Chronique des arrêts de la cour administrative d’appel de Nancy (Octobre 2018 – Mars 2019)

Publié le 02/10/2019

La présente chronique revient sur les arrêts marquants rendus par la cour administrative d’appel de Nancy entre octobre 2018 et mars 2019. Un premier commentaire porte sur le droit des marchés publics et sur la question de l’indemnisation des aléas d’exécution dans le cadre d’un marché à forfait. Le second commentaire se rapporte aux problématiques juridiques liées au déploiement du compteur Linky par Enedis (anciennement ERDF) et plus précisément à la question de la recevabilité d’un recours Tarn-et-Garonne contre les clauses d’un avenant à une concession de distribution publique d’électricité. Enfin, un dernier commentaire concerne le fonctionnement des fédérations sportives et traite de la compétence du comité exécutif de la Fédération française de football.

I – Contrats et marchés publics

Indemnisation des aléas d’exécution dans le cadre d’un marché à forfait

CAA Nancy, 4 déc. 2018, n° 16NC01272, Sté Costantini France Holding.

Dans le cadre d’un marché public de travaux relatif à la construction d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, un différend est survenu dans le règlement financier concernant la société Costantini France Holding, attributaire d’un lot portant sur la réalisation de travaux de gros œuvre et la maison de retraite Saint-Charles. Cette société a adressé au maître d’œuvre un projet de décompte final laissant apparaître en sa faveur un solde de plus de 409 000 €. Le maître d’ouvrage délégué lui a alors notifié un projet de décompte général faisant apparaître un solde débiteur résultant notamment de l’application de pénalités de retard. Son mémoire en réclamation ayant été implicitement rejeté, la société Costantini France Holding a saisi le tribunal administratif de Nancy d’une demande tendant à la condamnation du maître d’ouvrage au paiement des sommes réclamées en exécution du marché. Le tribunal administratif ayant rejeté sa demande, la société a interjeté appel devant la cour administrative d’appel de Nancy.

1. Ce que demande la société c’est la réparation des dépenses liées aux difficultés rencontrées dans l’exécution du marché et à la réalisation de travaux supplémentaires. S’agissant toutefois d’un marché à prix forfaitaire, les possibilités d’indemnisation de ces dépenses supplémentaires sont strictement encadrées par la jurisprudence. Rappelons ici que les prix des prestations peuvent être fixés à prix unitaire ou à prix forfaitaire : le prix unitaire est appliqué aux quantités livrées ou exécutées par la titulaire du marché ; le prix forfaitaire le rémunère pour l’ensemble des prestations réalisées. Il en résulte que normalement, dans le cadre d’un marché à forfait, les éventuels aléas d’exécution restent à la charge du titulaire du marché.

La cour rappelle ici les principes dégagés par le Conseil d’État à l’occasion de l’arrêt Ministre d’État chargé de la Défense nationale c/ Sté Campanon Bernard du 28 février 19751 qui permettent, dans certains cas, de faire exception à ce principe. Ainsi : « Les difficultés rencontrées dans l’exécution d’un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l’entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l’économie du contrat soit qu’elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l’exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l’estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics ».

Les difficultés rencontrées dans l’exécution d’un marché à forfait ne peuvent donc ouvrir droit à indemnité que dans deux hypothèses. La première concerne les sujétions imprévues. Dans un cadre général, cette théorie a vocation à s’appliquer lorsque les difficultés rencontrées dans le cadre de l’exécution d’un marché présentent un caractère exceptionnel, imprévisible au moment de la conclusion du contrat et lorsqu’elles sont liées à une cause extérieure aux parties2. Dans le cadre des marchés à forfait, il est exigé, de surcroît, que les sujétions imprévues aboutissent à un bouleversement de l’économie du contrat. Cette solution a ainsi été retenue dans une affaire où les difficultés liées à la qualité géologique des sols, qui ne pouvaient pas être déterminées à l’avance par le titulaire du marché, avaient entraîné un surcoût de 45 % pour celui-ci3. En revanche, elle a été écartée dans une autre affaire où le caractère novateur du procédé mis en œuvre, pouvant générer des surcoûts, a conduit les juges à considérer que la condition d’imprévisibilité n’était pas remplie4.

