Chronique des arrêts de la cour administrative d’appel de Nancy (Octobre 2017–Mars 2018)

Publié le 05/11/2018

La présente chronique revient sur les arrêts marquants rendus par la cour administrative d’appel de Nancy entre octobre 2017 et mars 2018. Un premier commentaire porte sur le droit des marchés publics et la question du degré de précision des sous-critères de choix de l’offre la plus avantageuse économiquement dans le cadre d’un appel d’offres. Le second commentaire analyse les modalités de contrôle par le juge administratif des décisions autorisant le licenciement d’un salarié protégé. Le troisième commentaire revient sur une affaire très médiatique qui avait donné lieu à la révocation d’un médecin hospitalier chef d’un service de cardiologie.

I – Contrats et marchés publics

Degré de précision des sous-critères et choix de l’offre économiquement la plus avantageuse

CAA Nancy, 4 janv. 2018, n° 17NC00947, Sté Hanover. La cour administrative d’appel de Nancy est saisie d’un litige concernant un marché public conclu entre la communauté d’agglomération du Grand Besançon et la société Seipra Score pour la fourniture et l’installation de girouettes à leds sur les bus urbains.

1. Notons au préalable que ce n’est pas la première fois que la cour est amenée à connaître de cette affaire. En effet, par un arrêt du 8 décembre 20151, la cour avait déjà eu l’occasion de censurer le jugement du tribunal administratif de Besançon qui avait annulé le marché litigieux à la demande de la société Hanover, qui avait été évincée dans le cadre de la procédure d’appel d’offres. La cour avait ensuite rejeté, par un deuxième arrêt en date du 28 avril 20162, le recours en rectification d’erreur matérielle intenté par la même société. Mais cet arrêt avait été ensuite cassé par le Conseil d’État, par une décision du 13 avril 20173, qui a ensuite renvoyé l’affaire à la cour qui est donc amenée à statuer pour la troisième fois dans le cadre de la même affaire.

Selon l’article R. 833-1 du Code de justice administrative « lorsqu’une décision d’une cour administrative d’appel (…) est entachée d’une erreur matérielle susceptible d’avoir exercé une influence sur le jugement de l’affaire, la partie intéressée peut introduire devant la juridiction qui a rendu la décision un recours en rectification ». Il résulte de la jurisprudence que peuvent notamment faire l’objet de ce type de recours l’omission de statuer sur le litige par l’effet dévolutif de l’appel4, l’omission de statuer sur des conclusions5 ou encore le défaut d’analyse d’un mémoire6. En l’espèce, le mémoire récapitulatif de la société Hanover enregistré au greffe de la cour le 28 octobre 2015, comportait un moyen tiré de l’irrégularité et de la mise en œuvre irrégulière du sous-critère dit MTBF, relatif à la fiabilité des girouettes à leds. Or, l’arrêt du 8 novembre 2015 n’avait pas visé ce moyen auquel il n’avait pas davantage été répondu dans ses motifs. Dès lors que cette omission, qui est susceptible d’avoir une influence sur le sens de la décision, n’est pas imputable aux parties, il y a donc lieu pour la cour de compléter les visas de cet arrêt et de se prononcer, comme la société requérante le demande.

2. Comme le précise l’article 52 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, qui reprend sur ce point les principes du Code des marchés publics de 2006, « le marché public est attribué au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l’offre économiquement la plus avantageuse sur la base d’un ou plusieurs critères objectifs, précis et liés à l’objet du marché public ou à ses conditions d’exécution ».

Même si l’ordonnance de 2015 ne le mentionne pas, rien n’interdit au pouvoir adjudicateur d’affiner ses critères de choix des offres en les assortissant de sous-critères. Ces derniers sont alors soumis aux mêmes obligations que les critères généraux dont ils sont les composantes. En effet, comme l’a précisé la Cour de justice de l’Union européenne dans un arrêt ATI EAC Srl e Viaggi di maioSnc c/ACTV VeneziaSpA, Provincia di Venezia, Commune di Venezia, du 24 novembre 2005 « afin de garantir le respect des principes d’égalité de traitement et de transparence, il importe que tous les éléments pris en considération par le pouvoir adjudicateur pour identifier l’offre économiquement la plus avantageuse et, si possible, leur importance relative soient connus des soumissionnaires potentiels au moment de la préparation de leurs offres »7. Toutefois, comme l’a précisé le Conseil d’État à l’occasion de l’arrêt Commune Saint-Pal de Mons du 18 juin 20108, l’obligation de publicité de la pondération ou de la hiérarchisation des sous-critères ne s’impose que si « eu égard à leur nature et à l’importance de cette pondération ou hiérarchisation, ils sont susceptibles d’exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats ainsi que sur leur sélection et doivent en conséquence être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection ». En revanche, si le sous-critère n’est pas susceptible d’exercer une telle influence, il sera assimilable à une simple méthode de notation. Or, il résulte de l’arrêt Collectivité territoriale de Corse du 31 mars 2010 qu’il n’est pas obligatoire de porter la méthode de notation utilisée par le pouvoir adjudicateur à la connaissance des candidats9.

