À propos de la loi de transformation de la fonction publique. Évolutions ou révolution ?

Publié le 17/02/2020

publicprive

La loi du 6 août 2019 vise à moderniser la fonction publique. Elle ne crée pas encore de code mais vient amender en profondeur les bases juridiques organisant la fonction publique en France que sont les lois du début des années 1980. Les maîtres mots sont une amélioration des conditions du dialogue social, un rapprochement avec le droit privé – sans quitter pour autant le statut –, un approfondissement du respect du principe d’égalité et le renforcement des droits des agents et de la déontologie. La loi renvoie à plusieurs décrets et ordonnances.

Depuis le 1er janvier 2020, la plupart des postes vacants dans les administrations publiques pourront, sous certaines conditions, être pourvus par un recrutement de personnes non fonctionnaires. Il s’agit là d’un des éléments de la loi de 2019 portant transformation de la fonction publique1.

Transformer la fonction publique revient à aborder des situations diverses. On estime à environ 5,526 millions le nombre d’agents publics en France. La fonction publique n’est pas un ensemble homogène. Il existe plusieurs fonctions publiques, plusieurs statuts différents. Les agents publics ne sont pas tous régis par le statut dans la mesure où il existe des agents contractuels de droit public. Les chiffres à avoir à l’esprit sont les suivants : les 5,52 millions cités plus haut correspondent à un salarié sur cinq. La fonction publique de l’État compte 2,45 millions d’agents (44,3 %), la fonction publique territoriale 1,9 million (34,4 %) et la fonction publique hospitalière 1,17 million (21,2 %)2.

Ces agents sont employés, sous des statuts divers, par les services civils et militaires de l’État, les conseils régionaux, les conseils généraux, les communes, les établissements publics nationaux et locaux à caractère administratif, les hôpitaux publics, les maisons de retraite et les autres établissements sociaux et médico-sociaux. À côté de la fonction publique, des missions de service public sont assurées par certains organismes publics qui ne font pas partie de la fonction publique, par des organismes privés financés par les collectivités publiques, ainsi que par des entreprises publiques (La Poste, la SNCF, la RATP, EDF, GDF, Aéroports de Paris, par exemple. Chaque fonction publique est régie par des dispositions particulières à caractère national. Les différentes fonctions publiques ont vu leur statut général unifié par la loi du 13 juillet 1983 (titre I – statut général) tout en précisant et préservant les spécificités de chaque secteur : titre II pour les fonctionnaires de l’État, titre III pour les fonctionnaires territoriaux, titre IV pour les fonctionnaires hospitaliers)3.

Les lois fondatrices, telles que modifiées régulièrement, et, récemment par la loi du 6 août 2019, sont la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, la loi du 11 janvier 1984 pour les fonctionnaires de l’État, la loi du 26 janvier 1984 pour les fonctionnaires territoriaux, la loi du 9 janvier 1986 pour les fonctionnaires des hôpitaux, ainsi que leurs textes d’application4. Avant ces lois, la loi du 19 octobre 1946, dite loi Thorez5, du nom du ministre de la Fonction publique d’alors, a, pour la première fois, institué un statut général des fonctionnaires de l’État. Un deuxième statut général lui a succédé sous la Ve République, avec l’ordonnance du 4 février 1959.

Les principes cardinaux de la fonction publique sont le principe d’égalité – qu’illustre notamment le recrutement par concours –, le principe d’indépendance, le principe de responsabilité et de protection. Les droits classiques sont traditionnellement garantis :

  • la liberté d’opinion ;

  • le principe de non-discrimination, le droit syndical et le droit de participation ;

  • le droit de grève ;

  • le droit à la protection fonctionnelle ;

  • le droit à la rémunération après service fait ;

  • le droit à la formation professionnelle.

On verra plus bas que la loi de 2019, tout en conservant ces principes essentiels, les approfondit en même temps qu’elle les enrichit.

Il faut noter l’existence de plusieurs catégories correspondant au niveau de recrutement, des règles de progression dans la carrière liées à la fois au mérite et à l’ancienneté. Chaque fonctionnaire appartient à un corps ou un cadre d’emplois classé en catégorie A, B ou C. Dans ce corps ou cadre d’emplois, il est titulaire d’un grade et dans ce grade, d’un échelon. Le passage d’une catégorie à une autre peut se faire par voie de promotion interne ou par la voie du concours. Chaque catégorie comprend un certain nombre de corps regroupant des fonctionnaires soumis à un même statut particulier. Il en est ainsi par exemple du corps des professeurs des universités. Le grade permet à son titulaire d’occuper un certain nombre d’emplois.

Les corps ont un ou plusieurs grades selon leur statut particulier. Lorsqu’il y a plusieurs grades, ils sont hiérarchisés. Sauf exception, l’accès à un corps se fait sur le grade le moins élevé ou grade de début de carrière. Au cours de la carrière, il est possible d’accéder aux grades supérieurs par avancement de grade. Les conditions d’avancement de grade sont fixées, pour chaque corps, par le statut particulier. L’avancement de grade n’est pas un droit.

Chaque grade comprend plusieurs échelons qui forment la grille indiciaire. Le nombre d’échelons de chaque grade est fixé par décret. Chaque échelon est assorti, par le statut particulier, d’une durée de service nécessaire pour passer à l’échelon supérieur. L’échelon détermine la rémunération principale du fonctionnaire. En effet, un indice brut (dit indice de carrière) est attribué à chaque échelon. À cet indice brut correspond un indice majoré (dit indice de rémunération) à partir duquel est calculé un traitement indiciaire (ou traitement de base). En principe, l’accès au grade s’effectue sur le 1er échelon. Au cours de sa carrière, le fonctionnaire accède aux échelons plus élevés par avancement d’échelon. L’avancement d’échelon est un droit6.

Dans la fonction publique territoriale, chaque catégorie comprend un certain nombre de cadres d’emplois regroupant des fonctionnaires soumis à un même statut particulier. Il en est ainsi par exemple du cadre d’emplois des agents de police municipale. Les cadres d’emplois ont un ou plusieurs grades selon leur statut particulier. Lorsqu’il y a plusieurs grades, ils sont hiérarchisés. Sauf exception, l’accès à un cadre d’emplois se fait sur le grade le moins élevé ou grade de début de carrière.

Au cours de la carrière, il est possible d’accéder aux grades supérieurs par avancement de grade. Les conditions d’avancement de grade sont fixées, pour chaque cadre d’emplois, par le statut particulier. L’avancement de grade n’est pas un droit.

Sur ces bases d’organisation, les principes d’égalité et de déontologie sont des objectifs toujours perfectibles. Les années 2000 voient se développer des réflexions à la fois sur un meilleur dialogue social et un renforcement de la déontologie.

Il faut ainsi citer le Livre blanc sur le dialogue social dans la fonction publique, en mars 2002, dont les auteurs sont Jacques Fournier et Marie-Ange du Mesnil du Buisson7, puis les accords de Bercy du 2 juin 2008 sur la rénovation du dialogue social dans la fonction publique, qui ont ouvert une nouvelle ère de démocratie sociale dans la fonction publique autour de deux principes clés : un dialogue social plus large et plus efficace et des acteurs plus légitimes et plus responsables. Ces accords sont signés par six des huit organisations syndicales représentatives de la fonction publique (FSU, CGT, UNSA, CFDT, Solidaires, CGC). Les principales stipulations de ces accords ont été transposées dans la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010, relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique, publiée au Journal officiel du 6 juillet 2010.

Cette loi modifie les règles encadrant l’action sociale et la négociation dans les différentes fonctions publiques (articles 1 à 37), elle porte aussi sur les règles relatives à l’entretien professionnel, à l’instauration d’une prime au mérite ou encore sur la perspective de l’adoption d’un Code général de la fonction publique (articles 37 et s.). La deuxième partie de la loi portant « dispositions diverses » permet notamment l’instauration de primes au mérite ou d’un grade à accès fonctionnel (GRAF). La loi de 2010 comporte des avancées en la matière, comme celle de 2016 sur la déontologie.

