Panorama de droit administratif (15 juillet – 30 septembre 2018)

Publié le 22/11/2018

Le juge administratif a commencé à préciser le contrôle qu’il portera sur les autorisations environnementales comme en témoignent deux avis présentés dans ce panorama, qui comporte également des décisions rendues en matière de fonction publique, de contravention de grande voirie, de collectivités territoriales, de retrait des actes administratifs et d’exception d’illégalité.

Inopérance de l’exception d’illégalité tirée d’une délibération du département pour contester la décision du préfet de fermer un collège

CE, 18 juill. 2018, n° 420047, Cne de Val-de-Reuil et a. Il résulte des articles L. 421-1 et L. 213-1 du Code de l’éducation que le législateur a entendu partager la compétence pour l’organisation du service public de l’enseignement du second degré entre l’État, d’une part, et, s’agissant des collèges, le département, d’autre part. La décision de fermeture d’un collège ne saurait, dès lors, intervenir qu’au terme d’une procédure permettant de recueillir l’accord tant du représentant de l’État que des organes compétents du département concerné1.

Si la décision par laquelle le représentant de l’État dans le département décide, sur le fondement des dispositions de l’article L. 421-1 du Code de l’éducation, la fermeture d’un collège ne peut intervenir que dans le cadre d’une procédure permettant de recueillir l’accord du département, cette décision n’est pas prise pour l’application de la délibération par laquelle le département décide, en vertu des dispositions de l’article L. 213-1 du même code, la localisation des établissements et leur secteur de recrutement. Cette dernière délibération ne constitue pas davantage la base légale de la décision de fermeture prise par l’autorité de l’État.

Il résulte de ce qui précède que l’ensemble des moyens présentés devant le juge des référés tirés, par la voie de l’exception, de l’illégalité de la délibération du conseil départemental à l’encontre de l’arrêté préfectoral relatif à la fermeture de ce collège étaient inopérants2.

Contrôle de la légalité de la suspension d’un professeur des universités

CE, 18 juill. 2018, n° 418844, M. C. B. L’intéressé, professeur des universités, n’est pas fondé à soutenir que l’arrêté le suspendant de ses fonctions, pris sur le fondement de l’article L. 951-4 du Code de l’éducation, dans le but exclusif de préserver, alors même qu’une procédure disciplinaire venait d’être engagée à son encontre pour des faits de « harcèlements sexuel et moral », le bon fonctionnement du service public universitaire, revêt le caractère d’une sanction disciplinaire déguisée3. Ayant ainsi pour objet de restaurer et préserver, dans l’intérêt de l’ensemble des étudiants et du corps enseignant, la sérénité nécessaire au déroulement des cours et aux activités de recherche universitaire, elle ne revêt pas davantage le caractère d’une mesure prise en considération de la personne au sens des dispositions de l’article L. 121-1 du Code des relations entre le public et l’Administration. Il s’ensuit que si, pour apprécier le bien-fondé de la mesure de suspension, la présidente de l’université aurait pu utilement entendre l’intéressé avant l’édiction de cette mesure, l’arrêté attaqué n’est entaché d’un vice de procédure faute d’avoir été précédé d’une procédure contradictoire.

Eu égard à la nature de l’acte de suspension et à la nécessité d’apprécier, à la date à laquelle cet acte a été pris, la condition de légalité tenant au caractère vraisemblable de certains faits, il appartient au juge de l’excès de pouvoir de statuer au vu des informations dont disposait effectivement l’autorité administrative au jour de sa décision4. Les éléments nouveaux qui seraient, le cas échéant, portés à la connaissance de l’Administration postérieurement à sa décision, ne peuvent, alors même qu’ils seraient relatifs à la situation de fait prévalant à la date de l’acte litigieux, être utilement invoqués au soutien d’un recours en excès de pouvoir contre cet acte. L’Administration est en revanche tenue d’abroger la décision en cause si de tels éléments font apparaître que la condition tenant à la vraisemblance des faits à l’origine de la mesure n’est plus satisfaite5.

