Essonne (91)

Relance économique et transition écologique : le logement au cœur des préoccupations

Publié le 05/11/2021
Relance économique et transition écologique : le logement au cœur des préoccupations
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Le 21 septembre dernier a eu lieu le Sommet du Grand Paris, un événement organisé par la Chambre des Notaires de Paris, l’association Acteurs du Grand Paris et le journal La Tribune. Pour cette nouvelle édition, les participants et participantes s’interrogeaient sur l’impact de la Métropole sur le reste du territoire. Dans un contexte de relance économique, la question de la transition écologique est apparue centrale, notamment en matière de logement. Comme l’a relevé Cédric Blanchet, président de la Chambre interdépartementale des notaires de Paris, « c’est le sujet qui pénalise le plus fortement la qualité de vie des Franciliens ».

La Métropole du Grand Paris fait face, en plus de la crise sanitaire, à une crise de l’offre du logement qui rejoint la crise climatique. Alors comment satisfaire ces défis complexes ? Emmanuelle Wargon, ministre du Logement, a reconnu lors du Sommet du Grand Paris que la Métropole était un « projet de transport mais aussi d’aménagement et de logement », « un laboratoire exceptionnel pour montrer qu’on sait vivre différemment ». Selon elle, l’État a réagi à la pénurie de logements avec « beaucoup de mesures », comme la loi ELAN. Mais, a-t-elle poursuivi lors de son intervention, malgré « une reprise et une sortie de la zone de marasme », l’Île-de-France est « en deçà de nos objectifs de construction ». Pour la ministre, si les maires sont «  réticents » à signer des permis de construire, « c’est parce que les habitants sont réticents à l’arrivée de nouveaux habitants », dans un « refus de la densité » et une « envie d’un urbanisme apaisé ». Elle souhaite donc répondre à cette « crise du modèle de construction » à court et moyen terme, notamment en travaillant sur « la question de la simplification et du foncier » au sein de la future loi de finances.

Crise culturelle ?

D’après l’économiste Nicolas Bouzou, « nous ne construisons pas suffisamment en France ». Conséquence : il y a pénurie des logements et augmentation des prix. Pour Éric Groven, responsable de la direction immobilière de la banque de détail en France, cette hausse est surtout liée au prix du foncier du fait d’une « situation schizophrénique » : « On ne peut pas construire horizontalement, ni verticalement. Donc on ne construit pas ». Face à eux, Rémi Vial-Collet, directeur général adjoint de l’immobilier résidentiel et des régions chez Vinci immobilier, considère que des solutions sont à trouver dans les friches pour « construire de manière exemplaire », mais ces opérations « coûtent très cher ». Il déplore à son tour un manque d’autorisations distribuées par les mairies : « Les maires se butent encore à nous laisser construire. Or nous avons des solutions à présenter qui associent bas carbone, biodiversité, confort thermique pour correspondre aux futures températures de l’horizon 2050 ». Jean-Philippe Dugoin-Clément, maire de Mennecy et vice-président de la région Île-de-France chargé du logement, de l’aménagement durable et du SDRIF, rejoint le constat d’un « combat culturel » pénalisant la construction. Selon lui, ce serait « la décroissance qui paralyse les maires ».

Christine Leconte, présidente du Conseil national de l’ordre des architectes, était également présente pour cette journée d’échanges consacrée au Grand Paris : « Ça fait un moment qu’on demande des états généraux du logement », a-t-elle fait remarquer. « Les coûts de construction sont plus bas que nos voisins européens mais avec une pénurie de matériaux ça peut augmenter. On a besoin de se parler assez simplement. Si on arrive à le faire sur la ville, il y a un changement de culture à faire. Aujourd’hui, on doit se recentrer sur la densité. Créer du commun demande à tous et toutes de faire évoluer nos modes de faire ».

Un besoin de plus de régulation ?

Rémi Vial-Collet propose alors de réguler : « Les prix des logements ont augmenté de 158 %, soit trois fois plus vite que le pouvoir d’achat. Le vrai problème », poursuit-il, « est la crise du foncier ». Comment avoir du foncier à des prix abordables ? Voilà la question qu’il pose.

Critiquée sur la réforme de la taxe d’habitation, la ministre Emmanuelle Wargon s’est défendue en expliquant qu’elle « s’ajuste au nombre d’habitants » : « Je ne crois pas à un système administré du prix du foncier », a-t-elle ajouté. « Le foncier public et para-public pourrait jouer un rôle de modération plus important qu’aujourd’hui pour éviter d’être dans la surenchère ».

