L’ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l’encadrement supérieur de la fonction publique de l’État
L’ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l’encadrement supérieur de la fonction publique de l’État vient créer l’Institut national du service public (INSP) qui sera le futur opérateur de formation initiale et continue de l’encadrement supérieur. Elle établit le cadre permettant de moderniser les parcours de carrière de l’encadrement supérieur. Elle met en place une gestion des ressources humaines qui sera assurée par la délégation interministérielle à l’encadrement supérieur de l’État. Elle comporte des dispositions particulières relatives au recrutement et à la mobilité des membres des juridictions administratives et financières.
Ord. n° 2021-702, 2 juin 2021, portant réforme de l’encadrement supérieur de la fonction publique de l’État : JO, 3 juin 2021, texte n° 20
L’ordonnance portant réforme de l’encadrement supérieur de la fonction publique de l’État, qui a été présentée en conseil des ministres, le 2 juin 2021, a été prise sur le fondement de l’article 59 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique1. Validée dans ses grandes lignes par le Conseil d’État2, elle s’inscrit dans le prolongement de l’ordonnance n° 2021-328 du 3 mars 2021 favorisant l’égalité des chances pour l’accès à certaines écoles de service public3. Elle vient faire évoluer la haute fonction publique de l’État en matière de formation et de déroulement des parcours de carrière. Elle abroge l’ordonnance n° 45-2283 du 9 octobre 1945 qui avait créé l’École nationale d’administration (ENA).
L’ordonnance du 2 juin 2021 crée l’Institut national du service public qui a vocation à devenir « l’opérateur de formation initiale et continue de l’encadrement supérieur ». Le rapport au président de la République relatif à l’ordonnance indique que « les cadres supérieurs de l’État doivent être mieux formés, tout au long de leur carrière, aux évolutions profondes et rapides que connaît notre pays, dans un environnement européen et international toujours plus complexe ». Il ajoute qu’ils « doivent également pouvoir acquérir, quelles que soient leurs premières affectations, les fondamentaux d’une culture commune leur permettant d’œuvrer dans la même direction, guidés notamment par une volonté de proximité ».
À leur sortie de l’Institut national du service public, les hauts fonctionnaires intégreront le corps interministériel des administrateurs de l’État qui regroupera, à partir de 2023, l’ensemble des corps aujourd’hui pourvus par l’ENA, à l’exception des corps juridictionnels.
L’ordonnance du 2 juin 2021 définit un cadre permettant de moderniser les parcours de carrière de l’encadrement supérieur avec des dispositions particulières « en matière de pilotage stratégique, d’évaluation et d’accompagnement, y compris, le cas échéant, vers des transitions professionnelles »4. « Elle crée ainsi les conditions pour que la richesse des expériences acquises devienne la principale condition d’accès aux fonctions supérieures »5. Les membres des juridictions administratives et financières se verront appliquer les mêmes principes de mobilité, d’ouverture et d’évaluation. Toutefois, des « adaptations » destinées à préserver leur indépendance6 ont été prévues.
Enfin, l’ordonnance met en place une gestion des ressources humaines qui sera assurée par la délégation interministérielle à l’encadrement supérieur de l’État. « Sa mission consistera (…) à accompagner chaque fonctionnaire dans l’écriture de sa carrière, constituer des viviers de talents pouvant être appelés aux plus hautes fonctions, et faciliter pour ceux qui le souhaitent des reconversions et des parcours de carrière plus ouverts à d’autres environnements »7.
Il s’agira pour nous dans cette étude de présenter les principales dispositions de l’ordonnance du 2 juin 2021. Ce texte propose une définition très large de l’encadrement supérieur (I). Il permet la création de l’Institut national du service public (II) et supprime l’accès direct aux grands corps de l’État (III). Il crée, sous la forme de lignes directrices de gestion interministérielles, une stratégie commune de l’État pour son encadrement supérieur (IV). Il s’attache à renforcer le dispositif d’évaluation des cadres supérieurs de l’État (V). Enfin, il jette les bases de la fonctionnalisation de certains corps de la haute fonction publique qui fera l’objet de dispositions réglementaires (VI).
