Introduire une clause facultative dans un contrat de travail
Dans un contrat de travail, les clauses facultatives permettent à l’employeur de préserver ses intérêts en adaptant le contrat aux spécificités du poste et de l’entreprise, et d’encadrer davantage la relation contractuelle avec le salarié. Pour être régulières, ces clauses ne doivent pas porter atteinte aux libertés fondamentales ou au respect de la vie personnelle du salarié. Elles sont strictement encadrées par la jurisprudence.
Les clauses facultatives ne sont opposables au salarié que si celui-ci a signé son contrat de travail.
Deux objectifs sont généralement poursuivis par l’entreprise : anticiper les différends (I) et encadrer les conditions d’emploi (II).
I – Anticiper et prévenir les différends
La clause de non–concurrence
La clause de non-concurrence a pour objet d’interdire au salarié d’exercer une activité concurrente après la rupture de son contrat de travail, pendant une durée et sur une zone géographique limitées, protégeant ainsi les intérêts de l’entreprise.
Pour être valide, la clause de non-concurrence doit :
• être justifiée par les intérêts légitimes de l’entreprise. La clause de non-concurrence doit tenir compte des spécificités de l’emploi du salarié. Si, en raison des fonctions d’un salarié, la clause n’est pas indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise qui l’emploie, l’employeur ne peut se prévaloir de cette clause1,
• limitée dans le temps et dans l’espace,
• prévoir une contrepartie financière pour le salarié2.
Il est important que la clause de non-concurrence précise également :
• la date d’application : en pratique, elle n’est applicable qu’à l’issue de la collaboration. Il faut cependant mentionner dans le contrat si elle est applicable ou non en cas de rupture pendant la période d’essai,
• les conditions de levée de la clause : la clause doit prévoir de pouvoir être levée (généralement par un écrit de l’employeur envoyé en recommandé avec accusé de réception pendant le préavis),
• les conséquences en cas de violation par le salarié de l’interdiction qui lui est faite, avec notamment arrêt du versement de la contrepartie financière et indemnisation de l’employeur.
La clause de non-concurrence dont l’étendue est incertaine est nulle. Les juges ont déjà, par exemple, annulé une clause de non-concurrence réservant à l’employeur la faculté de renoncer à tout moment, avant ou pendant la période d’interdiction, aux obligations qu’elle faisait peser sur le salarié, ce dernier ayant ainsi été laissé dans l’incertitude quant à l’étendue de sa liberté de travailler3.
Lorsqu’une clause de non-concurrence est annulée, le salarié qui a respecté la clause illicite peut prétendre au paiement d’une indemnité en réparation du fait que l’employeur lui a imposé une clause nulle portant atteinte à sa liberté d’exercer une activité professionnelle4.
La clause d’exclusivité
La clause d’exclusivité interdit au salarié d’exercer une autre activité professionnelle en parallèle, pour son propre compte ou pour une autre société, évitant ainsi les conflits d’intérêts.
Pour être licite, la clause d’exclusivité doit :
• être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise,
• être justifiée par la nature des tâches à accomplir,
• être proportionnée au but recherché.
La clause d’exclusivité ne doit pas être rédigée en termes généraux et imprécis ne spécifiant pas les contours de l’activité complémentaire qui serait envisagée par le salarié, activité bénévole ou lucrative, professionnelle ou de loisirs et ne permettant pas de limiter son champ d’application ni de vérifier si la restriction à la liberté du travail est justifiée et proportionnée5.
Attention ! Il n’est pas autorisé d’introduire une clause d’exclusivité dans un contrat de travail à temps partiel. La jurisprudence considère en effet que la clause d’un contrat de travail par laquelle un salarié s’engage à travailler pour un employeur à titre exclusif et à temps partiel ne peut lui être opposée et lui interdire de se consacrer à temps complet à son activité professionnelle6. Une telle clause illicite permet au salarié d’obtenir réparation du préjudice en résultant7.
Il est également illicite d’interdire les activités bénévoles.
