Panorama de droit administratif (15 février – 31 mars 2019)
Ce panorama est particulièrement riche de nouveautés en contentieux, avec notamment les premières applications du décret JADE et l’extension de la jurisprudence Czabaj aux décisions implicites et à l’exception d’illégalité. On relèvera également les décisions sur la notion de maladie imputable au service et celle de voie de fait et des solutions nouvelles : l’autorité relative de la chose jugée par un tribunal pénal international, le caractère communicable d’un protocole transactionnel, la détection d’un vice d’une particulière gravité dans le fait de favoriser un candidat à un contrat de la commande publique, la reconnaissance de la possibilité de louer de façon pérenne un bien du domaine privé à une association cultuelle, et le possible rebondissement de « l’affaire des emprunts russes ».
Régularisation d’une autorisation d’urbanisme et office du juge
CE, sect., 15 févr. 2019, n° 401384, Cne de Cogolin. L’autorité administrative saisie d’une demande de permis de construire peut relever les inexactitudes entachant les éléments du dossier de demande relatifs au terrain d’assiette du projet, notamment sa surface ou l’emplacement de ses limites séparatives, et, de façon plus générale, relatifs à l’environnement du projet de construction, pour apprécier si ce dernier respecte les règles d’urbanisme qui s’imposent à lui. En revanche, le permis de construire n’ayant d’autre objet que d’autoriser la construction conforme aux plans et indications fournis par le pétitionnaire, elle n’a à vérifier ni l’exactitude des déclarations du demandeur relatives à la consistance du projet à moins qu’elles ne soient contredites par les autres éléments du dossier joint à la demande tels que limitativement définis par les articles R. 431-4 et suivants du Code de l’urbanisme, ni l’intention du demandeur de les respecter, sauf en présence d’éléments établissant l’existence d’une fraude à la date à laquelle l’administration se prononce sur la demande d’autorisation.
Saisi d’un pourvoi dirigé contre une décision juridictionnelle retenant plusieurs motifs d’illégalité d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager, puis refusant de faire usage des dispositions des articles L. 600-5 ou L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme, le juge de cassation, dans le cas où il censure une partie de ces motifs, ne peut rejeter le pourvoi qu’après avoir vérifié si les autres motifs retenus et qui demeurent justifient ce refus1.
En l’absence de disposition expresse y faisant obstacle, ces dispositions, qui conduisent à donner compétence au juge d’appel pour statuer sur une décision modificative ou une mesure de régularisation si celle-ci est communiquée au cours de l’instance relative à l’autorisation délivrée initialement, sont applicables aux instances en cours à la date de leur entrée en vigueur (le 1er janvier 2019).
Lorsqu’un tribunal administratif, après avoir écarté comme non fondés les autres moyens de la requête, a retenu l’existence d’un ou plusieurs vices entachant la légalité du permis de construire, de démolir ou d’aménager dont l’annulation lui était demandée et, après avoir estimé que ce ou ces vices étaient régularisables par un permis modificatif, a décidé de faire usage des pouvoirs qu’il tient de l’article L. 600-5 du Code de l’urbanisme en prononçant une annulation partielle du permis attaqué et en fixant, le cas échéant, le délai dans lequel le titulaire du permis en cause pourra en demander la régularisation, l’auteur du recours formé contre le permis est recevable à faire appel du jugement en tant qu’en écartant certains de ses moyens et en faisant usage de l’article L. 600-5, il a rejeté sa demande d’annulation totale du permis, le titulaire du permis et l’autorité publique qui l’a délivré étant pour leur part recevables à contester le jugement en tant qu’en retenant l’existence d’un ou plusieurs vices entachant la légalité du permis attaqué, il n’a pas complètement rejeté la demande du requérant.
