Nouvelle extension de la justiciabilité du droit souple

À propos de l’arrêt du Conseil d’État du 19 juillet 2019
Publié le 30/10/2019

Le juge ne pouvait rester indifférent à cette omniprésence du droit souple. Si, en principe, le droit souple n’est pas appliqué par le juge comme le serait une règle de droit, il peut être appréhendé par ce dernier sous plusieurs angles. Il arrive que le juge admette la recevabilité de recours dirigés contre des instruments de droit souple, en dépit de leur caractère non contraignant.

Depuis que la section du rapport et des études du Conseil d’État a mené, en 2013, une étude sur la notion de droit souple, plusieurs avancées dans l’extension du champ de la recevabilité du recours pour excès de pouvoir ont pu être remarquées. Le Conseil d’État, par son arrêt du 19 juillet 2019, a étendu de nouveau le champ des actes pouvant faire l’objet d’un tel recours, renforçant sans doute davantage l’État de droit administratif, mais entraînant aussi des interrogations sur les contours de ce nouveau type d’actes administratifs.

La souplesse juridique doit-elle engendrer une souplesse juridictionnelle ? Ainsi pourrait-on résumer les jurisprudences récentes relatives au contrôle juridictionnel du droit souple, elles-mêmes consécutives à une étude approfondie rendue publique par le Conseil d’État en 20131 sur la notion de droit souple.

La couleur est annoncée par le haut conseil dès le début de son étude : « L’appréhension du droit souple implique d’abord de prendre la mesure de son extension. Le panorama qui suit n’a pas pour but d’établir un recensement exhaustif, mais de mettre en évidence la diversité des domaines concernés et des usages du droit souple. Sans prendre position à ce stade sur l’opportunité du phénomène, qui sera discutée dans la deuxième partie, il s’agit de constater par de multiples exemples son importance : le droit souple est bien souvent au cœur de développements essentiels pour les relations internationales, le fonctionnement de l’Union européenne2, l’action des pouvoirs publics nationaux ou encore la vie des entreprises »3.

Traditionnellement, les règles de recevabilité d’un recours pour excès de pouvoir comprennent des conditions relatives à l’auteur du recours et des conditions relatives à l’acte attaqué. C’est sur ce deuxième volet de la recevabilité du recours que se nouent des évolutions depuis quelques années. La notion d’« acte administratif faisant grief » avait déjà, de longue date, fait l’objet de réflexions, interrogations et évolutions jurisprudentielles. Il en est ainsi des réflexions sur les notions de circulaires ou de directives. On rappellera utilement ici les arrêts Institution Notre-Dame du Kreisker de 1954, puis bien plus tard, l’arrêt Duvignères de 2002, à propos des circulaires. De même, l’arrêt Crédit foncier de France de 1970 avait donné les conditions de justiciabilité des actes que l’on appelait alors les directives administratives, terme désormais peu usité en droit national. L’arrêt de 1954, Notre-Dame du Kreisker4 précisait, à propos des circulaires, en l’espèce d’alors que « par la circulaire du 11 janvier 1950, qui a pour objet l’application des dispositions de l’article 69 de la loi du 15 mars 1850 en ce qui concerne les demandes de subvention adressées à des départements ou à des communes par des établissements privés d’instruction secondaire, le ministre de l’Éducation nationale ne s’est pas borné à interpréter les textes en vigueur, mais a, dans les dispositions attaquées, fixé des règles nouvelles relatives à la constitution des dossiers de ces demandes de subventions ; que, par suite, ladite circulaire a, dans ces dispositions, un caractère réglementaire ; que, dès lors, l’institution Notre-Dame du Kreisker est recevable à déférer au Conseil d’État les prescriptions contestées de cette circulaire ». C’était ainsi que le critère de recevabilité était bien confirmé autour du fait de « faire grief » ou créer du droit étant donné que c’est le caractère « réglementaire » des dispositions contestées qui avait alors conditionné la recevabilité du recours. Cette jurisprudence a perduré jusqu’au revirement opéré par la jurisprudence dite Duvignères de 2002.

En effet, par un arrêt du 18 décembre 20025, le Conseil d’État, dans un considérant de principe, juge « que l’interprétation que par voie, notamment, de circulaires ou d’instructions, l’autorité administrative donne des lois et règlements qu’elle a pour mission de mettre en œuvre n’est pas susceptible d’être déférée au juge de l’excès de pouvoir lorsque, étant dénuée de caractère impératif, elle ne saurait, quel qu’en soit le bien-fondé, faire grief ; qu’en revanche, les dispositions impératives à caractère général d’une circulaire ou d’une instruction doivent être regardées comme faisant grief, tout comme le refus de les abroger ; que le recours formé à leur encontre doit être accueilli si ces dispositions fixent, dans le silence des textes, une règle nouvelle entachée d’incompétence ou si, alors même qu’elles ont été compétemment prises, il est soutenu à bon droit qu’elles sont illégales pour d’autres motifs ; qu’il en va de même s’il est soutenu à bon droit que l’interprétation qu’elles prescrivent d’adopter, soit méconnaît le sens et la portée des dispositions législatives ou réglementaires qu’elle entendait expliciter, soit réitère une règle contraire à une norme juridique supérieure »6. Ainsi, aux dispositions réglementaires succèdent les « dispositions impératives à caractère général ». Le principe de « création de droit » demeure néanmoins en tant que critère de recevabilité.

S’agissant des directives, désormais peu utilisées, le juge avait défini leur régime juridique dans un arrêt de 1970, Crédit foncier de France7. Il s’agit de mesures que l’Administration adopte dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire. Ces textes permettent de donner des orientations sans pour autant créer de droit nouveau.

Les réflexions menées sur le droit souple-droit mou, « soft law sont autant d’expressions sinon similaires, au moins comparables » ont conduit, au nom du renforcement de l’État de droit et de l’accès au juge des citoyens, à l’extension de la justiciabilité du droit souple. Cette extension passe du champ de la régulation économique au champ de la transparence de la vie publique (I), conduisant à la reconnaissance de nouveaux types d’actes aux contours indéfinis (II).

I – L’extension de la justiciabilité du droit souple, du champ de la régulation économique au champ de la transparence de la vie publique

L’arrêt que l’on peut qualifier comme étant fondateur de la première reconnaissance de la recevabilité d’un recours pour excès de pouvoir contre des actes dits de droit souple est l’arrêt Fairvesta international et Numericable du 21 mars 20168. L’affaire qui donne lieu à la nouvelle extension remarquable porte sur la transparence de la vie publique étendant ainsi le premier champ de la régulation économique. Ainsi, si l’on avait pu initialement penser que l’extension de la recevabilité du recours pour excès de pouvoir aux actes de droit souple porterait essentiellement sur les questions de régulation économique (A), le champ politique et de la transparence y est désormais adjoint (B).