La seconde hypothèse permettant l’indemnisation du titulaire d’un marché à forfait est celle où les difficultés rencontrées sont imputables à une faute de la personne publique5. Elle a ainsi été écartée dans une affaire où le retard pris par le chantier était imputable « à une gestion désordonnée du suivi des travaux par la maîtrise d’œuvre (…) » ainsi qu’à « des manquements des différents intervenants, et notamment à l’abandon progressif du chantier (par la société titulaire du lot gros œuvre) et à la mise en liquidation judiciaire de la (société chargée du carrelage et des sols souples », ainsi qu’« à des problèmes de planification du chantier de la part (du maître d’œuvre) ».

C’est la question d’une éventuelle faute commise par le maître d’ouvrage dans la gestion du chantier qui est d’abord débattue en l’espèce. Plus précisément, la question consiste à déterminer si le maître d’ouvrage a commis une faute en dérogeant à l’obligation d’allotissements du marché. On rappellera ici qu’en application de l’article 10 du Code des marchés publics alors en vigueur « afin de susciter la plus large concurrence, et sauf si l’objet du marché ne permet pas l’identification de prestations distinctes, le pouvoir adjudicateur passe le marché en lots séparés. Toutefois, le même article prévoit que : « le pouvoir adjudicateur peut (…) passer un marché global, avec ou sans identification de prestations distinctes, s’il estime (…) qu’il n’est pas en mesure d’assurer par lui-même les missions d’organisation, de pilotage et de coordination ». La cour relève que la maison de retraite Saint-Charles, qui gère 80 lits, ne disposait pas des services techniques lui permettant, au regard de l’importance de l’opération en cause, d’assurer par elle-même les missions d’organisation, de pilotage et de coordination. Elle n’a donc commis aucune faute en attribuant, par dérogation à la règle de l’allotissement, à un même groupement de maîtrise d’œuvre un marché global comportant également de telles missions, étant précisé par ailleurs que la société requérante n’établit pas que ce choix aurait, par lui-même, été à l’origine des défaillances susceptibles d’avoir été constatées dans la conduite du chantier et qu’il lui aurait été préjudiciable. La cour relève ensuite qu’aucune faute n’a été commise dans l’établissement du calendrier détaillé d’exécution des travaux, pas plus que dans l’absence de recalage de plannings, et l’absence de respect du calendrier de remise des plans ne pouvait, à la supposer établie, qu’être imputée à la société en charge de la mission OPC d’organisation, de pilotage et de coordination. Enfin, le retard dans le démarrage de ses travaux par l’entreprise requérante, pas plus que les retards de transmission des plans d’exécution et les supposées incohérences et erreurs qu’ils recèleraient, ainsi que l’allongement de la durée du chantier de la société requérante, ne sont imputables au maître de l’ouvrage.

2. S’agissant ensuite de la demande d’indemnisation pour travaux supplémentaires, la cour rappelle les principes dégagés par le Conseil d’État à l’occasion de l’arrêt Cne de Canari du 17 octobre 19756. Il en résulte que « le titulaire d’un marché conclu à prix global et forfaitaire peut obtenir une rémunération complémentaire lorsqu’il effectue des prestations non prévues au marché et commandées par ordre de service ou lorsque ces prestations, alors même qu’elles n’auraient pas été commandées par ordre de service, étaient indispensables à la réalisation de l’ouvrage dans les règles de l’art ». Cette solution s’applique quelles que soient les modalités contractuelles de rémunération du cocontractant, et donc y compris en cas de rémunération forfaitaire7. En l’absence d’ordre de service – écrit ou verbal – il appartenait donc à l’entreprise requérante de démontrer que les travaux entrepris par elle étaient indispensables. Tel est le cas, par exemple, concernant des travaux supplémentaires de réparation de 1 700 mètres linéaires de fissures sur la piste d’un vélodrome, non prévus dans la masse initiale des travaux d’un marché conclu à prix forfaitaire8. En revanche, les différents travaux dont la société requérante demande en l’espèce l’indemnisation, ne présentent pas les caractéristiques requises par la jurisprudence Cne de Canari.

3. Enfin, faisant droit à la demande de la société requérante, la cour considère que sa demande de retrait des pénalités de retard est fondée. Elle relève en effet que la mise en demeure d’exécution de certains travaux de reprise a été opérée par un ordre de service qui n’a pas été régulièrement notifié à la société et que les retards allégués n’ont pas fait l’objet de constatations dans les procès-verbaux. Les pénalités de retard infligées sont donc irrégulières.

Irrecevabilité du recours Tarn-et-Garonne contre les clauses d’un avenant à une concession de distribution publique d’électricité

CAA Nancy, 16 oct. 2018, n° 17NC01597, Le Monnier et a.

