162-16-4 du Code de la sécurité sociale en matière de fixation de prix d’un médicament qui dispose : « Le prix de vente au public de chacun des médicaments mentionnés au premier alinéa de l’article L. 162-17 est fixé par convention entre l’entreprise exploitant le médicament et le Comité économique des produits de santé conformément à l’article L. 162-17-4 ou, à défaut, par décision du comité, sauf opposition conjointe des ministres concernés qui arrêtent dans ce cas le prix dans un délai de quinze jours après la décision du comité. La fixation de ce prix tient compte principalement de l’amélioration du service médical rendu apportée par le médicament, le cas échéant des résultats de l’évaluation médico-économique, des prix des médicaments à même visée thérapeutique, des volumes de vente prévus ou constatés ainsi que des conditions prévisibles et réelles d’utilisation du médicament (…) ».

En l’espèce, la société Teofarma contestait la décision du Comité économique des produits de santé de modifier (à la hausse) le prix d’un médicament qu’il commercialisait, le Laroxyl 40 mg/ml (chlorhydrate d’amitriptyline), solution buvable en gouttes, 20 ml en flacon avec compte-gouttes. Selon le demandeur, le CEPS aurait dû prendre en compte l’ensemble de ses dépenses pour fixer le prix de revient du médicament y compris l’intégralité des dépenses d’achats des droits et marques. Le CEPS a en effet, choisi de ne retenir que le prix de revient du médicament additionné de 50 % du montant des dépenses d’achat, estimant que seule la moitié de ses dépenses avait vocation à être amorties.

Le Conseil d’État retient l’argument du demandeur estimant que « l’article L. 162-16-4 du Code de la sécurité sociale ne prévoit pas, même lorsque le prix de vente au public d’un médicament est fixé par voie de convention, que celui-ci doive nécessairement être déterminé en fonction de son prix de revient pour le fabricant ». Dès lors, les décisions du CEPS sont annulées et il est enjoint au Comité économique des produits de santé de réexaminer la demande de la société Teofarma dans un délai de 3 mois à compter de la notification de la présente décision.

  • La campagne de communication des Établissements Leclerc sur le prix des médicaments non remboursés : Cass. com., 21 juin 2016, n° 14-2270926.

À la suite d’une campagne de communication sur le prix des médicaments non remboursé menée par les établissements Leclerc (la société coopérative Groupements d’achats des centres Leclerc, la société Galec), comportant deux affiches ayant respectivement comme slogan « Êtes-vous assez riches pour avoir mal à la tête ? » et « Aujourd’hui pour soulager les jambes lourdes, il faut le budget qui va avec », suivi de la réponse « Oui aux médicaments non remboursés à prix E. Leclerc », la société Univers pharmacie et l’Union des groupements de pharmaciens d’officine (l’UGDPO) ont sollicité son retrait estimant que cette campagne constituait une pratique commerciale déloyale au sens de l’article L. 120-1 du Code de la consommation et avait pour effet de dénigrer et de discréditer l’ensemble du secteur de la pharmacie et réclamaient l’indemnisation de leurs divers préjudices.

La société Univers pharmacie et l’UGDPO rappelaient que sont prohibées les pratiques commerciales déloyales, c’est-à-dire les pratiques contraires aux exigences de la diligence professionnelle et susceptibles d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service et que les Ets Leclec laissant ainsi faussement croire aux consommateurs moyens que les parapharmacies du groupe Leclerc pouvaient d’ores et déjà vendre des médicaments non remboursés, message qui était susceptible d’altérer le comportement des consommateurs en les attirant dans ces parapharmacies sur la foi d’une information erronée et que la divulgation d’une information mensongère discréditant un concurrent constitue un dénigrement.

La Cour de cassation (Cass. com., 21 juin 2016, n° 14-22709) se prononçant sur un arrêt rendu par la cour d’appel de Colmar le 11 juin 2014, a rejeté la demande des sociétés Univers pharmacie et UGDPO en rappelant que « la campagne publicitaire de la société Galec, tout en constituant une revendication en faveur des intérêts commerciaux des centres Leclerc et en appelant à une vraie concurrence, s’insérait dans un débat d’actualité sur le maintien du monopole des pharmaciens en ce qui concerne la vente des médicaments non remboursés, la cour d’appel, qui a écarté le caractère mensonger de l’information et n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu, (..), en déduire que cette campagne de communication ne cherchait pas à ternir la réputation des pharmaciens, mais seulement à remettre en cause leur monopole, en sorte qu’elle ne constituait pas un dénigrement des pharmaciens et officines de pharmacie ».