A – La régulation économique et l’extensibilité de la recevabilité du recours pour excès de pouvoir

Les autorités dites de régulation ne connaissent pas de définition unique. La loi du 20 janvier 2017 a restreint le nombre des autorités administratives indépendantes et créé, au sein de cette catégorie, des autorités publiques indépendantes. Les autorités publiques indépendantes disposent de la personnalité morale9. On est ainsi passé d’une quarantaine d’AAI à 26, dont 7 ont le statut d’autorités publiques indépendantes. Les 7 autorités publiques indépendantes sont :

  • l’agence française de lutte contre le dopage (AFLD) ;

  • l’autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER) ;

  • l’autorité des marchés financiers (AMF) ;

  • le conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) ;

  • la haute autorité de santé (HAS) ;

  • la haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI) ;

  • le médiateur national de l’énergie.

Les 19 autorités administratives indépendantes sont l’autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires (ACNUSA), l’autorité de la concurrence, l’autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP), l’autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), l’autorité de régulation des jeux en ligne (ARJE), l’autorité de sûreté nucléaire (ASN), le comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN), la commission d’accès aux documents administratifs (CADA), la commission de régulation de l’énergie (CRE), la commission du secret de la défense nationale (CSDN), la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) la commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CCFP), la commission nationale du débat public (CNDP), le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), le Défenseur des droits, la haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), le haut conseil du commissariat aux comptes (H3C), le haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES).

La loi de 2017 fixe des règles de fonctionnement générales, notamment en termes de déontologie. Les prérogatives de ces autorités s’échelonnent d’un simple pouvoir d’avis ou de recommandation, à de véritables pouvoirs de sanction dans certains cas, en passant par la palette des décisions de nature potentiellement réglementaire – dans leur champ de compétence – et individuelles – notamment les autorisations. Et c’est cette gamme qui conduit le Conseil d’État à étendre le champ de la recevabilité du recours pour excès de pouvoir.

Le considérant de principe est alors ainsi formulé : « Considérant que les avis, recommandations, mises en garde et prises de position adoptés par les autorités de régulation dans l’exercice des missions dont elles sont investies, peuvent être déférés au juge de l’excès de pouvoir lorsqu’ils revêtent le caractère de dispositions générales et impératives ou lorsqu’ils énoncent des prescriptions individuelles dont ces autorités pourraient ultérieurement censurer la méconnaissance ; que ces actes peuvent également faire l’objet d’un tel recours, introduit par un requérant justifiant d’un intérêt direct et certain à leur annulation, lorsqu’ils sont de nature à produire des effets notables, notamment de nature économique, ou ont pour objet d’influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles ils s’adressent ; que, dans ce dernier cas, il appartient au juge, saisi de moyens en ce sens, d’examiner les vices susceptibles d’affecter la légalité de ces actes en tenant compte de leur nature et de leurs caractéristiques, ainsi que du pouvoir d’appréciation dont dispose l’autorité de régulation ; qu’il lui appartient également, si des conclusions lui sont présentées à cette fin, de faire usage des pouvoirs d’injonction qu’il tient du titre Ier du livre IX du Code de justice administrative ».

Le juge avait alors, dans les circonstances de l’espèce, jugé « que les communiqués attaqués ont été émis par l’autorité des marchés financiers dans le cadre de sa mission de protection de l’épargne investie dans les placements offerts au public ; qu’ils sont destinés aux investisseurs et ont pour objet de les mettre en garde contre les conditions dans lesquelles sont commercialisés plusieurs produits de placement, précisément identifiés, offerts au public par la société Fairvesta International GmbH et de leur adresser des recommandations de vigilance ; qu’ils ont été publiés sur le site internet de l’autorité des marchés financiers, ont connu une large diffusion et sont depuis lors restés accessibles sur ce site ; que la société Fairvesta International GmbH fait valoir des éléments sérieux attestant que la publication de ces communiqués a eu pour conséquence une diminution brutale des souscriptions des produits de placement qu’elle commercialisait en France ; qu’ainsi, les communiqués contestés doivent être regardés comme étant de nature à produire des effets économiques notables et comme ayant pour objet de conduire des investisseurs à modifier de manière significative leur comportement vis-à-vis des produits qu’ils désignent ; que, dans les circonstances de l’espèce, ces communiqués, qui font référence à “la société Fairvesta” doivent être regardés comme faisant grief à la société Fairvesta International GmbH et aux sociétés Fairvesta Europe AG, Fairvesta Europe AG II et Fairvesta Vermögensverwaltung International AG, filiales du groupe Fairvesta, qui sont recevables à en demander l’annulation ; que, par suite, la fin de non-recevoir soulevée par l’autorité des marchés financiers doit être écartée ».

Sur la deuxième affaire, le Conseil d’État avait jugé, sur la base du considérant de principe cité plus haut sur l’affaire Fairvesta jugée le même jour, « que la prise de position adoptée par l’autorité de la concurrence le 23 mars 2015 a pour effet, en reconnaissant à GCP la possibilité d’acquérir des droits de distribution exclusive sur la plate-forme de Numericable, de lui permettre de concurrencer la société NC Numericable sur sa plate-forme ; qu’il ressort des pièces du dossier que, comme le soutient la société requérante, cette prise de position est de nature à avoir des effets économiques notables ; qu’elle a, en outre, pour objet de modifier le comportement des opérateurs sur le marché de l’acquisition de droits de distribution de chaînes de télévision ; que, dans ces conditions, la délibération attaquée doit être regardée comme faisant grief à la société NC Numericable ; que la fin de non-recevoir soulevée par l’autorité de la concurrence doit donc être écartée ».

Dans ces espèces, jugées en assemblée du contentieux, le cœur de l’action concernée était le champ économique. Nulle décision modifiant réellement l’ordonnancement juridique n’était en cause. Cependant, le juge tient compte des effets de ce que l’on appellera pour le moment des actes de droit souple sur les acteurs concernés. Dans un cas, l’affaire Fairvesta, il s’agissait de « communiqués » ; dans le deuxième cas, l’affaire Numericable, il s’agissait de « prise de position ». Ce qui justifie l’accueil du recours tient dans les effets des actes en question. Le juge retient, comme critère de recevabilité, des « effets économiques notables » et un critère téléologique en relevant que les mesures en cause, dans les deux espèces jugées, ont « pour objet » de conduire à des modifications de comportement des opérateurs économiques. La haute assemblée en déduit alors que les mesures attaquées « font grief » et doivent donc pouvoir être attaquées devant le juge de l’excès de pouvoir. La justification de l’impact économique se double désormais de celle de l’impact politique. Le juge décide en effet de l’extension de la recevabilité des recours contre des actes de droit souple dans le domaine économique au domaine de la transparence de la vie publique.

B – L’extension de la recevabilité du recours pour excès de pouvoir contre des actes de droit souple dans le champ de la transparence de la vie politique

L’affaire qui donne lieu à une nouvelle extension de la justiciabilité du droit souple concerne la déclaration de patrimoine d’une personnalité politique. Les prises de position adoptées par l’autorité de régulation ont conduit l’intéressée à contester leur contenu. Il convient de rappeler les bases juridiques permettant les actions de la haute autorité pour la transparence de la vie publique (1), afin d’observer l’extension de la recevabilité du recours (2).

