L’instauration du référent déontologue dans la fonction publique

Publié le 22/09/2017

Le décret n° 2017-519 du 10 avril 2017 instaure le droit pour tout fonctionnaire ou agent contractuel de droit public de consulter un référent déontologue. Ce décret s’inscrit dans le prolongement de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.

La loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires1 a notablement institué un nouveau droit, pour tout fonctionnaire ou agent contractuel de droit public ou de droit privé, consistant en la possibilité de consulter un référent déontologue.

Ainsi, l’article 11 de ladite loi prévoit la mise en place de référents déontologues pour les trois fonctions publiques. Il s’agit d’une réécriture de l’article 28 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983. Dans sa nouvelle acception, l’article 28 bis dispose que « tout fonctionnaire a le droit de consulter un référent déontologue, chargé de lui apporter tout conseil utile au respect des obligations et des principes déontologiques mentionnés aux articles 25 et 28. Cette fonction de conseil s’exerce sans préjudice de la responsabilité et des prérogatives du chef de service. Un décret en Conseil d’État détermine les modalités et critères de désignation des référents déontologues ».

À l’aune de la publication de ce décret en date du 10 avril 20172, il convient de porter la focale sur, d’une part, ce droit de consultation d’un référent déontologue (I), et, d’autre part, les modalités de désignation (II).

I – La création du droit de consulter un référent déontologue

Cette nouvelle disposition législative, issue de l’article 11 de la loi du 20 avril 2016, reprend l’une des propositions du rapport Sauvé3. Cette proposition préconisait que le déontologue se voit confier des pouvoirs propres et des missions précises au sein des institutions qui disposeraient d’une pleine latitude de manœuvre.

Le référent déontologue doit adopter un comportement exemplaire tout en démontrant un champ de compétences professionnelles étendu. À cet égard, il est soumis au respect du secret professionnel4 et remplir une déclaration d’intérêts5. Parallèlement, il peut se positionner sur des questions relatives à la laïcité6 ou la neutralité des agents mais aussi donner son avis ou des recommandations en matière de dignité, d’impartialité, de probité et d’intégrité. Ainsi, le chef de service doit adresser au référent déontologue une lettre de missions précisant les contours et les risques inhérents à cette fonction. Ces aspects s’inscrivent dans la continuité de la jurisprudence établie par l’arrêt Jamart7.

L’article 8 du décret du 10 avril 2017 met en exergue un point important, qui est notamment dans l’air du temps8, le conflit d’intérêts et le cumul d’activités. En effet, l’article 8 énonce que « lorsque des faits susceptibles d’être qualifiés de conflit d’intérêts lui ont été signalés sur le fondement de l’article 6 ter A de la loi du 13 juillet 1983 précitée, le référent déontologue apporte, le cas échéant, aux personnes intéressées tous conseils de nature à faire cesser ce conflit ». Au demeurant, l’agent public s’entend comme « le premier référent déontologue », puisqu’en vertu de l’article 25 bis de la loi du 13 juillet 1983, « le fonctionnaire veille à faire cesser immédiatement ou à prévenir les situations de conflits dans lesquelles il pourrait se retrouver ».

Il est à relever que les conseils prodigués par le référent déontologue n’ont qu’un caractère consultatif et non une force juridique malgré son statut. En matière de contentieux administratif ces conseils ne sauraient être considérés comme faisant grief en raison de leur nature, toutefois un recours en responsabilité pour réparation du préjudice subi du fait de l’observation du conseil s’avère plausible9. Dans cette hypothèse, l’agent public qui s’estime lésé doit impérativement faire la démonstration de son préjudice et de la faute commise par le référent déontologue. Une telle reconnaissance impliquerait que le juge administratif statue sur la légalité d’un conseil. Au regard de sa jurisprudence, il semble peu probable que le juge administratif se prononce en ce sens10.

Le référent déontologue peut être saisi également dans le cadre du traitement des alertes éthiques ou signalement11. Cette alerte est portée à la connaissance du supérieur hiérarchique, de l’employeur ou du référent déontologue. L’objet de ce signalement est de prévenir une infraction ou un manquement aux obligations déontologiques du fonctionnaire.

Au regard des qualités requises, quelle que soit la catégorie de l’agent, il serait préférable qu’il puisse bénéficier d’une formation afin de mener au mieux l’exercice de cette fonction spécifique.

II – Les modalités effectives de désignation du référent déontologue

Le décret du 10 avril 2017 s’avère quelque peu ambigu quant à la désignation du référent déontologue. En effet, si le projet de décret prévoyait comme exigence que le référent déontologue soit un agent de catégorie A de la fonction publique, le texte final a été modifié. Il n’est plus fait état de cette mention pour devenir référent déontologue.