La distinction entre sous-critères et méthode de notation est toutefois délicate et donne lieu à des solutions très circonstanciées. Il a été jugé, par exemple, que l’utilisation d’échantillons pour l’examen des offres n’est constitutive de la mise en œuvre de sous-critères de la valeur technique que si cette prise en compte relève d’un critère distinct de celui de la valeur technique. Dans le cas contraire, il s’agit d’une simple méthode de notation des offres pour l’appréciation du critère de la valeur technique qui n’a pas à être communiquée aux candidats10, et cela quels qu’aient pu être les effets de cette méthode sur la notation des offres11 et à moins qu’elle ne soit de nature à rompre l’égalité entre les candidats12.

Il résulte toutefois de la jurisprudence qu’en cas de litige les sous-critères seront fréquemment assimilés à des critères par le juge administratif. Une illustration de ces principes peut être fournie par l’arrêt de la cour administrative d’appel de Douai du 16 novembre 2012, Société Hydra MS13. Dans cette affaire, qui concernait un marché portant sur la mise en œuvre de chloromètres, la valeur technique était notée sur 30 points. Plus précisément, chaque élément visé au titre de ce critère comptait pour deux points. Parmi ces éléments était visé un point dit de « remplacement des pièces » qui ne figurait pas dans le point du cahier des charges techniques particulières relatif à la maintenance des matériels qui précisait le contenu du contrat de suivi et d’entretien que devaient fournir les entreprises candidates. Pour la cour, le point « remplacement des pièces » dès lors qu’il a été « au nombre des éléments permettant d’apprécier la qualité du mémoire technique des entreprises devait s’analyser comme un sous-critère et non comme une simple méthode de notation ».

Ce sont ces différents principes qui sont appliqués en l’espèce par la cour administrative d’appel de Nancy. Les juges relèvent d’abord que le pouvoir adjudicateur a précisément défini, dans le cahier des clauses techniques particulières « les conditions d’utilisation des produits demandés, en matière notamment de temps d’utilisation par jour et de conditions climatiques et qu’il a indiqué que les candidats devaient s’engager à ce que l’ensemble de l’équipement en girouettes par véhicule ne soit pas en panne plus souvent que tous les quatre ans ». La cour considère que la communauté d’agglomération a ainsi donné toutes les informations nécessaires aux candidats pour procéder, dans des conditions permettant la comparaison de leurs offres, à l’estimation du MTBF des équipements proposés. Elle considère que ce sous-critère est « un indicateur objectif, opérationnel et non discriminatoire de la qualité des produits ». Elle relève enfin que la seule circonstance que la communauté d’agglomération n’a pas davantage précisé la méthode de calcul devant être suivie par tous les candidats n’est pas de nature à établir qu’elle a méconnu les principes d’égalité de traitement des candidats, de transparence des procédures ou qu’elle aurait retenu un sous-critère ne lui permettant pas de choisir l’offre économiquement la plus avantageuse.

La cour décide en conséquence de rectifier l’arrêt du 28 avril 2016, tout en précisant que cette rectification n’a pas d’incidence sur le dispositif de cet arrêt qui rejette la requête de la société Hanover tendant à l’annulation du marché litigieux.

II – Travail et emploi

Le contrôle du juge administratif sur les décisions autorisant le licenciement d’un salarié protégé

CAA Nancy, 28 déc. 2017, n° 16NC01022, Fédération du Crédit mutuel Centre Est Europe. La jurisprudence administrative consacrée au licenciement des salariés protégés emprunte assez largement aux principes énoncés par la chambre sociale de la Cour de cassation comme l’illustre l’arrêt Fédération du Crédit mutuel Centre Est Europe (Fédération du Crédit mutuel) du 28 décembre 2017.

La Fédération du Crédit mutuel avait demandé à l’inspecteur du travail l’autorisation de licencier un de ses salariés qui exerçait les mandats de délégué syndical, de délégué titulaire du personnel, de membre suppléant d’entreprise fédérale et de membre du comité fédéral d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Cette demande était fondée sur deux motifs de nature disciplinaire. D’une part, il était reproché au salarié d’avoir consulté sans nécessité professionnelle les comptes bancaires d’un client qu’il avait ensuite menacé de dénoncer aux services fiscaux. D’autre part, à la suite de l’enquête interne diligentée par la banque portant sur les comptes bancaires du salarié, il était apparu que celui-ci s’était rendu coupable de détournement de fonds au détriment du syndicat dont il était le trésorier.