Le déploiement du compteur électrique Linky par Enedis (anciennement ERDF) suscite de nombreuses polémiques. Compteur dit « intelligent » le compteur Linky permet de mesurer la consommation électrique réelle des usagers en utilisant le CPL (courant porteur en ligne). Son déploiement suscite des craintes de la part d’usagers qui considèrent, entre autres arguments, que les ondes émises les exposent à un risque sanitaire.

La communauté urbaine du Grand Nancy (CUGN), devenue la Métropole du Grand Nancy, avait conclu en 2011 avec les sociétés ERDF et EDF, un contrat de concession de service public du développement et de l’exploitation du réseau de distribution et de fourniture d’énergie électrique aux tarifs réglementés. À l’occasion d’un arrêt Mietkiewicz et a. du 12 mai 20149, la cour administrative d’appel de Nancy a annulé cette délibération ainsi que la décision du président de la CUGN de signer cette convention, seulement en tant que figuraient à son cahier des charges les articles 2 et 19 relatifs à la propriété des compteurs, et l’article 31 concernant la réévaluation de l’indemnité de fin de contrat en cas de résiliation anticipée. Cet arrêt n’ayant pas fait l’objet de pourvoi en cassation, il était devenu définitif. Tirant les conséquences de l’arrêt, la CUGN avait, le 25 février 2015, signé avec les sociétés EDF et ERDF un avenant n° 1 modifiant les clauses jugées illégales.

Plusieurs usagers, qui avaient obtenu gain de cause en 2015, avaient donc saisi le tribunal administratif de Nancy dans le cadre d’un recours Tarn-et-Garonne10. On rappellera ici qu’avant cet arrêt, les tiers au contrat – autres que les concurrents évincés et le préfet – ne pouvaient contester que les actes administratifs détachables du contrat, c’est-à-dire les actes préalables à sa conclusion, par exemple la délibération d’une assemblée délibérante locale autorisant sa conclusion11. Désormais, les tiers intéressés n’ont plus la possibilité d’exercer un recours pour excès de pouvoir contre les actes détachables préalables à la conclusion du contrat. Ils bénéficient en revanche d’un recours de plein contentieux, plus efficace, qui leur permet d’attaquer directement le contrat.

On rappellera ici que ce recours est ouvert contre un avenant signé postérieurement à l’arrêt Tarn-et-Garonne, y compris lorsque, comme en l’espèce, le contrat qu’il modifie est antérieur à cet arrêt12. Le recours est jugé irrecevable contre les clauses de l’avenant attaquées.

La cour confirme ici le jugement du tribunal administratif de Nancy qui avait déclaré irrecevable ce recours. On s’attachera à évoquer la question de la clause relative à l’indemnisation du concessionnaire en fin de contrat, avant de s’intéresser à celles relatives à la propriété des compteurs Linky.

I. L’irrecevabilité du recours dirigé contre la clause relative à l’indemnisation du concessionnaire en fin de contrat

L’article 31 du cahier des charges, tel qu’il était rédigé à l’origine, prévoyait que l’indemnité de sortie du concessionnaire serait égale au montant des biens non amortis, celui-ci devant être réévalué par référence au taux de rémunération des actifs gérés par la société ERDF de 7,25 % par an, tel qu’il a été fixé dans la décision du ministre de l’Économie et des Finances et du ministre de la Transition écologique et solidaire en charge de l’énergie du 5 juin 2009 fixant les tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE 3) pour la période 2009-201213. Il n’est pas superflu de rappeler ici que le TURPE sert à rémunérer les gestionnaires de réseaux de transport et de distribution d’électricité. Il s’agit donc ici du tarif perçu par la société concessionnaire sur les usagers.

Dans son arrêt du 12 mai 201414, la cour avait rappelé les grands principes dégagés par le Conseil d’État, concernant l’indemnisation du concessionnaire, tels qu’ils résultent principalement de l’arrêt d’assemblée Commune de Douai du 21 décembre 201215. Ainsi, en principe, « à l’expiration de la convention, les biens nécessaires au fonctionnement du service public qui ont été amortis au cours de l’exécution du contrat font nécessairement retour à la personne publique délégante gratuitement ». De même, « la durée d’une convention est en principe déterminée en fonction de la nature des investissements à réaliser ». Toutefois, il n’est pas exclu « que cette durée puisse être inférieure à celle de l’amortissement des investissements réalisés, ouvrant droit au délégataire d’être indemnisé à hauteur des investissements non amortis à l’issue du contrat ». Il est donc possible de prévoir une indemnisation au titre des investissements non encore amortis au terme du contrat, et non seulement en cas de résiliation anticipée de celui-ci.

