Delphine Philippe-Giraux : « Les Yvelines font partie des 18 départements qui expérimentent France Travail jusqu’à la fin de l’année 2024 »
Pôle Emploi va devenir France Travail à partir du 1er janvier 2024. Un changement prévu par le projet de loi pour le plein-emploi adoptée définitivement le 14 novembre 2023 par l’Assemblée nationale. Pour accompagner cette réforme, une expérimentation a été lancée dans 18 départements et notamment dans les Yvelines (78). Au même moment, Delphine Philippe-Giraux a été désignée directrice territoriale de Pôle Emploi dans le département des Yvelines le 19 juin 2023, après 11 ans d’expérience de l’établissement public à caractère administratif. L’ancienne directrice adjointe du Val d’Oise est arrivée dans un territoire dynamique au niveau de l’emploi. Sur un an, entre octobre 2022 et 2023, le nombre de demandeurs d’emploi inscrits en catégorie A (sans activité) a baissé de 3,4 %. Une dynamique qui devrait se poursuivre en perspective des Jeux olympiques de Paris 2024. Delphine Philippe-Giraux s’est confiée à Actu-Juridique sur ses impressions et ses premiers travaux notamment concernant France Travail dans les Yvelines.
Actu-Juridique : Vous êtes devenue directrice territoriale de Pôle Emploi dans les Yvelines le 19 juin dernier. Pourquoi avez-vous décidé d’endosser cette fonction ?
Delphine Philippe-Giraux : J’étais particulièrement intéressée de rejoindre les Yvelines du fait de l’expérimentation en prévision de France Travail. J’ai été attirée par cette mission pour faire partie des acteurs qui allaient pouvoir pousser des réflexions et être force de proposition sur l’organisation de demain. C’est particulièrement intéressant. J’ai donc saisi cette opportunité.
AJ : Quel regard portez-vous sur le département des Yvelines en tant que nouvelle directrice territoriale de Pôle Emploi ?
Delphine Philippe-Giraux : Le département des Yvelines est un territoire riche. Il y a énormément de diversité. C’est une richesse mais aussi une difficulté car nous avons des publics et des entreprises extrêmement différents. Le territoire est assez contrasté notamment par sa population avec des demandeurs d’emploi qui ont des niveaux de qualification élevés. D’autres vont devoir être davantage accompagnés avec des difficultés sur la langue française. Le tissu économique est également varié avec des start-up, des entreprises historiques, des sites industriels. Si on prend l’exemple de l’industrie, nous devons faire en sorte de s’impliquer notamment dans la réindustrialisation pour que la main-d’œuvre ne soit pas un frein. Certains métiers dans l’industrie doivent être présentés car ils ne sont pas forcément connus ou ils ont fortement évolué.
AJ : En quoi consiste l’expérimentation de France Travail au sein des services Pôle Emploi des Yvelines ?
Delphine Philippe-Giraux : Les Yvelines font partie des 18 départements qui expérimentent France Travail jusqu’à la fin de l’année 2024. Dans notre département, l’expérimentation se fait sur la population des allocataires du revenu de solidarité active (RSA) située sur le bassin de Saint-Quentin-en-Yvelines. Nous réalisons cette expérimentation à travers un partenariat important avec le conseil départemental. Nous travaillons à offrir des parcours à ces demandeurs d’emploi et une nouvelle orientation. Les bénéficiaires du RSA sont accompagnés par le conseil départemental de manière historique. Aujourd’hui, dans le 78, les nouveaux bénéficiaires qui s’inscrivent vont être orientés par Pôle Emploi ou le conseil départemental sur un parcours purement « emploi » pris en charge exclusivement par Pôle Emploi ou sur un parcours dit « socio-professionnel » à travers un accompagnement par un binôme constitué d’un travailleur social du département et d’un conseiller Pôle Emploi. Enfin, il y a aussi un parcours dit « social » pris en charge exclusivement par le conseil départemental. L’objectif est donc de créer un accompagnement conjoint et renforcé (50 demandeurs d’emploi par portefeuille) autour de parcours mobilisant pour leur permettre de retrouver un emploi sereinement et dans la pérennité.