Compétence du ministre de l’Intérieur en matière d’avantage spécifique d’ancienneté

CE, avis, 18 juill. 2018, n° 419074, A. La liste des circonscriptions de police ouvrant droit à l’avantage spécifique d’ancienneté a d’abord été fixée par un arrêté du 17 janvier 2001. Le Conseil d’État ayant, par voie d’exception, constaté l’illégalité de cet arrêté, les ministres compétents ont pris, le 3 décembre 2015, un nouvel arrêté, publié au Journal officiel de la République française le 16 décembre suivant.

L’illégalité de l’arrêté du 17 janvier 2001 fixant la liste des circonscriptions de police ouvrant droit à l’avantage spécifique d’ancienneté en faveur des fonctionnaires de l’État et gendarmes affectés dans certains quartiers difficiles n’implique pas que l’Administration serait tenue de rejeter les demandes des fonctionnaires de police tendant à l’attribution de l’avantage spécifique d’ancienneté au titre de services accomplis antérieurement à l’entrée en vigueur de l’arrêté du 3 décembre 2015. Saisi d’une telle demande, le ministre de l’Intérieur doit y faire droit, sous réserve, s’agissant du versement de rappels de traitement, de l’application des dispositions relatives à la prescription des créances sur l’État, si l’agent était affecté à une circonscription de police, ou une subdivision d’une telle circonscription, où se posaient des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, au sens et pour l’application des dispositions de l’article 11 de la loi du 26 juillet 1991.

Si, en vertu de l’article 1er du décret du 21 mars 1995, l’inscription d’une circonscription de police sur la liste de celles qui correspondent à des quartiers où se posent des problèmes sociaux ou de sécurité particulièrement difficiles relève des ministres chargés de la Sécurité, de la Ville, de la Fonction publique et du Budget, le ministre de l’Intérieur, saisi d’une demande d’un fonctionnaire relative à des services antérieurs à l’entrée en vigueur de l’arrêté du 3 décembre 2015, n’excède pas sa compétence en opposant un refus au motif que ces services n’ont pas été accomplis dans une circonscription où se posent de tels problèmes, sans avoir préalablement consulté les autres ministres. Rien ne s’oppose à ce qu’il fonde son appréciation sur les critères et la méthodologie qui ont été mis en œuvre pour élaborer l’arrêté du 3 décembre 2015.6

Contrôle du juge sur une autorisation environnementale

CE, avis, 26 juill. 2018, n° 416831, Association « Non au projet éolien de Walincourt-Selvigny et Haucourt-en-Cambrésis » et a. Si, en application du 1° de l’article 15 de l’ordonnance du 26 janvier 2017, les autorisations uniques délivrées au titre de l’ordonnance du 20 mars 2014 sont considérées, depuis le 1er mars 2017, comme des autorisations environnementales, il revient au juge administratif, lorsqu’il est saisi d’une contestation contre une autorisation unique, d’en apprécier la légalité au regard des règles de procédure relatives aux autorisations uniques applicables à la date de sa délivrance.

Par ailleurs, lorsqu’il estime qu’une autorisation unique a été délivrée en méconnaissance des règles de procédure applicables à la date de sa délivrance, le juge peut, eu égard à son office de juge du plein contentieux, prendre en compte la circonstance, appréciée à la date à laquelle il statue, que de telles irrégularités ont été régularisées, sous réserve qu’elles n’aient pas eu pour effet de nuire à l’information complète de la population. En outre, si une telle régularisation n’est pas intervenue à la date à laquelle il statue, le juge peut, en application de l’article L. 181-18 du Code de l’environnement, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration d’un délai qu’il fixe afin de permettre à l’administration de régulariser l’illégalité par une autorisation modificative7.