1 – Les bases juridiques des missions de la haute autorité pour la transparence de la vie publique

Selon l’article LO 135-1 du Code électoral, « I. – Dans les deux mois qui suivent son entrée en fonction, le député adresse personnellement au président de la haute autorité pour la transparence de la vie publique une déclaration exhaustive, exacte, sincère et certifiée sur l’honneur de sa situation patrimoniale concernant la totalité de ses biens propres ainsi que, le cas échéant, ceux de la communauté ou les biens indivis. Ces biens sont évalués à la date du fait générateur de la déclaration comme en matière de droits de mutation à titre gratuit. (…) Le fait pour un député d’omettre de déclarer une partie substantielle de son patrimoine (…) ou de fournir une évaluation mensongère de son patrimoine est puni d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende. Peuvent être prononcées, à titre complémentaire, l’interdiction des droits civiques selon les modalités prévues aux articles 131-26 et 131-26-1 du Code pénal, ainsi que l’interdiction d’exercer une fonction publique selon les modalités prévues à l’article 131-27 du même code ». L’article LO 135-2 du même code prévoit que « les déclarations de situation patrimoniale peuvent, avant d’être rendues publiques dans les limites définies au III du présent article, être assorties de toute appréciation de la haute autorité qu’elle estime utile quant à leur exhaustivité, leur exactitude et leur sincérité, après avoir mis le député concerné à même de présenter ses observations » et précise que ces déclarations « sont, aux seules fins de consultation, tenues à la disposition des électeurs inscrits sur les listes électorales » en préfecture.

Aux termes de l’article LO 135-5 de ce code : « Dans tous les cas où elle a relevé, après que le député a été mis en mesure de produire ses observations, un manquement à l’une des obligations prévues aux articles LO 135-1 et LO 135-4 (…), la haute autorité transmet le dossier au parquet ». Aux termes de l’article LO 135-6 de ce code, « lorsqu’elle constate un manquement aux obligations prévues aux articles LO 135-1 et LO 135-4, la haute autorité pour la transparence de la vie publique saisit le bureau de l’Assemblée nationale ».

Le Conseil d’État déduit de ces dispositions que pour renforcer la transparence de la vie publique ainsi que les garanties de probité et d’intégrité exigées des élus, le législateur organique a notamment chargé la haute autorité pour la transparence de la vie publique d’apprécier l’exhaustivité, l’exactitude et la sincérité de la déclaration de situation patrimoniale que chaque député est tenu de lui adresser après son entrée en fonction.

Dans le cadre de cette mission, la haute autorité dispose de la faculté d’assortir la déclaration qu’elle rend publique d’une appréciation quant à son exhaustivité, son exactitude et sa sincérité. Si le législateur organique a entendu que le bureau de l’Assemblée nationale connaisse de tout manquement qu’elle a constaté, afin de pouvoir lui réserver les suites qu’il estime appropriées en matière déontologique et disciplinaire, les règles qu’il a posées en ce qui concerne la transmission du dossier au parquet n’imposent à la haute autorité d’y procéder, eu égard aux finalités d’une telle transmission, que lorsqu’elle estime qu’il est suffisamment caractérisé que le manquement qu’elle a constaté procède d’une omission substantielle ou d’une évaluation mensongère. Il en résulte une marge de manœuvre et d’appréciation au bénéfice de l’autorité de régulation. C’est ce contexte qui a conduit le juge administratif suprême à franchir un pas supplémentaire dans l’ouverture de son prétoire.

2 – L’ouverture du recours pour excès de pouvoir au champ de la régulation de la vie politique

Sur la base des dispositions citées plus haut, le 28 juillet 2017, Mme A., élue députée du Pas-de-Calais le 18 juin 2017, a adressé, en application de l’article LO 135-1 du Code électoral, sa déclaration de situation patrimoniale à la haute autorité pour la transparence de la vie publique. Par une délibération n° 2018-145 en date du 12 septembre 2018, la haute autorité a estimé que cette déclaration ne pouvait être considérée comme exhaustive, exacte et sincère et a invité Mme A. à faire valoir ses observations. Après les avoir recueillies et en avoir à nouveau délibéré, la haute autorité a décidé, par sa délibération n° 2018-168 du 24 octobre 2018, d’assortir la publication de la déclaration de situation patrimoniale de la députée d’une appréciation constatant l’existence de manquements portant atteinte au caractère exhaustif, exact et sincère de la déclaration. Mme A. demande l’annulation pour excès de pouvoir de cette délibération10.

La haute autorité opposait devant le juge une fin de non-recevoir. Pourtant, le juge estime que l’appréciation dont la haute autorité pour la transparence de la vie publique estime utile d’assortir la déclaration de situation patrimoniale d’un député constitue « une prise de position quant au respect de l’obligation d’exhaustivité, d’exactitude et de sincérité qui pèse sur l’auteur de cette déclaration ». Alors même qu’elle est « dépourvue d’effets juridiques », cette prise de position d’une autorité administrative, qui est rendue publique avec la déclaration de situation patrimoniale sur le fondement de l’article LO 135-2 du Code électoral précité, est de nature à produire, sur la personne du député qu’elle concerne, « des effets notables », notamment en termes de réputation, qui au demeurant sont susceptibles d’avoir une influence sur le comportement des personnes, et notamment des électeurs, auxquelles elle s’adresse. Dans ces conditions, une telle prise de position doit être regardée comme « faisant grief » au député dont la déclaration de situation patrimoniale fait l’objet de l’appréciation ainsi rendue publique. Il s’ensuit que Mme A. est recevable à demander l’annulation de la délibération du 24 octobre 2018 relative à sa déclaration de situation patrimoniale. La fin de non-recevoir soulevée par la haute autorité pour la transparence de la vie publique doit donc être écartée11.

Si l’on compare les termes retenus entre les premières jurisprudences de 2016 étendant la recevabilité des recours contre des actes de droit souple dans le champ de la régulation économique, il en ressort une approche nuancée. Si les premiers termes mentionnaient effectivement des effets notables, ils mentionnaient aussi le fait d’avoir « pour objet » d’influer sur les comportements – en matière économique. En l’espèce, le juge ne retient pas que les prises de position ont pour objet de modifier le comportement politique des électeurs. La justification de la recevabilité tient dans les effets produits et les risques d’impact sur le comportement des électeurs, sans pour autant retenir la dimension téléologique des premières jurisprudences. Si l’expression « faire grief » apparaît comme un des dénominateurs communs des décisions en la matière, il apparaît tout autant que cette jurisprudence exprime une nouvelle catégorie d’actes aux contours encore indéfinis.

