Métropole du Grand Paris : un premier bilan

Publié le 14/08/2017

Lancée début 2016, la Métropole du Grand Paris a dû affronter des vents contraires dès sa naissance. Elle a pourtant su s’imposer et trouver sa place entre la ville de Paris et la région Île-de-France. Plus d’un an et demi après la création de cette métropole, son président Patrick Ollier a accepté de nous recevoir pour faire un premier bilan aussi riche en réalisations qu’en ambitions pour l’avenir.

Les Petites Affiches – De manière générale, quel bilan tirez-vous de cette première année à la tête de la Métropole du Grand Paris ?

Patrick Ollier – La Métropole existe depuis fin janvier 2016, elle s’est créée dans des conditions compliquées puisqu’elle n’était qu’un article de loi qu’il a fallu matérialiser en un temps très court. C’est la raison pour laquelle nos premiers mois d’existence ont été consacrés à la mise en place de la gouvernance partagée de la Métropole. Bien que majoritaire avec la droite et le centre sur l’ensemble des communes, j’ai proposé que les trente membres du bureau soient choisis au regard de l’équilibre politique de la Métropole pour que nous puissions travailler ensemble dans cette intercommunalité. Ce principe a été accepté par tous et le bureau, les commissions et l’administration de cette Métropole ont été mis en place. Cela a été fait avec la volonté d’une administration de mission légère et efficace, car nous sommes là pour coordonner et donner une stratégie générale et non pas pour se substituer aux communes. C’est grâce à cet outil que la Métropole a pu lancer de nombreux projets et opérations au cours des 18 derniers mois. Métropole roule propre ! en est un bel exemple : l’opération permet de donner 5 000 € pour acheter un véhicule propre hybride ou électrique à toute personne qui fournit un certificat destruction de son véhicule datant d’avant 1996. C’est un vrai succès et nous recevons de nombreux dossiers de candidatures. Notre fonds d’investissement métropolitain (FIM) rentre également dans le cadre d’une action pratique pour l’environnement et 35 millions d’euros ont déjà été distribués aux communes dans le cadre des quatre compétences de la Métropole. Nous avons financé l’opération Centres-villes vivants qui aide les communes les plus pauvres de la Métropole à réhabiliter les centres urbains dégradés. Elles peuvent ainsi préempter des baux commerciaux et favoriser les petits commerces de proximité. Autre exemple, la Métropole fait en sorte que Velib’ se restructure au niveau de l’ensemble du périmètre métropolitain et consacre 4 millions d’euros maximum chaque année, à raison de 10 000 € par an et par station créée, pour chacune des villes adhérentes, ce qui représente la moitié du coût total. On peut aussi citer le schéma d’aménagement numérique ou encore la signature d’une convention avec l’Institut de l’économie circulaire pour favoriser l’économie circulaire parmi les initiatives que nous avons lancées. Et tout cela en l’espace d’un an et demi. Mais avec les premiers pas de cette Métropole, il fallait aussi mettre en place en priorité les éléments structurants pour notre avenir. L’assemblée des maires de la Métropole a été réunie, c’est elle qui donnera les impulsions ensuite traduites en décisions par le Bureau. Notre comité de développement, le CODEV, est d’ores et déjà opérationnel et a rendu son premier avis sur les modalités d’association des habitants au schéma de cohérence territoriale (SCoT) et sera notamment en charge de donner un avis sur le plan métropolitain de l’habitat et de l’hébergement (PMHH). Enfin, la définition de l’intérêt métropolitain est un point crucial puisqu’il permettra la répartition des projets entre les territoires et la Métropole qui doit avoir lieu d’ici la fin de l’année.

LPA – Avez-vous atteint vos objectifs ?

P. O. – Les objectifs que nous nous étions fixés ont été non seulement atteints, mais largement dépassés. Mettre en place une gouvernance pour une intercommunalité de 7 millions d’habitants avec les maires de 131 villes aux sensibilités politiques multiples n’était pas chose facile. Il en est de même pour le lancement de tous ses dispositifs en aussi peu de temps qui profitent pour la plupart d’un succès, l’ensemble du système a bien pris et rapidement, plus encore que ce que j’imaginais. Nos locaux ressemblent à une véritable ruche avec une cinquantaine de personnes qui travaillent avec les vice-présidents, ces derniers viennent ici et s’autosaisissent des sujets. Et pour l’instant nous n’avons pas eu le moindre problème politique au sein de la MGP : j’ai ainsi des relations très positives avec la maire de Paris Anne Hidalgo, qui a respecté ses engagements et en qui j’ai toute confiance. Il est vrai qu’on a pu observer une tentative de blocage politique de la part de certains au tout début, mais cela n’a pas perduré et je pense que tout ça est désormais derrière nous. D’autant que nous avons également établi des relations de confiance avec la région et Valérie Pécresse. Le fait métropolitain est incontestable et il n’y a pas de compétition entre nous, car la région et la Métropole sont deux entités de natures différentes. La Métropole se positionne sur la zone dense, cela n’a rien à voir avec le département ou la région.

