Val-de-Marne (94)

La région Île-de-France réussira-t-elle sa transition écologique ?

Publié le 18/10/2021

En faisant le bilan de sa précédente mandature, l’équipe dirigeante de la région Île-de-France a fait un constat saisissant : dans son budget, un euro sur deux dépensé aurait été consacré à l’environnement et à la réduction de l’empreinte carbone. Militant écologiste, Yann Wehrling a été nommé vice-président en charge de la transition écologique, du climat et de la biodiversité en juillet dernier par Valérie Pécresse. Il revient sur le bilan et les projets d’une région qui se veut pilote dans la politique écologique.

Actu-juridique : Un euro sur deux du budget de la région aurait été consacré à l’environnement. Concrètement comment cela se voit dans les décisions ?

Yann Wehrling : Un euro sur deux, c’était le constat que nous avons fait sur le budget de l’année dernière, on a réalisé un jaune budgétaire. Un euro sur deux, c’est le financement des dépenses environnementales directes, par exemple dans le domaine de la biodiversité ou de la gestion des déchets ou d’opérations qui ne sont pas à proprement parler environnementales mais sur lesquelles on a pris en compte des éléments environnementaux, par exemple en faisant en sorte que les dépenses engagées soient neutres en carbone ou favorables à la nature.

AJ : Depuis quelques années, la politique régionale a effectué un véritable virage écologique. Pourtant, l’Île-de-France est encore loin d’être verte. Accompagner l’achat des vélos électriques c’est bien, mais la transition énergétique et écologique ne demande-t-elle pas autre chose que de l’incitation ?

Y.W. : Incontestablement, depuis cinq ans, le sujet est monté en puissance. La majorité actuelle est arrivée aux affaires en 2015, c’était l’année de l’Accord de Paris. Un texte qui a mis la neutralité carbone dans l’agenda de tout le monde. La lecture carbone de nos budgets s’est donc faite assez naturellement et c’est aussi devenu une lecture transversale dans notre politique économique, agricole, dans l’aménagement du territoire. Tous ces sujets examinent l’impact carbone dans ce qu’ils font. Il y a pu avoir des réticences mais nous disposons de tout un écosystème régional qui accompagne ce même virage.

Même si nous le demandons depuis 1982, la région n’est malheureusement pas une institution qui édicte des réglementations. Nous ne levons pas l’impôt, ou faiblement, c’est un frein énorme pour mener une politique écologique. L’outil que nous avons à notre disposition, c’est l’incitation. Valérie Pécresse pense à juste titre que les enjeux environnementaux se trouvent face à des défis d’acceptabilité énorme et si l’on n’en tient pas compte, si l’on n’accompagne pas les gens dans la transition, il peut y avoir des rebuffades. On le voit avec l’éolien, avec la restriction de l’usage de la voiture à Paris : cela crée de vrais clivages qui peuvent être évitables, il faut ainsi convaincre.

L’environnement pâtit beaucoup d’un sentiment négatif, l’écologie est encore associée à la privation, au recul, à la remise en cause d’un certain confort, le sujet donne l’impression de déclinisme pessimiste. Il faut inverser la vapeur et mettre du positif dans le discours écologique, montrer que s’y mettre n’est pas épouvantable, mais peut être réjouissant. C’est un discours politique différent.

AJ : En Essonne, en effet, l’éolien a donné lieu à de véritables bras de fer avec la population locale. Plusieurs candidats de l’opposition, aux dernières élections régionales se sont même rendus sur place…

Y.W. : Il faut prendre gare aux phénomènes médiatiques ou politiques. Contrairement à ce que l’on peut croire, l’éolien n’est pas toujours un dossier compliqué, il existe des cas de figures où il est accepté. J’ai rencontré il y a peu le syndicat des énergies renouvelables et le sujet de l’acceptabilité de l’éolien est très clairement dans leur tête. Mais ils disaient aussi qu’à y regarder de près, ça se passe très bien pour beaucoup de parcs éoliens, et ce d’autant mieux quand on met le paquet dans la concertation avec les riverains. L’Île-de-France est une région très urbanisée or le potentiel éolien se trouve dans les zones rurales, il faut travailler la question, convaincre, fédérer, intéresser les habitants à la question. Imposer, c’est compliqué.

AJ : Quels grands travaux sont à l’agenda dans le secteur des énergies renouvelables ?

