Loin des pistes, un téléphérique à Créteil

Publié le 09/12/2024

Les Franciliens connaissaient déjà le métro, le RER, le bus, le tram, la navette fluviale et même le funiculaire de la butte Montmartre mais la RATP va lancer un nouveau moyen de transport pour les Franciliens : le téléphérique !

La future station Pointe du Lac du Câble 1

Île-de-France Mobilités

C’est une révolution qui va toucher les habitants enclavés de Limeil-Brévannes, Valenton et Villeneuve-Saint-Georges, qui pourront bientôt rejoindre en quelques minutes la station Pointe du Lac sur la ligne 8 du métro. 18 minutes et 5 stations de téléphérique pour survoler les routes, voies ferrées et bâtiments, avec une fréquence d’environ 30 secondes par cabine. Le parcours s’étendra sur un itinéraire de 4,5 kilomètres entre le terminus de la ligne 8 à Créteil Pointe du Lac et le quartier Bois Matar à Villeneuve-Saint-Georges. Un mode de transport innovant et accessible à tous pour répondre aux difficultés quotidiennes des habitants, habitués aux bouchons sur les routes et aux bus surchargés. Dès la fin 2025 (car qui dit emprise au sol réduite dit moins de travaux !), près de 20 000 habitants et 6 000 salariés pourront bénéficier de ce coup de main. Le Câble 1 (ou C1) sera le premier téléphérique d’Île-de-France, mais sans doute pas le dernier, parie le bureau des innovations d’Île-de-France Mobilités. Actu-Juridique leur a demandé la genèse du projet, pour en savoir en plus sur le mode opératoire de celles et ceux qui conçoivent les nouveaux moyens de transport d’une région qui entend de plus en plus favoriser l’interconnectivité et réduire l’utilisation de la voiture, qui reste encore aujourd’hui le seul mode de transport viable pour nombre de Franciliens enclavés ou ruraux. Entretien.

Actu-Juridique : D’où vient l’idée d’installer un téléphérique dans le Val-de-Marne ? Pourquoi ce matériel s’est-il imposé ?

Paul Parikah : Île-de-France Mobilités a pour mission de penser les mobilités de demain dans la région, et proposer des solutions de transports à tous les Franciliens, où qu’ils soient. Concernant le Val-de-Marne, il était nécessaire de désenclaver les communes de Limeil-Brévannes, Valenton et Villeneuve-Saint-Georges, qui possèdent peu de solutions de transports, afin de leur offrir un accès au métro. De plus, en raison des obstacles importants à franchir et des contraintes du territoire (RN 406, lignes de fret et à grande vitesse, gare de triage de Valenton, dénivelés), le choix du câble s’est imposé comme étant adapté, en comparaison avec des solutions de surface (tramway, bus) ou ferrés (métro, train). Il permet des gains de temps élevés par rapport aux autres solutions. Par ailleurs, le Câble 1 s’intègre dans une dynamique générale d’amélioration du cadre de vie des habitants et des riverains. Le projet a ainsi été pensé pour minimiser son impact environnemental et pour s’intégrer harmonieusement dans le paysage.

AJ : De manière générale, comment travaille le pôle innovation pour aller au-devant des nouveaux besoins des utilisateurs (et des contraintes environnementales) ?

Paul Parikah : L’innovation inonde l’ensemble des services d’Île-de-France Mobilités au quotidien. En effet, Île-de-France Mobilités innove pour proposer des solutions de transports en commun adaptés et concrets en fonction des territoires. C’est pour cette raison que, depuis 2016, nous avons investi sur des moyens de transport autres que ceux habituels (métro, train, tramway, bus) : le tram-train, dérivé du tramway, qui peut circuler à la fois en milieu urbain sur des lignes de tramway, et à la fois sur le réseau ferroviaire classique, permettant ainsi d’utiliser d’anciennes voies pour offrir une solution de transport agile et légère en comparaison au mode lourd qu’est le train, le vélo, avec le développement de Véligo Location, qui est le plus grand service de location de vélo au monde et qui permet aux Franciliens de découvrir l’usage du vélo pour leurs trajets du quotidien avant de passer le cap et d’acquérir un vélo. Il s’accompagne d’aides à l’achat pour les vélos proposé par Île-de-France Mobilités, ainsi que par le développement des parkings vélos aux abords des gares et stations pour faciliter l’intermodalité entre le vélo et le réseau de transport. Le câble, moyen de transport permettant d’éviter des obstacles (voies ferroviaires, routes, zones industrielles) et de relier des territoires là où le bus et le train ne le permettent pas. Les cars express, qui sont des lignes de bus confortables pour relier les centres d’activité (La Défense, Roissypôle) aux zones périurbaines via l’autoroute, tout en réduisant le nombre de voitures sur les routes. Le covoiturage et l’autopartage, avec le financement des trajets en covoiturage (deux trajets offerts par jour pour les abonnés Navigo et financement des conducteurs). L’innovation concerne aussi les services proposés, comme la billettique, désormais dématérialisée et disponible sur smartphone et montre connectée (iOS/Android) ou encore le transport à la demande, pour offrir des solutions de desserte dans les zones rurales en fonction des besoins. Au quotidien, l’ensemble des directions (numérique, infrastructures, études et prospectives, etc.) travaillent de concert pour permettre ces innovations, que ce soit pour évaluer les besoins, mettre en place les outils nécessaires et lancer les travaux d’infrastructures.

AJ : Quels autres projets sont à l’étude (taxis volants ? navette fluviale ?)