La clause de confidentialité
La clause de confidentialité, parfois appelée également clause de discrétion, oblige le salarié à préserver la confidentialité des informations sensibles de l’entreprise.
Elle est souvent insérée dans le contrat de travail d’un salarié qui a accès, par ses missions, à des données stratégiques ou confidentielles dont la divulgation pourrait être préjudiciable à l’entreprise.
Pour être valable, la clause de confidentialité doit être justifiée par la nature des tâches accomplies et les fonctions exercées par le salarié et proportionnée au but recherché.
Contrairement à la clause de non-concurrence, elle n’ouvre pas droit à une contrepartie financière8.
La clause de propriété
Dans le cadre de son contrat de travail, un salarié peut être amené à faire des inventions. Pour que celles-ci demeurent la propriété de l’entreprise, il est possible d’insérer une clause de propriété, parfois appelée clause d’inventions, dans le contrat de travail du salarié.
La clause de propriété n’est licite que sous certaines conditions :
• il doit s’agir d’une invention de mission, c’est-à-dire faite par le salarié dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail,
• la clause doit être écrite et acceptée par le salarié,
• l’invention doit donner lieu à une rémunération complémentaire prévue dans la clause de propriété : prime, pourcentage de rémunération ou forfait mensuel,
• la clause doit prévoir les modalités de calcul et de versement des rémunérations complémentaires des inventions.
Notez que le Code la propriété intellectuelle encadre strictement certains transferts de droits : le transfert des droits d’auteur (CPI, art. L. 111-1 et CPI, art. L. 131-3), le transfert des droits sur les logiciels (CPI, art. L. 113-9) et le transfert des droits de propriété industrielle (CPI, art. L. 677-7).
II – Encadrer les conditions d’emploi
La clause d’essai
La période d’essai permet non seulement à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, mais aussi au salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent, pendant une période déterminée. Elle autorise une rupture, à l’initiative de l’une ou l’autre des parties, sans motif ni indemnité pendant cette période.
Elle n’est pas obligatoire. Un employeur peut tout à fait conclure un contrat de travail sans prévoir de période d’essai.
En revanche, si elle n’est pas prévue dans le contrat de travail ou la lettre d’embauche, elle ne peut être imposée au salarié. En effet, la période d’essai et la possibilité de la renouveler ne se présument pas. Pour être applicables, elles doivent donc être expressément mentionnées dans le contrat de travail.
Le Code du travail encadre la durée maximale de la période d’essai et de son renouvellement éventuel. Les durées légales de période d’essai, renouvellement inclus, ont un caractère impératif sauf dispositions conventionnelles ou contractuelles prévoyant une durée plus courte9.
La clause de mobilité
La clause de mobilité géographique définit la zone dans laquelle le lieu de travail du salarié peut être modifié au cours de la relation contractuelle.
Pour être licite, elle doit mentionner précisément le périmètre géographique dans lequel le changement du lieu de travail pourra s’exercer : régions, départements, villes, tout le territoire national, à l’étranger et prévoir un délai de prévenance raisonnable (ou conventionnel le cas échéant) avant la mise en œuvre du changement de lieu de travail.
La clause ne peut pas conférer à l’employeur le pouvoir d’en étendre unilatéralement la portée géographique10.
Elle ne peut pas non plus prévoir que le salarié accepte par avance un changement d’employeur11.
Par ailleurs, une clause de mobilité selon laquelle l’employeur peut muter un salarié dans un autre établissement ne permet pas d’imposer au salarié un partage de son temps de travail entre plusieurs établissements12.
Il est interdit de prévoir dans la clause une rupture automatique du contrat de travail en cas de refus du salarié d’accepter son changement de lieu de travail. Les juges considèrent ce type de clause comme nulle et inopposable au salarié. En revanche, il est possible de préciser dans la clause que tout refus du salarié de respecter ses engagements pourra constituer une faute susceptible d’entraîner son licenciement.
La clause d’objectifs
La clause d’objectifs, appelée également clause de rémunération variable ou clause de quotas, fixe les objectifs que le salarié doit atteindre pour percevoir une part variable de sa rémunération.