La procédure suivie en l’espèce est particulièrement complexe. La demande d’autorisation de licenciement formée par la banque avait d’abord été rejetée par une décision de l’inspection du travail du 1er octobre 2012, motivée par le fait que cette demande ne qualifiait pas les faits reprochés au salarié, puis par une décision du 9 novembre 2012 consécutivement à la reprise de la procédure de licenciement. Dans cette deuxième décision, l’inspecteur du travail avait estimé que le premier motif invoqué par l’employeur n’était pas établi. Il avait ensuite estimé, concernant la suspicion de détournement de fonds, que l’employeur avait fait usage de moyens disproportionnés au regard du but qu’il poursuivait. Cette décision avait ensuite fait l’objet d’un recours hiérarchique devant le ministre du Travail qui avait confirmé l’autorisation de licenciement tout en opérant une substitution de motifs en retenant le non-respect du délai de cinq jours ouvrables prévu par l’article L. 1232-2 du Code du travail entre la convocation à l’entretien préalable et l’entretien lui-même. L’inspecteur du travail avait ensuite été une nouvelle fois saisi par l’employeur et il avait de nouveau refusé le licenciement pour les mêmes motifs de fond que ceux qui soutenaient sa précédente décision du 9 novembre 2012. Enfin, par une décision du 21 novembre 2013, le ministre du Travail avait annulé la décision de l’inspecteur du travail. Mais s’il avait considéré que le motif disciplinaire du licenciement n’était pas établi, il avait estimé que le détournement de fonds reproché au salarié constituait un trouble manifeste dans le fonctionnement de l’entreprise pouvant justifier le licenciement.

Cette décision du ministre avait été annulée par le tribunal administratif de Strasbourg. La cour administrative d’appel de Nancy confirme l’illégalité de cette décision. Elle considère que le licenciement ne pouvait être fondé sur un motif disciplinaire (I) et que les preuves apportées par l’employeur présentaient un caractère illicite (II).

I. Le licenciement ne pouvait être fondé sur un motif disciplinaire. La question qui se pose en l’espèce, est de déterminer, si les actes commis par un salarié à l’occasion de l’exécution de son mandat peuvent justifier un licenciement pour motif disciplinaire. Sur cette question, la chambre sociale de la Cour de cassation considère qu’une « sanction disciplinaire ne peut être prononcée qu’en raison de faits constituant un manquement du salarié à ses obligations professionnelles envers l’employeur »14.

C’est une solution similaire qui a été retenue par le Conseil d’État dans un arrêt Patarin du 4 juillet 2005 dont il résulte que « si l’agissement incriminé est rattachable à l’exercice des fonctions représentatives, il ne peut être qualifié de faute »15.

Par exception, toutefois, le licenciement disciplinaire peut être justifié si les agissements du salarié protégé constituent un manquement à ses obligations contractuelles. Tel est le cas, par exemple, pour un salarié qui a commis de façon délibérée des actes de violence sur la personne d’un collègue sur le lieu du travail, à l’occasion de ses fonctions représentatives. Dans ce cas, en effet, le salarié protégé a méconnu « son obligation, découlant de son contrat de travail, de ne pas porter atteinte, dans l’enceinte de l’entreprise, à la sécurité d’autres membres du personnel »16. De même « l’utilisation par un salarié protégé de ses heures de délégation pour exercer une autre activité professionnelle méconnaît l’obligation de loyauté à l’égard de son employeur qui découle de son contrat de travail »17. À l’inverse, il a été jugé que le fait, pour un salarié protégé, recruté sur un emploi de chauffeur, de commettre, dans le cadre de sa vie privée, une infraction de nature à entraîner la suspension de son permis de conduire « ne saurait être regardé comme une méconnaissance par l’intéressé de ses obligations contractuelles à l’égard de son employeur »18.

Par ailleurs, si le terrain disciplinaire est donc normalement exclu, il est toutefois possible pour l’employeur de se placer sur un terrain objectif en recherchant, comme le précise également l’arrêt Patarin « si les faits en cause sont établis et de nature, compte tenu de leur répercussion sur le fonctionnement de l’entreprise, à rendre impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, eu égard à la nature de ses fonctions et à l’ensemble des règles applicables au contrat de travail de l’intéressé ». Mais dans ce cas c’est à l’employeur qu’il « appartient d’établir que les répercussions effectives du comportement du salarié sur le fonctionnement de l’entreprise sont, eu égard à la nature de ses fonctions et à l’ensemble des règles applicables à son contrat de travail, de nature à justifier son licenciement »19. Il en va ainsi dans les hypothèses où l’employeur allègue que les faits de harcèlement moral dont se serait rendu coupable le salarié protégé seraient de nature à rendre impossible son maintien dans l’entreprise20. Dans la présente affaire, le détournement de fonds commis par le salarié au détriment de son syndicat constitue certainement un motif permettant son licenciement pour « trouble ». Mais encore faut-il, comme le précise la cour en l’espèce, que l’employeur n’ait pas employé de moyens illicites en vue d’établir ces faits.