Ainsi, outre la question du dialogue social, en matière de déontologie, la loi de 20168 apporte une série de renforcements des principes déontologiques devant guider les agents publics. La loi rappelle, dans son article premier, que le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité. Il doit aussi faire preuve de neutralité et respecter le principe de laïcité. L’article 4 renforce les exigences de transparence, notamment en matière de déclaration de patrimoine, afin d’éviter les risques de conflits d’intérêts. La possibilité de se faire assister d’un référent déontologique est aussi prévue par la loi. Celle-ci vise aussi à renforcer l’égalité entre les hommes et les femmes, par exemple la commission de déontologie doit être composée à parité d’hommes et de femmes. L’article 10 de la loi renforce la protection fonctionnelle des agents et de leur famille. Les articles 14 et 15 de la loi visent à mieux garantir les droits des agents contractuels de l’Administration.

D’autres lois ont été adoptées depuis 1986, notamment, la loi dite Galland en 1987, qui a assoupli le recrutement de contractuels à des postes permanents, notamment dans les petites collectivités. En 2004, la loi relative aux libertés et aux responsabilités locales pose le principe de transferts de compétences et de personnels de l’État vers les collectivités territoriales. Plus de 130 000 agents ont alors été transférés de l’État aux régions et aux départements.

En 2009, la loi Hôpital santé patients et territoire (HPST) transforme les établissements publics de santé, qui deviennent des établissements publics de l’État, sans changer le statut des quelque 900 000 agents employés par ces établissements, qui ont changé de collectivité publique de rattachement. Ainsi, depuis les années 1980, ce sont de nombreux lois et décrets qui ont été adoptés afin de moderniser au mieux la fonction publique à la fois quant aux droits des agents et leurs devoirs.

La fin de l’année 2018 et le début de l’année 2019 sont marqués par de nombreuses concertations en vue de l’adoption d’une vaste loi de modernisation de la fonction publique. Ainsi, la loi du 6 août 2019, validée sans réserve par le Conseil constitutionnel9, peut s’interpréter à la fois comme un aboutissement de plusieurs années de réflexion, en matière de dialogue social (I) ou d’approfondissement des droits et devoirs (III), mais aussi, dans une certaine mesure, comme comprenant des facteurs de révolution par les rapprochements avec le droit privé qu’elle comporte (II).

I – Les évolutions relatives au dialogue social dans la fonction publique

La notion même de dialogue social dans la fonction publique appelle une précision sémantique, voire philosophique. En effet, dès lors que le fonctionnaire est régi par un statut, il se trouve dans une situation que l’on qualifie de légale et réglementaire. Cette formule « situation légale et réglementaire » se lit au miroir de la situation contractuelle dans laquelle se trouvent les salariés du secteur privé. À la spécificité du droit administratif, dont la réalité même est liée à l’existence et à l’exigence de l’intérêt général, correspond nécessairement un dialogue social, lui-même marqué du sceau de l’intérêt général.

La loi de 201010, faisant suite aux accords dits de Bercy, citée plus haut, avait déjà fait évoluer les règles relatives au dialogue social dans la fonction publique. La loi de 2019 réaffirme, dans son article premier, que « les fonctionnaires participent par l’intermédiaire de leurs délégués siégeant dans des organismes consultatifs à l’organisation et au fonctionnement des services publics, à l’élaboration des règles statutaires, à la définition des orientations en matière de politique de ressources humaines et à l’examen de décisions individuelles dont la liste est établie par décret en Conseil d’État ». Elle apporte des modifications substantielles à la fois quant aux instances actrices du dialogue social et quant aux modalités du dialogue social, ce qui s’observe à propos des commissions administratives paritaires, de la création du comité social en remplacement d’anciens comités et du rôle accru du conseil commun de la fonction publique.

A – Les dispositions relatives aux commissions administratives paritaires (CAP)

La loi de 2019 modifie l’article 9 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Selon le premier alinéa de cet article, désormais, les fonctionnaires participent par l’intermédiaire de leurs délégués siégeant dans des organismes consultatifs à l’organisation et au fonctionnement des services publics, à l’élaboration des règles statutaires, à la définition des orientations en matière de politique de ressources humaines et à l’examen de décisions individuelles dont la liste est établie par décret en Conseil d’État.

1 – L’évolution des commissions administratives paritaires

La composition comme le rôle des commissions administratives paritaires sont modifiés par la loi de 2019. S’agissant de leur composition, elle doit évoluer lors du prochain renouvellement en 2022.

En décembre 2022, lors du prochain renouvellement général des instances, les CAP seront constituées dans la fonction publique d’État par catégorie hiérarchique (A, B et C) et non plus par corps de fonctionnaires. Ainsi, pour la catégorie B par exemple : secrétaires administratifs, techniciens, contrôleurs.

Afin de tenir compte des particularités de certaines professions, plusieurs CAP pourront être créées au sein d’une même catégorie. Par ailleurs, si les effectifs sont insuffisants, une même CAP pourra être compétente pour plusieurs catégories hiérarchiques dans les fonctions publiques d’État et territoriale.

Le principe selon lequel un fonctionnaire ne peut pas siéger dans une formation qui lui permet d’apprécier la manière de servir d’un agent d’un grade supérieur est supprimé dans les trois fonctions publiques en 2022.

Le rôle circonscrit des CAP et la mise en place de lignes directrices de gestion.

Les commissions administratives paritaires composées, comme leur nom l’indique, à parité de représentants de l’Administration et de représentants du personnel, voient leurs missions évoluer. Jusqu’à présent, les CAP donnent un avis préalable sur les décisions individuelles de mutation, de mobilité, d’avancement et de promotion interne, qu’il s’agisse de détachement entrant, d’accueil en disponibilité, ou encore d’avancement de grade. À partir du 1er janvier 2020, elles ne sont plus compétentes en matière de mutation et de mobilité, et, à partir du 1er janvier 2021, en matière d’avancement et de promotion.

Parallèlement, sont créées des lignes directrices de gestion (LDG) qui déterminent la stratégie pluriannuelle de pilotage des ressources humaines, qui fixent à partir du 1er janvier 2020 les orientations générales en matière de mutation et de mobilité dans la fonction publique de l’État et qui fixent aussi les orientations générales en matière de promotion et de valorisation des parcours dans l’ensemble de la fonction publique, en vue de l’élaboration des décisions individuelles prises au titre de l’année 2021.

Par ailleurs, les fonctionnaires pourront choisir un représentant désigné par l’organisation syndicale représentative de leur choix pour les assister dans l’exercice des recours administratifs contre les décisions individuelles défavorables relatives à l’avancement, aux promotions et aux mutations. La mise en œuvre de cette disposition prend tout son sens, dès 2020 pour les actes de mutation.

La loi prévoit qu’un décret, relatif aux lignes directrices de gestion, aux politiques de mobilité et à l’évolution des attributions des CAP, précise ces nouvelles dispositions afférentes aux compétences des CAP, au champ d’application des lignes directrices ainsi qu’au conseiller syndical, notamment la représentativité des organisations syndicales. Le décret du 29 novembre 201911 fixe la liste des décisions individuelles pour lesquelles les fonctionnaires participent, par l’intermédiaire de leurs délégués siégeant dans des organismes consultatifs, à l’examen. La loi rationalise aussi les comités en instituant le principe d’un comité social, en remplacement d’autres comités.