L’article 2 de l’ordonnance du 20 mars 2014 dispose que l’autorisation unique vaut permis de construire au titre de l’article L. 421-1 du Code de l’urbanisme. En revanche, il résulte de l’article L. 181-2 du Code de l’environnement que l’autorisation environnementale, contrairement à l’autorisation unique, ne tient pas lieu du permis de construire le cas échéant requis. Il en résulte que l’autorisation unique, alors même qu’elle doit être regardée comme une autorisation environnementale depuis le 1er mars 2017, continue également à produire ses effets en tant qu’elle vaut permis de construire. Le juge, saisi de moyens dirigés contre l’autorisation unique en tant qu’elle vaut permis de construire, statue alors comme juge de l’excès de pouvoir sur cette partie de l’autorisation.

Il résulte des articles L. 181-27 et D. 181-15-2 du Code de l’environnement qu’une autorisation d’exploiter une installation classée ne peut légalement être délivrée, sous le contrôle du juge du plein contentieux des installations classées, si les conditions qu’elles posent ne sont pas remplies. Lorsque le juge se prononce sur la légalité de l’autorisation avant la mise en service de l’installation, il lui appartient, si la méconnaissance de ces règles de fond est soulevée, de vérifier la pertinence des modalités selon lesquelles le pétitionnaire prévoit de disposer de capacités financières et techniques suffisantes pour assumer l’ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l’exploitation et de la remise en état du site, au regard des intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du Code de l’environnement, ainsi que les garanties de toute nature qu’il peut être appelé à constituer à cette fin en application des articles L. 516-1 et L. 516-2 du même code. Lorsque le juge se prononce après la mise en service de l’installation, il lui appartient de vérifier la réalité et le caractère suffisant des capacités financières et techniques du pétitionnaire ou, le cas échéant, de l’exploitant auquel il a transféré l’autorisation.

En outre, il résulte des règles de procédure prévues par les mêmes dispositions que le dossier d’une demande d’autorisation déposée depuis le 1er mars 2017 ne doit plus comporter des indications précises et étayées sur les capacités techniques et financières exigées par l’article L. 181-27 mais seulement une présentation des modalités prévues pour établir ces capacités, si elles ne sont pas encore constituées.

Ainsi, postérieurement à la délivrance de l’autorisation, le préfet peut à tout moment, en application de ces dispositions, prescrire, par arrêté complémentaire, la fourniture de précisions ou la mise à jour des informations relatives aux capacités techniques et financières de l’exploitant.

En outre, en vertu de l’article L. 171-8 du Code de l’environnement, en cas d’inobservation des prescriptions précitées, le préfet met en demeure la personne à laquelle incombe l’obligation d’y satisfaire dans un délai déterminé. Si, à l’expiration du délai imparti, il n’a pas été déféré à la mise en demeure, le préfet peut arrêter une ou plusieurs des sanctions administratives définies par cette disposition.

Enfin, les dispositions de l’article R. 181-52 du Code de l’environnement ne font pas obstacle à ce que les tiers puissent agir auprès du préfet s’ils estiment que l’exploitant ne justifie pas disposer des capacités techniques et financières exigées par l’article L. 181-27 du Code de l’environnement, et contester devant le juge administratif l’éventuel refus du préfet de prendre les mesures qu’ils estiment nécessaires.

Annulation du retrait d’une décision créatrice de droits : quels effets ?

CE, avis, 26 juill. 2018, n° 419204, B. Il résulte de l’article L. 242-1 du Code des relations entre le public et l’Administration que l’Administration dispose d’un délai de quatre mois suivant la prise d’une décision créatrice de droits pour retirer cette décision. Lorsqu’une décision créatrice de droits est retirée et que ce retrait est annulé, la décision initiale est rétablie à compter de la date de lecture de la décision juridictionnelle prononçant cette annulation8. Une telle annulation n’a, en revanche, pas pour effet d’ouvrir un nouveau délai de quatre mois pour retirer la décision initiale, alors même que celle-ci comporterait des irrégularités pouvant en justifier légalement le retrait.