Paul Parikah : Nous étudions et examinons de nombreux projets afin d’y apporter les financements, les études et les moyens nécessaires. Concernant les projets à l’étude, Île-de-France Mobilités travaille sur les projets de transports en commun, qui relèvent de sa compétence. Les transports individuels, les transports de loisir ou de plaisance ne relèvent pas de son activité, comme les taxis volants. Toutefois, s’agissant des navettes fluviales, Île-de-France Mobilités a mené, par le passé, plusieurs études sur l’opportunité de développer des navettes de transport fluvial de passagers sur les cours d’eaux franciliens. Le but était de mesurer l’opportunité et la faisabilité d’un mode de transport régulier, agréable, porteur d’une dimension de loisirs/tourisme, tout en répondant en premier lieu aux besoins de déplacements du quotidien domicile/travail. Le développement de ce mode de transport fait toutefois l’objet de plusieurs contraintes, comme la faisabilité, l’accessibilité des quais, la vitesse des navettes en comparaison avec les autres modes de transports, le coût ou encore l’existence de l’initiative privée et la dépendance à des facteurs exogènes, comme le climat, les crues ou la fréquentation touristique. Des projets sont toujours à l’étude, mais sont liés au fait de pouvoir augmenter la vitesse des navettes sur les canaux, comme celui de l’Ourcq.

AJ : Comment Île-de-France Mobilités anticipe-t-il les futures contraintes politiques (réduction des voitures dans l’espace urbain) ou environnementales (réchauffement climatique) ?

Paul Parikah : Le développement durable est un engagement d’évidence pour Île-de-France Mobilités, dont la mission de développement et de modernisation des transports participe à l’effort de protection de l’environnement. Île-de-France Mobilités œuvre au quotidien pour décarboner son parc de matériels. En plus des trams et trains, qui sont électriques, les cars et bus passent progressivement à des énergies plus propres – BioGNV et électricité. Depuis 2016, Île-de-France Mobilités a donc mis fin aux acquisitions de bus diesel et s’investit, avec ses opérateurs, dans un processus de transition énergétique de son parc de bus et de cars. Aujourd’hui, 4 410 véhicules propres d’Île-de-France Mobilités roulent avec des gaz 100 % renouvelables. Un objectif : équiper 100 % de la flotte en véhicules propres dès 2025 en zones urbaines denses, et 2029 pour l’ensemble de la région. Le Câble C1 est, tout comme la majorité des transports en commun, une alternative décarbonée efficace et attrayante à l’usage de la voiture. Grâce au gain de temps qu’il offrira à ses futurs voyageurs, le téléphérique encouragera le report modal. L’intermodalité proposée à chaque station (accès au réseau de bus simplifié, aménagements piétons et cyclistes…) favorisera en outre l’usage des modes doux (marche, vélo…). Enfin, grâce à une emprise au sol limitée, les impacts sur la biodiversité locale sont minimisés.

Par ailleurs, Île-de-France Mobilités a lancé en 2019 le service Véligo Location, service de location de vélos à assistance électrique (VAE). Ce service a été pensé pour encourager le développement de la pratique du vélo en permettant à l’ensemble des Franciliens de découvrir et tester l’usage du VAE pour leurs déplacements du quotidien, pendant 6 à 9 mois (1 à 3 mois pour les modèles cargo). L’objectif de ce service est double : proposer une alternative crédible, sécurisée et pratique aux transports en commun et à la voiture pour les Franciliens du quotidien et permettre aux Franciliens de découvrir la pratique du vélo. Véligo Location tire un bilan positif après 5 ans d’existence, avec déjà plus de 100 000 Franciliens séduits. Une autre des missions d’Île-de-France Mobilités est aussi de développer et faciliter l’intermodalité, c’est-à-dire offrir la possibilité de combiner différents modes de transport au sein d’un même réseau : transports en commun, covoiturage, autopartage, parking relais ou parking vélos.

AJ : Sous couvert de simplification, la mise en place d’un tarif unique répond-elle à cette demande des pouvoirs publics d’encourager l’utilisation des transports en commun ?

Paul Parikah : La révolution de la billettique lancée par Valérie Pécresse, présidente d’Île-de-France Mobilités et de la région Île-de-France va simplifier profondément les trajets des utilisateurs occasionnels des transports en Île-de-France dès le 2 janvier 2025 : 2 tickets à tarif unique pour tous les Franciliens, où qu’ils habitent, et un passe Navigo Liberté + étendu à l’ensemble de la région. Cette révolution poursuit trois objectifs : garantir la cohésion sociale et territoriale en Île-de-France, avec un seul tarif pour tous les Franciliens, où qu’ils soient, et la fin des frontières géographiques et des barrières financières à l’usage des transports. Favoriser l’usage des transports en commun et réduire ainsi le nombre de véhicules sur la route (jusqu’à 15 % de véhicules en moins à horizon 2030) et simplifier le quotidien des Franciliens, en donnant plus de lisibilité à la politique tarifaire et en supprimant les absurdités créées par les 50 000 tarifs et les pièges tarifaires (par exemple à La Défense entre le métro et le RER ou à Massy, entre les RER B et C), vécus comme des injustices.

Réduire la voiture et augmenter l’usage des transports en commun est l’un des points importants de cette réforme ; un prix unique et simplifié, peu importe la gare de départ ou d’arrivée, offre plus de clarté et de facilité pour les Franciliens et les encourage à utiliser, même de manière occasionnelle, les transports en commun. Le déploiement du service Liberté +, qui permet de payer moins cher uniquement les trajets consommés le mois suivant, avec correspondances offertes, rend encore plus attractifs les transports en commun pour les Franciliens.

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