B – La création du comité social en remplacement d’anciens comités

Le comité social remplace le comité technique (CT) et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Ce comité se retrouve au niveau de chacune des trois fonctions publiques, avec à chaque fois, la possibilité, lorsque les conditions le justifient, de mettre en place une formation spécialisée en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail.

L’article 15 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État est modifié et précise désormais que, dans toutes les administrations de l’État et dans tous les établissements publics de l’État ne présentant pas un caractère industriel ou commercial, il est institué un ou plusieurs comités sociaux d’administration. La loi définit le rôle de ces comités. Ils peuvent connaître des domaines suivants :

  • le fonctionnement et à l’organisation des services ;

  • l’accessibilité des services et à la qualité des services rendus ;

  • les orientations stratégiques sur les politiques de ressources humaines ;

  • les lignes directrices de gestion en matière de mobilité et de promotion et valorisation des parcours professionnels ;

  • les enjeux et les politiques d’égalité professionnelle et de lutte contre les discriminations ;

  • les projets de statuts particuliers ;

  • la protection de la santé physique et mentale, l’hygiène, la sécurité des agents dans leur travail, l’organisation du travail, le télétravail, les enjeux liés à la déconnexion et aux dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques, l’amélioration des conditions de travail et les prescriptions légales y afférentes.

La mise en œuvre des lignes directrices de gestion fait l’objet d’un bilan, sur la base des décisions individuelles, devant le comité social d’administration ;

La loi renvoie aussi à un décret en Conseil d’État le soin d’ajouter d’autres champs possibles de compétences des comités sociaux12.

Il faut ajouter qu’au-delà d’un certain seuil de personnels, ou si des risques particuliers le justifient dans les cas n’atteignant pas ce seuil, un décret en Conseil d’État prévoira une formation spécialisée en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail.

Un article 15 bis est inséré par la loi qui dispose que les comités sociaux d’administration mentionnés au I de l’article 15 ainsi que les formations spécialisées mentionnées aux III et IV du même article 15 comprennent des représentants de l’Administration et des représentants du personnel. Seuls les représentants du personnel sont appelés à prendre part aux votes.

Les représentants du personnel siégeant aux comités sociaux d’administration sont élus dans les conditions définies à l’article 9 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983.

Il peut être dérogé à l’élection dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État lorsque les circonstances, notamment en cas d’insuffisance des effectifs, le justifient.

Les représentants du personnel titulaires de la formation spécialisée prévue au III de l’article 15 de la présente loi sont désignés parmi les représentants du personnel, titulaires ou suppléants, du comité social d’administration. Les suppléants de cette formation spécialisée sont désignés librement par les organisations syndicales siégeant au comité social d’administration.

Les représentants du personnel siégeant au sein des formations spécialisées prévues au IV du même article 15 sont désignés par les organisations syndicales soit par référence au nombre de voix obtenues aux élections du ou des comités sociaux d’administration de proximité, soit après une consultation du personnel.

Un article 15 ter et un article 15 quater prévoient des spécificités pour les magistrats de l’ordre judiciaire et de l’ordre administratif.

Pour les premiers, par dérogation à l’article 9 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée et à l’article 15 bis de la présente loi, pour la désignation des représentants du personnel siégeant aux comités sociaux d’administration du ministère de la Justice. Sont électeurs les agents publics et les magistrats de l’ordre judiciaire. Sont éligibles, outre les représentants des organisations syndicales mentionnées à l’article 9 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, les représentants des organisations syndicales mentionnées à l’article 10-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature. Un décret en Conseil d’État prévoit les conditions d’application de ces dispositions.

Pour les seconds, pour les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel, est instituée une commission chargée d’examiner les questions mentionnées au 7° du II de l’article 15 concernant les magistrats et les agents de ces juridictions. Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article, notamment les modalités de désignation des représentants des magistrats et des agents de ces juridictions.

Des comités sociaux territoriaux sont créés dans le cadre de la fonction publique territoriale. Ainsi l’article 32 de la loi du 26 janvier 1984 prévoit qu’un comité social territorial est créé dans chaque collectivité ou établissement employant au moins cinquante agents ainsi qu’auprès de chaque centre de gestion pour les collectivités et établissements affiliés employant moins de cinquante agents. Il en est de même pour les centres de gestion mentionnés aux articles 17 et 18. Toutefois, il peut être décidé, par délibérations concordantes des organes délibérants d’une collectivité territoriale et d’un ou plusieurs établissements publics rattachés à cette collectivité, de créer un comité social territorial compétent à l’égard des agents de la collectivité et de l’établissement ou des établissements, à condition que l’effectif global concerné soit au moins égal à cinquante agents. Il peut être également décidé, par délibérations concordantes des organes délibérants d’un établissement public de coopération intercommunale, de l’ensemble ou d’une partie des communes membres et de l’ensemble ou d’une partie des établissements publics qui leur sont rattachés, de créer un comité social territorial compétent pour tous les agents de ces collectivités et établissements publics lorsque l’effectif global concerné est au moins égal à cinquante agents. Le présent alinéa s’applique à la métropole de Lyon, aux communes situées sur son territoire et à leurs établissements publics.

Les agents employés par les centres de gestion relèvent des comités sociaux territoriaux créés dans ces centres. En outre, un comité social territorial peut être institué par décision de l’organe délibérant de la collectivité ou de l’établissement dans les services ou groupes de services dont la nature ou l’importance le justifient. Les comités sociaux territoriaux sont présidés par l’autorité territoriale ou son représentant, qui ne peut être qu’un élu local. Un décret en Conseil d’État en fixe les modalités d’application.

Dans les collectivités territoriales et les établissements publics employant deux cents agents au moins, une formation spécialisée en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail est instituée au sein du comité social territorial. En dessous de ce seuil, cette formation peut être créée par décision de l’organe délibérant de la collectivité ou de l’établissement concerné lorsque des risques professionnels particuliers le justifient.

Les domaines de compétence des comités sociaux territoriaux sont les suivants :

  • l’organisation, le fonctionnement des services et aux évolutions des administrations ;

  • l’accessibilité des services et la qualité des services rendus ;

  • les orientations stratégiques sur les politiques de ressources humaines ;les lignes directrices de gestion en matière de promotion et valorisation des parcours professionnels ;

  • les enjeux et les politiques d’égalité professionnelle et de lutte contre les discriminations ;

  • les projets de statuts particuliers ;

  • la protection de la santé physique et mentale, l’hygiène, la sécurité des agents dans leur travail, l’organisation du travail, le télétravail, les enjeux liés à la déconnexion et les dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques, l’amélioration des conditions de travail et les prescriptions légales y afférentes.

La mise en œuvre des lignes directrices de gestion fait l’objet d’un bilan, sur la base des décisions individuelles, devant le comité social. D’autres questions sont prévues par décret en Conseil d’État. Le rapport présenté pour avis au comité social territorial, en application de l’article 9 bis A de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, indique les moyens budgétaires et en personnel dont dispose la collectivité, l’établissement ou le service concerné.

Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. Dans le système hospitalier, sont mis en place des comités sociaux d’établissement.

La sixième partie du Code de la santé publique est ainsi modifiée. L’article L. 6144-3 dispose désormais que dans chaque établissement public de santé, il est créé un comité social d’établissement. Les comités sociaux d’établissement, dotés de compétences consultatives, connaissent des questions relatives :

  • aux orientations stratégiques de l’établissement et à celles inscrivant l’établissement dans l’offre de soins au sein de son territoire ;

  • à l’accessibilité des services et à la qualité des services rendus ;

  • à l’organisation interne de l’établissement ;

  • aux orientations stratégiques sur les politiques de ressources humaines ;

  • aux enjeux et aux politiques d’égalité professionnelle et de lutte contre les discriminations ;

  • aux lignes directrices de gestion en matière de promotion et valorisation des parcours professionnels ;

  • à la protection de la santé physique et mentale, à l’hygiène, à la sécurité des agents dans leur travail, à l’organisation du travail, au télétravail, aux enjeux liés à la déconnexion et aux dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques, à l’amélioration des conditions de travail et aux prescriptions légales y afférentes.