La difficulté ne porte pas ici sur le principe de l’indemnisation mais sur les modalités de calcul de l’indemnité. En effet, le Conseil d’État, dans un arrêt Sté Direct énergie du 28 novembre 201216 avait annulé la décision ministérielle du 5 juin 2009. La juridiction administrative suprême avait notamment relevé que le taux de rémunération des actifs de 7,25 % résultait d’une méthode de calcul « erronée en droit » dès lors qu’elle ne prenait pas « en considération les comptes spécifiques des concessions, qui correspondent aux droits des concédants de récupérer gratuitement les biens de la concession en fin de contrat ». La cour administrative d’appel de Nancy avait logiquement considéré que dès lors que le TURPE 3 n’était pas justifié au niveau national, il ne pouvait être utilisé pour calculer l’indemnité de sortie des contrats de concession. Les parties auraient donc dû se fonder sur « le compte spécifique de la concession et notamment sur les différentes modalités de financement prévisibles des investissements à réaliser », à défaut de quoi la cour avait considéré que l’article 31 du cahier des charges avait « prévu irrégulièrement une indemnisation sans lien avec le préjudice éventuellement supporté par ERDF ».

C’est pour tenir compte de cette décision que l’article 2 de l’avenant au contrat a modifié l’article 31, B, du cahier des charges afin de calculer l’indemnisation du concessionnaire « à partir de la différence entre le montant non amorti de sa participation au financement des ouvrages de la concession, réévaluée par référence au taux moyen de rendement des emprunts obligatoires calculé par l’INSEE ». Dans la présente affaire, les requérants contestent ces modalités, qui ne présenteraient pas un lien suffisant avec les comptes de la concession.

La cour n’a pas eu l’occasion de se prononcer sur ce point puisqu’elle a déclaré irrecevable le recours. En effet, pour qu’un tel recours soit jugé recevable, les tiers au contrat doivent pouvoir se prévaloir d’un intérêt susceptible d’être lésé de façon suffisamment directe et certaine en leur qualité d’usagers du service public de la distribution d’électricité.

C’est bien en application de cette approche restrictive que doit être appréhendée la question de l’intérêt à agir des requérants. Certes, les requérants se prévalaient également du fait qu’ils étaient auparavant recevables à agir contre les actes détachables des contrats. La cour rappelle toutefois sur ce point que « la qualité de partie à une instance contentieuse ayant donné lieu à une décision juridictionnelle, à la suite de laquelle sont intervenues, indépendamment de son exécution, de nouvelles décisions administratives, ne confère pas en elle-même un intérêt pour agir à l’encontre de ces nouvelles décisions ». Elle précise ensuite que « les usagers du service public de distribution d’électricité n’ont, en cette seule qualité, intérêt à contester un avenant conclu par la personne publique responsable du service que si celui-ci emporte des effets sur l’organisation ou le fonctionnement de ce service public ». Ainsi, ni la qualité de partie à une instance contentieuse, ni celle d’usager du service public ne sont donc de nature de conférer automatiquement un intérêt à agir aux requérants.

Concernant l’application de la jurisprudence Tarn-et-Garonne, la cour relève que les clauses litigieuses « qui ont trait, d’une part, au périmètre des ouvrages concédés, d’autre part, aux obligations financières entre les parties en fin de contrat, n’emportent par elles-mêmes aucun effet sur l’organisation et le fonctionnement du service public de la distribution et de la fourniture d’électricité ». De même « elles demeurent également, sans incidence par elles-mêmes sur le tarif de l’électricité payé par les usagers, lequel est déterminé au niveau national par une décision de commission de régulation de l’énergie. Dès lors « en leur qualité d’usagers du service public les requérants ne pouvaient se prévaloir d’un intérêt susceptible d’être lésé de façon suffisamment directe et certaine par l’avenant en litige ».

La cour apporte des précisions supplémentaires concernant la clause excluant des ouvrages concédés les dispositifs de suivi intelligent, de contrôle, de coordination et de stockage de flux électriques, d’injection et de soutirage, qui viendraient à être installés par le concessionnaire sur le réseau concédé pendant la durée du contrat de concession. Elle estime qu’« eu égard au caractère aléatoire que revêt le déploiement d’autres dispositifs », la clause relative aux dispositifs de comptage ne peut affecter de façon significative les finances ou le patrimoine du concédant. De même, « eu égard au caractère incertain d’une rupture anticipée du contrat », l’éventualité que l’indemnité de fin de contrat puisse excéder le montant réel du préjudice réellement subi par le concessionnaire à l’issue du contrat, est « trop hypothétique pour suffire à établir que les finances ou le patrimoine (du concédant) s’en trouverait affectés de façon significative ».

