Seine-Saint-Denis (93)

Vers un Périph Vert ?

Publié le 06/09/2022
Périphérique, Paris
Atlantis/AdobeStock

Transformer la ceinture grise de Paris en ceinture verte ? C’est le pari de la nouvelle municipalité d’Anne Hidalgo. Mais les premiers travaux laissent pantois les écologistes, pourtant parties prenantes au projet. Tout comme les municipalités qui bordent le périphérique, de la porte de Montreuil à la porte Dauphine, retour sur un projet qui ne fait pas l’unanimité…

La Porte de Montreuil n’a jamais été un endroit idyllique : à l’embouchure de l’avenue de la porte de Montreuil, un rond-point pavé enjambe le périphérique avant de rejoindre la rue de Paris. Le marché aux puces de Montreuil (93) est contraint de se blottir sur un parking et le long des trottoirs, près du reconnaissable hôtel Ibis. Les jours de marché, le trajet d’un piéton d’un point à un autre s’apparente plus à un zigzague. Les vélos doivent se frayer un chemin dans la circulation. Ils frôlent la mort, tout comme les piétons qui pressent le pas devant les véhicules entrants et sortant du périphérique en contrebas. La porte de Montreuil est l’un des nombreux endroits de la capitale où l’on comprend que la ville a été pensée pour la voiture et non l’inverse.

C’est donc logique que la Mairie de Paris, qui entend depuis de nombreuses années donner moins de place aux voitures, ait choisi après la métamorphose de ses places de la République ou de la Bastille, après la réduction de la limitation de vitesse, et la construction de kilomètres de pistes cyclables, de s’attaquer aux 35 kilomètres de son iconique périphérique et à la modification des portes, plus échangeurs autoroutiers que bucoliques entrées dans Paris. Le boulevard périphérique, construit de 1956 à 1973, suit le tracé des anciens fossés et fortifications qui sécurisaient la capitale et ses villages avant 1841. Un no man’s land qui pendant des décennies correspondait à l’ancienne “zone” de Paris, un dépotoir ou bidonville géant, d’où vient l’expression “c’est la zone” et qui nourrit une partie des fantasmes autour de cette barrière supposée être infranchissable.

Une ceinture verte qui permet de voir au-delà du périph

Végétalisation, apaisement du trafic, liaison entre la capitale et sa petite couronne… en mai 2022, la maire de Paris a présenté son livre blanc, établi avec le concours de l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur) pour réduire la pollution sur l’ensemble de sa métropole mais aussi améliorer la vie de plus de 500 000 Franciliens dont la vie et la santé sont impactées par le boulevard. En effet, selon une campagne de mesures Airparif de 2020, 130 000 riverains sont exposés à des niveaux de pollution au-dessus des valeurs limites de la directive européenne (40 microgrammes/m3), et le périphérique représente plus du tiers des émissions d’oxyde d’azote (34 %) et de particules PM10 (39 %) de la capitale. Côté pollution sonore, même chose : en 2009, l’observatoire du bruit en Île-de-France (Bruitparif), indique qu’en journée, de la circulation périphérique produit entre 75 et 79 décibels (dB) contre 68 pendant la nuit (le bruit devient nocif pour la santé à partir de 70 dB). L’objectif de la manœuvre est donc de le transformer progressivement et de le rendre plus soutenable humainement et écologiquement. Cela passera par une modification de ses conditions de circulation (passage de 2×3 voies à 2×2 voies et limitation à 50 km/h) mais surtout par une métamorphose de ses abords. Au final, une bande de 500 mètres de verdure entourera le tracé du boulevard, en partie recouvert par des projets immobiliers.

Le projet sera secondé d’une politique de mise en place la gratuité des transports (plus de 18 M€ d’aides par an pour plus de 70 000 aides versées pour les moins de 18 ans) et le développement d’aides pour l’achat et l’entretien de véhicules non polluant. De 2020 à 2030, ce ne sont pas moins de 169 gares et stations RER/métro/Tramway qui seront créées, améliorant notamment les trajets interbanlieues. À terme, 98 % des habitants de la Métropole du Grand Paris se trouveront à moins de 2 km d’une gare. Le chantier est supposé se faire en plusieurs phases, avec des échéances à 2024 puis 2030. Sans doute la meilleure façon de ménager les esprits. Pour le premier horizon, la mairie entend finaliser la mise en place d’une voie dédiée aux covoiturages/bus/ taxis (voie qui sera réservée aux transports officiels, médias et transports en commun pendant la période des Jeux olympiques et paralympiques), mais aussi la transformation de 5 portes en places (porte de Clichy, porte de la Chapelle, porte Brancion, porte Maillot, porte Dauphine) sur les 22 qui seront transformées en 2030. Autre ex-candidate à la présidentielle, Valérie Pécresse avait organisé une consultation en ligne dans laquelle 90 % des votants s’opposaient à la « suppression » d’une voie sur le périphérique. Sur le périphérique, 40 % de trajets sont de banlieue à banlieue et 80 % des usagers sont non-Parisiens, selon ses décomptes : le renforcement des transports en commun de banlieue à banlieue ne serait donc pas convaincant pour l’opposition.