La mise en œuvre des lignes directrices de gestion fait l’objet d’un bilan, sur la base des décisions individuelles, devant le comité social. D’autres questions sont prévues par décret en Conseil d’État.

Dans les établissements publics concernés par ces comités, dont les effectifs sont au moins égaux à un seuil fixé par décret en Conseil d’État, il est institué, au sein du comité social d’établissement, une formation spécialisée en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail. Dans ces mêmes établissements publics dont les effectifs sont inférieurs au seuil précité, une formation spécialisée en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail peut être instituée au sein du comité social d’établissement lorsque des risques professionnels particuliers le justifient, selon des modalités définies par décret. La formation spécialisée est chargée d’exercer les attributions du comité, sauf lorsque ces questions se posent dans le cadre de projets de réorganisation de services examinés directement par le comité.

Une ou plusieurs formations spécialisées en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail peuvent être créées, en complément de celles citées plus haut, lorsque des risques professionnels particuliers sur un ou plusieurs sites de l’établissement le justifient.

Cette formation exerce alors les attributions en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail pour le périmètre du site du ou des services concernés, sauf lorsque ces questions se posent dans le cadre de projets de réorganisation de services examinés directement par le comité social d’établissement.

Il en va de même dans les établissements sociaux ou médico-sociaux. Des dispositions similaires sont aussi applicables au sein de l’enseignement agricole, ou encore dans le domaine des transports publics. Outre ces comités et les formations spécialisées institués, la loi prévoit un rôle accru pour le conseil commun de la fonction publique (CCFP).

C – Le rôle accru du CCFP

La loi de transformation de la fonction publique ajoute une modalité de consultation préalable du conseil commun de la fonction publique (CCFP).

Cette instance supérieure du dialogue social, prévue par la loi de 2010 précitée et faisant suite aux accords de Bercy, intervient pour toute question d’ordre général commune à plusieurs fonctions publiques. Elle est saisie des projets de loi ou d’ordonnance et, lorsqu’une disposition législative ou réglementaire le prévoit, de décret, communs aux trois fonctions publiques. Il s’agit donc d’un lieu de consultation et de concertation stratégique pour toute la fonction publique. Le CCFP est composé de trois collèges :

  • représentants des organisations syndicales de fonctionnaires ;

  • représentants des employeurs territoriaux ;

  • représentants des employeurs hospitaliers.

Seuls les membres des collèges peuvent voter. Des membres de droit (le directeur général de l’Administration et de la fonction publique, le directeur général des collectivités locales, le directeur général de l’offre de soins, le directeur du budget, un membre du Conseil d’État, un membre de la Cour des comptes, le président du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière) siègent sans prendre part aux votes.

Les sièges des représentants des organisations syndicales sont répartis à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne des voix obtenues par chaque organisation syndicale lors des dernières élections pour la désignation des représentants des personnels aux comités techniques dans les trois fonctions publiques et des autres organismes consultatifs pris en compte pour la composition des conseils supérieurs de la fonction publique de l’État, de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière13. L’objectif est d’offrir la possibilité de concentrer l’ensemble des débats, dans certains cas, au sein du seul conseil commun, regroupant les représentants des trois fonctions publiques.

Lorsqu’un projet de texte soumis à l’avis du conseil commun comporte, en plus des dispositions communes à au moins deux versants de la fonction publique, des dispositions propres à l’une des fonctions publiques, le CCFP peut également être consulté sur ces dispositions spécifiques, sous réserve de l’accord préalable du président du conseil supérieur de la fonction publique territoriale ou de celui du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière, selon la fonction publique concernée et dès lors qu’elles présentent un lien avec l’une des dispositions communes à au moins deux versants. Ces dispositions sont d’application directe.

Enfin, l’article 5 de la loi rend obligatoire pour l’ensemble des administrations l’élaboration d’un rapport social unique qui permettra notamment d’établir les lignes directrices de gestion mentionnées plus haut. Celui-ci devra notamment comporter des données relatives :

  • à la gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences ;

  • aux parcours professionnels ;

  • aux recrutements ;

  • à la formation ;

  • aux avancements et à la promotion interne ;

  • à la mobilité ;

  • à la mise à disposition ;

  • à la rémunération ;

  • à la santé et à la sécurité au travail, incluant les aides à la protection sociale complémentaire ;

  • à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;

  • à la diversité ;

  • à la lutte contre les discriminations ;

  • au handicap.

Ce rapport social unique devra de plus intégrer l’état de la situation comparée des femmes et des hommes, avec des données sexuées sur le recrutement, la formation, le temps de travail, la promotion, les conditions de travail, les actes de violence notamment sexuelles ou sexistes, ou de harcèlement. Il comprendra aussi des indicateurs synthétiques relatifs aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, selon des modalités qui seront fixées par décret en Conseil d’État. L’ensemble des données devront enfin être renseignées dans une base de données sociales accessible aux membres des comités sociaux14.

Ces dispositions en matière de dialogue social entrent en vigueur progressivement entre 2019 et 2022. Le titre II de la loi du 6 août 2019 s’intitule « Transformer et simplifier la gestion des ressources humaines », ce qui conduit à observer les rapprochements entre le droit public et le droit privé que cette loi comporte.

II – Les rapprochements entre le droit public et le droit privé

Plusieurs éléments sont autant d’indices de rapprochements entre le secteur privé et le secteur public, ou, dit autrement, la loi comporte des éléments de banalisation de la fonction publique sans pour autant revenir sur les règles inhérentes au statut des fonctionnaires. Dans ce cadre de réflexion se situent les possibilités accrues pour les administrations d’avoir recours à des contrats pour pourvoir les postes vacants (A). De manière quelque peu symétrique, si l’on se place cette fois du côté du droit privé, la loi propose des possibilités nouvelles de ruptures conventionnelles pour les fonctionnaires (B).

A – Les possibilités accrues d’avoir recours à des contrats pour pourvoir les postes vacants dans l’Administration

1 – Principe d’alignement du temps de travail des fonctionnaires sur le temps de travail dans l’entreprise

En premier lieu, la loi pose le principe d’un alignement du temps de travail des fonctionnaires – hors statuts spéciaux – sur le temps de travail dans l’entreprise. Le nombre de 1607 heures annuelles est retenu, permettant d’unifier les règles générales, certaines fonctions se situant en deçà, d’autres au-delà de ce nombre fixé par le Code du travail.

2 – Renforcement des possibilités d’accès aux fonctions publiques

En deuxième lieu et de façon remarquable par l’ampleur des domaines concernés, la loi renforce les possibilités d’accès aux fonctions publiques, sauf exceptions, par la voie contractuelle. Concrètement, il revient aux administrations de publier les postes sur la plate-forme de l’emploi public et d’organiser les conditions de recrutement des agents sur les postes vacants.