I – La notion d’encadrement supérieur de la fonction publique de l’État
Dans son article 1er, l’ordonnance du 2 juin 2021 définit la notion d’encadrement supérieur de la fonction publique de l’État. Cette notion qui renvoie aux emplois de la catégorie A+, n’a jusqu’ici fait l’objet d’aucune définition dans le statut de la fonction publique. « Plutôt qu’une approche strictement statutaire, l’ordonnance retient une définition permettant de regrouper des emplois, corps, grades et fonctions constituant l’encadrement supérieur de l’État, afin de prévoir des dispositions spécifiques en matière de formation, d’évaluation et de parcours de carrière »8.
Les dispositions de l’ordonnance s’appliqueront aux emplois supérieurs dont la nomination est laissée à la décision du gouvernement ainsi qu’aux emplois fonctionnels9 qui sont nombreux dans la fonction publique de l’État.
Elles seront aussi applicables aux dirigeants des établissements publics de l’État exerçant la plus haute fonction exécutive mentionnée par les statuts de l’établissement et aux agents occupant dans ces établissements des fonctions exécutives de haut niveau.
L’article 1er de l’ordonnance fait également référence aux agents qui exercent des fonctions supérieures de direction, d’encadrement, d’expertise ou de contrôle leur donnant vocation à occuper ces emplois et à ceux dont la nature des missions et le niveau de responsabilité, de recrutement, d’expertise ou d’autonomie leur permettent de prétendre à ces emplois.
Enfin, l’ordonnance du 2 juin 2021 renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de déterminer la liste des emplois, corps, grades et fonctions concernés.
II – La création de l’Institut national du service public
L’article 5 de l’ordonnance du 2 juin 2021 crée un nouvel établissement public de l’État, l’Institut national du service public (INSP), qui remplacera dès le 1er janvier 2022, l’École nationale d’administration. Il sera « l’opérateur de formation initiale et continue de l’encadrement supérieur, ouvert sur le monde académique et à l’international »10. Cet établissement qui sera placé sous la tutelle du Premier ministre et du ministre chargé de la Fonction publique sera notamment chargé d’assurer la formation initiale et continue du futur corps des administrateurs de l’État et d’autres corps de fonctionnaires ou de magistrats susceptibles d’exercer des fonctions d’encadrement supérieur dans la fonction publique de l’État.
L’INSP coordonnera « l’élaboration des programmes de formation initiale et continue » destinés à accompagner les parcours professionnels. Il pourra « coordonner l’action des différents services et organismes de formation afin de renforcer la culture commune de l’action publique »11. Il pourra conduire « des travaux de recherche en lien avec l’action publique » (art. 5). Il « participera à l’élaboration et au rayonnement des connaissances utiles à l’action publique »12. Le président Emmanuel Macron a précisé le 8 avril 2021 qu’« il devra construire un partenariat fort avec les universités et s’appuiera sur un personnel enseignant d’excellence (…) »13.
Amélie de Montchalin, ministre chargée de la Transformation et de la Fonction publiques a indiqué que l’INSP proposera « un tronc commun aux écoles d’encadrement supérieur afin de donner une culture commune, mais aussi une culture du travail en commun, à chacun »14.
Le site internet du ministère de la Transformation et de la Fonction publiques indique que les élèves de 14 écoles de service public15 suivront dès 2022 ce tronc commun dont les premiers modules seront articulés autour de cinq thématiques : transition écologique, transition numérique, rapport à la science, inégalités et pauvreté, valeurs de la République et principes du service public.
On rappellera que le rapport de Frédéric Thiriez, sur la réforme de la haute fonction publique,16 avait recommandé la création d’un tronc commun de formation initiale de six mois, partagé par les élèves reçus aux concours externes de plusieurs écoles de service public. Ce rapport intitulé : « Pour une haute fonction publique plus agile, plus attractive et plus représentative » avait souligné que « la multiplication des écoles d’administration depuis la création de l’ENA (…) nuit au développement d’une culture commune chez les grands serviteurs de l’État, pourtant appelés à travailler ensemble ».