II. L’irrecevabilité du recours dirigé contre la clause relative à la propriété des dispositifs de comptage

Les articles 2 et 19 du cahier des charges prévoyaient initialement que les dispositifs de comptage Linky ne sont pas des « ouvrages concédés ». Il s’ensuivait que dès leur installation, ces compteurs seront la propriété du concessionnaire ERDF et le resteront, puisqu’en application des stipulations de l’article 31 susvisé, ils ne feront pas automatiquement retour dans la propriété de la personne publique concédante en cas de non-renouvellement ou de résiliation anticipée de la concession.

On rappellera qu’à l’occasion de son arrêt Cne de Douai du 21 décembre 201217, le Conseil d’État avait décidé que sont des biens de retour les biens « nécessaires au fonctionnement du service public ». Le débat juridique portait donc sur la qualification des compteurs Linky.

Dans son arrêt Mietkiewicz et a., la cour avait considéré que les compteurs Linky sont partie intégrante des « branchements » visés par des dispositions de l’article 1 du décret n° 2007-1280 du 28 août 2007 désormais codifiées à l’article D. 342-1 du Code de l’énergie. Ils font donc partie des ouvrages basse tension des réseaux publics de distribution au sens des dispositions de l’article 36 de la loi du 9 août 2004 applicable à la date de la signature de la convention litigieuse et repris à l’article L. 322-4 du Code de l’énergie. Ils appartiennent donc aux collectivités territoriales ou à leurs groupements concédants, visés par l’article L. 2224-31, IV, du Code général des collectivités territoriales au rang desquels figure la CUGN.

Il était donc nécessaire de modifier l’article 2 du cahier des charges du contrat de concession pour les rendre compatibles avec la solution retenue par la cour. Les compteurs Linky sont ainsi expressément intégrés dans la liste des ouvrages concédés. Une difficulté subsistait pourtant puisque l’avenant contesté précisait, en revanche, qu’étaient exclus des ouvrages concédés « les dispositifs de suivi intelligent, de contrôle, de coordination et de stockage de flux électriques, d’injection et de soutirage, qui viendraient à être installés par le concessionnaire sur le réseau concédé pendant la durée du contrat de concession ». C’est ce point qui est contesté par le requérant dans la présente affaire dans le cadre d’un recours Tarn-et-Garonne que la cour administrative d’appel de Nancy conclut à l’irrecevabilité du recours.

II – Sport

Compétence du comité exécutif de la Fédération française de football

CAA Nancy, 16 oct. 2018, n° 16NC0170, Sté anonyme sportive professionnelle Football club de Metz.

1. Au terme d’une saison 2011-2012 médiocre, l’équipe première de football engagée par la société anonyme sportive professionnelle (SASP) Le Mans FC, avait finalement terminé à la dix-septième place du championnat de ligue 2, ce qui devait en principe lui permettre d’éviter la relégation en championnat de National. Elle a pourtant été rétrogradée par une décision de la commission de contrôle des clubs professionnels de la direction nationale de contrôle de gestion (DNCG) de la Fédération française de football (FFF) du 21 juin 2012 sanctionnant une mauvaise situation comptable et financière. Cette décision a été confirmée le 11 juillet 2012 par la commission d’appel de la DNCG. La SASP Le Mans FC a alors saisi le comité national olympique et sportif français (CNOSF) d’une demande de conciliation, à l’issue de laquelle le conciliateur a proposé à la FFF de soumettre à un examen de la commission d’appel de la DNCG les nouveaux éléments produits par elle. Cette instance a rendu un avis le 25 juillet 2012, à la suite duquel le comité exécutif de la FFF, par une décision du même jour, a décidé de maintenir l’équipe première de la SASP Le Mans FC en championnat de France de ligue 2. Cette décision nuisait manifestement aux intérêts de la SASP Football club de Metz dont l’équipe première classée dix-huitième du championnat de ligue 2 2001-2012 aurait pu, si elle n’était pas intervenue, être repêchée et éviter ainsi la relégation en championnat national. Elle demande donc réparation des préjudices qu’elle estime avoir subis du fait de cette décision.

2. Dans une décision rendue le 7 juillet 2016, le tribunal administratif de Nancy avait considéré que la FFF avait bien commis une faute en prenant illégalement la décision du 25 juillet 2012 maintenant le club du Mans en championnat de France de ligue 2. En revanche, le tribunal avait rejeté la demande indemnitaire de la SASP Football club de Metz.