Lorsque le juge d’appel est saisi dans ces conditions d’un appel contre le jugement du tribunal administratif et qu’un permis modificatif a été délivré aux fins de régulariser les vices du permis relevés par ce jugement, il résulte de l’article L. 600-5-2 du Code de l’urbanisme précité que le bénéficiaire ou l’auteur de cette mesure de régularisation la lui communique sans délai, les parties de première instance comme les tiers, en application des dispositions de l’article R. 345-1 du Code de justice administrative, ne pouvant contester cette mesure que devant lui tant que l’instance d’appel est en cours. Par suite, si un recours pour excès de pouvoir a été formé contre cette mesure de régularisation devant le tribunal administratif, ce dernier la transmet, en application des articles R. 351-3 et, le cas échéant, R. 345-2 du Code de justice administrative, à la cour administrative d’appel saisie de l’appel contre le permis initial.
Il appartient alors au juge d’appel de se prononcer, dans un premier temps, sur la légalité du permis initial tel qu’attaqué devant le tribunal administratif. S’il estime qu’aucun des moyens dirigés contre ce permis, soulevés en première instance ou directement devant lui, n’est fondé, le juge d’appel doit annuler le jugement, rejeter la demande d’annulation dirigée contre le permis et, s’il est saisi de conclusions en ce sens, statuer également sur la légalité de la mesure de régularisation. Si au contraire, il estime fondés un ou plusieurs des moyens dirigés contre le permis initial mais que les vices affectant ce permis ne sont pas régularisables, le juge d’appel doit annuler le jugement en tant qu’il ne prononce qu’une annulation partielle du permis et annuler ce permis dans son ensemble, alors même qu’une mesure de régularisation est intervenue postérieurement au jugement de première instance, cette dernière ne pouvant alors, eu égard aux vices affectant le permis initial, avoir pour effet de le régulariser. Il doit par suite également annuler cette mesure de régularisation par voie de conséquence.
Dans les autres cas, c’est-à-dire lorsque le juge d’appel estime que le permis initialement attaqué est affecté d’un ou plusieurs vices régularisables, il statue ensuite sur la légalité de ce permis en prenant en compte les mesures prises le cas échéant en vue de régulariser ces vices, en se prononçant sur leur légalité si elle est contestée. Au terme de cet examen, s’il estime que le permis ainsi modifié est régularisé, le juge rejette les conclusions dirigées contre la mesure de régularisation. S’il constate que le permis ainsi modifié est toujours affecté d’un vice, il peut faire application des dispositions de l’article L. 600-5 ou de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme pour permettre sa régularisation.
Autorité relative de chose jugée des décisions des tribunaux pénaux internationaux
CE, 28 févr. 2019, n° 414821, A. L’autorité de chose jugée par une juridiction pénale française ne s’impose au juge administratif qu’en ce qui concerne les constatations de fait qu’elle a retenues et qui sont le support nécessaire du dispositif d’un jugement qu’elle a rendu et qui est devenu définitif, tandis que la même autorité ne saurait s’attacher aux motifs d’un jugement de relaxe ou d’acquittement tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu’un doute subsiste sur leur réalité2. Ces principes s’attachent également aux décisions juridictionnelles rendues par les tribunaux pénaux internationaux créés par le Conseil de sécurité des Nations Unies.
Dommages de travaux publics et référé mesures utiles
CE, 28 févr. 2019, n° 424005, Sté Sodifram. Saisi sur le fondement de l’article L. 521-3 du Code de justice administrative d’une demande qui n’est pas manifestement insusceptible de se rattacher à un litige relevant de la compétence du juge administratif, le juge des référés peut prescrire, à des fins conservatoires ou à titre provisoire, toutes mesures que l’urgence justifie, notamment sous forme d’injonctions adressées à l’administration, à la condition que ces mesures soient utiles et ne se heurtent à aucune contestation sérieuse. En particulier le juge des référés, saisi dans ce cadre, peut pour prévenir ou faire cesser un dommage dont l’imputabilité à des travaux publics ou à un ouvrage public ne se heurte à aucune contestation sérieuse, enjoindre au responsable du dommage de prendre des mesures conservatoires destinées à faire échec ou mettre un terme à des dangers immédiats.