LPA – L’instrument politique qu’est la MGP a-t-il atteint sa « vitesse de croisière » ?

P. O. – Nous ne sommes évidemment pas encore allés aussi loin que ce que nous souhaitons, cette Métropole reste en construction et n’atteindra sa vitesse de croisière qu’aux alentours de 2020, pour les prochaines élections municipales. Les indicateurs sont positifs : le président de la République est de manière générale favorable à la Métropole et Gérard Collomb, ministre de l’Intérieur, est lui-même le fondateur du Grand Lyon. J’ai demandé des rendez-vous aux membres du nouveau gouvernement concernés afin d’établir un dialogue et de connaître leurs projets et visions pour la Métropole. Mais mon urgence est budgétaire, la Métropole ne pourra pas continuer à développer ce qu’elle a fait depuis un an avec le budget indigent qu’elle possède aujourd’hui. Je regrette que Marylise Lebranchu n’ait pas eu l’autorité nécessaire pour aller jusqu’au bout du projet de la Métropole et nous donner les moyens dont nous avons besoin. La CVAE est largement insuffisante : sur les 4 milliards, nous en restituons plus de trois aux communes. Par ailleurs, deux effets aux conséquences dévastatrices se cumulent pour la Métropole en 2018 : la diminution des dotations de l’État, dont la dotation globale de fonctionnement (DGF) (41 millions d’euros), conjuguée à la mise en œuvre de la nouvelle territorialisation de la CVAE, assise désormais sur les unités de production et non plus les activités de siège (93 millions d’euros). Il en résulte une prévision budgétaire à hauteur de – 134 millions pour 2018. C’est donc ma priorité en attendant de voir les propositions du gouvernement.

LPA – Au quotidien, quel est l’impact de la MGP pour les Franciliens ?

P. O. – Il est encore trop tôt pour en parler. La première étape était de convaincre les élus de la réalité et de l’utilité de la Métropole, ce n’est qu’ensuite qu’il faudra faire connaître notre action auprès des 7 millions d’habitants métropolitains. Avec les élections législatives et présidentielles de 2017, nous avons préféré attendre septembre pour démarrer cette communication au grand public. Je veux engager des réunions publiques dans toutes les communes de la Métropole, il faut expliquer ce qu’a fait la Métropole depuis sa création et comment elle peut être utile à chacun. Il s’agit d’un changement de logiciel pour appréhender les problèmes d’une autre manière, pour coordonner et harmoniser les actions sur l’ensemble de l’aire métropolitaine. Que cela soit pour la pollution, l’agriculture ou les problèmes environnementaux. J’étais il y a peu sur la Bièvre pour annoncer l’investissement de 2,5 millions d’euros par la Métropole sur 3 ans afin de réouvrir cette rivière couverte et de la restituer aux habitants du territoire. C’est un exemple concret de ce que nous pouvons apporter. Un autre point important qui concerne directement la population est la prévention de la prochaine crue centennale. La Métropole est en charge de la compétence GEMAPI (gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations) et sera la coordinatrice de toutes les mesures prises pour protéger la région parisienne. Deux mesures ont déjà été annoncées : une vanne écluse à Joinville-le-Pont (94) qui pourrait faire baisser l’eau de 45 centimètres en cas de crue, ainsi que la construction d’équipements pour protéger les berges. Ce n’est cependant pas suffisant et il nous reste beaucoup à faire, mais il était nécessaire de mettre en place les éléments de crédibilité de notre action avant d’ouvrir ce dialogue avec les habitants de la Métropole.

LPA – Quelle est la réalisation dont vous êtes le plus fier ?

P. O. – Nous avons voulu faire passer un message fort au travers d’un concours d’urbanisme et d’architecture lancé en février dernier et qui est le plus grand concours d’Europe à ce jour. Le succès a été immédiat, nous avons eu 112 sites candidats et il a même fallu se limiter à 57 pour être en adéquation avec la capacité des investisseurs. Les sites sélectionnés ont été annoncés le 10 octobre 2016 au pavillon Baltard, à l’occasion de l’inauguration de ce concours. Les investisseurs ont été au rendez-vous et nous avons reçu 420 dossiers à la Métropole, dont 164 ont déjà été validés par un jury. Le choix final des 57 lauréats sera effectué en septembre prochain ce qui permettra de commencer les travaux au plus vite. Au total c’est plus de 6,4 milliards d’euros financés sur la bagatelle de 2 600 000 m² à construire. Je pense que les équipes et l’ensemble des maires qui ont contribué à ce concours ont tout lieu d’être fiers du résultat.

LPA – Les dossiers de candidatures aux JO 2024 et à l’Exposition universelle ont été deux points marquants de la vie des territoires ces 12 derniers mois, comment la MGP a-t-elle participé à cet engouement ?