Ce jugement est annulé par la cour au motif qu’en examinant les différents préjudices invoqués par la SASP Football Club de Metz, les premiers juges avaient omis de se prononcer sur le préjudice d’image et de réputation allégué. Elle décide ensuite d’évoquer le litige, avant de rejeter le surplus des conclusions d’appel ainsi que la demande présentée devant le tribunal par la SASP.

3. C’est toutefois un raisonnement différent de celui du tribunal qui est tenu par la cour. Pour les premiers juges, le comité exécutif de la FFF avait commis une illégalité qui résidait dans le fait qu’elle ne disposait pas du pouvoir de réformer une décision de la DNCG sans se placer dans le cadre de la procédure d’évocation qui est prévue par l’article 199 des règlements généraux de la fédération auquel renvoie l’article 13 de son règlement intérieur.

En d’autres termes, la décision de la DNCG ne saurait être regardée comme une décision prise par la FFF dans un conflit auquel cette fédération est partie, de sorte que cette décision n’entrerait pas dans le champ de la conciliation organisée devant le CNOSF, et que le comité exécutif de la Fédération n’aurait donc pas compétence pour revenir sur cette décision.

Pour le tribunal, cette solution s’impose y compris dans l’hypothèse où le comité exécutif est appelé à se prononcer à la suite de la procédure de conciliation engagée devant le CNOSF. En outre, le tribunal a relevé que même si le comité exécutif avait entendu exercer sa compétence dans le cadre de ce pouvoir d’évocation, sa décision ne pouvait être considérée comme justifiée au regard des éléments produits dans le cadre de l’instance, au regard des intérêts généraux de la discipline et notamment de la situation financière du club manceau.

4. Ce raisonnement est censuré par la cour qui considère que le comité exécutif de la FFF n’a pas commis d’illégalité. Elle opère une distinction claire entre le mécanisme d’évocation visé par l’article 13 susvisé et la procédure de conciliation en cause, qui relève du pouvoir hiérarchique. Elle reprend ici le raisonnement du Conseil d’État dans l’arrêt Fédération française de football du 22 juin 201718. Dans cette affaire, la juridiction administrative suprême avait rappelé que l’article L. 132-2 du Code du sport fait obligation aux fédérations ayant une ligue professionnelle de « créer un organisme, doté d’un pouvoir d’appréciation indépendant, assurant le contrôle administratif, juridique et financier des associations et sociétés sportives participant aux compétitions qu’elles organisent ». Ce dispositif permet tout à la fois de garantir l’équité des compétitions sportives, d’en assurer la régulation économique ainsi que la pérennité.

Mais si le législateur a entendu garantir à cet organisme un pouvoir d’appréciation indépendant des autres organes de la fédération, il ne lui a pas conféré de personnalité morale distincte de la fédération. Cette direction présente, en conséquence, le caractère d’un organe de la fédération, au nom de laquelle elle prend les décisions relevant des compétences qui lui sont attribuées. Les décisions prises par la DNCG, comme celles prises par son comité exécutif sont donc des décisions de la fédération. Elles sont soumises, en conséquence, à la procédure de conciliation organisée devant le CNOSF, en application des articles R. 141-5 et suivants du Code du sport. Selon cet article, en effet « la saisine du comité à fin de conciliation constitue un préalable obligatoire à tout recours contentieux, lorsque le conflit résulte d’une décision, susceptible ou non de recours interne, prise par une fédération dans l’exercice de prérogatives de puissance publique ou en application de ses statuts ».

Le Conseil d’État avait ensuite précisé, dans le même arrêt du 22 juin 2017, qu’il résulte des articles R. 141-7, R. 141-22 et R. 141-23 du Code du sport que la fédération au nom de laquelle est prise la décision qui donne lieu à conciliation est partie à cette conciliation. Il appartient donc aux organes compétents de la fédération de prendre part à la conciliation et de statuer sur les mesures proposées par le conciliateur.

En l’absence de disposition législative contraire ou de disposition spécifique des statuts de la FFF, il appartient au seul comité exécutif de se prononcer sur les mesures proposées par le conciliateur du CNOSF, y compris lorsque le conflit qui a donné lieu à conciliation porte sur une décision de la DNCG dans le cadre de son pouvoir d’appréciation indépendant. Le comité exécutif, qui est alors saisi de plein droit des propositions du conciliateur, prend sa décision non dans le cadre et dans les limites de son pouvoir d’évocation mais en exerçant la plénitude de ses attributions.