À la suite de précédentes inondations, le département a mis en place des caniveaux et d’autres ouvrages d’évacuation des eaux pluviales. Si la société requérante soutient qu’en raison de l’entretien insuffisant de ces installations, de nouvelles inondations se sont produites qui ont rendu nécessaires des opérations de nettoyage de son parking et d’un local situé en rez-de-chaussée en raison de la boue déposée par l’inondation et si elle se prévaut de l’approche de la saison des pluies, elle ne justifie pas de l’existence d’un danger immédiat permettant au juge des référés saisi dans le cadre des dispositions de l’article L. 521-3 du Code de justice administrative d’ordonner à une personne publique de procéder à des travaux conservatoires. Il suit de là que la condition d’urgence exigée par les dispositions de l’article L. 521-3 du Code de justice administrative n’est pas remplie.
Application de la jurisprudence Czabaj à l’exception d’illégalité des actes individuels
CE, 27 févr. 2019, n° 418950, A. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l’effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d’une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l’obligation d’informer l’intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l’absence de preuve qu’une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le Code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d’un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l’exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder 1 an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu’il en a eu connaissance3.
Le refus de promotion opposé au requérant a été confirmé en dernier lieu par un courriel, dont la copie lui a été adressée le 6 janvier 2014. Si le délai de 2 mois fixé par les dispositions de l’article R. 421-1 du Code de justice administrative ne lui était pas opposable en ce qui concerne cette décision, en l’absence d’indications sur les voies et les délais de recours, l’intéressé, qui ne fait état d’aucune circonstance particulière qui aurait été de nature à conserver à son égard le délai de recours contentieux, n’a introduit un recours devant le tribunal administratif contre cette décision que le 11 avril 2015, soit plus d’1 an après en avoir eu connaissance. Ce recours était dès lors tardif. Le moyen tiré de l’illégalité de cette décision, qui n’a été soulevé par le requérant que dans sa requête enregistrée le 21 avril 2016 à l’encontre du titre de pension en litige, est par suite et en tout état de cause irrecevable.
Location pérenne d’un bien du domaine privé à une association cultuelle
CE, 7 mars 2019, n° 417629, Cne de Valbonne. Les locaux mis à la disposition d’une association musulmane, anciennement utilisés pour les besoins d’un restaurant interentreprises et n’ayant pas fait l’objet d’une affectation à l’usage direct du public, ni à un service public, appartiennent au domaine privé de la commune, sans qu’aient d’incidence à cet égard ni la circonstance que la commune a mis à disposition du centre hospitalier d’Antibes des locaux situés au sous-sol du même immeuble disposant d’un accès distinct, ni l’existence d’un projet d’installation dans les locaux en litige d’une gendarmerie qui ne peut être regardé comme entrepris de façon certaine4.
Si la contestation par une personne privée de l’acte, délibération ou décision du maire, par lequel une commune ou son représentant, gestionnaire du domaine privé, initie avec cette personne, conduit ou termine une relation contractuelle dont l’objet est la valorisation ou la protection de ce domaine et qui n’affecte ni son périmètre ni sa consistance relève de la compétence du juge judiciaire5, la juridiction administrative est compétente pour connaître de la demande formée par un tiers tendant à l’annulation de la délibération d’un conseil municipal autorisant la conclusion d’une convention ayant pour objet la mise à disposition d’une dépendance du domaine privé communal et de la décision du maire de la signer.
Sont regardés comme des locaux communaux, au sens et pour l’application de l’article L. 2144-3 du Code général des collectivités territoriales, les locaux affectés aux services publics communaux.