L’INSP, dont les attributions seront plus larges que celles de l’ENA, sera dirigé par un directeur et administré par un conseil d’administration. Ce dernier comprendra des représentants de l’État, des personnalités qualifiées, des représentants de fédérations syndicales de fonctionnaires, des représentants élus du personnel et des élèves, un député, un sénateur ainsi qu’un représentant au Parlement européen élu en France.
Les ressources de l’INSP seront notamment constituées par des subventions de l’État ou des autres personnes publiques, par les dons et legs faits à son profit et par toute recette provenant de l’exercice de ses activités.
Un décret en Conseil d’État détaillera les règles relatives à l’organisation et au fonctionnement de l’Institut national du service public qui sera, comme l’ENA, basé à Strasbourg.
III – La suppression de l’accès direct aux grands corps de l’État
À l’issue de leur formation, les futurs élèves de l’INSP n’intégreront plus directement les grands corps de l’État. Actuellement, les élèves sortis les mieux classés de l’ENA – la fameuse « botte » – peuvent entrer au Conseil d’État, à la Cour des comptes et dans les inspections générales. Les lauréats de l’INSP intégreront tous au terme de leur formation un nouveau corps, unique, celui des administrateurs de l’État. La création de ce corps cherche à créer une identité commune à l’ensemble des cadres supérieurs de l’État, en basculant d’une logique de corps à une logique d’emploi. La ministre chargée de la Transformation et de la Fonction publiques Amélie de Montchalin a expliqué que la réforme « permettra de passer d’une logique de corps à une logique de métier et de compétences au service des besoins de l’État »17.
Le président Emmanuel Macron a indiqué le 8 avril 2021 qu’« on ne pourra plus intégrer le Conseil d’État, la Cour des comptes ou les inspections à 25 ans, mais après s’être distingué par des résultats concrets, c’est-à-dire après plusieurs années d’expérience comme administrateur d’État et un processus de sélection (…) méritocratique, ouvert et transparent »18. « Je veux qu’en nous inspirant du modèle de l’École de guerre, nous puissions prévoir un rendez-vous de carrière avant d’accéder à d’éminentes responsabilités », a déclaré le chef de l’État.
Avec cette réforme de la haute fonction publique, les élèves sortant de l’INSP devront tous avoir « une première expérience opérationnelle avant de juger, de contrôler ou d’inspecter »19. Il ne sera plus possible d’exercer des fonctions dans les juridictions administratives et financières sans avoir exercé auparavant au sein de l’Administration. On ne pourra plus accéder au grade supérieur sans avoir accompli au préalable une mobilité.
A – Les conséquences de la réforme pour le Conseil d’État et la Cour des comptes
S’agissant des membres du Conseil d’État, le grade d’auditeur est supprimé. Il est remplacé par un statut d’emploi d’auditeur d’une durée de trois ans non renouvelable qui sera accessible aux administrateurs de l’État et aux membres des corps et cadres d’emplois de niveau comparable justifiant d’au moins deux ans d’expérience préalable, après passage devant un comité (art. 7). Ce comité sera composé de façon paritaire de membres du Conseil d’État et de personnalités qualifiées. Il ne pourra être mis fin aux fonctions des personnes occupant un emploi d’auditeur que pour motif disciplinaire et sur proposition de la commission supérieure du Conseil d’État.
Les personnes occupant le statut d’emploi d’auditeur pourront ensuite accéder au grade de maître des requêtes après avis d’une commission composée de façon paritaire de membres du Conseil d’État et de personnalités qualifiées (nommées par le président de la République, le président du Sénat et le président de l’Assemblée nationale) ; une commission d’intégration dont la présidence n’est pas précisée par l’ordonnance du 2 juin 2021. Le tour extérieur du gouvernement est supprimé pour l’accès au grade de maître des requêtes.
Les conditions d’accès au grade de conseiller d’État sont également modifiées. Les maîtres des requêtes devront obligatoirement accomplir une mobilité pour accéder à ce grade. L’ordonnance du 2 juin 2021, qui diminue ici la part des recrutements au tour extérieur du gouvernement, instaure une nouvelle voie de recrutement qui sera ouverte aux personnes « dont les compétences et les activités dans le domaine du droit ou de l’action publique [les] qualifient particulièrement pour l’exercice de ces fonctions » (art. 7).