II – L’expression d’une nouvelle catégorie d’actes aux contours encore indéfinis

C’est le sens de « faire grief » qui connaît des évolutions avec ces nouvelles jurisprudences. Jusqu’à présent, l’on enseignait aux étudiants que l’expression « faire grief » ne devait pas être entendue au pied de la lettre dans le sens de créer du tort. Elle devait être entendue comme l’idée de créer du droit, de modifier l’ordonnancement juridique ou encore de créer de nouveaux droits et obligations dans le patrimoine juridique de tel sujet de droit.

Or avec ces dernières évolutions, dans le domaine des autorités de régulation12, qui font suite à l’étude nourrie du Conseil d’État sur la notion de droit souple, il apparaît que les critères de recevabilité connaissent une plasticité qui rapproche désormais la lecture de l’expression « faire grief » de son sens littéral. En effet, ce qui justifie la recevabilité du recours pour excès de pouvoir contre des actes qui ne créent pas, formellement, de droits, tient dans des effets potentiellement négatifs, voire néfastes de la prise de position et non de la « décision ». Or l’appréciation des impacts d’une prise de position peut s’avérer d’appréciation délicate (A), ce qui renforce la nécessité de préciser la définition de ces actes (B).

A – La délicate appréciation des impacts d’une prise de position

Deux questions essentielles se posent au regard de cette recevabilité renouvelée : la question de critères de recevabilité (1) et celle des cas d’ouverture (2).

1 – Vers la redéfinition des critères de recevabilité du recours pour excès de pouvoir

En premier lieu, le choix des critères de recevabilité. On se souviendra ici des critères successivement retenus, dans un cadre différent, mais comparable, dans les arrêts mentionnés plus haut, Institution Notre-Dame du Kreisker puis Duvignères. Le critère des dispositions réglementaires, puis des dispositions générales à caractère impératif apparaissait comme un guide tant pour le justiciable que pour le juge.

Or les termes employés dans les décisions de 2016 à 2019 ne donnent pas une clarté comparable aux critères précédents. En effet, dans les arrêts Fairvesta et Numericable de 2016, il est question de « caractère de dispositions générales et impératives ou lorsqu’ils énoncent des prescriptions individuelles dont ces autorités pourraient ultérieurement censurer la méconnaissance » et, de mesures pour lesquelles « un requérant justifiant d’un intérêt direct et certain à leur annulation, lorsqu’ils sont de nature à produire des effets notables, notamment de nature économique, ou ont pour objet d’influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles ils s’adressent ».

Ces termes sont d’une certaine obscure clarté. En effet, si la notion de disposition générale impérative rappelle nettement la formule que l’arrêt Duvigneres de 2002 avait façonnée, l’emploi du conditionnel, à propos de prescriptions individuelles dont les autorités pourraient plus tard censurer la méconnaissance, ne semble pas éminemment rassurant. C’est le même sentiment d’incertitude qui émane de mesures de nature à produire des effets notables – dans les arrêts de 2016, qualifiés « notamment de nature économique » –, ou encore de la notion d’influence de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles ils s’adressent. Dans l’arrêt ici commenté, la formule est dupliquée et allégée de la référence économique, pour aller vers celle de politique vis-à-vis des électeurs. Le juge mentionne en effet « cette prise de position d’une autorité administrative, qui est rendue publique avec la déclaration de situation patrimoniale sur le fondement de l’article LO 135-2 du Code électoral précité, est de nature à produire, sur la personne du député qu’elle concerne, des effets notables, notamment en termes de réputation, qui au demeurant sont susceptibles d’avoir une influence sur le comportement des personnes, et notamment des électeurs, auxquelles elle s’adresse ».

Comment mesurer « l’influence », les « comportements », les « effets notables » sur un député – puis sans doute à l’avenir sur d’autres personnes politiques ou même administratives peut-être, l’« influence » sur les électeurs ?

Ces termes sont indubitablement d’interprétation délicate à la fois quant à la recevabilité que quant à la légalité qui sera ou non confirmée par le juge administratif.

2 – Vers de nouvelles précisions des cas d’ouverture du recours pour excès de pouvoir

Dans les affaires jugées depuis 2016, c’est l’expression « faire grief » qui fonde la recevabilité. Dans l’affaire Numericable, le Conseil d’État estime que « la prise de position adoptée par l’Autorité de la concurrence le 23 mars 2015 a pour effet, en reconnaissant à GCP la possibilité d’acquérir des droits de distribution exclusive sur la plate-forme de Numericable, de lui permettre de concurrencer la société NC Numericable sur sa plate-forme ; qu’il ressort des pièces du dossier que, comme le soutient la société requérante, cette prise de position est de nature à avoir des effets économiques notables ; qu’elle a, en outre, pour objet de modifier le comportement des opérateurs sur le marché de l’acquisition de droits de distribution de chaînes de télévision ; que, dans ces conditions, la délibération attaquée doit être regardée comme faisant grief à la société NC Numericable ».

Cette recevabilité ne préjuge bien entendu en rien du jugement du bien-fondé de la mesure contestée. Dans l’espèce Numericable, le juge administratif décide « que l’Autorité n’a pas commis d’erreur d’appréciation en estimant que l’ensemble des éléments de réseaux utilisés par NC Numericable appartiennent à une unique plate-forme propriétaire et que, par suite, les plates-formes de SFR et de Numericable ont fusionné »13 et écarte l’ensemble des éléments relatifs à la procédure suivie.

Dans l’affaire Fairvesta14, le juge estime qu’« il appartient à l’Autorité des marchés financiers de publier des communiqués invitant les épargnants ou investisseurs à faire preuve de vigilance vis-à-vis de certains types de placements ou de pratiques financières risqués ; qu’il résulte des termes des dispositions citées ci-dessus que le législateur a entendu confier à l’Autorité des marchés financiers une mission de protection de l’épargne et d’information des investisseurs qui s’étend non seulement aux instruments financiers, définis par l’article L. 211-1 du Code monétaire et financier, et aux actifs mentionnés au II de l’article L. 421-1 du même code admis aux négociations sur un marché réglementé, mais également à tous les autres placements offerts au public ; que, par suite, alors même que les placements immobiliers proposés par la société Fairvesta International GmbH ne relevaient pas, ainsi que le soulignaient les communiqués attaqués, de la réglementation applicable aux titres financiers, il était loisible à l’autorité des marchés financiers, sans excéder sa compétence, d’appeler l’attention des investisseurs sur leurs caractéristiques et leurs modalités de commercialisation, dès lors qu’il s’agissait de placements offerts au public ; que les sociétés requérantes ne sont, par suite, pas fondées à soutenir que l’autorité des marchés financiers n’était pas compétente pour publier les communiqués litigieux ».

Ainsi, pour écarter les moyens soulevés, le juge estime que l’autorité de régulation n’a pas commis d’erreur d’appréciation, s’agissant de l’affaire Numericable, en se fondant notamment sur la circonstance que par la suite, les plates-formes SFR et Numericable ont fusionné. Dans l’affaire Fairvesta, le juge estime que l’autorité de régulation n’a pas excédé sa compétence en attirant l’attention des investisseurs comme dans l’espèce concernée.