AJ : Quels moyens mettez-vous en œuvre pour remplir cet objectif ?
Delphine Philippe-Giraux : Pour remplir cet objectif, nous avons besoin de mettre en commun les offres de services de Pôle Emploi et celles du conseil départemental des Yvelines. Mais dans cette idée de France Travaille, nous devons aller plus loin en faisant appel à tous nos partenaires locaux institutionnels. Nous avons par exemple Cap Emploi, la mission locale, la Caisse primaire d’assurance-maladie (CPAM) ou encore la Caisse d’allocations familiales (CAF). Nous faisons également appel au tissu économique local et aux associations. Nous travaillons en partenariat très étroit avec « Les Entreprises s’engagent » en collaboration avec la Direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS) des Yvelines qui anime ce collectif. Il y a aussi Face Yvelines, la Chambre de commerce et d’industrie (CCI 78), la Confédération de petites et moyennes entreprises (CPME) ou encore le Medef. L’idée est d’accompagner les demandeurs d’emploi avec toujours un lien avec l’entreprise et créer la rencontre avec l’employeur. Nos parcours doivent être structurés autour de l’emploi et l’emploi doit être le levier pour lever les freins sociaux pour ces demandeurs d’emploi bénéficiaires du RSA.
AJ : À travers cette expérimentation, vous décloisonnez les services de Pôle Emploi en créant des liens avec l’ensemble des acteurs concernés par l’économie et l’emploi…
Delphine Philippe-Giraux :Effectivement, chaque acteur local mobilise des ressources sur ce sujet. La problématique est que nous ne nous connaissons pas assez bien et nous n’utilisons pas l’ensemble du champ des possibles. L’idée est de permettre au bénéficiaire du RSA d’avoir un interlocuteur unique pour accéder à toute cette richesse d’offre de services sur le territoire des Yvelines, sans se déplacer à plusieurs endroits. Les conseillers vont pouvoir orienter le bénéficiaire de manière précise et efficace. L’idée est de pouvoir se rendre compte de ce qui est complémentaire entre chaque acteur du territoire pour ajuster nos actions et nos moyens. Par exemple, nous pouvons acheter les bonnes formations par rapport à ce qui existe déjà sur le territoire. Nous pouvons ainsi identifier les manques et envisager les meilleures décisions et financements possibles pour être collectivement efficace.
AJ : À travers cette expérimentation, qu’est-ce qui est différent des activités de Pôle Emploi à l’heure actuelle et quels sont les changements ?
Delphine Philippe-Giraux : Nous avons un accompagnement renforcé en intégrant plus de moyens humains. Nous avons 50 demandeurs d’emploi avec un conseiller référant et un accompagnant. Nous nous donnons les moyens pour réussir. Nous avons aussi une identification des offres de services, suivie d’une appropriation des services de chacun des acteurs locaux. Avec le conseil départemental, nous partageons la même culture et les mêmes pratiques depuis plusieurs mois et plusieurs années car nous travaillions ensemble avant cette expérimentation. L’idée est de mettre en commun nos offres de services. Les conseillers de Pôle Emploi et les acteurs de l’emploi du conseil départemental des Yvelines doivent connaître les offres de chacun. Puis progressivement, l’objectif est d’agréger les dispositifs d’autres acteurs pour renforcer notre complémentarité et partager un diagnostic du territoire.
AJ : Comment avez-vous débuté les travaux autour de cette expérimentation ?
Delphine Philippe-Giraux : Dès le mois de juillet, j’ai proposé un diagnostic partagé à l’ensemble des acteurs du territoire de manière très large. J’ai aussi inclus des entreprises pour avoir leur vision. L’idée est de connaître les constats, les visions de chacun des partenaires pour déterminer les besoins des demandeurs d’emploi et des entreprises. Ainsi, nous pouvons déterminer la bonne offre de services dans l’existant ou en la créant.
AJ : Le 21 novembre 2023, vous avez organisé un job dating au Vélodrome national de Saint-Quentin-en-Yvelines consacré aux métiers nécessaires à l’organisation des Jeux olympiques de Paris 2024. Quels étaient les enjeux autour de cet événement pour Pôle Emploi ?