On soulignera que l’ordonnance du 2 juin 2021 a organisé un dispositif analogue pour les membres de la Cour des comptes (art. 8).
Enfin, une voie d’accès au Conseil d’État et à la Cour des comptes sera ouverte « à un stade ultérieur de la carrière ». Elle concernera « les personnes justifiant d’une durée minimale (…) au moins égale à six années de services publics effectifs en qualité d’administrateur de l’État, dans des corps et cadres d’emploi de niveau comparable, ou dans des fonctions d’un niveau équivalent » (art. 9). La procédure de sélection qui permettra d’apprécier leurs compétences en matière d’action publique sera organisée par l’Institut national du service public.
B – Les conséquences de la réforme pour les magistrats des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel et pour les magistrats des chambres régionales des comptes
S’agissant des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, l’ordonnance du 2 juin 2021 maintient deux procédures de recrutement : le concours de recrutement direct et la possibilité de rejoindre le corps à la sortie de l’INSP. L’ordonnance instaure une obligation de mobilité statutaire au grade de conseiller (art. 7). Les administrateurs de l’État qui souhaiteront rejoindre ce corps à la sortie de l’INSP devront justifier de deux ans de services publics effectifs en cette qualité avant d’être affectés en juridiction. Pour être promus au grade de premier conseiller, les conseillers devront avoir accompli une mobilité statutaire d’une durée d’au moins deux ans. Les conseillers qui pourront justifier, préalablement à leur nomination, d’une expérience professionnelle dans le secteur public ou le secteur privé d’au moins quatre ans dans des fonctions d’un niveau équivalent à celles de la catégorie A, seront réputés avoir accompli cette mobilité statutaire.
Par ailleurs, l’accès au grade de président sera également conditionné à l’accomplissement d’une mobilité d’au moins deux ans. Celle-ci ne pourra plus être effectuée au sein d’une cour administrative d’appel. En effet, la possibilité qui était prévue par l’article L. 234-2-2 du Code de justice administrative de remplacer cette mobilité par l’exercice de fonctions en cour administrative d’appel, a été supprimée par l’ordonnance du 2 juin 2021.
On observera que cette ordonnance a prévu un dispositif similaire pour les magistrats des chambres régionales et territoriales des comptes (art. 8).
Il est à noter que les magistrats administratifs se sont mobilisés les 18, 19 et 20 mai 2021 pour manifester leur opposition au projet de réforme de la haute fonction publique, à l’appel de leurs syndicats. Le syndicat de la juridiction administrative (SJA) et l’union syndicale des magistrats administratifs (USMA) ont critiqué dans un communiqué commun le fait que la réforme instaure « une double obligation de mobilité [pour chaque changement de grade] pour bénéficier d’un déroulement “normal” [de carrière] et supprime la dispense de mobilité en cas d’affectation durant trois ans en cour administrative d’appel »20. On remarquera que cette obligation de mobilité renforcée prévue par l’ordonnance a été présentée comme étant « à contre-courant de l’évolution contemporaine de la juridiction administrative, dont les membres aspirent majoritairement à un réel statut de magistrat de carrière »21.
Enfin, il convient de signaler que le nouvel article L. 221-10 du Code des juridictions financières prévoit que les fonctions de magistrats des chambres régionales des comptes pourront dorénavant être exercées par « des agents contractuels justifiant d’une expérience professionnelle [compatible avec] les activités et les missions des chambres régionales et territoriales des comptes ». Ces agents contractuels devront « justifier d’au moins six années d’activités professionnelles les qualifiant particulièrement pour l’exercice des fonctions de magistrat des chambres régionales des comptes ».
C – Les conséquences de la réforme pour les inspections générales interministérielles
À l’issue de leur formation, les futurs élèves de l’INSP ne pourront plus intégrer directement les corps des inspections générales interministérielles. L’ordonnance du 2 juin 2021 prévoit que les agents exerçant des fonctions d’inspection générale seront désormais « recrutés, nommés et affectés dans des conditions garantissant leur capacité à exercer leurs missions avec indépendance et impartialité » (art. 6).