II. Le caractère illicite des preuves apportées par l’employeur. La chambre sociale de la Cour de cassation considère de longue date que « la loyauté qui doit présider aux relations de travail interdit à l’employeur de recourir à des artifices et stratagèmes pour placer le salarié dans une situation qui puisse ultérieurement lui être imputée à faute »21. Cette solution a été admise dans une affaire où le licenciement pour faute d’une salariée était consécutif à l’écoute par l’employeur des enregistrements réalisés par elle sur son dictaphone personnel en son absence et sans qu’elle ait été dûment appelée22. Une solution identique a été retenue dans une affaire où l’employeur avait ouvert les fichiers identifiés par le salarié comme personnels contenus sur le disque dur de l’ordinateur mis à sa disposition en dehors de la présence de ce dernier ou en tout cas sans que celui-ci ait été dûment appelé23. Plus précisément, la Cour de cassation rejette les modes de preuve qui reposent sur un « dispositif de surveillance clandestin et à ce titre déloyal »24. Elle censure, en conséquence, tout recours à un stratagème pour recueillir une preuve, que celui-ci soit mis en place par l’employeur25 ou par un huissier de justice26. Cette solution a notamment été retenue dans une affaire où l’employeur – la Poste – avait piégé des lettres en utilisant de l’encre bleue en vue de confondre un facteur qui détournait du courrier27.

Toutes ces solutions sont reprises par la jurisprudence administrative qui sanctionne également l’utilisation de moyens de preuve illicites. C’est un arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux du 9 mai 2017 qui est le plus explicite sur ce point28. Dans cette affaire, les juges ont posé comme principe que « tout employeur est tenu, vis-à-vis de ses salariés, à une obligation de loyauté. Il ne saurait, par suite, fonder une demande d’autorisation de licenciement à l’encontre de l’un de ses salariés sur des pièces ou documents obtenus en méconnaissance de cette obligation ». En conséquence, précise le même arrêt, « il appartient au juge administratif, saisi de la légalité d’une décision relative à une demande d’autorisation de licenciement pour faute, d’apprécier si les éléments de preuve produits par l’employeur à l’appui de sa demande d’autorisation de licenciement répondent à cette obligation de loyauté ». Plus précisément « si l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de ses salariés pendant le temps du travail (…) l’emploi d’un procédé clandestin de surveillance est illicite ». En l’espèce, il est jugé qu’est illicite le fait pour l’employeur de filmer à leur insu des salariés29.

Si les jurisprudences administrative et judiciaire s’accordent sur l’exigence de loyauté dans l’administration de la preuve de comportements justifiant un licenciement pour faute d’un salarié protégé, ce n’est pas toutefois exactement dans ce cadre que s’inscrit l’arrêt commenté. En effet, dans la présente affaire, c’est bien d’un licenciement pour « trouble objectif » dont il est question. S’il n’existe pas à notre connaissance de précédent à cette décision, il n’y a aucune raison de considérer que l’exigence de loyauté qui pèse sur l’employeur dans le cadre d’un licenciement pour faute serait écartée dans l’hypothèse qui nous retient. Dans ce cadre également, juge la cour, l’employeur doit faire usage de moyens de preuve licites. Elle considère, logiquement, que la plainte dont il avait été saisi par un client, relative à la consultation de ses comptes par le salarié, par la divulgation d’informations confidentielles et par la menace d’une dénonciation aux services fiscaux, ne justifiait pas que l’employeur consulte le compte bancaire du salarié sans l’en informer préalablement. Ainsi, le ministre du Travail ne pouvait, pour annuler la décision de l’inspecteur du travail, « estimer que le détournement de fonds reproché au salarié constituait un trouble manifeste dans le fonctionnement de l’entreprise, dès lors que les éléments pris en compte par l’employeur pour justifier sa demande de licenciement avaient été recueillis dans des conditions illicites ».