Dans l’affaire ici commentée, à propos de la haute autorité pour la transparence de la vie publique, le juge estime en premier lieu, à propos de la procédure et de sa conformité aux stipulations de la convention européenne des droits de l’Homme, qu’eu égard à la nature des attributions conférées à la haute autorité pour l’examen des déclarations de situation patrimoniale, la circonstance que les différentes fonctions exercées au cours de la procédure dont elle a la charge n’ont pas été confiées à des organes distincts ne saurait, par elle-même, traduire un manquement à l’indépendance et à l’impartialité de cette autorité15. À propos des moyens liés au principe du contradictoire, je juge rappelle que selon l’article LO 135-2 du Code électoral que la haute autorité pour la transparence de la vie publique ne peut rendre publique une déclaration de situation patrimoniale assortie d’une appréciation qu’après avoir mis le député concerné à même de présenter ses observations. La procédure définie aux articles LO 135-1 et suivants du Code électoral prévoit notamment que la déclaration de situation patrimoniale que lui a adressée un député est transmise à l’administration fiscale. Celle-ci fournit à la haute autorité tous les éléments lui permettant d’apprécier l’exhaustivité, l’exactitude et la sincérité de cette déclaration. La haute autorité peut en outre demander à l’administration fiscale d’exercer le droit de communication prévu à la section I du chapitre II du titre II de la première partie du livre des procédures fiscales, en vue de recueillir toutes informations utiles à l’accomplissement de sa mission. Afin de mettre l’intéressé à même de présenter ses observations, la haute autorité est tenue de communiquer au député qui lui en fait la demande l’ensemble des éléments, recueillis notamment auprès de l’administration fiscale, sur lesquels elle entend se fonder pour porter son appréciation. Or en l’espèce, par un courrier du 7 mai 2018, Mme A. a demandé à la haute autorité pour la transparence de la vie publique de lui communiquer l’ensemble des éléments qu’elle avait recueillis auprès de l’administration fiscale et sur lesquels elle s’était fondée pour apprécier sa déclaration de situation patrimoniale afin d’être mise à même de présenter utilement ses observations. Il n’est pas contesté que, par un courrier électronique du 15 mai 2018, la haute autorité a transmis à l’intéressée les éléments demandés. Il s’ensuit selon le Conseil d’État que le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense doit être écarté16. Sur le fond, les moyens tirés de l’inexactitude du contenu des actes contestés sont aussi écartés par le juge. Il estime en effet qu’il ne ressort pas des pièces du dossier, en particulier des éléments produits devant la haute autorité ou versés au cours de la procédure contradictoire devant le Conseil d’État, en l’absence de pièces justificatives relatives à la nature et au montant des travaux de restauration engagés et de documents attestant précisément de l’état du bien, que les conséquences de l’incendie qui s’est produit en janvier 2015 seraient telles, à la date du fait générateur de l’évaluation, que le bâtiment principal du bien immobilier situé dans le département des Hauts-de-Seine ne doive être valorisé qu’à hauteur de la valeur du terrain nu17. De même, selon le juge, ni la survenance de l’incendie mentionné au point précédent ni le caractère prétendument atypique du bâtiment mitoyen, présenté dans la déclaration comme une dépendance du bâtiment principal, éléments qu’il appartient, s’il y a lieu, à la haute autorité, de prendre en compte, sous le contrôle du juge, pour procéder à l’évaluation, ne sont de nature à interdire, par eux-mêmes, le recours à la méthode d’évaluation par comparaison avec des biens intrinsèquement similaires, qui a été retenue en l’espèce par la haute autorité. Il s’ensuit que cette dernière n’était pas tenue, comme le soutient la requérante, d’utiliser, pour évaluer le bien, la méthode de valorisation par capitalisation des revenus18. On observe donc que le juge vérifie tant les moyens de légalité externe que les moyens de légalité interne.

Sur la première, il sera sans doute amené, en fonction des pouvoirs exercés par les autorités de régulation à distinguer ce qui relève d’une procédure administrative non contentieuse de ce qui s’apparenterait davantage à une mesure de sanction. Sur la seconde, un travail de précision autour des « effets » de telle mesure attaquée, de « son objet » ou encore de ses répercussions sur autrui. La question des tiers devra d’ailleurs sans doute, tôt ou tard, être abordée. Car jusque-là, les espèces ont concerné la recevabilité et les personnes concernées. Mais il est probable que certaines espèces auront des impacts sur les tiers. Par exemple, un communiqué ayant des impacts potentiellement négatifs sur le requérant pourrait avoir des effets potentiellement positifs sur un tiers. Ce dernier pourrait dès lors être recevable à intervenir dans l’instance.

De plus, outre la question des cas d’ouverture, on pressent déjà qu’il ne s’agit pas tant d’obtenir l’annulation des mesures attaquées, vu leur nature souple et non créatrice de droits et d’obligations au sens traditionnel du terme, que d’obtenir la réparation d’éventuels préjudices causés par ces comportements des autorités de régulation. Il semble ainsi que se définit progressivement une nouvelle catégorie d’actes ou d’actions.

B – La définition progressive d’une nouvelle catégorie d’actes ou d’actions

Il semble que le juge façonne peu à peu une nouvelle catégorie d’actes administratifs que l’on pourrait nommer le « droit souple faisant grief ».

Comme le souligne à juste titre la rapporteure publique sur la présente affaire, ce qui est très intéressant dans ces évolutions réside dans « la question de la nature des appréciations auxquelles [le juge] fait face, qui prennent en pratique la forme de délibérations par lesquelles la haute autorité “décide” d’assortir les déclarations souscrites d’une appréciation. Ici, ce n’est évidemment pas la décision de formuler une appréciation qui est en litige, mais le contenu même de cette appréciation. Et un tel acte ne répond pas, matériellement, à la définition traditionnelle de la décision faisant grief en ce qu’il ne crée par lui-même pas de droit ou d’obligation, autrement dit en ce qu’il ne modifie en rien l’ordonnancement juridique19. En particulier, le Code électoral n’établit aucun lien entre la formulation d’appréciations et la transmission du dossier au parquet »20.

Elle précise d’ailleurs encore que « ces appréciations ont sans conteste des effets extra-juridiques, en termes d’honneur et de réputation. Elles sont mêmes conçues pour cela, afin de renforcer la probité et l’intégrité des parlementaires. La comparaison des textes applicables aux déclarations d’intérêts et de patrimoine des différents responsables publics fait ainsi apparaître que la haute autorité ne dispose pas de la faculté d’assortir les déclarations d’appréciations dans les cas dans lesquels elles ne sont pas rendues publiques »21.

Nous sommes ainsi aujourd’hui face à des autorités de régulation, et non de réglementation, qui disposent de pouvoirs de décision, et aussi de pouvoirs conduisant à l’adoption de mesures extra-juridiques ou encore para-juridiques, ou mieux encore sans doute, de « droit souple ». La catégorie n’a pas encore trouvé ses contours précis.