La guerre menée depuis plusieurs années par les Établissements Leclerc contre le monopole pharmaceutique continue et obtient le soutien de la Cour de cassation, alors que la France, a maintenu avec le monopole pharmaceutique des protections spécifiques pour le patient, au regard du caractère très particulier du médicament et du commerce grandissant des faux médicaments qui parviennent à s’infiltrer dans certains pays européens dans la chaîne du médicament lorsqu’elle n’est plus protégée par le monopole pharmaceutique27. On rappellera à cet égard, que l’ordre des pharmaciens avait lancé une nouvelle campagne de communication le 11 janvier 2016, pour sensibiliser le grand public à l’importance des pharmacies et des pharmaciens comme lieux et acteurs de référence et de proximité en matière de santé, spécifiant que « le médicament n’est pas un produit comme les autres et qu’il est essentiel de différencier les pharmacies des autres réseaux de distribution »28.

La société Le Galec avait déjà été assignée dans le passé en 2009 par plusieurs syndicats du secteur de la pharmacie pour sa campagne basée sur le slogan « Avec l’augmentation du prix des médicaments, soigner un rhume sera bientôt un luxe » (Cass. com., 13 oct. 2009, n° 08-16972). La Cour de cassation avait confirmé l’arrêt de la cour d’appel ayant considéré que cette campagne ne constituait pas un trouble commercial illicite. De la même façon, la publicité trompeuse comme le dénigrement et le discrédit, n’avaient pas non plus été retenus par la Cour de cassation en 2011 s’agissant du slogan « En France, le prix d’un même médicament peut varier du simple au triple : il faut changer de traitement ! » (Cass. com., 27 avr. 2011, n° 10-15648).

  • Une décision du Conseil d’État (CE, 27 juin 2016, n° 386332)29 annule la décision du ministre de la Santé en matière de fixation du prix d’un médicament.

En l’espèce, le laboratoire Glaxosmithkline (GSK) France conteste la décision du ministre de la Santé de ne pas inscrire le médicament qu’il commercialise sur la liste des spécialités pharmaceutiques prises en charge par les régimes obligatoires d’assurance maladie en sus des prestations d’hospitalisation. Si le refus du ministre est motivé, les critères pris en compte n’ont pas été communiqués et transmis préalablement à sa décision à la Commission européenne comme l’impose la jurisprudence de la CJUE (CJUE arrêts C-271/14 et C-273/14 du 16 avril 2015). Dès lors, le Conseil d’État annule la décision du ministre. La haute juridiction rappelle ainsi que « les critères sur lesquels les ministres se sont fondés pour décider de ne pas inscrire la spécialité (…) sur la liste mentionnée à l’article L. 162-22-7 du Code de la sécurité sociale n’ont fait l’objet ni d’une publication, ni d’ailleurs d’une communication à la Commission, avant l’adoption de la décision [déferrée]. Par suite, et alors même que cette décision indique les motifs sur lesquels elle se fonde et les critères qu’elle met en œuvre, la société requérante est fondée à soutenir qu’elle a été prise en méconnaissance des prescriptions du point 3 de l’article 6 de la directive n° 89/105/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 ».

  • La Cour de justice (CJUE, 19 oct. 2016, n° C-148/15)30 a été saisie par le tribunal régional supérieur de Dusseldorf, d’une demande de décision préjudicielle qui porte sur l’interprétation des articles 34 et 36 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) au sujet de la fixation de prix uniformes pour la vente de médicaments soumis à prescription.

En l’espèce, le litige opposait une organisation d’entraide à une association de lutte contre la concurrence déloyale. Après avoir présenté l’article 36 du TFUE comme une « exception » alors qu’il ne constitue qu’une dérogation à l’interdiction établie à l’article 34 dudit Traité, la Cour a rattaché l’objectif d’approvisionnement sûr et de qualité des médicaments à la protection de la santé et de la vie prévue à l’article 36.

Selon la Cour, l’article 34 TFUE doit être interprété en ce sens qu’une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui prévoit la fixation de prix uniformes pour la vente par les pharmacies de médicaments à usage humain soumis à prescription, constitue une mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative à l’importation, au sens de cet article, dès lors que cette réglementation affecte davantage la vente de médicaments soumis à prescription par des pharmacies établies dans d’autres États membres que la vente de ces médicaments par des pharmacies établies sur le territoire national. L’article 36 TFUE doit être interprété en ce sens qu’une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui prévoit la fixation de prix uniformes pour la vente par les pharmacies de médicaments à usage humain soumis à prescription, ne peut pas être justifiée aux fins de la protection de la santé et de la vie des personnes, au sens de cet article, dans la mesure où cette réglementation n’est pas apte à atteindre les objectifs recherchés.