III – Fonctionnaires et agents publics

Annulation d’une décision de révocation d’un chef de service du service de chirurgie cardiaque

CAA Nancy, 26 oct. 2017, n° 17NC00853, Roux. L’arrêt rendu par la cour administrative d’appel de Nancy le 26 octobre 2017 constitue une intéressante illustration des contrôles opérés par le juge de l’excès de pouvoir sur les décisions de sanction des fonctionnaires. Le contexte dans lequel s’inscrit cette affaire, qui a connu un certain retentissement médiatique, mérite d’être rappelé. En 2008, le Schéma interrégional d’organisation sanitaire de l’Est avait prévu la fermeture de l’un des deux plateaux de chirurgie cardiaque qui existaient jusqu’alors à Metz : un plateau public relevant du Centre hospitalier régional (CHR) de Metz et un plateau relevant du groupe privé Médi-partenaires. Le rapport relevait que « sur Metz il existe 2 structures autorisées qui affichent des activités qui oscillent chacune depuis plusieurs années autour de ce seuil minimum de 400 interventions par an. Le regroupement de ces 2 structures à faible activité paraît la proposition la plus intéressante pour répondre à la fois aux besoins, pour conforter sur un même site une équipe avec des moyens humains et techniques confortés ». Quelque mois après la publication de ce document, le directeur général de l’Agence régionale de santé (ARS) de Lorraine, a constaté l’augmentation du taux de mortalité dans le service de chirurgie cardiaque du CHR de Metz ce qui l’a conduit à diligenter une mission d’expertise. L’ARS a relevé en 2009 et pour les premiers mois de 2010 un taux global de mortalité de 11,2 % alors que le taux moyen pour les CHU et les CHR est de 6,8 %. Plus spécifiquement, elle a relevé un taux de mortalité de 19,1 % pour les changements de valve, pour une moyenne de 6,4 % au niveau national. Pour les pontages, le taux était de 4,8 % pour le CHR de Metz contre 3,4 % sur la base nationale. À la suite de ce rapport deux décisions ont été prises. La première a consisté en la fermeture administrative du service de chirurgie cardiaque du CHR qui a ensuite été rouvert avec un adossement au CHU de Nancy. La seconde a consisté en la révocation du docteur Pierre-Michel Roux qui assurait la direction du service de chirurgie cardiaque de ce service par un arrêté de la directrice générale du Centre national de gestion (CNG) des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière. Si le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande du docteur Roux tendant à l’annulation de cette décision, la cour administrative d’appel de Nancy a fait droit à cette demande dans un arrêt de formation plénière du 18 décembre 201430 en retenant un vice de procédure. Cet arrêt avait ensuite été cassé par le Conseil d’État pour erreur de droit dans une décision du 31 mars 2017 et l’affaire avait été renvoyée à la cour31.

La cour opère un raisonnement en trois temps : elle vérifie l’existence matérielle des faits, elle contrôle ensuite leur qualification juridique et enfin la proportionnalité de la sanction retenue. Si la cour constate l’existence d’une surmortalité péri-opératoire (I) et si elle relève l’existence de fautes commises par le directeur du service de cardiologie (II), elle considère toutefois que la sanction de révocation prononcée à son égard est disproportionnée (III), ce qui conduit à l’annulation de la décision contestée.

I. Le contrôle de l’exactitude matérielle des faits : l’existence d’une surmortalité péri-opératoire. Le contrôle de l’erreur de fait par le juge de l’excès de pouvoir est habituel et il a été inauguré par le célèbre arrêt Camino du Conseil d’État du 14 janvier 191632. En application de cette jurisprudence, les décisions de sanction prises sur le fondement de faits matériellement inexacts doivent être annulées.

En l’espèce tout le débat portait sur la question de savoir si les autorités sanitaires pouvaient considérer qu’il existait une surmortalité péri-opératoire dans le service de cardiologie du CHR de Metz. Sur ce point, la cour rappelle d’abord que la directrice générale du CNG s’est fondée, notamment, sur le rapport d’expertise du 11 octobre 2010, dont il ressort que, sur la période du 2 janvier 2009 au 16 septembre 2010, le taux de mortalité global observé chez les patients opérés au sein du service de chirurgie cardiaque a augmenté de façon alarmante, comme on a pu l’observer plus haut.

Le requérant conteste la validité des données statistiques prises en compte par les inspecteurs, ainsi que la pertinence des indicateurs retenus, dont la méthodologie serait insuffisante. Plus précisément, il estime que les chiffres de son service ne peuvent pas être valablement comparés à ces données, qui ne prennent pas en compte, notamment, le risque péri-opératoire plus élevé des patients pris en charge par son service, eu égard à leur âge et leur état de santé.