Toutefois, lorsqu’une décision créatrice de droits a été retirée dans le délai de recours contentieux puis rétablie à la suite de l’annulation juridictionnelle de son retrait, le délai de recours contentieux court à nouveau à l’égard des tiers à compter de la date à laquelle la décision créatrice de droits ainsi rétablie fait à nouveau l’objet des formalités de publicité qui lui étaient applicables ou, si de telles formalités ne sont pas exigées, à compter de la date de notification du jugement d’annulation.

Lorsque la décision créatrice de droits remise en vigueur du fait de l’annulation de son retrait par le juge a pour auteur l’une des autorités mentionnées à l’article L. 2131-2 du Code général des collectivités territoriales, il appartient à cette autorité de transmettre cette décision au représentant de l’État dans le département dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement d’annulation. Le préfet dispose alors de la possibilité de déférer au tribunal administratif la décision ainsi remise en vigueur du fait de cette annulation s’il l’estime contraire à la légalité, dans les conditions prévues à l’article L. 2131-6 du même code.

Indemnisation au titre des frais d’assistance par une tierce personne : modalités de fixation

CE, 26 juill. 2018, n° 408806, Mme F. En vertu des principes qui régissent l’indemnisation par une personne publique des victimes d’un dommage dont elle doit répondre, il y a lieu de déduire de l’indemnisation allouée à la victime d’un dommage corporel au titre des frais d’assistance par une tierce personne le montant des prestations dont elle bénéficie par ailleurs et qui ont pour objet la prise en charge de tels frais. Il en est ainsi alors même que les dispositions en vigueur n’ouvrent pas à l’organisme qui sert ces prestations un recours subrogatoire contre l’auteur du dommage. La déduction n’a toutefois pas lieu d’être lorsqu’une disposition particulière permet à l’organisme qui a versé la prestation d’en réclamer le remboursement au bénéficiaire s’il revient à meilleure fortune9.

Les règles rappelées ci-dessus ne trouvent à s’appliquer que dans la mesure requise pour éviter une double indemnisation de la victime. Par suite, lorsque la personne publique responsable n’est tenue de réparer qu’une fraction du dommage corporel, notamment parce que la faute qui lui est imputable n’a entraîné qu’une perte de chance d’éviter ce dommage, la déduction ne se justifie, le cas échéant, que dans la mesure nécessaire pour éviter que le montant cumulé de l’indemnisation et des prestations excède le montant total des frais d’assistance par une tierce personne.

Indemnisation de la perte de rémunération subie par un agent public

CE, 26 juill. 2018, n° 410724, M. A. Le tribunal administratif a annulé, par un jugement devenu définitif, les décisions du directeur d’un centre hospitalier informant le requérant, adjoint des cadres hospitaliers titulaire, qu’il n’exercerait désormais plus aucune garde dans l’établissement et rejetant son recours gracieux tendant à sa réintégration dans ce dispositif, au motif que ces décisions n’étaient justifiées par aucun motif réel se rapportant à l’intérêt du service.

Si l’exercice d’astreintes ne saurait constituer un droit, la cour n’a pu, sans erreur de droit, eu égard à la nature de l’illégalité constatée par le tribunal administratif et à l’autorité qui s’attachait à son jugement, exclure toute possibilité pour l’intéressé d’une indemnisation au titre du préjudice financier subi du fait des décisions fautives du directeur du centre hospitalier.

Le juge du référé-liberté ne peut prescrire un calendrier à l’équipe médicale

CE, 27 juill. 2018, n° 422241, M. B. Le litige porté devant le juge des référés concerne le choix d’administrer un traitement, plus particulièrement, les modalités et le calendrier fixés pour la réalisation d’une opération chirurgicale, au vu du bilan qu’il appartient aux médecins d’effectuer en tenant compte, d’une part, des risques encourus et, d’autre part, du bénéfice escompté.