Delphine Philippe-Giraux : Cet événement a permis de saisir de nombreuses opportunités pour les entreprises et les demandeurs d’emploi de Saint-Quentin-en-Yvelines et des environs. Durant ce rendez-vous, il y a eu 700 offres d’emploi accessibles au sein d’une quarantaine de sociétés qui portaient ces offres. Puis, ce job dating s’est tenu dans un lieu exceptionnel : le Vélodrome national. C’était l’occasion de se projeter vers les Jeux olympiques de Paris 2024 qui nous attendent. Ils vont animer la France entière et notamment le territoire des Yvelines l’été prochain.
AJ : Quel bilan faites-vous de cet événement ?
Delphine Philippe-Giraux : Plus de 1 276 candidats ont répondu présents à l’événement. 600 CV ont été transmis pour poursuivre les échanges avec les entreprises, les entreprises ont manifesté leur satisfaction donc le bilan est positif. Il s’agit de poursuivre, au-delà de l’événement, l’accompagnement de chacune des entreprises du territoire qui recrutent en particulier dans le cadre des JO et de nous mobiliser pour que cette activité économique profite aux demandeurs d’emploi du département. 70 conseillers entreprises, au sein de nos équipes sont dédiés aux employeurs et s’appuient sur une offre de service riche pour faciliter et accélérer les recrutements.
AJ : Comment vous préparez-vous à répondre à cet enjeu fort de l’emploi en vue des Jeux olympiques de Paris 2024 ?
Delphine Philippe-Giraux : Nous avons fait un travail d’anticipation autour des Jeux olympiques de Paris 2024. Nous allons donc nous positionner à plusieurs moments-clés. C’était le cas déjà le 21 novembre 2023. Nous avons donc la nécessité de mettre en visibilité les offres d’emploi pour les JO avec en amont une préparation des demandeurs d’emploi pour accéder à ces offres mais également un vrai travail d’accompagnement des entreprises sur le volet du recrutement. Ensuite, il y a des offres qui n’existent pas encore et qui vont arriver et qui peuvent perdurer après les Jeux olympiques. Nous devons là aussi préparer les demandeurs d’emploi. Pôle Emploi travaille depuis un moment sur les opportunités en lien avec les JO comme un rebond. Par exemple, dans les Yvelines, ces derniers mois, nous avons 10 000 personnes qui ont pu bénéficier d’un contact dans le cadre des opportunités des JO et plus de 1 000 individus ont accédé à une formation dans les secteurs qui recrutent. C’est le cas notamment dans le domaine de la sécurité, de la restauration, de l’événementiel, du transport ou de la logistique. Nous avons le devoir de faire découvrir ces métiers aux personnes inscrites à Pôle Emploi.
AJ : De quelle manière travaillez-vous avec les entreprises pour faire découvrir des métiers ?
Delphine Philippe-Giraux : Nous travaillons, par exemple,avec des entreprises du secteur de la sécurité en les faisant témoigner. Ces témoignages de salariés face aux demandeurs d’emploi permettent de décrire le domaine d’activité et d’expliquer les différents métiers qui la composent. Parfois, le public a des connaissances limitées concernant certains secteurs. Le témoignage incarné de salariés leur permet de se projeter. Nous créons aussi des vidéos avec des sociétés. Nous organisonsdes im mersions pour découvrir des métiers. Les demandeurs d’emploi se déplacent dans les entreprises pendant une journée ou plusieurs jours. Nous en faisons tous les jours. Nous faisons aussi des visites d’entreprises en groupe. Un conseiller Pôle Emploi accompagne des demandeurs d’emploi pour découvrir le fonctionnement de cette entreprise et rencontrer les salariés. Enfin, nous avons un système de mentorat chef d’entreprise ou salarié avec une personne sans emploi avec des contacts réguliers. Pour développer ces initiatives, nous sommes en lien avec « Les Entreprises s’engagent » ou la CPME, par exemple.
Référence : AJU011t0