Les juges relèvent toutefois que les inspecteurs se sont fondés sur plusieurs bases de données distinctes, ainsi que sur les informations fournies par le CHR de Metz-Thionville lui-même, qui mettent toutes en évidence un taux de mortalité très sensiblement supérieur à la moyenne nationale. Cette comparaison au niveau national est étayée par une autre comparaison établie à partir des données statistiques propres à l’établissement dont il ressort que si le taux de mortalité moyen des patients pris en charge par le service était de 7,44 % en 2006, 6,7 % en 2007 et 2008 et 7,14 % de janvier à avril 2009, il est ensuite passé à 13,57 % sur la période de mai à décembre 2009, puis à 14,29 % sur la période de janvier à juin 2010, de sorte que de mai 2009 à juin 2010, il s’élevait à près du double du taux moyen habituellement constaté auparavant dans son service.

La cour estime en conséquence que la directrice générale du CNG ne s’est pas fondée sur des faits matériellement inexacts en estimant que le taux très élevé de mortalité péri-opératoire des patients opérés dans le service de chirurgie cardiaque du CHR de Metz-Thionville entre le 2 janvier 2009 et le 16 septembre 2010 révélait un phénomène de surmortalité.

II. Le contrôle de la qualification juridique des faits : le directeur du service de cardiologie a commis une faute pouvant justifier une sanction. Les faits étant établis, il s’agissait ensuite de déterminer s’ils pouvaient être imputés à une faute commise par le requérant. Dans un arrêt de section Morin du 16 juin 196533 le Conseil d’État avait posé pour principe qu’il incombe à l’Administration de démontrer « l’exactitude matérielle des griefs invoqués ». Par ailleurs, il appartient aux juges de contrôler si les faits reprochés à l’agent constituent des fautes de nature à justifier une sanction.

Or, justement, trois types de faits reprochés au requérant ne pouvaient être qualifiés de fautifs selon l’analyse faite par la cour. Tout d’abord, l’Administration reprochait au requérant d’avoir pratiqué de nombreuses interventions comportant une proportion importante de gestes opératoires complexes et longs. Pour la cour, ces faits ne sont pas fautifs, deux études produites par le docteur Roux établissant notamment que les interventions en cause n’étaient pas injustifiées et que les gestes chirurgicaux étaient pratiqués dans les règles de l’art. Ensuite, l’Administration considérait que le requérant n’aurait pas tenu compte, dans sa pratique chirurgicale, de la capacité moyenne du CHR et des conditions de prise en charge par le service de réanimation. La qualification de faute est également écartée, notamment parce que l’autorité administrative n’a pas établi que le docteur Roux n’avait pas adapté sa pratique aux conditions de prise en charge offertes par la réanimation en postopératoire. Enfin, ne constitue pas une faute le fait que le requérant n’aurait pas intégré la réalité des taux de mortalité très élevés des patients opérés, ce qui est notamment démenti par de nombreux témoignages.

En revanche une faute a bien été commise par le docteur Roux qui n’a « pas tenu compte des avantages, des inconvénients et des conséquences de ses indications opératoires compte tenu de la spécificité de ses patients plus âgés que la moyenne nationale et présentant des pathologies associées ». En d’autres termes, si la surmortalité observée est liée en partie au fait que le service est fréquenté par un public présentant plus de risques que celui fréquentant les autres hôpitaux, cette particularité aurait dû conduire le chef de service à prendre davantage en compte les avantages, inconvénients et conséquences des opérations qu’il proposait à ses patients et à envisager toutes les alternatives thérapeutiques. Si ce comportement est donc fautif, il restait encore à déterminer s’il était de nature à justifier une sanction aussi grave que celle de la révocation.

III. Le contrôle de la proportionnalité de la sanction : la sanction de révocation présente un caractère disproportionné. Le Conseil d’État a longtemps exclu tout contrôle de qualification juridique des faits dans le choix de la sanction disciplinaire infligée à un agent public34. À l’occasion de l’arrêt Lebon du 9 juin 1978, les juges ont ensuite opéré un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation35. Ils ont considéré dans cette affaire « qu’en prononçant, à raison (des faits), la sanction de la mise à la retraite d’office du sieur Lebon, le recteur s’est livré à une appréciation qui n’est pas entachée d’erreur manifeste ».

Cette solution était de plus en plus contestée notamment au regard de l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’Homme relatif au procès équitable qui a progressivement pénétré le droit de la fonction publique, ce qui posait nécessairement la question de la conformité à ces stipulations d’une jurisprudence par laquelle le juge limitait lui-même l’exercice de ses pouvoirs36. En outre, il résulte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel que l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, selon lequel « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires », ne concerne pas seulement « les peines prononcées par les juridictions répressives mais s’étend à toute sanction ayant le caractère d’une punition même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature non judiciaire »37. Cette solution a conduit à un contrôle élargi des sanctions disciplinaires par le juge de l’excès de pouvoir, notamment celles infligées à des élèves de l’enseignement public38, à des professionnels exerçant des professions réglementées39 ou à des sportifs40. Il faut aussi rappeler que le recours contre les sanctions infligées aux administrés est devenu un recours de plein contentieux ce qui implique la possibilité pour le juge de réformer la décision contestée41.

