Insolite : Quand les chocolats de Pâques finissent au tribunal…

Publié le 17/04/2025 à 17h18

Si chaque fête semble offrir des occasions aux collègues de travail mal intentionnés de régler des comptes divers et variés (bizutage pour le 1er avril, calendrier de l’Avent coquin, galette des rois au cannabis…), Pâques et ses chocolats n’échappent pas à la règle…

Insolite : Quand les chocolats de Pâques finissent au tribunal…
Photo : ©AdobeStock/Pingpao

Le vol du lapin en chocolat

Commençons par citer la cour d’appel de Douai, saisie de la délicate question de savoir si le vol d’un lapin au chocolat est une faute professionnelle et si oui, de quelle nature  : « les premiers juges ont à bon droit considéré que la modicité du détournement personnellement opéré par le salarié (un lapin au chocolat), la circonstance qu’il s’agissait de friandises gratuitement mises à la disposition de la clientèle pour les fêtes de Pâques et l’absence de tout élément autorisant à considérer que l’intéressé aurait pu être responsable d’autres détournements de marchandises ne permettaient pas de caractériser dans un tel contexte une intention de nuire à l’employeur… le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a écarté la qualification de faute lourde pour retenir celle de faute grave » (28/02/96, n° 1996/7709).

L’appel au secours du lapin de Pâques

Un arrêt très récent de la cour d’appel de Rouen a mis en cause le comportement d’un fleuriste et de son apprenti vis-à-vis d’une collègue. Le magistrat raconte : « la salariée indique avoir été victime de harcèlement sexuel en ce que l’employeur et l’apprenti recherchaient ardemment à savoir si elle avait un compagnon qu’ils avaient dénommé “monsieur ON” et avaient symbolisé par un lapin ; qu’ils lui adressaient des messages à connotation sexuelle. Elle verse aux débats : 1. la copie de messages placardés dans le magasin sur lesquels on peut lire : “un bouquet de ON sait pas, de la part de ON ne connais pas, avis de recherche” ; 2. des SMS “bonjour ma chérie as-tu bien dormir” accompagnés d’une photo d’un lapin en céramique ; 3. une attestation de sa mère qui indique que l’employeur avait un humour spécial car quand elle venait acheter des fleurs, il disait à son apprenti “dites bonjour à votre belle-mère”. »

Cette histoire devient amusante dès lors que l’employeur tente de se justifier en indiquant qu’il « n’avait pas connaissance des messages téléphoniques ou des SMS échangés entre la salariée et l’apprenti ; que la salariée ne l’a jamais informé d’une quelconque difficulté ; que la représentation d’un lapin sur le tableau du magasin n’a aucune connotation sexuelle puisqu’elle était régulièrement utilisée à Pâques. Il verse aux débats des photographies de la salariée déguisée en abeille et son collègue en lapin. » Argument retenu par les magistrats comme valable en ce qu’il exclut un harcèlement sexuel, mais en revanche, le harcèlement moral est bien établi !

Les cloches du service

Si cet usage du lapin de Pâques comme insulte est un cas unique (notons au passage un arrêt de la cour d’appel de Versailles dans lequel l’employeur ayant reporté les congés de Pâques d’une salariée lui avait aussi dit « J’aurai pu te tirer comme un lapin…), le prétexte pascal pour traiter ses collègues de cloche est bien plus répandu…

Dès 2007, la cour d’appel de Pau avait jugé l’affaire d’un commercial ayant reçu un avertissement au motif qu’il « s’est permis de railler publiquement l’un de ses anciens responsables en l’assimilant à une cloche après avoir ostensiblement montré la une d’un journal qui a titré ce jour-là “Pâques, les cloches sont de retour” en indiquant devant plusieurs collègues qu’il avait un “dossier d’un mètre cube de documents” contre cette même personne ».

En 2019, ce fut la cour d’appel d’Orléans qui citait un procès-verbal d’huissier de justice établissant qu’une salariée accusée de harcèlement moral avait envoyé, le dimanche de Pâques, le SMS suivant à son collègue, le tout accompagné d’un dessin de lapin en chocolat : « si tu veux des œufs pour Pâques, n’oublie pas d’envoyer un mail à une ou plusieurs cloches… Voilà, Moi, c’est fait !!! ».

La chasse aux œufs minée par les crottes des voisins

Pour finir notre sélection, citons un arrêt de la cour d’appel de Caen de 2016, digne de la guerre des voisins et qui raconte une bien étrange chasse aux œufs de Pâques : « Le beau-frère des époux X atteste également avoir vu M. B prélever dans le jardin des époux X, près de la clôture, des excréments laissés par leur chien. M. B reconnaît avoir “reconditionné” ces déjections canines avant de les projeter dans le jardin et sur le pignon de l’immeuble des époux X. Les époux X attestent que “lorsque nous sommes venus pour Pâques, en raison des nombreuses traînées de déjections liquéfiées éparpillées dans leur jardin, nous avons dû faire la chasse aux œufs avec notre petit-fils sur une zone limitée à la terrasse, les zones engazonnées et sous les arbustes de la haie étant impraticables”.

S’il en affirme l’existence M. B ne rapporte pas la preuve des nuisances olfactives et sanitaires qu’auraient générées les excréments laissés par le chien des époux X dans leur jardin et qui, à les supposer établies, ne l’autorisaient pas à se comporter comme il l’a fait. Le signalement injustifié réalisé par M. B à propos de leur fils mineur, classé sans suite, illustre particulièrement sa volonté de l’appelant de nuire aux époux X en mettant en doute leurs capacités éducatives et en les contraignant à se soumettre aux contrôles et vérifications du service compétent. L’entêtement mis par M. B à stationner son véhicule de telle sorte qu’il obstrue la fenêtre de leur cuisine est un exemple de plus de sa volonté de chicane à l’égard des époux X.

Ceux-ci reconnaissent que M. B a mis fin aux jets d’excréments, au déclenchement des alarmes et au stationnement de son véhicule. Ils n’allèguent ni ne justifient de la persistance à ce jour d’autres nuisances imputables à M. B. »

Tout est bien qui fini bien, espérons juste que le petit-fils des époux X a bien respecté la limite fixée par ses grands-parents lors de la chasse aux œufs, puisqu’ils n’étaient pas tous en chocolat ce jour-là…

Bonsoir !

 

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