Plusieurs conditions et limites sont posées à ce type de recrutement. Tous les emplois ne sont pas concernés et l’emploi contractuel ne donne pas de droit à titularisation. En effet, l’article 15 de la loi de 2019 pose le principe selon lequel le recrutement d’agents contractuels pour pourvoir des emplois permanents est prononcé à l’issue d’une procédure permettant de garantir l’égal accès aux emplois publics. Un décret en Conseil d’État prévoit les modalités de cette procédure, qui peuvent être adaptées au regard du niveau hiérarchique, de la nature des fonctions ou de la taille de la collectivité territoriale ou de l’établissement public ainsi que de la durée du contrat. L’autorité compétente assure la publicité de la vacance et de la création de ces emplois. Les agents contractuels nommés à ces emplois suivent une formation les préparant à leurs nouvelles fonctions, notamment en matière de déontologie ainsi que d’organisation et de fonctionnement des services publics. L’accès d’agents contractuels à ces emplois n’entraîne pas leur titularisation dans un corps de l’Administration ou du service ni, au terme du contrat, qui doit être conclu pour une durée déterminée, la reconduction de ce dernier en contrat à durée indéterminée. La loi de 2019 modifie la loi du 26 janvier 1984 en précisant, dans son article 47 que, par dérogation à l’article 41, peuvent être pourvus par la voie du recrutement direct les emplois suivants :

  • 1° Directeur général des services et, lorsque l’emploi est créé, directeur général adjoint des services des départements et des régions ou des collectivités exerçant les compétences des départements ou des régions ;

  • 2° Directeur général des services, directeur général adjoint des services et directeur général des services techniques des communes de plus de 40 000 habitants et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 40 000 habitants ;

  • 3° Directeur général des établissements publics dont les caractéristiques et l’importance le justifient.

La liste de ces établissements est fixée par décret en Conseil d’État. Les conditions d’application de ces dispositions, notamment les conditions d’emploi et de rémunération des personnes recrutées en application du présent article, sont fixées par décret en Conseil d’État. Ce décret détermine également les modalités de sélection des candidats aux emplois autres que ceux de directeur général des services mentionnés aux 1° et 2°, permettant de garantir l’égal accès aux emplois publics.

Les personnes nommées à ces emplois par la voie du recrutement direct suivent une formation les préparant à leurs nouvelles fonctions, notamment en matière de déontologie ainsi que d’organisation et de fonctionnement des services publics.

L’accès à ces emplois par la voie du recrutement direct n’entraîne pas titularisation dans la fonction publique territoriale ni, au terme du contrat, qui doit être conclu pour une durée déterminée, la reconduction de ce dernier en contrat à durée indéterminée. Dans le domaine de la santé publique, L’article 3 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 précitée est ainsi rédigé :

Par dérogation à l’article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et à l’article L. 6143-7-2 du Code de la santé publique, des personnes n’ayant pas la qualité de fonctionnaire peuvent être nommées :

  • 1° Aux emplois de directeur des établissements mentionnés à l’article 2 de la présente loi :

    • a) par le directeur général de l’agence régionale de santé, pour les établissements mentionnés aux 1°, 3° et 5° du même article 2, à l’exception des établissements mentionnés aux 1° et 2° de l’article L. 6143-7-2 du Code de la santé publique,

    • b) par le représentant de l’État dans le département, pour les établissements mentionnés aux 4° et 6° de l’article 2 de la présente loi ;

  • 2° Aux autres emplois supérieurs hospitaliers mentionnés au second alinéa de l’article 4.

Ces personnes suivent une formation les préparant à leurs nouvelles fonctions, notamment en matière de déontologie ainsi que d’organisation et de fonctionnement des services publics. L’accès d’agents contractuels à ces emplois n’entraîne pas leur titularisation dans l’un des corps ou emplois de fonctionnaires soumis au présent titre ni, au terme du contrat, qui doit être conclu pour une durée déterminée, la reconduction de ce dernier en contrat à durée indéterminée. Les nominations aux emplois mentionnés au 1° du présent article sont révocables, qu’elles concernent des fonctionnaires ou des agents contractuels. Les conditions d’application du présent article, notamment les conditions d’emploi et de rémunération des personnes recrutées en application du présent article, sont fixées par décret en Conseil d’État. Ce décret détermine également les modalités de sélection des candidats aux emplois autres que ceux relevant des 1° et 2° de l’article L. 6143-7-2 du Code de la santé publique, permettant de garantir l’égal accès aux emplois publics.

Sur la base de ces nouvelles dispositions législatives, le décret n° 2019-1414 du 19 décembre 2019 est relatif à la procédure de recrutement pour pourvoir les emplois permanents de la fonction publique ouverts aux agents contractuels. Le décret prévoit les modalités de recrutement pour les trois fonctions publiques en renvoyant aux autorités de nomination le soin d’organiser la publicité et l’évaluation des candidats. Il prévoit que si des contractuels n’ayant pas la qualité de fonctionnaire peuvent être recrutés – ou renouvelés – pour les emplois du niveau de la catégorie A et, dans les représentations de l’État à l’étranger, des autres catégories, lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient, selon les termes de la loi de 1984, ce n’est possible que « lorsque l’autorité de recrutement a établi le constat du caractère infructueux du recrutement d’un fonctionnaire sur cet emploi »15. Un décret du 31 décembre 2019 apporte les précisions sur les modalités de recrutement des contractuels non fonctionnaires sur les postes de direction16.

Il faut rappeler que les juridictions ont par moments hésité sur la nature des contrats des agents exerçant dans le cadre du service public. Désormais, les agents statutaires, dans le cadre du service public, travaillant pour le compte d’un service public à caractère administratif sont des agents contractuels de droit public, quel que soit leur emploi. Les autres – par exemple, les agents des services publics industriels et commerciaux (sauf exception), ou ceux des caisses locales de sécurité sociale – relèvent du droit privé.

De manière plus générale, ces nouvelles dispositions étendant les possibilités de recrutement de personnels non fonctionnaires sur des postes vacants pourraient limiter les contentieux en la matière. Ainsi, un arrêt récent du Conseil d’État montre la situation souvent délicate dans laquelle peuvent se trouver des agents recrutés par contrats courts successifs. Cet arrêt apparaît d’ailleurs comme visant à éviter ce type d’écueils. Le Conseil juge en effet, dans un arrêt du 2 décembre 2019 qu’« il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’entre 2004 et 2014, M. B. a été régulièrement employé par la 19e section du CASVP en vue de remplacer les gardiens titulaires de résidences accueillant des personnes âgées lorsque ces derniers prenaient leur repos hebdomadaire, leurs congés légaux ou des jours de récupération, le fonctionnement de ces résidences exigeant la présence permanente jour et nuit d’une personne chargée d’assurer les fonctions de gardien et les agents titulaires ne suffisant pas à répondre à ce besoin. Dès lors, en jugeant que les missions exercées par M. B. ne répondaient pas à un besoin permanent de l’Administration et qu’en conséquence ce dernier ne pouvait être regardé comme un agent non titulaire, la cour a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis. Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de son pourvoi, M. B. est donc fondé à demander l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris en tant qu’il lui fait grief »17.

La loi prévoit aussi la possibilité pour les agents contractuels qui changent de fonction publique de conserver leur contrat à durée indéterminée (CDI) ainsi que la portabilité des droits du compte personnel de formation en cas de mobilité dans le secteur privé.

Il faut mentionner les contrats de projet. L’article 17 de la loi de 2019 prévoit que les administrations de l’État et les établissements publics de l’État autres que ceux à caractère industriel et commercial peuvent, pour mener à bien un projet ou une opération identifié, recruter un agent par un contrat à durée déterminée dont l’échéance est la réalisation du projet ou de l’opération. Le contrat est conclu pour une durée minimale d’un an et une durée maximale fixée par les parties dans la limite de six ans. Il peut être renouvelé pour mener à bien le projet ou l’opération, dans la limite d’une durée totale de six ans. Le contrat prend fin avec la réalisation de l’objet pour lequel il a été conclu, après un délai de prévenance fixé par décret en Conseil d’État. Toutefois, après l’expiration d’un délai d’un an, il peut être rompu par décision de l’employeur lorsque le projet ou l’opération pour lequel il a été conclu ne peut pas se réaliser, sans préjudice des cas de démission ou de licenciement. Les modalités d’application du présent article, notamment les modalités de mise en œuvre d’une indemnité de rupture anticipée du contrat, sont prévues par décret en Conseil d’État. Les dispositions équivalentes sont prévues pour la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière.