S’agissant des fonctionnaires, c’est l’arrêt d’assemblée Dahan du 13 novembre 2013 qui a opéré une évolution dans le sens d’un approfondissement du contrôle du juge de l’excès de pouvoir42. Les juges énoncent ici qu’il « appartient au juge de l’excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l’objet d’une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes ». C’est donc un contrôle maximum des sanctions prises à l’encontre des fonctionnaires, c’est-à-dire un contrôle de proportionnalité, qui est désormais mis en œuvre par le juge administratif.

On comprend en l’espèce que la plupart des faits reprochés par l’autorité administrative n’étant pas qualifiés de fautifs, la sanction de révocation nécessairement disproportionnée, ce qui n’était pas le cas, en revanche, dans l’affaire Dahan. Il en résulte que « si le manquement du requérant à ses obligations professionnelles constitue (…) une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire, l’autorité disciplinaire a, en l’espèce, pris une sanction disproportionnée en décidant sa révocation ». La décision prise par la directrice du CNG était donc illégale et elle est donc annulée tout comme le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 3 juin 2013.

Notes de bas de pages

  • 1.
    CAA, 8 déc. 2015, n° 14NC00752.
  • 2.
    CAA, 28 avr. 2016, n° 16NC00173.
  • 3.
    CE, 13 avr. 2017, n° 401020.
  • 4.
    CE, 14 févr. 1990, n° 105159, Épx Gloviak : Lebon, p. 35 ; AJDA 1990, p. 479, concl. Stirn B. – CE, 10 avr. 2010, n° 322015, Faure : Lebon, p. 935.
  • 5.
    CE, 11 juill. 1952, Sté Achille Hauser : Lebon, p. 372 – CE, 17 avr. 1970, Sté DMS Préfontaines : Lebon, p. 260 – CE, 30 nov. 1994, n° 133493, Centre hospitalier de Valence : Lebon, p. 1155 – CE, 11 janv. 2006, n° 279878, Dhenin.
  • 6.
    CE, 18 nov. 2015, n° 373568, Vitse.
  • 7.
    CJUE, 24 nov. 2005, n° C-331/04 : AJDA 2006, p. 247, chron. Broussy E., Donnat F. et Lambert C.
  • 8.
    CE, 18 juin 2010, n° 337377 : Lebon, p. 212 ; AJCT 2010, p. 32, note Dreyfus J.-D. ; AJDA 2010, p. 1234, obs. Pastor J.-M. ; Contrats-marchés publ. 2010, repère 8, obs. Llorens F. et Soler-Couteaux P. et comm. 261, note Rees P. ; Dr. Adm. 2010, comm. 129, note Brenet F. ; JCP A 2010, comm. 2258, note Linditch F. ; RLCT 2010, p. 31, note Caille P.
  • 9.
    CE, 31 mars 2010, n° 334279 : BJCP 2010, p. 241, concl. Boulouis N., obs. C. M. ; JCP A 2010, 2195, note Linditch F. ; Contrats-Marchés publ. 2010, comm. 265, note Zimmer W. ; comm. 240, note Devillers P.
  • 10.
    CE, 23 mai 2011, n° 339406, Cne Ajaccio
  • 11.
    CE, 21 mai 2010, n° 333737, Cne Ajaccio.
  • 12.
    CE, 21 mai 2010, n° 333737, Cne Ajaccio.
  • 13.
    CAA Douai, 16 nov. 2012, n° 11DA01162.
  • 14.
    Cass. soc., 30 juin 2010, nos 09-66792 et n° 09-66793 : JCP S 2010, 1444, note Bossu B. – V. aussi Cass. soc., 4 juill. 2000, nos 97-44846 et 98-44959 : Bull. civ. V, n° 263 ; JCP G 2000, IV 2511 ; TPS 2000, comm. 361 ; RJS 2000, n° 1109, 2e esp. ; Semaine sociale Lamy, 1005, p. 10, note Haller M.-C.
  • 15.
    CE, 4 juill. 2005, n° 272193 : Lebon, p. 306.
  • 16.
    CE, 27 mars 2015, n° 368855, Goncalves.
  • 17.
