La limite au nombre de mandats successifs exercés par un salarié

Publié le 29/04/2019

Le comité social et économique, fusion des anciennes institutions représentatives du personnel, a été créé dans un esprit de continuité mais aussi d’évolution du mode de représentation dans l’entreprise. Dans cette optique, l’ordonnance Macron a défini un nouveau principe : la limitation du nombre de mandats successifs que peut exercer un salarié. Cette mesure inédite peut conduire à un bouleversement des comportements ou au contraire n’avoir que des effets limités.

Parmi les nouveautés apportées par les ordonnances Macron, figure une disposition qui a particulièrement marqué les représentants du personnel : la limite au nombre de mandats successifs exercés par un salarié. Cette mesure, prévue par le nouvel article L. 2314-33 du Code du travail et qui n’existait pas dans l’ancien régime, vise à assurer le renouvellement des mandats. Pour assurer la transition vers ce nouveau principe, la loi prévoit qu’il ne s’applique qu’à compter des mandats exercés avec le comité social et économique (CSE). En d’autres termes, il ne sera pas tenu compte des mandats exercés en tant que membre des anciennes institutions représentatives du personnel (comité d’entreprise, CHSCT, délégué du personnel, etc.). En outre, la loi ne vise que certains mandats dans l’entreprise (I). S’agissant d’un principe inédit, il convient d’en examiner les effets et la portée (II) afin de déterminer notamment si et comment il pourrait s’appliquer.

I – Principe : les mandats visés par la limite

Quelle entreprise ? Dès lors que l’entreprise aura mis en place un CSE, le nombre de mandats que pourra exercer un salarié sera limité à trois mandats successifs. Toutefois, seules certaines entreprises sont visées. En effet, le principe de la limitation du nombre de mandats exercés ne concerne pas les entreprises employant moins de 50 salariés. Il s’applique toujours aux entreprises employant au moins 300 salariés. Enfin, concernant les entreprises employant de 50 à 299 salariés, le principe s’applique mais peut être écarté par le protocole d’accord préélectoral. Dans ce cas, les parties peuvent choisir d’écarter le principe, mais aussi de réduire ou d’augmenter le nombre maximum de mandats exercés.

Quels mandats ? La limitation s’applique aux seuls membres du CSE, du CSE d’établissement et du CSE central. Sont donc exclus tous les autres mandats : les représentants de proximité, les membres du comité de groupe ou du comité d’entreprise européen, les représentants syndicaux en général (délégué syndical, représentant de la section syndicale, représentant syndical au CSE), etc.

Trois mandats successifs. La limitation s’applique dès lors que le salarié aura exercé trois mandats successifs. Il peut donc être membre du CSE lors de plus de trois mandatures dans sa carrière professionnelle, dès lors que les mandats ne se succèdent pas. La limite vise le nombre de mandats, peu importe la durée de chacun1. Enfin, puisque les mandats doivent être successifs, le cumul de mandats de membre du CSE d’établissement et du CSE central ne compte que pour une unité.

II – Effets et portée de la limitation au nombre de mandats exercés

Pour les entreprises dont l’effectif est compris entre 50 et 299 salariés. La modification de la limite au nombre de mandats exercés doit se faire dans le protocole d’accord préélectoral. Or, celui-ci n’a d’effet que pour les élections pour lesquelles il a été conclu2. Il sera nécessaire qu’à chaque nouvelle mandature, un protocole d’accord préélectoral soit conclu et reprenne la modification souhaitée pour permettre aux salariés concernés d’être libérés de la limite légale de trois mandats successifs. Si tel n’était pas le cas, le juge devrait être saisi afin de trancher la question de l’application dans le temps de l’ancien protocole.

Question de l’effectivité de la limitation. De façon plus générale, il y a lieu de relever que la limitation s’applique dans un contexte de renouvellement des principes directeurs du dialogue social dans l’entreprise. Une étude de la DARES3 montre qu’en 2017, les représentants du personnel sont en moyenne plus âgés que l’ensemble des salariés : 65 % ont entre 40 et 59 ans. Ceux-ci ne devraient pas être touchés négativement par la réforme. En effet, ils peuvent encore exercer un mandat en tant que membre du CSE pendant les 12 années à venir, soit peu ou prou jusqu’à l’âge du départ en retraite. Le cas échéant, il leur suffira de ne pas se présenter lors d’une mandature pour ensuite se représenter lors de la suivante, et ainsi ne pas entrer dans le champ d’application de l’article L. 2314-33 du Code du travail. Ils pourront pendant l’intervalle exercer l’un des autres mandats non compris dans le champ de la limitation. Quant aux jeunes et même aux moins jeunes générations, outre qu’elles s’impliquent moins, elles restent également moins longtemps dans l’entreprise. D’après l’étude de la DARES, en 2017, 60 % des représentants du personnel ont une ancienneté dans l’entreprise supérieure à 12 ans. L’ensemble des études actuelles s’accorde sur le constat selon lequel rester, ne serait-ce que 10 ans dans une entreprise, est ou sera de plus en plus rare. Enfin, à l’instar du changement intervenu dans la vie politique, avec l’arrivée de nouveaux visages déclarant vouloir s’investir pour un temps seulement, il est possible que la représentation au sein de l’entreprise prenne la même direction. Dans ces conditions, la limite au nombre de mandats ne devrait s’appliquer que rarement.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Selon l’alinéa premier de l’article L. 2314-33 du Code du travail, les membres du CSE sont élus pour quatre ans. Mais un accord collectif d’entreprise ou de groupe peut prévoir une durée de mandat comprise entre deux et quatre ans, conformément à l’article C. trav., art. L. 2314-34.
  • 2.
    Cass. soc., 21 mai 2003, n° 01-60742 : Bull. civ. V, n° 170.
  • 3.
    Pignoni M.-T., « Les représentants du personnel dans l’entreprise : des salariés comme les autres ? », Dares analyses, janv. 2019, n° 002.
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