Par suite, le comité exécutif de la FFF n’a pas méconnu l’étendue de ses compétences ni entaché sa décision du 25 juillet 2012 d’une erreur de droit. C’est donc à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a considéré que cette décision était illégale et constitutive d’une faute de nature à engager la responsabilité de la FFF à l’égard de la SASP Football club de Metz.

5. Saisie par l’effet dévolutif de l’appel de l’ensemble du litige, la cour rejette ensuite les autres moyens soulevés par la SASP Football club de Metz.

En particulier, la cour devait déterminer si la décision contestée était, selon la formule employée par le Conseil d’État dans un arrêt Ligue de football professionnel et Fédération française de football du 19 juillet 2010 : « une mesure inadaptée à la situation financière de ce club et à l’intérêt des compétitions »19. Plus précisément encore, elle devait rechercher si cette décision était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

Le tribunal avait jugé que le comité exécutif n’avait pas pris une mesure manifestement inadaptée en revenant sur la rétrogradation initialement prononcée, au regard de l’ultime analyse de la situation du club du Mans réalisée à l’issue de la conciliation, celle-ci présentant une amélioration significative et l’équipe ayant en outre sportivement assuré son maintien en ligue 2. Les premiers juges avaient également relevé que le comité avait renvoyé la SASP Le Mans Football club devant la DNCG en vue que soient éventuellement prescrites des mesures d’encadrement de la masse salariale et du recrutement de joueurs.

La cour rappelle, quant à elle, que conformément aux dispositions des articles 100 et 108 du règlement des compétitions de la ligue professionnelle de football pour la saison 2011-2012, la DNCG a pour mission d’assurer le contrôle juridique et financier des clubs affiliés et de vérifier qu’ils répondent aux conditions fixées par les règlements nationaux et européens pour participer aux compétitions. Il lui appartenait donc « de prendre, le cas échéant, la ou les mesures qui lui paraissent, parmi celles énumérées à cet article, les mieux à même de remédier, dans le but de garantir la continuité et l’équité des compétitions, à la situation financière dégradée d’un club sans porter une atteinte excessive au bon déroulement des compétitions ».

Dans le cadre du nouvel examen auquel il a été procédé sur proposition du conciliateur du CNOSF, la SASP Le Mans Football club a présenté des engagements très précis portant sur des apports en compte courant pour un montant de 630 000 €, la réalisation partielle de la mutation de deux joueurs pour une somme de 1 475 000 €, la diminution des charges de loyer du stade pour la saison 2012-2013 pour un montant compris entre 600 000 et 1 200 000 € et l’incorporation effective au capital de la SASP Le Mans Football club de la créance de 510 000 € détenue par la Holding IPF, par décision du conseil d’administration de cette dernière. Selon la cour, « ces engagements, qui s’élèvent à un montant compris entre 3 215 000 et 3 815 000 €, étaient de nature à sécuriser la trésorerie à court terme de la SASP Le Mans Football club ». En tenant compte, dans ces conditions, de cette amélioration significative des perspectives financières du club dont l’équipe première avait, par ailleurs, obtenu la qualification sportive en championnat de ligue 2 pour la saison 2012-2013, pour décider de l’y maintenir et de revenir ainsi sur la mesure de rétrogradation initialement prononcée, le comité exécutif de la FFF « ne peut donc être regardé comme ayant pris une mesure manifestement inadaptée à la situation financière de ce club et à l’intérêt des compétitions dès lors qu’il a assorti cette mesure d’une décision de renvoi de ce dernier devant la commission de contrôle des clubs professionnels de la direction nationale du contrôle de gestion afin qu’elle se prononce sur une éventuelle mesure d’encadrement de la masse salariale et de recrutement du club ».