L’ordonnance du 2 juin 2021 instaure des garanties d’indépendance pour l’exercice des missions au sein d’inspections générales le justifiant (art. 6). S’agissant des chefs de service de l’inspection générale qui seront nommés par décret en conseil des ministres pour une durée renouvelable, il ne pourra être mis fin à leurs fonctions avant le terme de cette durée qu’à leur demande ou en cas d’empêchement ou de manquement à leurs obligations déontologiques, après avis d’une commission dont la composition sera fixée par décret en Conseil d’État (art. 6). De même, il ne pourra être mis fin aux fonctions des agents exerçant des missions d’inspection générale, nommés pour une durée renouvelable, qu’à leur demande ou, sur proposition du chef du service, en cas d’empêchement, de manquement aux obligations déontologiques, d’indépendance ou d’impartialité.
IV – Les lignes directrices de gestion interministérielles
L’article 2 de l’ordonnance du 2 juin 2021 instaure, sous la forme de lignes directrices de gestion interministérielles, une stratégie commune de l’État pour son encadrement supérieur.
Ces lignes directrices de gestion détermineront « la stratégie pluriannuelle de pilotage des ressources humaines ». Elles fixeront les orientations générales « en matière de recrutement, de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, de mobilité, de promotion, d’évaluation, de formation, de valorisation des parcours professionnels et d’accompagnement des transitions professionnelles ».
Ces lignes directrices de gestion qui « sont l’une des pierres centrales du paradigme managérial qui anime aujourd’hui le droit de la fonction publique »22, ont été généralisées par la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique23. Elles seront désormais édictées par le Premier ministre après avis du Conseil supérieur de la fonction publique de l’État (composé de représentants de l’Administration et de représentants des organisations syndicales de fonctionnaires) et non plus par chaque ministre pour le département ministériel dont il est chargé. Elles seront communiquées aux agents et rendues publiques.
Elles préciseront les modalités selon lesquelles l’accomplissement d’une mobilité pourra conditionner la promotion de grade ou l’accès à certains emplois. Elles fixeront les modalités selon lesquelles le suivi d’une formation pourra être pris en compte pour l’accès à ces mêmes emplois.
Un décret en Conseil d’État précisera les modalités d’articulation de ces lignes directrices de gestion avec celles mentionnées à l’article 18 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État24.
V – Les nouvelles modalités d’évaluation des hauts fonctionnaires
Les agents bénéficieront désormais « à différents moments de leur parcours professionnel d’évaluations destinées à apprécier la qualité de leurs pratiques professionnelles et de leurs réalisations ainsi que leur aptitude à occuper des responsabilités de niveau supérieur » (art. 3). Ces évaluations qui viendront s’ajouter au compte-rendu d’évaluation professionnelle prévu par les dispositions de l’article 17 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 198325 et de l’article 55 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 198426, seront confiées à une instance collégiale ministérielle ou interministérielle.
Cette instance appréciera les perspectives de carrière de l’agent et son aptitude « à évoluer vers des responsabilités supérieures ou différentes »27. Elle pourra recommander des mobilités et des actions de formation destinées à développer et à diversifier les compétences des agents. Elle pourra « préconiser une transition professionnelle ainsi que les mesures d’accompagnement qui peuvent y être associées » (art. 3).
Un décret en Conseil d’État précisera la composition de l’instance collégiale, les modalités de son intervention ainsi que celles de la participation de l’agent à l’évaluation.
Enfin, l’ordonnance du 2 juin 2021 organise, dans le respect des règles déontologiques statutaires, le cadre d’accompagnement des agents pour lesquels une transition professionnelle sera préconisée à l’issue des évaluations (art. 4). Les outils créés par la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique dans le cadre des restructurations tels que le congé de transition professionnelle ou, avec l’accord de l’agent, une mise à disposition vers une entreprise du secteur privé ou une association, pourront être mobilisés dans le cadre d’un accompagnement personnalisé.
L’agent se verra proposer un accompagnement personnalisé pour « définir un projet personnel de transition professionnelle en vue de la poursuite de [sa] carrière ». Il pourra lui être proposé le recours à une rupture conventionnelle dans les conditions prévues à l’article 72 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019.