P. O. – Le projet des Jeux olympiques était déjà lancé pour la France au moment de la création de la Métropole. Étant donné que la loi nous donne la compétence d’organisation des Jeux olympiques, les responsables des JO nous ont intégrés rapidement dans le groupement d’intérêt public. Nous avons la charge de la maîtrise d’ouvrage de la piscine olympique, le seul équipement pérenne de ces JO, pour lequel nous avons accordé 16 millions d’euros d’investissements. La ZAC (zone d’aménagement concerté) autour du bassin est en train d’être établie, elle permettra de déterminer les éléments de rentabilité dans le cadre de l’héritage. C’est très important, car on a pu observer de très mauvaises expériences sur certaines des précédentes éditions. Je me suis rendu personnellement à Londres et ai rencontré Sadiq Khan afin que nous puissions nous inspirer de leurs expériences avec les Jeux d’été de 2012. Enfin, les communes sont concertées et impliquées pleinement dans ce projet. Mais l’idée principale est de rester derrière le mouvement sportif, nous sommes là pour les aider et leur apporter un support : c’est Bernard Lapasset et Tony Estanguet qui sont le moteur de ces Jeux. Concernant l’exposition universelle, nous sommes à l’origine du GIP puisque la loi nous donne également la compétence sur les grands projets internationaux sportifs et culturels organisés dans le périmètre de la Métropole. Avec Michel Herbillon et Jean-Christophe Fromantin ainsi que tous les acteurs de la ville de Paris et de la région, nous nous sommes réparti les tâches pour définir la stratégie et convaincre le bureau international en novembre prochain de donner cette Exposition universelle à la France. Nous avons d’ailleurs récemment visité les quatre sites encore en lice : le triangle de Gonesse en Val-d’Oise, la Plaine de l’Ourcq en Seine-Saint-Denis, le plateau de Saclay dans l’Essonne et le Val d’Europe en Seine-et-Marne. Le travail effectué est remarquable pour chacun et cela sera très difficile de les départager.

LPA – Quelles seront les modalités d’élaboration du schéma de cohérence territoriale (Scot) ?

P. O. – Le SCoT est le projet le plus important pour la Métropole et sa construction est complexe, car il sera notre colonne vertébrale de la planification urbaine pour les vingt années à venir. C’est le schéma qui permettra de savoir comment les projets vont naître et où ils auront lieu, il est fait pour imaginer les points forts de développement dans l’aire métropolitaine. L’élaboration du SCoT métropolitain est l’opportunité de préparer l’avenir en concertation avec l’ensemble des acteurs institutionnels métropolitains et d’affirmer ses qualités de Métropole stratège et de proximité. Ce chantier majeur constitue l’outil ensemblier qui servira de cadre de référence et de mise en cohérence de l’ensemble de la planification stratégique métropolitaine. Il a fallu dix ans à Lyon pour l’établir avec deux millions d’habitants, nous nous sommes fixés cinq années pour faire naître ce SCoT avec sept millions d’habitants. Il sera nécessaire de maintenir l’harmonie entre les différentes sensibilités politiques, c’est sûrement sur l’élaboration de ce schéma que l’on risque de rencontrer des divergences conceptuelles et politiques. Mais la solidarité à l’intérieur de la Métropole est capitale, le rééquilibrage au sein des territoires doit permettre d’aider les territoires et villes qui manquent de moyens pour leur développement et je veillerais à ce que l’on respecte ce principe.

LPA – Comment la définition de l’intérêt métropolitain va aider les communes ?

P. O. – Nous consultons actuellement les maires et les présidents des territoires pour savoir comment nous allons définir l’intérêt métropolitain que ce soit pour une ZAC, une zone artisanale ou des sujets tels que le développement économique ou durable pour lesquels une ville demande le support de la Métropole. C’est l’idée même de la Métropole qui doit aussi permettre de décharger les communes qui n’ont plus les moyens d’assurer leurs attributions. Mais afin d’assurer ces responsabilités au sein de la Métropole il faudra évidemment que notre budget soit réévalué à la hauteur de la tâche qui nous incombe.

LPA – Quels sont les futurs projets-clés pour l’avenir de la Métropole ?

P. O. – En parallèle du SCoT, le plan métropolitain de l’habitat et de l’hébergement (PMHH) est une priorité pour nous. Une fois qu’il sera établi, il nous permettra de prendre la compétence pour le financement des logements sociaux avec une compétence opérationnelle en janvier 2019. Le PMHH a une importance capitale puisqu’il déterminera le nombre de logements à construire que cela soit à Rueil-Malmaison ou à Fontenay-sous-Bois. Dernière pierre de l’édifice : le PCAEM, plan climat air-énergie métropolitain, impulsé par Daniel Guiraud, vice-président délégué à la mise en œuvre de la stratégie environnementale et au développement des réseaux énergétiques, qui nous donnera la compétence opérationnelle en matière de lutte contre la pollution de l’air et de transition énergétique. Ces trois schémas, éléments structurants pour l’avenir de la Métropole et votés par le conseil métropolitain, permettront au président et au bureau de prendre des décisions stratégiques et contraignantes si cela est nécessaire.

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