La version finale indique que le référent déontologue est choisi parmi les magistrats et fonctionnaires en activité ou retraités, ou au sein des agents contractuels bénéficiaires d’un contrat à durée indéterminée. Ce référent déontologue doit être appréhendé comme une fonction exercée par un agent ou un collège12 mais il ne s’agit pas selon le législateur d’un emploi en tant que tel. Dès lors, il n’est pas considéré comme un métier de la fonction publique. Ainsi, le référent déontologue n’est pas nommé mais désigné.

Le décret du 10 avril 2017 laisse une pleine marge de manœuvre aux employeurs publics pour convenir des modalités d’intervention et de saisine du référent déontologue. La désignation de ce dernier doit faire l’objet d’une délibération afin de rendre opposable tout éventuel recours. À défaut, un arrêté pris par l’autorité hiérarchique sera notifié à l’intéressé et publié au recueil des actes administratifs13. Le chef de service a l’obligation, par tout moyen, de faire connaître aux agents placés sous sa hiérarchie les modalités de saisine du référent déontologue14. De plus, il doit veiller à mettre à disposition au référent déontologue les moyens nécessaires à l’exercice de ses fonctions.

Cette désignation doit faire l’objet d’un arrêté. Nonobstant le silence du décret, il importe qu’il soit précisé, par souci d’indépendance envers notamment l’autorité hiérarchique, que le référent déontologue ne puisse être sollicité ou recevoir des instructions par l’autorité hiérarchique ou de désignation.

Le référent déontologue est désigné pour une durée fixée par le chef de service. Au terme de cette durée, il peut être renouvelé dans ses fonctions15.

En définitive, le décret du 10 avril 2017 encadre de façon réglementaire la fonction de référent déontologue. Celui-ci est désigné et se voit donc conférer des missions de conseil et de prévention quant aux problématiques déontologiques rencontrées par les fonctionnaires comme l’indépendance, la probité ou l’impartialité. Ce référent déontologue est considéré comme un tiers se positionnant en dehors de toute considération hiérarchique. Son rôle s’avère prégnant en matière de prévention des conflits d’intérêts et des conflits au sein des services ou avec les élus.

In fine, le référent déontologue constitue le point d’orgue d’une intense activité réglementaire de la fonction publique.

Notes de bas de pages

  • 1.
    L. n° 2016-483, 20 avr. 2016, relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.
  • 2.
    D. n° 2017-519, 10 avr. 2017, relatif au référent déontologue dans la fonction publique.
  • 3.
    Commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique – Pour une nouvelle déontologie de la vie publique, 2011, p. 92.
  • 4.
    D. n° 2017-519, 10 avr. 2017, art. 7.
  • 5.
    D. n° 2016-1967, 28 déc. 2016, relatif à l’obligation de transmission d’une déclaration d’intérêts prévue à l’article 25 ter, de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.
  • 6.
    La circulaire du 15 mars 2017 n° RDFF1708728C, relative au respect de la laïcité dans la fonction publique, prévoit l’extension des prérogatives du référent déontologue en matière de laïcité.
  • 7.
    CE, sect., 7 févr. 1936, Jamart : Rec. Lebon, p. 172.
  • 8.
    Sur la prévention des conflits d’intérêts v. loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.
  • 9.
    En ce sens, v. CE, sect., 31 mars 2003, n° 188833, SA Laboratoires pharmaceutiques Bergadem. Concl. Chauvaux. Ainsi, la recommandation de la commission de la sécurité des consommateurs d’interdire un produit peut engager la responsabilité de l’État. En revanche, les recommandations et avis rendus par cette commission ne peuvent, en l’absence de dispositions législatives expresses contraires, ouvrir droit à indemnisation sur le terrain de la responsabilité sans faute.
  • 10.
    Ibid.
  • 11.
    V. loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique dite loi Sapin II, créant un statut général du lanceur d’alerte défini comme « une personne physique qui révèle ou signale (…) un crime ou un délit, une menace ou un préjudice grave pour l’intérêt général dont elle a eu personnellement connaissance ».
  • 12.
    D. n° 2017-519, 10 avr. 2017, art. 2.
  • 13.
    D. n° 2017-519, 10 avr. 2017, art. 5, al. 2.
  • 14.
    D. n° 2017-519, 10 avr. 2017, art.  5, al. 1.
  • 15.
    D. n° 2017-519, 10 avr. 2017, art. 2, al. 2.