Premier vice-président de la Chambre des notaires de Paris, Marc Cagniart s’est présenté, en tant que contrôleur de la légalité et collecteur d’impôts, comme un « observateur privilégié à la rencontre de tous les acteurs de la chaîne ». Avec cette expertise et ce poste d’observation, les notaires du Grand Paris ont ainsi formulé une synthèse de 30 propositions sur cinq axes différents destinée aux acteurs de la chaîne immobilière. « Il n’y a pas assez de logements neufs en Île-de-France », a-t-il détaillé. « Il faut donc agir sur l’existant. Le problème de réversibilité et de modification des usages étant un sujet très complexe, on peut toujours améliorer les choses. L’une des propositions est de reconsidérer l’approche de la propriété pour accéder à un logement digne de ce nom. Des outils existent. Il faut passer d’un stade expérimental à des choses plus connues. On doit produire un effet pour résoudre une partie des problèmes du logement en Île-de-France. »

Autonomiser le Grand Paris

Pour soutenir la construction, un autre obstacle a été soulevé : la pénurie des matériaux. C’est pourquoi une solution pourrait être le soutien aux filières locales. Le maire de Mennecy, Philippe Dugoin-Clément s’inquiète de l’explosion des prix du bois au niveau mondial et des retards de commandes, qui auront un impact sur les coûts finaux et sur le calendrier : « On ne mesure pas encore le poids de cette pénurie mondiale. L’Île-de-France consomme 80 % des matières qui viennent en dehors de ses frontières. Il faut essayer de nous autonomiser ». Il mentionne alors l’exemple de la production de chanvre en Essonne, la structuration de la filière paille ou encore la filière bois avec un « potentiel forestier énorme » dans la région. Tout l’enjeu est de pouvoir faire se rejoindre l’agriculture et l’industrie.

Christine Leconte abonde : « Il y a un réel sujet sur les liens entre les filières. Nous avons d’ailleurs créé un comité de liaison des matériaux biosourcés en Île-de-France au sein de l’ordre des architectes ». Cette nécessité correspond aux impératifs environnementaux, avec un objectif de neutralité carbone pour 2050. Il ne s’agit donc pas seulement d’une réaction à court terme.

Yann Wehrling est vice-président de la région Île-de-France chargé de la transition écologique, du climat et de la biodiversité. Lors du Sommet, il a rappelé le cahier des charges pour les trente prochaines années : zéro déchet, zéro artificialisation, zéro carbone. « C’est quelque chose qu’il va falloir construire avec les collectivités locales, les acteurs économiques et les citoyens », a-t-il précisé. « Nous aurons une action forte dans le domaine de l’économie circulaire. Pour la construction, il faut mettre le paquet sur la filière bois construction avec un modèle vertueux. Nous sommes encore trop dans le curatif. Il faut s’y mettre » !

Objectif : neutralité carbone

Parmi les transformations qui doivent avoir lieu dans le Grand Paris, Marianne Louradour, directrice générale de CDC Biodiversité, détaille : « Si on artificialise un mètre carré, on doit désartificialiser autant de surface. C’est une injonction très difficile à concrétiser. 8 000 hectares seront artificialisés si on réalise tous les projets prévus en Île-de-France. Mais on peut apporter des réponses en identifiant les zones qui ont été dégradées et qui présentent un potentiel écologique fort pour réaliser la compensation prévue. Cette politique du ZAN (zéro artificialisation nette) doit être intégrée au meilleur niveau du pilotage stratégique, dans les plans locaux d’urbanisme par exemple. C’est une opportunité de remettre la nature dans la ville, pour la voir différemment ».

Directrice du réseau de la Banque des territoires, Gisèle Rossat Mignod reconnaît que l’équation « entre l’artificialisation des sols, la nature en ville et la sobriété énergétique, tout en offrant des logements de meilleure qualité » ne sera pas évidente à résoudre. Elle invite alors le privé et le public à travailler ensemble sans « chercher des rentabilités exceptionnelles ».

De son côté, Christine Leconte appelle à « associer les architectes pour proposer aux élus de travailler sur un socle commun et fabriquer une charte en accord avec les spécificités de son territoire ». Ce à quoi la ministre du Logement s’est montrée « plutôt favorable sous réserve de ne pas réinventer des variations autour de la même idée. Si un territoire veut prendre une partie de la charte, c’est son choix. Mais il ne faut pas qu’on ait à refaire tout le cahier des charges d’une commune à une autre ».

« Il faudra être de plus en plus créatif pour construire avec moins de matières », conclut Christine Leconte. « Nous sommes obligés de nous occuper de l’existant. Pourquoi démolir alors que les bâtiments sont qualitatifs ? Il faut transformer l’existant massivement. Ça ne veut pas dire rénover, mais recréer aussi, c’est un acte d’architecture. Les citoyens ne veulent pas d’une ville standardisée. Il faudra passer ce cap. Arrêtons de démolir  » !

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