VI – La fonctionnalisation de la haute fonction publique
L’ordonnance du 2 juin 2021 entend développer une logique d’emploi au sein de l’encadrement supérieur de l’État. Il s’agit de « fonctionnaliser » la haute fonction publique et de passer d’une logique de corps à une logique d’emploi. L’ordonnance utilise la notion de « statut d’emploi » qui désigne la fonctionnalisation de certains corps de la fonction publique28. Cette notion de « fonctionnalisation » renvoie à la transformation de certaines missions en emplois fonctionnels sur lesquels les agents seront détachés de façon temporaire29.
La fonctionnalisation de la haute fonction publique est souvent présentée comme le moyen d’éviter la constitution de « rentes à vie ».
L’ordonnance précise qu’« afin de favoriser la mobilité des membres des corps recrutés par la voie de l’Institut national du service public et des corps ou cadres d’emploi de niveau comparable, des statuts d’emplois peuvent déroger, par décret en Conseil d’État pris après avis du Conseil supérieur de la fonction publique de l’État, à certaines des dispositions du statut général qui ne correspondraient pas aux besoins des missions que les titulaires de ces emplois sont destinés à assurer »(art. 10).
Le gouvernement a annoncé qu’il avait l’intention de supprimer le corps préfectoral tout en maintenant la fonction de préfet. Il s’agit de « fonctionnaliser » le poste de préfet. Le Premier ministre Jean Castex a souligné que les préfets « ne seront plus nommés préfets à vie, mais pour la durée d’exercice de leurs fonctions »30. La fonctionnalisation concernera également les corps des inspections générales interministérielles (inspection générale des finances, inspection générale des affaires sociales, inspection générale de l’administration). Le président Emmanuel Macron a annoncé le 8 avril 2021, à l’occasion de la convention managériale de l’État, que les postes d’encadrement « seront tous fonctionnalisés, y compris (…) les corps techniques ».
En conclusion, il apparaît que l’ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 apporte des modifications substantielles dans la conception et la gestion des carrières au sein de la haute fonction publique. Elle entend mettre en place une fonction publique de l’emploi et non de corps. Mais il faudra toutefois attendre la parution des nombreux décrets d’application pour apprécier la portée réelle de cette réforme ambitieuse qui vise à permettre la fonctionnalisation de la haute fonction publique.
Notes de bas de pages
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1.
L’article 59 de la loi du 6 août 2019 permet notamment de « réformer les modalités de recrutement des corps et cadres d’emplois de catégorie A afin de diversifier leurs profils, harmoniser leur formation initiale, créer un tronc commun d’enseignements et développer leur formation continue afin d’accroître leur culture commune de l’action publique, aménager leur parcours de carrière en adaptant les modes de sélection et en favorisant les mobilités au sein de la fonction publique et vers le secteur privé » (L. n° 2019-828, 6 août 2019, de transformation de la fonction publique : JO, 7 août 2019,texte n° 1).
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2.
V. Le Monde, 3 juin 2021.
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3.
Le dispositif « Talents du service public » qui a pour objectif de diversifier « les profils qui entrent dans la haute fonction publique » a été instauré par l’ordonnance n° 2021-328 du 3 mars 2021 (Ord. n° 2021-238, 3 mars 2021, favorisant l’égalité des chances pour l’accès à certaines écoles de service public : JO,4 mars 2021, texte n° 29).
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4.
Compte-rendu du Conseil des ministres, 2 juin 2021.
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5.
Compte-rendu du Conseil des ministres, 2 juin 2021.
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6.
Le Conseil constitutionnel a érigé l’indépendance de la juridiction administrative au rang de principe fondamental reconnu par les lois de la République (Cons. const., 22 juill. 1980, n° 80-119 DC, cons. 6).
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7.
V. rapport au président de la République relatif à l’ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 :JO, 3 juin 2021, texte n° 19.
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8.
V. rapport au président de la République relatif à l’ordonnance n° 2017-702 du 2 juin 2021 : JO, 3 juin 2021, texte n° 19.
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9.