Elle est souvent utilisée dans le contrat de travail des commerciaux.
Attention ! La rémunération ne peut pas être entièrement variable. Le salaire doit comprendre obligatoirement une part de rémunération fixe.
Pour être licite, la clause d’objectifs doit :
• être rédigée de façon très précise quant au critère de variabilité choisi et à la durée sur laquelle les objectifs doivent être atteints : chiffre d’affaires, nombre de RV pris, nombre de contrats signés, période mensuelle, trimestrielle, semestrielle, annuelle, etc.,
• être fondée sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l’employeur,
• prévoir des objectifs raisonnables, réalistes et réalisables. Il est à noter qu’en cas de litige, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve de ce que les objectifs qu’il fixe unilatéralement sont réalisables13,
• prévoir la possibilité de renégocier les objectifs chaque année avec le salarié.
Les objectifs doivent être écrits en français, sauf si le document est reçu de l’étranger ou destiné à un étranger14. Une rédaction dans une autre langue est toutefois admise si une traduction en français est également diffusée15.
Lorsque les objectifs sont définis unilatéralement par l’employeur, ils doivent également être portés à la connaissance du salarié en début d’exercice16.
La clause ne doit pas faire peser le risque de l’entreprise sur le salarié. Ainsi par exemple, il n’est pas possible de faire supporter au salarié, et donc retenir sur son salaire, le déficit d’exploitation de l’entreprise ou de prendre, comme base de calcul de la partie variable, la marge dégagée par l’entreprise.
Elle ne doit pas non plus permettre de réduire le salaire en dessous des minima légaux (SMIC) ou conventionnels.
Attention ! Pour chaque type de clause, la convention collective applicable dans l’entreprise peut prévoir des dispositions particulières. Le cas échéant, l’employeur devra veiller à les respecter. À défaut, la clause serait réputée non écrite. Une clause contractuelle ne peut, en effet, pas prévoir de dispositions moins favorables que la convention collective.
Sachez enfin qu’il existe une multitude d’autres clauses facultatives pouvant être insérées dans un contrat de travail : clause de dédit-formation, clause de garantie d’emploi, clause d’indivisibilité, clause de détention du permis de conduire, clause de reprise d’ancienneté, clause de délégation de pouvoirs, clause de mise à disposition d’un véhicule, d’un ordinateur, d’un téléphone, etc.
Chaque clause obéissant à des conditions de validité spécifiques et devant être adaptée à chaque salarié, il est fortement conseillé de se rapprocher d’un avocat spécialiste pour la rédiger…
Notes de bas de pages
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1.
Cass. soc., 14 mai 1992, n° 89-45300.
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2.
Cass. soc., 10 juill. 2002, n° 00-45135.
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3.
Cass. soc., 2 déc. 2015, n° 14-19029.
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4.
Cass. soc., 22 mai 2024, n° 22-17036.
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5.
Cass. soc., 16 mai 2018, n° 16-25272.
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6.
Cass. soc., 11 juill. 2000, n° 98-40143.
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7.
Cass. soc., 25 févr. 2004, n° 01-43392.
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8.
Cass. soc., 15 oct. 2014, n° 13-11524.
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9.
C. trav., art. L. 1221-19 à C. trav., art. L. 1221-23. Cass. soc., 31 oct. 2007, n° 06-44048 – Cass. soc., 18 mars 1992, n° 88-44518 – Cass. soc., 12 déc. 1983, n° 81-42023.
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10.
Cass. soc., 7 juin 2006, n° 04-45846.
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11.
Cass. soc., 14 déc. 2022, n° 21-18633.
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12.
Cass. soc., 20 déc. 2006, n° 05-42224.
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13.
Cass. soc., 15 nov. 2023, n° 22-11442.
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14.
Cass. soc., 11 oct. 2023, n° 22-13770 – Cass. soc., 7 juin 2023, n° 21-20322.
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15.
Cass. soc., 21 sept. 2017, n° 16-20426.
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16.
Cass. soc., 31 janv. 2024, n° 22-22709.
Référence : AJU014f1