Y.W. : L’éolien n’est clairement pas une priorité pour nous, en revanche, nous croyons beaucoup au solaire. Nous avons développé une application mobile pour identifier l’ensemble des potentiels solaires sur les toitures, il faut développer le panneau photovoltaïque sur les toits, il y a énormément de surfaces commerciales ou industrielles vides : pas d’inquiétude le patrimoine ne sera pas touché, on ne recouvrira pas les jolis toits en zinc de Paris !

On croit aussi à la géothermie, il y a beaucoup de potentiel dans notre région, nous disposons de quelques puits de géothermie. Nous avons également lancé un projet de méthanisation à grande échelle. D’ici 2024, les collectivités locales devraient pouvoir collecter tous les biodéchets des particuliers (environ 20 à 30 % des poubelles) : on va réunir bientôt les acteurs de la collecte des déchets d’Île-de-France sur ce point. Depuis 2015, plus de 200 méthaniseurs ont été financés par la région qui pourraient en 2040 produire 15 % de l’électricité pour la région.

AJ : Accompagnerez-vous les sociétés dans la fin de l’extraction du pétrole ou repeindre les toits en blancs pour « refroidir » la ville ?

Y.W. : On va évidemment voir avec les quelques sociétés extractrices de pétrole quelle sera la meilleure formule pour leur changement d’activité localement. La géothermie est à mon sens la solution la plus efficace. Concernant les toits blancs, nous touchons là à notre grand chantier de la mandature. Nous souhaitons mettre en place un grand plan d’adaptation au changement climatique. Certes, il y a le volet réduction des énergies fossiles (dont le résultat se verra dans 100 ans quand et si nous avons inversé la courbe) mais par contre ce qui va nous toucher nous et personne d’autre, ce sont les changements climatiques, les canicules, les inondations, les sécheresses qui seront bientôt notre quotidien.

On a tous en tête les inondations belges et allemandes, mais c’est déjà une rélaité dans le Val-de-Marne, à Villeneuve-Saint-Georges, par exemple ; on peut demain avoir des incendies dans la forêt à Fontainebleau, des températures extrêmes de 49 degrés. Donc il faut examiner tous azimuts ce que l’on peut faire pour limiter les risques, dès à présent. Il faut réduire l’impact des canicules en végétalisant les zones urbaines pour avoir des zones de rafraîchissement et retenir les terres en cas d’inondation. Il faut mettre les bouchées doubles, car il faut être prêt à affronter tout cela.

AJ : Malgré ces engagements, plusieurs grands projets locaux, avec une grosse empreinte carbone, ont récemment fait la une. Le Triangle de Gonesse, depuis abandonné, mais aussi les Jeux Olympiques 2024 qui ont cristallisé les tensions…

Y.W. : Concernant les Jeux Olympiques, nous ne sommes pas opérateurs. La région est sollicitée de manière secondaire pour appuyer tels ou tels projets. À ce titre, on a insisté sur la maîtrise budgétaire et l’exemplarité en développement durable : accueillir les Jeux Olympiques n’est jamais totalement neutre en carbone, il faut compenser. Certains pensent qu’il faut arrêter les Jeux Olympiques, car c’est trop coûteux pour les collectivités et pour l’environnement. À la région, nous ne sommes pas contre : chaque édition des Jeux place la barre plus haut en matière de développement durable, ce n’est pas suffisant, mais c’est à prendre en compte. Par exemple, les villes hôtes ont renoncé depuis longtemps à construire des infrastructures uniquement destinées aux Jeux. Il y a eu concertation sur les zones qui auraient le plus besoin d’infrastructures nouvelles, dont bénéficiera plus tard la population. Il y a deux ou trois trucs qui posent problème, côté environnemental, comme les jardins d’Aubervilliers, mais il faut rester logique et cohérent.

AJ : Un dossier qui vous touche personnellement et que vous souhaitez mettre en place ?

Y.W. : Oui. Nous allons mettre un gros accent dans la mandature sur la préservation de la biodiversité, avec un chantier qui va porter sur le développement de nombreux petits espaces de patrimoine naturel, 1 000 pour être exact. Nous devons identifier les petits endroits, les recoins valorisables où l’on pourrait créer des refuges pour les espèces. Comme, par exemple, la petite ceinture verte devenue un espace de biodiversité. Ces petits coins délaissés où la nature reprend ses droits, je veux les cartographier et les protéger, en faire une fierté pour les habitants.

X