Notes de bas de pages

  • 1.
    CE, 28 févr. 1975, n°80470 : Lebon, p. 143 ; Dr. adm. 1975, comm. 86.
  • 2.
    CE, 30 juill. 2003, n° 223445, Cne Lens : Contrats-Marchés publ. 2003, comm. 172, note Pietri J.-P.
  • 3.
    CAA Bordeaux, 3 janv. 2012, n° 10BX01578, Min. Écologie, Développement durable, Transports et Logement : Contrats-Marchés publ. 2012, comm. 91, obs. Ubaud-Bergeron M.
  • 4.
    CAA Douai, 10 nov. 2016, n° 15DA00038, SARL Bio’logic assistance : Contrats-Marchés publ. 2017, comm. 15, obs. Llorens G.
  • 5.
    V. CE, 5 juin 2013, n° 352917, Région Haute-Normandie : Contrats-Marchés publ. 2013, comm. 216, note Eckert G.
  • 6.
    CE, sect., 17 oct. 1975, n°93704, Cne de Canari : Lebon, p. 516 ; AJDA 1975, p. 502, chron. Boyon M. et Nauwelaers M.
  • 7.
    CE, 14 juin 2002, n° 219874, Ville d’Angers : Lebon T., p. 812 ; Contrats-Marchés publ. 2002, comm. 216, note Eckert G.
  • 8.
    CE, 14 juin 2002, n° 219874, Ville d’Angers : Lebon T., p. 812 ; Contrats-Marchés publ. 2002, comm. 216, note Eckert G.
  • 9.
    CAA Nancy, 12 mai 2014, n° 13NC01303 : JCP A 2014, 2346, note Boda J.-S. et Fontaine C.
  • 10.
    CE, ass., 4 avr. 2014, n° 358994 : Lebon, p. 70, concl. Dacosta B. ; AJDA 2014, p. 1035, note Bretonneau A. et Lessi J. ; BJCL 2014, p. 316, note Fardet C. ; BJCP 2014, p. 204, note Terneyre P. ; Contrats-Marchés publ. 2014, étude 5, note Rees P. ; Contrats-Marchés publ. 2014, repère 5, note Llorens F. et Soler-Couteaux P. ; D. 2014, p. 1179, note Gaudemet Y. et Dizier A. ; Dr. adm. 2014, comm. 36, note Brenet F. ; JCP E 2014, 2152, note Sestier J.-F. et JCP E 2014, 2153, note Hul S. ; JCP A 2014, act. 325, obs. Touzeil-Divina S. ; JCP A 2014, 2152, note Sestier J.-F. ; JCP G 2014, 737, note Bourdon J. ; RDP 2014, p. 1148, débat Seiller B., Braconnier S. et Dacosta S. ; RDP 2014, p. 1175, note Janicot L. et Lafaix J.-F. ; RDP 2014, p. 1198, note Rolin F. ; RFDA 2014, p. 438, note Delvolvé P. ; RLCT 2014/101, p. 20, note Brameret S. et RLCT 2014/101, p. 25, obs. Glaser E.; RDI 2014, p. 244, obs. Braconnier S. ; Revue générale du droit on line 2014, n° 16187, note Girard D. ; RFDA 2014, p. 438, note Delvolvé P. ; RJEP 2014, 26, note Lafaix J.-F.
  • 11.
    CE, 4 août 1905, n° 14220, Martin : Lebon, p. 749, concl. Romieu J. ; D. 1907, Jur., p. 49, concl. Romieu J. ; S. 1906, III, p. 49, concl. Hauriou M. ; RDP 1906, p. 249, note Jèze G.
  • 12.
    CAA Douai, 3 mai 2018, n° 15DA01301, Marcy : Contrats-Marchés publ. 2018, comm. 172, note Hoepffner H.
  • 13.
    JO, 19 juin 2009.
  • 14.
    CAA Nancy, 12 mai 2014, n° 13NC01303 : JCP A 2014, 2346, note Boda J.-S. et Fontaine C.
  • 15.
    CE, 21 déc. 2012, n° 342788 : Lebon, p. 477, concl. Dacosta S. ; AJCT 2013, p. 91, note Didriche O. ; AJDA 2013, p. 457, chron. Domino X. et Bretonneau A. ; AJDA 2013, p. 724, note Fatôme E. et Terneyre P. ; BJCP 2013, p. 136, concl. Dacosta B. ; Contrats-Marchés publ. 2013, comm. 2, note Llorens F. et Soler-Couteaux P. ; Contrats-Marchés publ. 2013, comm. 41, note Eckert G. ; Dr. adm. 2013, comm. 20, note Eveillard G. ; JCP A 2013, 2044, note Boda S. et Guellier P. ; RFDA 2013, p. 513, note Janicot L. et Lafaix J.-F.
  • 16.
    CE, 28 nov. 2012, n°330548.
  • 17.
    CE, 21 déc. 2012, n° 342788.
  • 18.
    CE, 22 juin 2017, n° 398082 : AJDA 2017, p. 2027, note Dudognon C. ; D. 2018, p. 435, obs. Centre de droit et d’économie du sport.
  • 19.
    CE, 19 juill. 2010, n° 325892 : D. 2011, p. 703, obs. Centre de droit et d’économie du sport.
X