Ces dispositions permettent à une commune, en tenant compte des nécessités qu’elles mentionnent, d’autoriser, dans le respect du principe de neutralité à l’égard des cultes et du principe d’égalité, l’utilisation pour l’exercice d’un culte par une association d’un local communal, dès lors que les conditions financières de cette autorisation excluent toute libéralité et, par suite, toute aide à un culte. Une commune ne peut rejeter une demande d’utilisation d’un tel local au seul motif que cette demande lui est adressée par une association dans le but d’exercer un culte. En revanche, une commune ne peut, sans méconnaître ces dispositions, décider qu’un local lui appartenant relevant de l’article L. 2144-3 du code précité sera laissé de façon exclusive et pérenne à la disposition d’une association pour l’exercice d’un culte et constituera ainsi un édifice cultuel6.
Les collectivités territoriales peuvent donner à bail, et ainsi pour un usage exclusif et pérenne, à une association cultuelle un local existant de leur domaine privé sans méconnaître les dispositions des articles 1er et 2 de la loi du 9 décembre 1905 dès lors que les conditions, notamment financières, de cette location excluent toute libéralité.
Emprunts russes : responsabilité de l’État pour rupture d’égalité devant les charges publiques ?
TC, 11 mars 2019, n° 4153, Mme C, épouse D. L’intéressée, devenue propriétaire, par héritage, de titres d’emprunt russes, soutient que la France aurait, en s’abstenant de faire pression sur la Russie pour protéger les intérêts des détenteurs français de titres d’emprunt russes puis en concluant avec la Russie l’accord du 27 mai 1997, qui a notamment entendu procéder au « règlement complet et définitif » de la question dite des « emprunts russes », commis des fautes qui sont à l’origine du préjudice qu’elle subit en étant privée de la somme à laquelle elle estime avoir droit. Le préjudice ainsi invoqué n’est pas détachable de la conduite des relations entre la France et la Russie7 et ne saurait par suite engager la responsabilité de l’État sur le fondement de la faute8. La juridiction administrative et la juridiction judiciaire sont l’une et l’autre incompétentes pour en connaître.
L’intéressée soutient par ailleurs qu’elle entend aussi poursuivre la responsabilité de l’État, sur le fondement de l’égalité des citoyens devant les charges publiques, en réparation du préjudice qu’elle estime subir du fait de l’accord franco-russe du 27 mai 1997. Il n’appartient qu’à la juridiction administrative de connaître d’une telle demande9.
Absence de voie de fait en cas de destructions dans le cadre d’une procédure judiciaire
TC, 11 mars 2019, n° 4152, EURL La Joly. Si les destructions à raison desquelles a été formée la demande indemnitaire en litige ont abouti à l’extinction d’un droit de propriété de la société intéressée, elles sont intervenues en application de l’article 140 du Code minier. Elles ne peuvent, par suite, être qualifiées de voie de fait10.
Ces destructions ont été ordonnées, sur le fondement de l’article 140 du Code minier, par réquisitions du procureur de la République et sur instructions données sur place par le substitut du procureur de la République. La demande indemnitaire met ainsi en cause des actes se rattachant directement à une procédure judiciaire et relève, dès lors, de la compétence de la juridiction judiciaire11.
Notion de maladie imputable au service
CE, 13 mars 2019, n° 407795, Mme A. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l’exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu’un fait personnel de l’agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l’aggravation de la maladie du service12.
Favoriser un candidat est un vice d’une particulière gravité justifiant l’annulation du contrat
CE, 15 mars 2019, n° 413584, SA gardéenne d’économie mixte. Quand bien même son offre aurait-elle pu être rejetée comme irrégulière ou inacceptable, la société requérante, en sa qualité de concurrent évincé, avait bien intérêt à demander l’annulation de la convention litigieuse. Est sans incidence à cet égard la circonstance que la démarche contentieuse engagée par la société serait animée par des motifs prétendument illégitimes.