Les recrutements par la voie contractuelle étaient déjà possibles mais leur extension apparaît comme une recherche d’attractivité des salariés, soit primo-accédants à une fonction, soit issus du secteur privé, vers le secteur public. De manière symétrique, les possibilités de ruptures conventionnelles apparaissent comme un rapprochement entre les modalités de fin d’activité dans la fonction publique et les fins d’activité dans le secteur privé.

B – Les possibilités de rupture conventionnelle

Les articles 72 et suivants de la loi du 6 août 2019 innovent par la création de la possibilité d’une « rupture conventionnelle » dans la fonction publique. Cette possibilité concerne à la fois les fonctionnaires et les contractuels en contrat à durée indéterminée (CDI).

Le I de l’article 72 crée, à titre expérimental pour les fonctionnaires appartenant aux trois versants de la fonction publique, pendant une durée de six années, de 2020 à 2025, un dispositif de rupture conventionnelle. Il s’agit d’un cas supplémentaire de cessation définitive de fonctions qui entraîne la radiation des cadres et la perte de la qualité de fonctionnaire. La rupture conventionnelle ne concerne ni les fonctionnaires stagiaires, ni les fonctionnaires détachés sur contrat, ni les fonctionnaires ayant atteint l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite et justifiant de la durée d’assurance nécessaire pour obtenir le pourcentage maximum de pension. Les modalités de ce dispositif, notamment l’organisation de la procédure, seront définies dans un décret en Conseil d’État qui concerne les trois versants de la fonction publique.

Le III de l’article 72 introduit le principe d’un dispositif de rupture conventionnelle au bénéfice des agents contractuels en CDI des trois versants de la fonction publique ainsi que des ouvriers d’État. Les modalités d’application de la rupture conventionnelle et notamment l’organisation de la procédure seront définies en Conseil d’État par le même décret que celui pour les fonctionnaires. Ces dispositions modifieront les décrets propres à chacun des versants de la fonction publique dédiés aux dispositions générales applicables aux contractuels18. Un décret simple fixera les dispositions concernant l’indemnité de rupture conventionnelle. Un décret en Conseil d’État précisera les modalités d’application du régime particulier d’assurance-chômage des agents publics prévu à l’article L. 5424-1 du Code du travail. Ce décret devait être publié avant le 1er janvier 202019.

Ainsi, un décret du 21 décembre 2019 met en place une procédure de rupture conventionnelle à compter du 1er janvier 2020. La loi prévoit sur ce point une expérimentation pendant six ans et embrasse les trois fonctions publiques.

Un autre décret du même jour20 fixe les règles et les montants de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle et abroge à compter du 1er janvier 2020 l’indemnité de départ volontaire pour création ou reprise d’entreprise existant dans la fonction publique de l’État et la fonction publique territoriale, ainsi que l’indemnité de départ volontaire pour projet personnel existant dans la fonction publique territoriale.

Le contenu du décret avait été présenté il y a quelques semaines aux syndicats de fonctionnaires. Il fixe un minimum d’indemnité de rupture conventionnelle allant d’un quart de mois de rémunération brute par année d’ancienneté pour les années jusqu’à dix ans, jusqu’à trois cinquièmes de mois de rémunération brute par année d’ancienneté à partir de vingt ans et jusqu’à vingt-quatre ans. Le montant maximum de l’indemnité « ne peut pas excéder une somme équivalente à un douzième de la rémunération brute annuelle perçue par l’agent par année d’ancienneté, dans la limite de vingt-quatre ans d’ancienneté ».

III – Le renforcement des droits et obligations des agents publics

Parmi les droits et obligations des fonctionnaires, et, plus généralement, des agents publics, il convient de distinguer, dans les apports de la loi, la continuité de dispositions en matière de déontologie (A), la poursuite de la lutte contre la discrimination et pour l’égalité (B), et l’inscription de nouveaux droits (C).

A – La continuité de dispositions relatives à la déontologie

La déontologie des agents publics s’observe à plusieurs niveaux, qu’il s’agisse des règles inhérentes à la transparence et à la prévention des conflits d’intérêts, déjà renforcées par la loi de 2016 citée plus haut, de la question des fonctionnaires momentanément privés d’emploi ou encore des questions de discipline. Une approche large de la déontologie permet d’aborder le renforcement des obligations de service public.

1 – Dispositif de prise en charge des fonctionnaires territoriaux momentanément privés d’emploi (FMPE)

La loi met en place un dispositif de prise en charge des fonctionnaires territoriaux momentanément privés d’emploi (FMPE). Ces éléments sont contenus dans les articles 21-I-4°, 78 et 79 et 94-XVI de la loi.

Le législateur a ainsi poursuivi la dynamique de retour à l’emploi des FMPE impulsée par l’article 82 la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires. Il ouvre notamment la possibilité d’un reclassement, pour les fonctionnaires en surnombre ainsi que pour les FMPE, dans les autres versants de la fonction publique. Il renforce également le dispositif d’accompagnement du FMPE dès sa prise en charge par le centre de gestion ou par le centre national de la fonction publique territoriale, ou encore accroît la dégressivité de sa rémunération tout en sécurisant les modalités de rémunération des FMPE lorsqu’ils sont amenés à exercer des missions temporaires. Par ailleurs, de nouvelles modalités de licenciement et de mise à la retraite sont ouvertes.

2 – Fusion de la commission de la déontologie de la fonction publique et de la haute autorité pour la transparence de la vie publique

En matière de transparence, il faut souligner la fusion de la commission de la déontologie de la fonction publique (CDFP) et de la haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). L’article 35 de la loi transfère à la HATVP les différentes missions exercées actuellement par la CDFP afin de renforcer l’indépendance des contrôles en matière de départ vers le secteur concurrentiel ou de création ou de reprise d’entreprise. Ce transfert sera effectif au 1er février 2020. Toutes les demandes reçues avant cette date seront examinées par la CDFP dans les conditions prévues par le droit antérieur, c’est-à-dire jusqu’au 31 mars 2020.

La loi modifie la composition de la HATVP pour prendre en compte en conséquence ses nouvelles missions. Elle augmente le nombre de personnalités qualifiées au sein du collège : deux seront désormais nommées par chacune des assemblées au lieu d’une seule actuellement et deux seront nommées par le gouvernement. Elle prévoit aussi la possibilité, pour le référent déontologue de l’administration à laquelle appartient l’agent dont la demande est examinée, d’assister à la séance de la HATVP sans voix délibérative.

La durée de l’autorisation de passage à temps partiel pour créer ou reprendre une entreprise passe de trois ans au total (deux ans + un an de renouvellement) à quatre ans (trois ans + un an de renouvellement). Aujourd’hui, ces demandes, ainsi que celles relatives à un départ vers le secteur privé, sont effectuées par l’agent public auprès de l’autorité hiérarchique dont il relève. Cette dernière effectue une première appréciation de la compatibilité de l’activité envisagée avec les fonctions exercées par l’agent et transmet la demande pour avis à la CDFP, quelles que soient les fonctions exercées par l’agent. En fonction de l’avis rendu par la CDFP, l’Administration prend la décision finale concernant la demande de l’agent.

L’article 34 de la loi prévoit désormais que ne seront transmises automatiquement à la HATVP que les demandes des agents publics occupant des emplois dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient et dont la liste sera établie par décret en Conseil d’État. Pour les autres agents, le processus d’approbation de leur demande est accéléré et simplifié, l’autorité dont ils relèvent étant désormais la seule à se prononcer. Néanmoins, en cas de doute sérieux sur la compatibilité entre les fonctions exercées et l’activité envisagée, l’autorité hiérarchique de l’agent a la possibilité de soumettre la demande à l’avis de son référent déontologue. Si ce dernier ne s’estime pas en mesure d’apprécier la situation, l’autorité hiérarchique peut saisir, en dernier recours, la HATVP21.