En effet, au regard des précédents, la frontière peut être ténue entre ce qui fait grief ou pas. Quels seront les critères d’évaluation ? Quels seuils déterminer pour mesurer la nécessité d’accueillir le recours ou pas ?

Il faut noter que le Conseil d’État, dans la même logique que les décisions citées plus haut relatives aux circulaires administratives, a amorcé des assouplissements des conditions de recevabilité du recours pour excès de pouvoir.

Il est possible de mentionner aussi, à propos du communiqué du Conseil supérieur de l’audiovisuel, la position accueillante du Conseil d’État. Il juge ainsi que, par sa délibération du 25 juin 2014, qui a fait l’objet d’une publication et d’un communiqué de presse publié le 25 juillet 2014, le CSA a estimé que le message litigieux ne pouvait être regardé ni comme un message publicitaire au sens de l’article 2 du décret du 27 mars 1992 fixant les principes généraux définissant les obligations des éditeurs de services en matière de publicité, de parrainage et de télé-achat, ni comme un message d’intérêt général au sens de l’article 14 du même décret ; qu’il en a déduit que, s’il pouvait être valorisé par une « diffusion mieux encadrée et contextualisée », un tel message ne pouvait être inséré au sein d’écrans publicitaires ; que le président du CSA a ainsi invité les responsables des trois services de télévision concernés, par son courrier du 17 juillet 2014, qui ne présente pas le caractère d’une mise en demeure au sens des dispositions de l’article 42 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ou des conventions définissant les obligations particulières des services concernés, à veiller, à l’avenir, aux modalités de diffusion de tels messages ; que, par son communiqué du 31 juillet 2014, le CSA a entendu préciser, par une « mise au point », la portée de son intervention, en soulignant qu’il n’avait nullement entendu gêner la diffusion à la télévision du message litigieux, dont il a relevé la contribution positive à la lutte contre la stigmatisation des personnes handicapées, mais seulement voulu attirer l’attention des responsables des services de télévision sur le fait que son insertion au sein d’écrans publicitaires était « inappropriée ». Le juge précise que si la délibération du 25 juin 2014 et les communiqués de presse des 25 et 31 juillet 2014 n’ont produit aucun effet de droit, ils ont eu pour objet d’influer de manière significative sur le comportement des services de télévision, en les invitant à éviter de procéder à l’avenir à de nouvelles diffusions du message litigieux ou à la diffusion de messages analogues dans le cadre de séquences publicitaires ; que, dans ces conditions, cette délibération et ces communiqués de presse peuvent faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ; qu’il suit de là que la fin de non-recevoir opposée par le CSA ne peut être accueillie22.

Le juge adopte la même attitude accueillante à propos des effets des lignes directrices adoptées par l’autorité de régulation des télécoms. Le Conseil d’État juge en effet que les lignes directrices par lesquelles les autorités de régulation définissent, le cas échéant, les conditions dans lesquelles elles entendent mettre en œuvre les prérogatives dont elles sont investies, peuvent faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, introduit par un requérant justifiant d’un intérêt direct et certain à leur annulation, lorsqu’elles sont de nature à produire des effets notables, notamment de nature économique, ou ont pour objet d’influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles elles s’adressent ; que, dans ce dernier cas, il appartient au juge, saisi de moyens en ce sens, d’examiner les vices susceptibles d’affecter la légalité de ces actes en tenant compte de leur nature et de leurs caractéristiques, ainsi que du pouvoir d’appréciation dont dispose l’autorité de régulation.

Dans l’espèce qui lui était alors soumise, le juge estime que les lignes directrices relatives au partage de réseaux mobiles publiées le 25 janvier 2016, adoptées par l’autorité de régulation des communications électroniques et des postes dans le cadre de sa mission de régulation du marché de la téléphonie mobile, ont pour objet de guider les opérateurs dans la conclusion de leurs accords de partage de réseaux mobiles afin que ces derniers soient conformes aux objectifs de la régulation définis à l’article 32-1 du Code des postes et des communications électroniques et aux engagements souscrits par les opérateurs au titre des autorisations d’utilisation de fréquences radioélectriques ; que ce document doit, dès lors, être regardé comme ayant pour objet d’influer de manière significative sur les comportements des personnes auquel il s’adresse ; que, dans ces conditions, les sociétés requérantes sont recevables à en demander l’annulation pour excès de pouvoir23.

Il en est ainsi, dans d’autres secteurs, par exemple celui des recommandations de la haute autorité de santé. Le haut conseil a ainsi estimé « qu’aux termes de l’article L. 161-37 du Code de la sécurité sociale, “la haute autorité de santé, autorité publique indépendante à caractère scientifique dotée de la personnalité morale, est chargée de : (…) / 2° Élaborer les guides de bon usage des soins ou les recommandations de bonne pratique, procéder à leur diffusion et contribuer à l’information des professionnels de santé et du public dans ces domaines, sans préjudice des mesures prises par l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé dans le cadre de ses missions de sécurité sanitaire” ; qu’aux termes de l’article R. 161-72 du même code, “dans le domaine de l’information des professionnels de santé et du public sur le bon usage des soins et les bonnes pratiques, la haute autorité : / 1° Élabore et diffuse des guides et tout autre document d’information, notamment sur les affections de longue durée, en tenant compte, le cas échéant, de ceux élaborés et diffusés par l’Institut national du cancer en application du 2° de l’article L. 1415-2 du Code de la santé publique (…)” ; que les recommandations de bonnes pratiques élaborées par la haute autorité de santé sur la base de ces dispositions ont pour objet de guider les professionnels de santé dans la définition et la mise en œuvre des stratégies de soins à visée préventive, diagnostique ou thérapeutique les plus appropriées, sur la base des connaissances médicales avérées à la date de leur édiction ; qu’eu égard à l’obligation déontologique, incombant aux professionnels de santé en vertu des dispositions du Code de la santé publique qui leur sont applicables, d’assurer au patient des soins fondés sur les données acquises de la science, telles qu’elles ressortent notamment de ces recommandations de bonnes pratiques, ces dernières doivent être regardées comme des décisions faisant grief susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ; qu’il en va, par suite, de même des refus d’abroger de telles recommandations ; qu’il suit de là que la fin de non-recevoir opposée par la haute autorité de santé, tirée de ce que son refus d’abroger la recommandation de bonne pratique litigieuse, exprimé par la lettre du président de la haute autorité en date du 7 septembre 2009, constituerait un acte insusceptible de recours, ne peut qu’être écartée »24.