Les dossiers de demande de permis de construire, sur la base desquels les offres devaient être élaborées, ont été établis par un cabinet d’architecture, maître d’œuvre de la commune. Or, ce même cabinet d’architecture a été, aux termes d’une prestation rémunérée, le conseil de la société concessionnaire, y compris pendant la phase de négociation des offres.
L’offre retenue comportait, en méconnaissance du règlement de consultation, un nombre très significatif de logements sociaux, pour lesquels les constructeurs bénéficiaient d’importantes subventions publiques et de taux d’emprunt privilégiés, qui étaient de nature à modifier nettement l’équilibre économique du contrat.
Les vices entachant la convention litigieuse révèlent également une volonté de la personne publique de favoriser un candidat et ont affecté gravement la légalité du choix du concessionnaire. Par leur particulière gravité et en l’absence de régularisation possible, ils impliquent que soit prononcée l’annulation de la concession d’aménagement litigieuse, dès lors que, contrairement à ce qui est soutenu en défense, une telle mesure ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général.
En effet, l’annulation d’une concession d’aménagement n’a pas, par elle-même, pour effet d’anéantir rétroactivement les actes passés pour son application.
Ni la circonstance que la concession soit arrivée à son terme en août 2017 et que les travaux prévus seraient achevés, qui n’est pas de nature à priver d’objet une mesure d’annulation et ne révèle par elle-même aucune atteinte à l’intérêt général, ni l’hypothèse qu’une indemnité serait due par la commune ne sont de nature à faire obstacle au prononcé de l’annulation du contrat.
Un justiciable sourd doit pouvoir communiquer pendant l’audience
CE, 15 mars 2019, n° 414751, B. Les principes du caractère contradictoire de la procédure et des droits de la défense impliquent qu’un justiciable atteint de surdité puisse se présenter à l’audience accompagné d’une personne maîtrisant un langage ou une méthode permettant de communiquer avec les personnes sourdes ou équipé d’un dispositif technique permettant cette communication, en vue de bénéficier, dans le respect du bon déroulement de l’audience, de l’assistance de cette personne ou de ce dispositif. En outre, il résulte du premier alinéa de l’article 76 de la loi du 11 février 2005 que les juridictions sont tenues de fournir aux personnes présentes à l’instance qui en font la demande en temps utile l’assistance qu’impose leur surdité. La méconnaissance de cette obligation entache en principe d’irrégularité la décision juridictionnelle. Il ne peut en aller autrement que s’il est établi qu’elle n’a pas privé l’intéressé de la possibilité de présenter des observations au cours de l’audience ou une note en délibéré à l’issue de celle-ci.
Un protocole transactionnel est un document communicable
CE, 18 mars 2019, n° 403465, Ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Un protocole transactionnel conclu par l’administration afin de prévenir ou d’éteindre un litige relevant de la compétence de la juridiction administrative constitue un contrat administratif et présente le caractère d’un document administratif communicable dans les conditions définies par les dispositions des articles L. 300-1 à L. 311-2 et du f) du 2° de l’article L. 311-5 du Code des relations entre le public et l’administration. Lorsqu’un tel contrat vise à éteindre un litige porté devant la juridiction administrative, sa communication est toutefois de nature à porter atteinte au déroulement de la procédure juridictionnelle engagée. Elle ne peut, dès lors, intervenir, sous réserve du respect des autres secrets protégés par la loi tel notamment le secret en matière commerciale et industrielle, qu’après que l’instance en cause a pris fin.