Ces emplois fonctionnels de l’État sont mentionnés au 1°bis de l’article 3 de la loi du 11 janvier 1984 (L. n° 84-16, 11 janv. 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État : JO,12 janv. 1984, p. 271).
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10.
Compte-rendu du Conseil des ministres, 2 juin 2021.
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11.
Rapport au président de la République relatif à l’ordonnance n° 2021-702, 2 juin 2021 :JO, 3 juin 2021, texte n° 19.
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12.
Rapport au président de la République relatif à l’ordonnance n° 2021-702, 2 juin 2021 :JO, 3 juin 2021, texte n° 19.
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13.
Déclaration du président de la République Emmanuel Macron à l’occasion de la Convention managériale de l’État, 8 avr. 2021.
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14.
A. de Montchalin, Présentation de la réforme de l’encadrement supérieur de l’État au Conseil d’administration de l’ENA, 5 mai 2021.
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15.
Il s’agit de l’École nationale d’administration (ENA), de l’Institut national des études territoriales (INET), de l’École nationale de la magistrature (ENM), de l’École des hautes études en santé publique (EHESP), de l’École nationale supérieure de sécurité sociale (EN3S), de l’École nationale supérieure de la police (ENSP),de l’École nationale d’administration pénitentiaire ( ENAP), de l’École des officiers de la gendarmerie nationale (EOGN), de l’École nationale des services vétérinaires (ENSV) et de 5 écoles d’application de Polytechnique (Institut des sciences et industries du vivant et de l’environnement-AgroParisTech, École nationale de la culture physique-ENCP, École des mines, École nationale de la statistique et de l’administration économique-ENSAE, École nationale supérieure de techniques avancées-ENSTA).
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16.
Le rapport Thiriez a été remis au Premier ministre le 18 février 2020. L’avocat Frédéric Thiriez avait été chargé par le Premier ministre, le 14 mai 2019, de proposer des pistes pour une réforme de la haute fonction publique.
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17.
Déclaration faite par Amélie de Montchalin le 26 mai 2021 devant la commission des lois du Sénat.
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18.
Déclaration du président de la République Emmanuel Macron à l’occasion de la Convention managériale de l’État, 8 avr. 2021.
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19.
Déclaration faite par Amélie de Montchalin le 26 mai 2021 devant la commission des lois du Sénat.
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20.
« Nous ne voulons pas interdire les mobilités qui peuvent être intéressantes (…) mais au regard des exigences d’indépendance et d’impartialité, il n’est pas normal d’imposer d’aller dans l’Administration pour pouvoir progresser dans sa carrière » a déclaré le président de l’Union syndicale des magistrats administratifs (USMA) E. Laforêt (L. de Comarmond, « Les juges administratifs contre la réforme de la fonction publique », Les Échos, 21-22 mai 2021).
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21.
D. Bailleul, « Jugez, bougez, administrez ! », JCP A 2021, 357.
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22.
C. Testard, « Les lignes directrices de gestion : une souplesse éprouvée par le droit de la fonction publique », AJDA 2021 p. 1020.
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23.
V. J.-C. Zarka, « La loi de transformation de la fonction publique », LPA 11 sept. 2019, n° 147q6, p.10.
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24.
L. n° 84-16, 11 janv. 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État : JO,12 janv. 1984, p. 271.
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25.
L. n° 83-634, 13 juill. 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires : JO, 14 juill. 1983, p. 2174.
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26.
L. n° 84-16, 11 janv. 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État : JO,12 janv. 1984, p. 271.
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27.
Rapport au président de la République relatif à l’ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 :JO, 3 juin 2021, texte n° 19.
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28.
V. B. Scordia et P. Laberrondo, « La réforme de la haute fonction publique est actée », Acteurs publics, 2 juin 2021(https://www.acteurspublics.fr/articles/la-reforme-de-la-haute-fonction-publique-actee).
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29.
https://www.transformation.gouv.fr/reforme-de-l-encadrement-superieur-de-l-etat/parcours-de-carriere#constructioncarriere.
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30.
J. Castex, « Nous voulons moderniser la haute fonction publique, pas la politiser », Le Figaro, 15-16 mai 2021.
Référence : AJU000z8