De même, à propos de fiches de bon usage de médicament, le Conseil d’État, dans un arrêt de 2017, juge que « les avis, recommandations, mises en garde et prises de position adoptés par les autorités de régulation, dans l’exercice des missions dont elles sont investies, peuvent être déférés au juge de l’excès de pouvoir lorsqu’ils revêtent le caractère de dispositions générales et impératives ou lorsqu’ils énoncent des prescriptions individuelles dont ces autorités pourraient ultérieurement censurer la méconnaissance ». Ces actes peuvent également faire l’objet d’un tel recours, introduit par un requérant justifiant d’un intérêt direct et certain à leur annulation, lorsqu’ils sont de nature à produire des effets notables, notamment de nature économique, ou ont pour objet d’influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles ils s’adressent. Au regard de l’espèce qui lui était soumise, le Conseil estime que la fiche de bon usage du médicament attaquée, élaborée par la haute autorité de santé et publiée sur son site internet, explique les motifs pour lesquels la décision a été prise de ne plus rembourser les spécialités à base d’olmésartan et recommande « l’arrêt médicalement encadré de toutes les prescriptions à base d’olmésartan », au profit d’un autre sartan ou d’un autre anti-hypertenseur, en décrivant les alternatives disponibles et en précisant la conduite à tenir pour changer de traitement. Une telle recommandation est de nature à modifier les habitudes de prescription des praticiens dans le traitement de l’hypertension artérielle essentielle, ainsi que les comportements des pharmaciens et des patients eux-mêmes. Ainsi, les sociétés Menarini France et Daichii Sankyo France, qui commercialisent des spécialités à base d’olmésartan, sont recevables à en demander l’annulation pour excès de pouvoir25.

En revanche, dans la même espèce, le juge estime que le communiqué de presse attaqué, l’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et la haute autorité de santé informent du déremboursement des spécialités à base d’olmésartan résultant des arrêtés du 31 mars 2016, en donnent les motifs tels qu’ils ressortent de l’avis de la commission de la transparence du 29 avril 2015, recommandent d’encadrer médicalement ce déremboursement et renvoient aux éléments d’information complémentaire, tels que les fiches de bon usage du médicament ou les lettres aux professionnels de santé, mises à disposition des professionnels de santé et des patients sur leurs sites internet. Ce communiqué de presse, qui ne révèle par lui-même aucune décision et ne contient pas d’autres informations que celles qui ont été portées à la connaissance des professionnels de santé, notamment des prescripteurs, à la suite des arrêtés du 31 mars 2016, par la fiche de bon usage des médicaments de l’hypertension artérielle à base d’olmésartan, ne saurait être regardé comme de nature à produire des effets notables ou comme ayant pour objet d’influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles il s’adresse. Par suite, il n’est pas susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir26.

Le juge est accueillant mais vigilant en s’assurant de l’existence d’effets justifiant la recevabilité. Il a ainsi refusé d’étendre la recevabilité du recours pour excès de pouvoir contre des rescrits négatifs. Il juge ainsi qu’en grevant substantiellement leur prix de vente, l’application aux revues éditées par la société Export Press du taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée de 19,60 % était, compte tenu de la structure du marché concerné et de l’écart entre ce taux et le taux réduit de 5,50 %, de nature à pénaliser significativement ses ventes, sans possibilité pour elle, au demeurant, dans le cas où le juge de l’impôt ferait ultérieurement droit à sa thèse, d’obtenir le remboursement de l’excédent de taxe collectée et supportée en définitive par les consommateurs finaux. Eu égard à un tel effet, les lettres par lesquelles l’Administration, en réponse aux demandes de la société relevant du 1° de l’article L. 80 B du Livre des procédures fiscales, a pris position négativement sur la possibilité de soumettre les opérations de vente de ces revues au taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée de 5,50 % constituent des décisions faisant grief à la société Export Press et qui, compte tenu de ce qui a été dit au point 10, pouvaient être déférées directement au juge de l’excès de pouvoir. Par suite, en jugeant la société Export Press recevable à demander l’annulation des lettres du directeur régional des finances publiques d’Île-de-France et du département de Paris des 14, 18, 19 et 21 juin 2012, la cour administrative d’appel de Paris n’a pas commis d’erreur de droit27.

Dans le domaine économique encore, à propos de mesures prises par l’Autorité de la concurrence, le juge estime qu’il est loisible à l’Autorité de la concurrence, lorsqu’elle exerce la faculté d’émettre un avis que lui reconnaît l’article L. 462-4 du Code de commerce, de faire toute préconisation relative à la question de concurrence qui est l’objet de son analyse, qu’elle s’adresse au législateur, aux ministres intéressés ou aux opérateurs économiques. Il précise que les prises de position et recommandations qu’elle formule à cette occasion ne constituent pas des décisions faisant grief ; qu’il en irait toutefois différemment si elles revêtaient le caractère de dispositions générales et impératives ou de prescriptions individuelles dont l’Autorité pourrait ultérieurement censurer la méconnaissance, et que, sur le fondement de ces dispositions, la ville de Paris a, le 8 février 2011, demandé l’avis de l’Autorité de la concurrence concernant la situation concurrentielle dans le secteur de la distribution alimentaire à Paris ; que l’Autorité a adopté cet avis le 11 janvier 2012. Il indique encore que ce document procède à l’analyse des caractéristiques de la demande puis de l’offre en matière de distribution alimentaire à Paris et à la description détaillée des groupes et enseignes présents dans la capitale ; qu’il propose ensuite des principes de définition des marchés pertinents pour le domaine étudié et analyse la structure du marché, ainsi que le comportement des opérateurs en matière de prix, de marges et d’ouverture de nouveaux magasins ; qu’il formule, enfin, des recommandations, dont certaines sont susceptibles d’être mises en œuvre par le groupe Casino si ce dernier le souhaite, d’autres relèvent de la compétence de la ville de Paris et d’autres, enfin, nécessitent une intervention préalable du législateur. Le juge estime que si l’avis souligne l’importance de la position occupée par le groupe Casino sur le marché de la distribution alimentaire à Paris, cette analyse ne comporte pas, en elle-même, d’appréciations susceptibles d’emporter des effets de droit ; que, si elle était ultérieurement reprise par l’Autorité de la concurrence ou par une autre autorité dans le cadre d’une procédure aboutissant à une décision faisant grief, elle pourrait, à cette occasion, faire l’objet d’un débat contentieux ; que, dès lors et quelle que soit l’ampleur de la publicité dont il a fait l’objet, cet avis n’a pas le caractère de décision susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. Cette dernière décision est lue le 11 octobre 201228 et il n’est pas interdit de se demander si elle serait formulée de la même manière sept ans plus tard, après les interventions tant de l’étude du Conseil d’État rendue publique un an plus tard que des arrêts les plus récents admettant que des actes non normatifs puissent désormais faire grief et, à ce titre, être susceptibles de recours pour excès de pouvoir.

Il reste à préciser l’ensemble des conditions de recevabilité. Il conviendrait en effet de définir davantage les autorités de régulation, mais aussi les autres types d’autorités susceptibles d’adopter des positions susceptibles de recours, les actes attaquables, les effets ou objets des actes en question, ainsi que la nature même du contrôle qui sera effectué : contrôle restreint selon les sujets, contrôle entier selon d’autres. Ce sont autant de questions auxquelles les jurisprudences à venir viendront sans doute apporter des éléments de réponse.