Les décisions du CHU reposent sur des appréciations d’ordre médical portées dans le cadre du bilan qui doit être effectué entre le bénéfice escompté de l’opération et les risques encourus. Dans ces conditions et dès lors qu’une prise en charge thérapeutique est assurée par l’hôpital, il n’appartient pas au juge des référés, saisi sur le fondement de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative, de prescrire à l’équipe médicale que soit fixé un autre calendrier pour la réalisation de l’intervention chirurgicale que celui qu’elle a retenu à l’issue du bilan qu’il lui appartient d’effectuer10.

Notion de personne responsable d’une contravention de grande voirie

CE, 19 sept. 2018, n° 415044, Société ENTMV. La personne qui peut être poursuivie pour contravention de grande voirie à raison d’une atteinte au bon état et à la propreté des ports et de leurs installations, en méconnaissance de l’article L. 332-2 du Code des ports maritimes (devenu l’article L. 5335-2 du Code des transports), est soit celle qui a commis ou pour le compte de laquelle a été commise l’action qui est à l’origine de l’infraction, soit celle sous la garde de laquelle se trouvait la chose qui a été la cause du dommage. Il résulte des articles 1er, al. 1er, et 7 de la loi du 18 juin 1966 sur les contrats d’affrètement et de transport maritimes, alors applicable, que la personne revêtant la qualité d’affréteur doit être regardée comme celle pour le compte de laquelle a été commise une infraction causée par une manœuvre du navire mis à sa disposition11.

Quand le maire doit convoquer le conseil municipal…

CE, 28 sept. 2018, n° 406402, M. L. et a. Il résulte des articles L. 2121-9, L. 2121-10 et L. 2121-13 du Code général des collectivités territoriales que le maire est tenu, lorsque la demande motivée lui en est faite par la majorité des membres du conseil municipal dans les communes de moins de 3 500 habitants, de convoquer le conseil municipal dans un délai maximum de 30 jours pour délibérer et que, si la demande précise les questions à inscrire à l’ordre du jour, il ne peut refuser, en tout ou partie, de les inscrire que s’il estime, sous le contrôle du juge, qu’elles ne sont pas d’intérêt communal ou que la demande présente un caractère manifestement abusif. Le droit ouvert aux conseillers municipaux d’obtenir la réunion du conseil municipal sur l’ordre du jour qu’ils ont proposé est distinct du droit dont ils disposent, à titre individuel, en application des dispositions de l’article L. 2121-19 du Code général des collectivités territoriales12.

Il suit de là que le maire d’une commune de moins de 3 500 habitants qui, à la suite de la demande de la majorité des membres du conseil municipal de convoquer le conseil sur des sujets d’intérêt communal, sans que cette démarche ne présente de caractère abusif, répond à cette demande en convoquant le conseil municipal sans porter ces questions à l’ordre du jour, doit être regardé comme ayant refusé de le convoquer.

Régularisation d’un vice de procédure entachant une autorisation environnementale

CE, avis, 27 sept. 2018, n° 420119, Association Danger de tempête sur le patrimoine rural et a. Les dispositions du 2° du I de l’article L. 181-18 du Code de l’environnement permettent au juge, même pour la première fois en appel, lorsqu’il constate un vice qui entache la légalité de l’autorisation environnementale attaquée mais qui peut être régularisé par une décision modificative, de rendre un jugement avant dire droit par lequel il fixe un délai pour cette régularisation et sursoit à statuer sur le recours dont il est saisi. Le juge peut préciser, par son jugement avant dire droit, les modalités de cette régularisation, qui implique l’intervention d’une décision corrigeant le vice dont est entachée la décision attaquée.

Un vice de procédure, dont l’existence et la consistance sont appréciées au regard des règles applicables à la date de la décision attaquée, doit en principe être réparé selon les modalités prévues à cette même date. Si ces modalités ne sont pas légalement applicables, notamment du fait de l’illégalité des dispositions qui les définissent, il appartient au juge de rechercher si la régularisation peut être effectuée selon d’autres modalités, qu’il lui revient de définir en prenant en compte les finalités poursuivies par les règles qui les ont instituées et en se référant, le cas échéant, aux dispositions en vigueur à la date à laquelle il statue.