Un dispositif spécifique est aussi mis en place pour les fonctionnaires apparaissant le plus exposés aux risques de conflits d’intérêts. L’article 34 crée un contrôle déontologique spécifique pour les personnes, fonctionnaires ou agents contractuels, ayant exercé une activité dans le secteur privé au cours des trois dernières années qui souhaitent revenir dans la fonction publique ou y accéder sur ces postes exposés. Pour certains emplois de direction prévus par la loi, ce contrôle est effectué directement par la HATVP sur saisine de l’autorité hiérarchique. Pour les autres emplois ou fonctions listées par décret, le contrôle est effectué par l’Administration qui peut saisir son référent déontologue en cas de doute sérieux, et si ce dernier n’est pas en mesure d’apprécier la situation, par la HATVP.

Cet article instaure également un suivi des réserves des avis rendus par la HATVP. Durant les trois années qui suivent le début de l’activité privée lucrative ou la nomination dans l’un des emplois publics qui sera déterminé par décret, la HATVP pourra effectuer des contrôles inopinés et demander à l’agent de lui fournir toute explication ou document justifiant du respect de l’avis rendu. Si l’agent ne fournit pas les informations demandées ou s’il ne respecte pas l’avis, la HATVP informe l’autorité hiérarchique dont relève l’agent. Elle a également la possibilité de rendre public le résultat du contrôle.

3 – Renforcement du dispositif de sanctions en cas de non-respect des avis rendus par la HATVP

S’agissant des sanctions, la loi renforce le dispositif de sanctions en étendant les sanctions existantes applicables en cas de non-respect des avis rendus par la HATVP aux cas où l’agent n’a pas effectué la saisine préalable de son autorité hiérarchique lors d’un départ vers le secteur privé. Il est également créé une nouvelle sanction interdisant à une administration de procéder, pendant trois ans, au recrutement d’un agent contractuel n’ayant pas respecté les obligations déontologiques prévues par l’article 25 octies de la loi de 1983.

Les sanctions disciplinaires sont harmonisées entre les trois versants de la fonction publique. Une seule sanction spécifique demeure : le déplacement d’office pour les fonctionnaires d’État. Une sanction d’exclusion temporaire commune est créée dans les trois premiers groupes de sanctions en proportionnant sa sévérité : exclusion jusqu’à 3 jours, de 4 à 15 jours et de 16 jours à 2 ans. Les sanctions d’abaissement d’échelon et de rétrogradation sont précisées (à l’échelon ou au grade immédiatement inférieur à celui détenu par l’agent sanctionné).

L’effet des sanctions dans le temps est mieux encadré. Désormais, l’Administration doit retirer du dossier individuel toute mention d’une sanction du 2e ou 3e groupe si, dans les dix ans suivant cette mesure, l’agent n’a pas de nouveau été sanctionné (il ne s’agit plus d’une mesure de bienveillance prise en fonction du comportement général de l’agent). La procédure disciplinaire est revue. À la suite de la modification de la composition des commissions administratives paritaires (CAP), les conseils de discipline peuvent dorénavant réunir des fonctionnaires d’un grade inférieur à l’agent poursuivi. Lorsqu’ils comparaissent comme témoin cité, les agents victimes d’une discrimination ou d’un harcèlement moral ou sexuel peuvent se faire assister d’un tiers de leur choix. Cette disposition entend encourager les victimes à prendre part à la procédure disciplinaire. Les instances supérieures de recours en matière disciplinaire sont supprimées.

4 – Mise en place d’un dispositif définissant les conditions minimales d’exercice en cas de grève dans la fonction publique territoriale

S’agissant du principe de continuité du service public, la loi prévoit la mise en place d’un dispositif permettant, par la négociation et la conclusion d’un accord, de définir les conditions minimales d’exercice de certains services publics en cas de grève des agents publics dans la fonction publique territoriale. Les services publics locaux concernés sont :

  • la collecte et le traitement des déchets ménagers ;

  • le transport public des personnes ;

  • l’aide aux personnes âgées et handicapées ;

  • l’accueil des enfants de moins de trois ans ;

  • l’accueil périscolaire ;

  • la restauration collective et scolaire.

À défaut d’accord dans les 12 mois suivant le début des négociations, l’assemblée délibérante de la collectivité locale (conseil municipal, départemental…) fixe quels services, fonctions et nombre d’agents sont indispensables pour garantir la continuité du service public.

La loi, en même temps qu’elle fixe une série d’obligations renforcées, accroît la lutte contre la discrimination et un meilleur respect du principe d’égalité.

B – La lutte contre la discrimination et le renforcement du principe d’égalité

La loi vise à lutter contre la discrimination au bénéfice d’une plus grande égalité en général. Elle prévoit une série de plans, notamment en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes et afin de prévenir les discriminations notamment envers les personnes handicapées.

La loi pose ainsi le principe de l’obligation de plans d’action « égalité professionnelle » d’ici à 2020.

Elle comporte des dispositions relatives à l’extension et au renforcement du dispositif de nominations équilibrées sur les emplois de direction, ainsi qu’à la sécurisation des règles de composition équilibrée et de présidence alternée pour les jurys et comités de sélection. Elle pose le principe de l’inapplication du jour de carence pour les congés maladie liés à la grossesse, ainsi que le maintien des primes dans les cas de congé maternité. Elle comporte aussi le maintien des droits à l’avancement, à la promotion en cas de congé parental et de disponibilité de droit pour élever un enfant et le droit à une promotion équilibrée.

Enfin, elle vise à favoriser le déroulement de carrière des personnes en situation de handicap.

Outre ces droits qui devraient toujours être davantage respectés, la loi crée des droits plus innovants.

C – La promotion de nouveaux droits

La loi de 2019 vise à renforcer les droits existants et à apporter des innovations. Ainsi, il faut encore noter en premier lieu que les fonctionnaires dont l’état de santé, sans leur interdire de travailler, ne leur permet pas d’exercer les fonctions correspondant aux emplois de leur grade, voient leurs droits modifiés. Le droit à période de préparation au reclassement (PPR) est désormais ouvert au fonctionnaire dès que la procédure tendant à reconnaître son inaptitude à l’exercice de ses fonctions a été engagée (bien en amont de l’avis du comité médical exigé auparavant). De plus, le fonctionnaire concerné peut être autorisé de manière dérogatoire, pendant son congé pour raison médicale, à suivre une formation ou un bilan de compétences. Il doit être volontaire et son médecin traitant doit avoir donné son accord.

En deuxième lieu, le congé de proche aidant est institué dans la fonction publique. Il s’agit d’un congé non rémunéré destiné à permettre aux fonctionnaires de s’absenter pour accompagner un proche présentant un grave handicap ou une importante perte d’autonomie.

La loi définit le proche aidé : conjoint, concubin, partenaire, ascendant, enfant… Elle fixe également la durée du congé, qui est de trois mois renouvelables, dans la limite d’un an sur l’ensemble de la carrière de l’agent. Le congé peut être fractionné ou pris sous la forme d’un temps partiel. Un décret doit encore préciser ses conditions d’attribution et de gestion et l’étendre aux agents contractuels. L’article 40 de la loi prévoit de clarifier, harmoniser et compléter, en transposant et en adaptant les évolutions intervenues en faveur des salariés relevant du Code du travail et du régime général de sécurité sociale, les dispositions applicables aux agents publics relatives au congé de maternité, au congé pour adoption, au congé supplémentaire à l’occasion de chaque naissance survenue au foyer de l’agent, au congé de paternité et d’accueil de l’enfant et au congé de proche aidant.