Hélène Gaumont-Prat

(À suivre)

VII – Dispositif médical

VIII – Médicament et recherche biomédicale

IX – Contentieux, concurrence, produits de santé

X – Histoire des produits de santé

XI – Conventions internationales et produits de santé

Notes de bas de pages

  • 1.
    V. Laigneau J.-F. et Saumon O., « Le médicament : retour sur une qualification en débat », Rev. gén. dr. méd., janv. 2015, n° 2, p. 21.
  • 2.
    Arrêté du 9 mai 2006 relatif aux nutriments pouvant être employés dans la fabrication des compléments alimentaires.
  • 3.
    Arrêté du 24 juin 2014 établissant la liste des plantes, autres que les champignons, autorisées dans les compléments alimentaires et les conditions de leur emploi.
  • 4.
    Arrêté du 26 septembre 2016 établissant la liste des substances à but nutritionnel ou physiologique autorisées dans les compléments alimentaires et les conditions de leur emploi.
  • 5.
    Cass. crim., 15 mai 2012, n° 11-84120.
  • 6.
    Cass. crim., 16 févr. 2016, n° 14-88052.
  • 7.
    https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do ?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000032083471&fastReqId=1418651524&fastPos=1.
  • 8.
    Note de Bouloc B., RTD com. 2016, p. 352.
  • 9.
    https://www.legifrance.gouv.fr/affichLoiPubliee.do ;jsessionid=5E46127010E90B491143B25F11C9EB17.tpdjo17v_1 ?idDocument=JORFDOLE000029101249&type=general&legislature=14.
  • 10.
    Degrassat-Théas A. et Peigné J., « Les vicissitudes juridiques des recommandations temporaires d’utilisation des médicaments », RDSS 2015, p. 289.
  • 11.
    JO, 31 déc. 2014.
  • 12.
    https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do ?idTexte=CETATEXT000032800942.
  • 13.
    JOUE L 135, 24 mai 2016, p. 39.
  • 14.
    Juris-Data n° 2016-022705.
  • 15.
  • 16.
    Rousset G., « Vente sur internet de médicaments, des questions et beaucoup de craintes », LPA 16 juill. 2013, p. 6.
  • 17.
    « Ordre national des pharmaciens, vente en ligne de médicaments : une décision brutale ! Plus de risques que d’avancées », communiqué de presse, 20 déc. 2012.
  • 18.
    Académie nationale de pharmacie, Recommandations, Ventes de médicaments à partir de sites internet, 6 mars 2013.
  • 19.
    http://media.lepharmaciendefrance.fr/doc/Arrêt %20CA %20Paris %20pôle %201 %20- %20chambre %208 %20du %2025 %20mars %202016 %20(2).pdf.
  • 20.
    Comm. com. électr. 2013, comm. 25, obs. Debet A. ; JCP E 2013, 1067, Douville T. ; D. 2013, p. 516, chron. Laude A. ; ils font suite aux péripéties judiciaires de l’annulation contentieuse de l’arrêté du 20 juin 2013 relatif aux bonnes pratiques de dispensation des médicaments par voie électronique (CE, 16 mars 2015, nos 370072, 370721 et 370820 : Rousset G., « Vente en ligne des médicaments, la vie n’est vraiment pas un long fleuve tranquille », LPA 2 juill. 2015, p. 7.
  • 21.
    http://www.autoritedelaconcurrence.fr/pdf/avis/16a09.pdf.
  • 22.
    JO, 1er déc. 2016.
  • 23.
    https://www.senat.fr/rap/r15-739/r15-739.html.
  • 24.
    http://www.leem.org/sites/default/files/Bilan-économique-2016.pdf.
  • 25.
    http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do ?pubRef=-//EP//NONSGML+COMPARL+PE-587.690+01+DOC+PDF+V0//FR&language=FR.
  • 26.
    https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do ?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000032529619&fastReqId=196704376&fastPos=11.
  • 27.
    https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do ?idTexte=JURITEXT000032781366.
  • 28.
    Gaumont-Prat H. (ss dir.), Contrefaçon, médicaments falsifiés et santé publique, 2015, LGDJ, Grands colloques.
  • 29.
    http://www.ordre.pharmacien.fr/content/download/251096/1369093/version/1/file/CP+campagne+Vdef+avec+visuel.pdf).
  • 30.
    https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do ?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000032790106&fastReqId=1833301768&fastPos=1.
  • 31.
    http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf ?text=&docid=184671&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=758295.
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