Le Conseil d’État a annulé le décret du 28 avril 2016 portant réforme de l’autorité environnementale en tant qu’il maintient, au IV de l’article R. 122-6 du Code de l’environnement, la désignation du préfet de région en qualité d’autorité compétente de l’État en matière d’environnement, en méconnaissance des objectifs énoncés au paragraphe 1 de l’article 6 de la directive du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (CE, 6 déc. 2017, n° 400559). Le vice de procédure qui résulte de ce que l’avis prévu par le III de l’article L. 122-1 du Code de l’environnement a été rendu par le préfet de région en qualité d’autorité environnementale dans un cas où il était par ailleurs compétent pour autoriser le projet, ainsi que le prévoyait, à la date de la décision attaquée, l’article R. 122-6 du même code, peut être réparé par la consultation, sur le projet en cause, à titre de régularisation, d’une autorité présentant les garanties d’impartialité requises. À cette fin, si de nouvelles dispositions réglementaires ont remplacé les dispositions annulées de l’article R. 122-6 du Code de l’environnement, le juge peut s’y référer. À défaut, pour fixer des modalités de régularisation permettant de garantir que l’avis sera rendu par une autorité impartiale, le juge peut notamment prévoir que l’avis sera rendu dans les conditions définies aux articles R. 122-6 à R. 122-8 et R. 122-24 du Code de l’environnement par la mission régionale de l’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable créée par le décret du 28 avril 2016. Cette mission est en effet une entité administrative de l’État séparée de l’autorité compétente pour autoriser un projet, dont il a été jugé qu’elle dispose d’une autonomie réelle la mettant en mesure de donner un avis objectif sur les projets qui lui sont soumis dans le cadre de sa mission d’autorité environnementale.

Lorsqu’un vice de procédure entache un avis qui a été soumis au public, notamment dans le cadre d’une enquête publique, préalablement à l’adoption de la décision attaquée, la régularisation implique non seulement que la procédure de consultation soit reprise, mais aussi que le nouvel avis soit porté à la connaissance du public. Il revient au juge, lorsqu’il sursoit à statuer en vue de la régularisation, de rappeler ces règles et de fournir toute précision utile sur les modalités selon lesquelles le public devra être informé et, le cas échéant, mis à même de présenter des observations et des propositions, une fois le nouvel avis émis et en fonction de son contenu.

Dans l’hypothèse d’une régularisation de l’avis de l’autorité environnementale mise en œuvre dans les conditions définies ci-dessus, le juge pourra préciser que, dans le cas où l’avis de l’autorité environnementale recueilli à titre de régularisation, qui devra être rendu en tenant compte d’éventuels changements significatifs des circonstances de fait, diffère substantiellement de celui qui avait été porté à la connaissance du public à l’occasion de l’enquête publique dont le projet a fait l’objet, une enquête publique complémentaire devra être organisée à titre de régularisation, selon les modalités prévues par les articles L. 123-14 et R. 123-23 du Code de l’environnement, dans le cadre de laquelle seront soumis au public, outre l’avis recueilli à titre de régularisation, tout autre élément de nature à régulariser d’éventuels vices révélés par le nouvel avis, notamment une insuffisance de l’étude d’impact. Le juge pourra également préciser que, dans le cas où aucune modification substantielle n’aurait été apportée à l’avis, l’information du public sur le nouvel avis de l’autorité environnementale recueilli à titre de régularisation pourra prendre la forme d’une simple publication sur internet, dans les conditions prévues à l’article R. 122-7 du Code de l’environnement.