La loi prévoit en troisième lieu la portabilité des droits à la formation dans le cadre du compte personnel de formation entre les secteurs public et privé afin de permettre de lever les freins aux mobilités et de favoriser la montée en compétences des agents. Ainsi la loi garantit la portabilité des droits liés au compte personnel de formation (CPF) en cas de mobilité entre les secteurs public et privé. Cette portabilité était déjà prévue par l’ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017. Or depuis l’entrée en vigueur de la loi Avenir professionnel, la différence d’unité de compte du CPF (heures dans le secteur public, euros dans le secteur privé) l’entravait. La loi du 6 août 2019 prévoit donc que les droits acquis par les actifs du secteur privé pourront être convertis en heures, et ceux des agents seront convertis en euros. Un décret en Conseil d’État est ainsi prévu afin de préciser les quotités. Par ailleurs, lors de l’« entretien professionnel annuel d’appréciation de la valeur professionnelle » des fonctionnaires, ces derniers recevront, à compter du 1er janvier 2021, une information sur l’ouverture et l’utilisation de leurs droits afférents au CPF.

La loi habilite le gouvernement à adopter une série d’ordonnances en complément des dispositions législatives déjà votées. L’article 14 de la loi de transformation de la fonction publique habilite le gouvernement à prendre, dans un délai de quinze mois, toutes les dispositions relatives à la négociation dans la fonction publique, afin de favoriser la conclusion d’accords négociés. Les ordonnances porteront notamment sur :

  • les autorités compétentes pour la négociation dans les instances de représentation des agents ;

  • les modalités d’articulation entre les différents niveaux de négociation ainsi que les conditions de conclusion d’accords locaux en l’absence d’accords nationaux ;

  • les conditions d’application des accords majoritaires, ainsi que leurs conditions de conclusion et de résiliation.

L’article 40 de la loi de transformation de la fonction publique habilite le gouvernement à prendre, dans un des délais de douze ou quinze mois, toutes les dispositions relatives à la protection sociale et à la sécurité des agents publics. D’autres ordonnances porteront notamment sur :

  • la participation des employeurs au financement de la protection sociale complémentaire, et les conditions d’adhésion ou de souscription des agents ;

  • la prise en charge des personnels par les instances médicales et de la médecine agréée, ainsi que les services de médecine de prévention et aux services de santé au travail ;

  • les règles applicables à l’aptitude physique à l’entrée dans la fonction publique, les différents congés et les positions statutaires pour maladies d’origine non professionnelle ou professionnelle, ainsi que les prérogatives et obligations professionnelles des agents compétents pour les dossiers d’accidents du travail ou de maladies professionnelles ;

  • le recours au temps partiel pour raison thérapeutique et le reclassement à la suite d’une altération de l’état de santé pour favoriser le maintien ou le retour à l’emploi des agents publics ;

  • une clarification et une harmonisation avec le Code du travail et le Code de la sécurité sociale en ce qui concerne les dispositions relatives à différents congés (congé de maternité, congé pour adoption, congé de naissance, congé de paternité et d’accueil et de l’enfant et congé de proche aidant).

En somme, il est possible de considérer que cette loi, sans changer la nature du statut de la fonction publique, tend à apporter des éléments de banalisation de la spécificité de la fonction publique. Les frontières entre le monde du travail relevant du public et celui relevant du privé s’estompent sans disparaître. Les droits traditionnels et plus novateurs dans une société moderne sont renforcés ou créés au bénéfice des agents publics. Le dialogue social devrait être plus efficace à la faveur des modifications législatives. Il reste encore des ordonnances et des décrets à adopter. Certaines mesures s’inscrivent dans des expérimentations qui devront être évaluées. Contentieux à venir et évaluations ne manqueront pas de mettre en évidence les écueils et imprécisions de cette loi riche de nombreuses nouveautés.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique : JO, 7 août 2019.
  • 2.
    Rapport annuel sur l’état de la fonction publique, édition 2019 : https://www.fonction-publique.gouv.fr/files/files/statistiques/rapports_annuels/2019/CC-2019-web.pdf.
  • 3.
    Source site du ministère de la fonction publique 2019.
  • 4.
    La loi du 19 octobre 1946 (dite loi Thorez, du nom du ministre de la Fonction publique) a, pour la première fois, institué un statut général des fonctionnaires de l’État. Un deuxième statut général lui a succédé sous la Ve République, avec l’ordonnance du 4 février 1959. Mais, jusqu’en 1983, seuls les agents de la fonction publique d’État étaient soumis à un statut général, les agents des collectivités territoriales et de leurs établissements publics demeurant régis par des dispositions législatives ou réglementaires éparses. L’unification au sein d’un même statut général n’est intervenue qu’en 1983-1986.
  • 5.
    Le programme du CNR (Conseil national de la Résistance) ne prévoyait pas de doter les fonctionnaires d’un statut législatif. Il n’en reste pas moins que la loi du 19 octobre 1946 « relative au statut général des fonctionnaires » est l’un des grands textes progressistes inspirés du CNR au lendemain de la seconde Guerre mondiale. https://www.gouvernement.fr/partage/8749-19-octobre-1946-70e-anniversaire-de-la-loi-relative-au-statut-general-des-fonctionnaires.
  • 6.
    https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F12344.
  • 7.
    Rapport au ministre de la Fonction publique et de la réforme de l’État, la documentation française, 2002.
  • 8.
    Loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires : JO, 21 avr. 2016.
  • 9.
    Décision n° 2019-790 DC du 1er août 2019.
  • 10.
    Loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique, publiée au Journal officiel du 6 juillet 2010. Cette loi prévoit des négociations sur de nouveaux thèmes et à chaque niveau d’administration. Prenant acte du développement de la négociation sur des thèmes aussi variés que le déroulement des carrières ou la formation professionnelle tout au long de la vie, la loi consacre le champ de la négociation dans le statut général. Désormais, le statut prévoit que tous les sujets concernant la vie professionnelle et sociale de l’agent sont ouverts à la négociation : conditions et organisation du travail – télétravail, déroulement des carrières et promotion professionnelle, formation professionnelle et continue, action sociale et protection sociale complémentaire, hygiène, sécurité et santé au travail, insertion professionnelle des personnes handicapées, égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.
  • 11.
    Décret n° 2019-1265 du 29 novembre 2019 relatif aux lignes directrices de gestion et à l’évolution des attributions des commissions administratives paritaires.
  • 12.
    Article 4 de la loi du 6 août 2019.
  • 13.
    https://www.fonction-publique.gouv.fr/fonction-publique/fonction-publique-france/elections-pro/quest-conseil-commun-de-la-fonction-publique-ccfp.
  • 14.
    https://www.fonction-publique.gouv.fr/files/files/20190927-guide-presentation-LTFP.pdf.
  • 15.
    Décret n° 2019-1414 du 19 décembre 2019 relatif à la procédure de recrutement pour pourvoir les emplois permanents de la fonction publique ouverts aux agents contractuels, article 3.
  • 16.
    Décret n° 2019-1594 du 31 décembre 2019 relatif aux emplois de direction de l’État.
  • 17.
    CE, 2 déc. 2019, n° 412941.
  • 18.
    Décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 non titulaires de l’État pris pour l’application de l’article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État ; Décret n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l’application de l’article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale ; Décret n° 91-155 du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements mentionnés à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière.
  • 19.
    https://www.fonction-publique.gouv.fr/files/files/20190927-guide-presentation-LTFP.pdf.
  • 20.
    Décret n° 2019-1596 du 31 décembre 2019 relatif à l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle dans la fonction publique et portant diverses dispositions relatives aux dispositifs indemnitaires d’accompagnement des agents dans leurs transitions professionnelles.
  • 21.
    Guide de présentation de la loi de transformation de la fonction publique, sept. 2019, ministère de l’Action et de la Fonction publique.
X