Application de la jurisprudence Czabaj aux décisions implicites
CE, 18 mars 2019, n° 417270, B. Les règles relatives au délai raisonnable au-delà duquel le destinataire d’une décision ne peut exercer de recours juridictionnel, qui ne peut en règle générale excéder 1 an sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, sont également applicables à la contestation d’une décision implicite de rejet née du silence gardé par l’administration sur une demande présentée devant elle, lorsqu’il est établi que le demandeur a eu connaissance de la décision. La preuve d’une telle connaissance ne saurait résulter du seul écoulement du temps depuis la présentation de la demande. Elle peut en revanche résulter de ce qu’il est établi, soit que l’intéressé a été clairement informé des conditions de naissance d’une décision implicite lors de la présentation de sa demande, soit que la décision a par la suite été expressément mentionnée au cours de ses échanges avec l’administration, notamment à l’occasion d’un recours gracieux dirigé contre cette décision. Le demandeur, s’il n’a pas été informé des voies et délais de recours dans les conditions prévues par l’article 19 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et l’article R. 112-11-1 du Code des relations entre le public et l’administration dispose alors, pour saisir le juge, d’un délai raisonnable qui court, dans la première hypothèse, de la date de naissance de la décision implicite et, dans la seconde, de la date de l’événement établissant qu’il a eu connaissance de la décision13.
Obligation de décision administrative préalable en plein contentieux
CE, sect., 27 mars 2019, n° 426472, M. et Mme D., avis. Il résulte de l’article R. 421-1 du Code de justice administrative, dans sa rédaction résultant du décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 (JADE) qu’en l’absence d’une décision de l’administration rejetant une demande formée devant elle par le requérant ou pour son compte, une requête tendant au versement d’une somme d’argent est irrecevable et peut être rejetée pour ce motif même si, dans son mémoire en défense, l’administration n’a pas soutenu que cette requête était irrecevable, mais seulement que les conclusions du requérant n’étaient pas fondées14.
En revanche, les termes du second alinéa de l’article R. 421-1 du Code de justice administrative n’impliquent pas que la condition de recevabilité de la requête tenant à l’existence d’une décision de l’administration s’apprécie à la date de son introduction. Cette condition doit être regardée comme remplie si, à la date à laquelle le juge statue, l’administration a pris une décision, expresse ou implicite, sur une demande formée devant elle. Par suite, l’intervention d’une telle décision en cours d’instance régularise la requête, sans qu’il soit nécessaire que le requérant confirme ses conclusions et alors même que l’administration aurait auparavant opposé une fin de non-recevoir fondée sur l’absence de décision.
Notes de bas de pages
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1.
V. CE, sect., 22 avr. 2005, n° 257877, Cne du Barcarès : Lebon, p. 170.
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2.
V. CE, ass., 12 oct. 2018, n° 408567, SARL Super Coiffeur : Lebon, p. 373.
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3.
V. CE, ass., 13 juill. 2016, n° 387763, Czabaj : Lebon, p. 340.
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4.
V. CE, ass., 19 juill. 2011, n° 313518, Cne de Montpellier : Lebon, p. 398.
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5.
V. TC, 22 nov. 2010, n° 3764, SARL Brasserie du Théâtre c/ Cne de Reims : Lebon, p. 590.
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6.
V. CE, 13 avr. 2016, n° 391431, Cne de Baillargues : Lebon, p. 131.
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7.
Rappr. CE, 29 nov. 1968, n° 68938 : Lebon, p. 607.
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8.
Rappr. CE, 3 oct. 2018, n° 410611, M. : Lebon, p. 359.
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9.
Rappr. CE, ass., 30 mars 1966, n° 50515, Cie gén. d’énergie radio-électrique : Lebon, p. 257.
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10.
Cf. TC, 27 juin 2013, n° 3911, M. c/ Sté ERDF Annecy Léman : Lebon, p. 370.
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11.
V. TC, 15 avr. 2013, n° 3895, M. c/ Agent judiciaire du Trésor : Lebon T., p. 511.
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12.
Rappr. CE, sect., 16 juill. 2014, n° 361820, X. : Lebon, p. 222.
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13.
V. CE, ass., 13 juill. 2016, n° 387763, Czabaj : Lebon, p. 340.
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14.
Ab. jur. CE, 18 févr. 1959, n° 37634, V. de Roubaix : Lebon, p. 125 – CE, ass., 23 avr. 1965, n° 60721 : Lebon, p. 231.