Greenwashing ou initiative écolo ?

Mais c’est surtout la végétalisation des abords du boulevard, qui rend fière l’édile : près de 70 000 arbres dont plus de 18 000 ont déjà été plantés entre 2020 et mai 2022, auxquels devrait s’ajouter la plantation du terre-plein central (500 arbres), l’aménagement de certaines voies latérales (2 500 arbres). « La végétalisation est un levier extraordinaire et fabuleux pour transformer tout ce territoire », se targue Anne Hidalgo, qui pendant la campagne électorale n’a eu de cesse de présenter sa néo-forêt comme argument écologiste, au grand dam d’EELV. Considérant que les forêts urbaines promises par la maire sont « très coûteuses », Chloé Sagaspe (EELV), vice-présidente de la commission Environnement, climat et biodiversité, propreté au Conseil de Paris, a même dénoncé « une grande opération de communication environnementale dont on peut se demander si elle ne répond pas davantage à des fins médiatiques et électoralistes plutôt qu’à de véritables ambitions écologiques » pour la capitale.

Afin d’assurer du bien-fondé de son virage vert, la mairie avance également l’intérêt d’aménagements urbains végétalisés sur ou autour du périphérique. C’est le cas du projet de ville verticale enjambant le périphérique au niveau de la porte Maillot (XVIe), surnommé le complexe des « Mille arbres » censé devenir « un parc accessible à tous ». Même chose porte des Ternes (XVIIe) avec le projet de « ville multistrate » : la construction d’une structure de petits d’îlots, qui accueilleront bureaux et logements sociaux. Un effet cosmétique plus qu’un effort pour le climat, selon les opposants écologistes. Certains voient derrière cette urbanisation du périphérique plus que de vertes intentions : il serait aussi question de gros sous, en rentabilisant les derniers endroits de Paris inoccupés. « Urbaniser, c’est de la rentabilisation financière, il faut ramener de l’argent à la ville », signale Tony Renucci, président de l’association Respire.

Porte de Montreuil, les premiers coups de pioche ont commencé en début d’année pour faire naître le futur nouveau quartier inventé dans le cadre du concours Reinventing Cities. Fini le rond-point pavé, les dangers mortels et le cauchemar des vélos : le projet doit faire de la porte une place faisant la part belle aux circulations douces (1 208 places vélos) et intégrant une esplanade piétonne et végétalisée en remplacement du rond-point actuel. Le projet est également censé rendre le quartier plus résilient face aux changements climatiques. Le Zéro Carbone est l’horizon envisagé avec 80 % des matériaux utilisés issus d’Île-de-France : terre crue, pierre, bois et béton de chanvre. La totalité des bâtiments sera alimentée par géothermie et une partie de l’énergie électrique produite localement par des toitures solaires. Le projet de réaménagement est également censé mettre en avant les espaces verts, avec 7 000 mètres carrés de surfaces végétalisées. Plus de 300 arbres devraient être plantés pour créer des “forêts urbaines”, et quatre « oasis de fraîcheur ». Problème (et quel problème) : en avril dernier, 76 arbres adultes ont été abattus en prévision des travaux qui devraient commencer en 2023. Selon France Nature Environnement Paris, 174 arbres supplémentaires seraient menacés. De quoi susciter la colère de l’association.

« Ce sont ces arbres anciens très utiles pour nous : ils maintiennent les sols, ils apportent de l’ombre, ils rafraîchissent l’atmosphère. Également ils nous donnent de l’oxygène et ce qu’on aimerait c’est que les projets soient conçus en tenant compte de l’existant et ne pas partir d’une feuille blanche en rasant tout ce qui est sur place pour en faire de nouveaux projets », estime Alexis Boniface, coprésident du Groupe national de sauvegarde des arbres (GNSA), au micro de BFM Paris Île-de-France. Des retenues balayées d’un revers de main par la Mairie de Paris : « Ces arbres étaient affaiblis ou en état de dépérissement irréversible. À l’issue du projet, 216 arbres supplémentaires seront plantés et il y aura 601 arbres dans ce secteur », peut-on lire dans un communiqué. L’horizon 2030 est peut-être lointain, mais la bataille de la ceinture verte se fait déjà à couteaux tirés.