    CE, 27 mars 2015, n° 371174, ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social.
  • 18.
    CE, 15 déc. 2010, n° 316856, Renault.
  • 19.
    CE, 29 juin 2016, n° 387412, X. : Lebon, p. 976.
  • 20.
    CE, 29 juin 2016, n° 387412, X. : Lebon, p. 976.
  • 21.
    Cass. soc., 23 mai 2012, n° 10-23521 : Bull. civ. V, p. 10 ; JCP S 2012, 1371, note Bossu B.
  • 22.
    Cass. soc., 23 mai 2012, n° 10-23521 : Bull. civ. V, p. 10 ; JCP S 2012, 1371, note Bossu B.
  • 23.
    Cass. soc., 17 mai 2005, n° 03-40017 : Bull. civ. V, p. 143 ; D. 2005, Somm. 2649, obs. Marino L. ; Comm. com. électr. 2005, comm. 121, obs. Lepage A.
  • 24.
    Cass. soc., 18 mars 2008, n° 06-45093 ; Cass. soc., 4 juill. 2012, n° 11-30266.
  • 25.
    Cass. soc., 18 mars 2008, n° 06-45093 ; Cass. soc., 4 juill. 2012, n° 11-30266.
  • 26.
    Cass. soc., 18 mars 2008, n° 06-40852 : JCP G 2008, act. 233, obs. Dauxerre N.
  • 27.
    Cass. soc., 4 juill. 2012, n° 11-30266.
  • 28.
    CAA Bordeaux, 9 mai 2017, n° 15BX02686.
  • 29.
    V. dans le même sens CAA Lyon, 12 déc. 2013, n° 13LY00028, Sté Dôme frais distribution.
  • 30.
    CAA Nancy, ass. plén., 18 déc. 2014, n° 13NC01485.
  • 31.
    CE, 31 mars 2017, n° 388099.
  • 32.
    CE, 14 janv. 1916 : Lebon, p. 15 ; RDP 1917, p. 463, concl. Corneille M., note Jèze G. ; S. 1922, III, p. 10, concl. Corneille M.
  • 33.
    CE, sect., 16 juin 1965, n° 62105 : Lebon, p. 355.
  • 34.
    CE, 23 janv. 1935, Four : Lebon, p. 91.
  • 35.
    CE, 9 juin 1978, n° 05911 : Lebon, p. 245 ; AJDA 1978, p. 573, concl. Genevois B., note S. S. ; D. 1979, Jur., p. 275, obs. Sinay F. ; RDP 1979, p. 227, note Auby J.-M.
  • 36.
    CEDH, gde ch., 8 déc. 1999, n° 28541/95, Pellegrin c/France : Rec. CEDH 1999, VIII ; RTDH 2000, p. 819, note Wachsmann P. ; AJFP mai-juin 2000, p. 52 ; LPA 17 mai 2000, p. 7, note Melleray F. – CEDH, 19 avr. 2007, n° 63235/00, Eskelinen c/Finlande : Rec. CEDH 2007, I ; AJDA 2007, p. 887.
  • 37.
    Cons. const., 30 déc. 1987, n° 87-237 DC, loi de finances pour 1988 : Rec. Cons. const., p. 63.
  • 38.
    CE, 27 nov. 1996, nos 170207 et 170208, Ligue islamique du Nord : Lebon, p. 461 ; Dr. adm. 1997, 6 ; JCP G 1997, II 22808, note Seiller B.
  • 39.
    CE, sect., 22 juin 2007, n° 272650, Arfi : Lebon, p. 263 ; RFDA 2007, p. 1199, concl. Guyomar M.
  • 40.
    CE, 2 mars 2010, n° 324439, Féd. fr. d’athlétisme : Lebon, p. 894 ; AJDA 2010, p. 664, chron. Liéber J. et Botteghi S. ; Dr. adm. 2010, comm. 82, note Melleray F.
  • 41.
    CE, ass., 16 févr. 2009, n° 274000, Sté ATOM : Lebon, p. 25, concl. Legras C. ; AJDA 2009, p. 583, chron. Liéber J. et Botteghi S. ; JCP A 2009, comm. 2089, note Bailleul D. ; RFDA 2009, p. 259, concl. Legras C. ; RJEP 2009, comm. 30, note Melleray F.
  • 42.
    CE, ass., 13 nov. 2013, n° 347704 : Lebon, p. 279 ; AJDA 2013, p. 2432, chron. Bretonneau A. et Lessi J. ; AJFP 2014, p. 5, concl. Keller R., note Fortier C. ; Dr. adm. 2014, comm. 11, note Duranthon X. ; JCP A 2014, comm. 2241, note Bailleul D. ; JCP G 2014, comm. 149, note Vautrot-Schwartz C. ; LPA 4 févr. 2014, p. 6, note Charron A. ; RFDA 2013, p. 1175, concl. Keller R.
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