Le droit administratif est ainsi en constante évolution, une évolution dans la continuité de la nature jurisprudentielle de ce droit que Prosper Weil estimait qu’il relevait du miracle. En effet, la justiciabilité croissante du droit souple relève à n’en pas douter de cette nature du droit. Du domaine économique au domaine de la transparence de la vie publique, le champ, comme les critères, seront probablement encore définis, précisés et polis par le juge administratif, au gré des espèces qui ne manqueront pas de se présenter à lui.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Étude du conseil d’État sur le droit souple, La Documentation française 2013.
  • 2.
    Le Conseil d’État rappelle ainsi que l’article 288 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui énumère les catégories d’actes juridiques de l’Union, mentionne, à côté des règlements, des directives et des décisions, qui relèvent du droit dur, les recommandations et les avis, qui « ne lient pas » leurs destinataires. Le terme de recommandation est également employé dans certains contextes spécifiques, comme celui de l’Union économique et monétaire (article 121 du TFUE). Les institutions de l’Union européenne emploient cependant d’autres appellations que celles d’avis ou de recommandations pour désigner leurs instruments de droit souple, sans que cela n’entraîne de différence quant aux effets de l’instrument. En matière de concurrence, la Commission adopte souvent des « lignes directrices », qui définissent la manière dont elle entend exercer ses pouvoirs de décision. Le terme de « communication » est également très employé, et recouvre des réalités diverses : il s’agit parfois d’une interprétation du droit de l’Union européenne, parfois de lignes directrices au sens indiqué ci-dessus, parfois de simples documents de consultation. Certaines formes de droit souple ont existé sans fondement dans le traité avant que celui-ci ne les consacre. C’est le cas des accords interinstitutionnels, qui ont été introduits à l’article 295 du TFUE par le traité de Lisbonne ; celui-ci prévoit que ces accords « peuvent revêtir un caractère contraignant », ce qui implique qu’ils peuvent également relever du droit souple. On peut enfin relever que le terme de « mémorandum » utilisé pour qualifier les accords passés entre l’Union européenne et les pays placés ces dernières années sous assistance financière (Grèce, Portugal et Irlande) ne doit pas tromper sur leur nature juridique : il s’agit de textes contraignants, le respect des engagements pris par l’État étant périodiquement vérifié et sanctionné par la suspension du versement de l’assistance financière. Étude précitée du Conseil d’État sur le droit souple p. 81.
  • 3.
    Idem. note précédente, p. 23.
  • 4.
    CE, 29 janv. 1954, n° 07134, Institution Notre-Dame du Kreisker.
  • 5.
    CE, sect., 18 déc. 2002, n° 233618, Duvignères.
  • 6.
    CE, sect., 18 déc. 2002, n° 233618, cons. 6.
  • 7.
    CE, sect., 11 déc. 1970, n° 78880, Crédit foncier de France.
  • 8.
    CE, 21 mars 2016, nos 368082 et 390023.
  • 9.
    Article 2 de la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes.
  • 10.
    CE, ass., 19 juill. 2019, n° 426389, point 1.
  • 11.
    CE, ass., 19 juill. 2019, n° 426389, point 4.
  • 12.
    Il se pourrait aussi, à l’avenir que d’autres types d’actes soient concernés. Ainsi que le souligne le Conseil d’État, dans son étude précitée de 2013 : « Dans l’ordre interne, il n’existe pas d’impossibilité juridique pour les pouvoirs publics de prendre des actes unilatéraux, dès lors qu’ils respectent le principe de légalité. En revanche, il peut arriver que plusieurs acteurs n’aient pas la capacité de souscrire entre eux un véritable engagement contractuel emportant des droits et obligations réciproques. C’est le cas de deux services d’une personne morale, notamment au sein de l’État, qui peuvent cependant souhaiter, compte tenu de leur autonomie administrative, prendre des engagements mutuels, comme dans les contrats de performance conclus à partir des années 1990 entre la direction du budget et des directions du ministère des Finances et du ministère de l’Équipement. Plus récemment, le ministère de la Ville a lancé la conclusion d’une série de conventions avec les autres ministères, qui visent à répondre à un problème récurrent de la politique de la ville, celui de la mobilisation des moyens dits de “droit commun” en faveur des quartiers concernés. Le ministre de la Ville gère en effet des dispositifs spécifiques, mais il est important que ceux-ci s’ajoutent et ne se substituent pas aux moyens habituels des politiques d’emploi, de sécurité ou de santé. Par exemple, la “convention d’objectifs pour les quartiers prioritaires 2013-2015” conclue le 25 avril 2013 avec le ministre de l’Emploi, qui fixe des objectifs d’accès des habitants des zones urbaines sensibles aux différents dispositifs de la politique de l’emploi et prévoit de renforcer dans ces quartiers la présence de Pôle emploi et des missions locales pour les jeunes », p. 86.
  • 13.
    Arrêt Numericable, CE, 21 mars 2016, n° 390023.
  • 14.
    Arrêt Fairvesta, CE, 21 mars 2016, n° 368082.
  • 15.
    CE, ass., 19 juill. 2019, n° 426389, point 5.
  • 16.
    CE, ass., 19 juill. 2019, n° 426389, points 6 et 7.
  • 17.
    CE, ass., 19 juill. 2019, n° 426389, point 8.
  • 18.
    CE, ass., 19 juill. 2019, n° 426389, points 10 et 11.
  • 19.
    V. les conclusions de Martine Laroque sous CE, 27 mai 1987, n° 83292, Sté Laboratoire Goupil, p. 181.
  • 20.
    Conclusions d’Anne Iljic sur l’affaire ici commentée. Nous lui adressons nos remerciements pour leur communication.
  • 21.
    La possibilité d’assortir les déclarations d’appréciations s’agissant des déclarations de patrimoine et d’intérêts des membres du gouvernement est prévue par l’article 5 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique. Une telle faculté n’est en revanche pas prévue pour les personnes mentionnées à l’article 11 de cette loi, dont les déclarations de situation patrimoniale, hormis le cas des parlementaires européens, ne font l’objet d’aucune mesure de publicité.
  • 22.
    CE, 10 nov. 2016, n° 384691.
  • 23.
    CE, 13 déc. 2017, nos 401799, 401830 et 401912, Sté Bouygues Télécom et a.
  • 24.
    CE, 27 avr. 2011, n° 334396.
  • 25.
    CE, 19 juill. 2017, n° 399766.
  • 26.
    CE, 19 juill. 2017, n° 399766.
  • 27.
    CE, sect., 2 déc. 2016, nos 387613, 387631, 387632, 387633, 387637, 387638, ministre des Finances et des comptes publics c/ Sté Export Press, point 11.
  • 28.
    CE, 12 avr. 2012, n° 57193.
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