Dans l’hypothèse où le juge, saisi d’un moyen en ce sens, constate qu’il a été procédé à une simple publication sur internet du nouvel avis de l’autorité environnementale alors qu’il apportait des modifications substantielles à l’avis initial, il lui revient, avant de statuer sur la décision attaquée, de rechercher si ce nouveau vice peut être régularisé et de prévoir le cas échéant, à cette fin, qu’une enquête publique complémentaire devra être organisée13.

Les dispositions du 1°, I de l’article L. 181-18 du Code de l’environnement qui prévoient l’annulation de l’une des trois phases de l’instruction de la demande définies à l’article L. 181-9 du même code, à savoir la phase d’examen, la phase d’enquête publique et la phase de décision, n’ont pas pour objet de dispenser le juge, s’il n’estime pas pouvoir surseoir à statuer en vue d’une régularisation, de prononcer l’annulation, selon le cas, de l’autorisation dans son ensemble ou d’une partie divisible de celle-ci, mais elles l’invitent à indiquer expressément dans sa décision quelle phase doit être regardée comme viciée, afin de simplifier la reprise de la procédure administrative en permettant à l’Administration de s’appuyer sur les éléments non viciés pour prendre une nouvelle décision. En revanche, il n’entre pas dans son office de préciser les modalités selon lesquelles l’instruction doit être reprise, notamment dans le cas de dispositions réglementaires entachées d’illégalité ou en l’absence de dispositions applicables.

Notes de bas de pages

  • 1.
    V. CE, ass., 2 déc. 1994, n° 110181, Dpt de la Seine-Saint-Denis : Lebon, p. 533.
  • 2.
    V. CE, sect., 11 juill. 2011, nos320735 et 320854, Sté d’équipement du dpt de Maine-et-Loire Sodemel et Min. int., outre-mer, collectivités territoriales et de l’immigration : Lebon, p. 346.
  • 3.
    V. CE, 4e et 5e ss-sect., 26 oct. 2005, n° 279189, Gollnisch : Lebon, p. 443.
  • 4.
    V. CE, sect., 11 juin 1997, n° 142167, Nevez : Lebon, tables, p. 587.
  • 5.
    V. CE, 4e et 5e ss-sect., 31 août 2009, n° 296458, Cne de Crégols : Lebon, p. 343 − CE, ass., avis, 6 juill. 2016, nos 398234 et 399135, I. et a. : Lebon, p. 320.
  • 6.
    V. CE, 4e et 5e ss-sect., 16 mars 2011, n° 327428, Mme Leducq : Lebon, tables, p. 74, p. 976 et p. 1052.
  • 7.
    V. CE, 2e et 6e ss-sect., 22 sept. 2014, n° 367889, Syndicat mixte pour l’enlèvement et le traitement des ordures ménagères (SIETOM) de la région de Tournan-en-Brie : Lebon, p. 753 − CE, 6e et 1re ch., 16 déc. 2016, nos 391452 et 391688, Sté Ligérienne Granulats SA et Min. écologie, développement durable et énergie : Lebon, tables, p. 566 − CE, 6e et 5e ch., 22 mars 2018, n° 415852, Assoc. Novissen et a. : Lebon (à venir).
  • 8.
    V. CE, 6e et 1re ss-sect., 6 avr. 2007, n° 296493, X. et a. : Lebon, tables, p. 671.
  • 9.
    V. CE, 5e et 4e ss-sect., 23 sept. 2013, n° 350799, Centre hospitalier de Saint-Etienne : Lebon, tables, p. 432, p. 839 et p. 840.
  • 10.
    V. CE, 26 juill. 2017, n° 412618, X. : Lebon, p. 279.
  • 11.
    V. CE, 8e et 9e ss-sect., 27 févr. 1998, n° 169259, Min. Équip., transp. et log. c/ Sté Sogeba : Lebon, p. 66.
  • 12.
    V. CE, 3e et 8e ss-sect., 5 mars 2001, n° 230045 : Saez : Lebon, p. 117.
  • 13.
    V. CE, avis, 22 mars 2018, n° 415852, Assoc. Novissen et a. : Lebon (à venir).