Panorama de droit administratif (1er janv.– 15 févr. 2019)
La sélection d’arrêts lus durant ces 6 premières semaines de l’année 2019 comprend principalement des décisions apportant d’intéressantes précisions en matière de contentieux, contractuels notamment, et de fonction publique. La procédure d’admission des pourvois en cassation s’applique désormais en cas de renvoi du dossier par une autre juridiction administrative saisie à tort et le décret JADE reçoit son brevet de légalité.
Seul le Conseil constitutionnel peut remettre en cause les effets produits par une disposition déclarée inconstitutionnelle
CE, avis, 11 janv. 2019, n° 424819, SCI Maximoise de création et a. Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont pas au nombre des décisions juridictionnelles ou avis mentionnés aux troisième et cinquième alinéas de l’article L. 190 du Livre des procédures fiscales, pour lesquels la deuxième phrase du c) de l’article R. 196-1 et du b) de l’article R. 196-2 du même livre écarte la qualification d’événement constituant le point de départ d’un nouveau délai de réclamation.
Toutefois, seuls doivent être regardés comme constituant le point de départ de ce délai les événements qui ont une incidence directe sur le principe même de l’imposition, son régime ou son mode de calcul.
Une décision par laquelle le Conseil constitutionnel, statuant sur le fondement de l’article 61-1 de la constitution, déclare inconstitutionnelle une disposition législative ne constitue pas en elle-même un tel événement susceptible d’ouvrir un nouveau délai de réclamation.
Il appartient au seul Conseil constitutionnel, lorsque, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, il a déclaré contraire à la constitution la disposition législative ayant fondé l’imposition litigieuse, de prévoir si, et le cas échéant dans quelles conditions, les effets que la disposition a produits avant l’intervention de cette déclaration sont remis en cause, au regard des règles, notamment de recevabilité, applicables à la date de sa décision.
Recours Béziers II et office du juge du référé-suspension
CE, 25 janv. 2019, n° 424846, Sté Uniparc Cannes. Pour rejeter la demande de suspension de la décision de la commune résiliant le contrat relatif à l’exploitation de parcs de stationnement, le juge des référés s’est borné, après avoir relevé que la société soutenait que cette décision était entachée de plusieurs vices, que la reprise provisoire des relations contractuelles serait, en tout état de cause, de nature à porter une atteinte excessive à l’intérêt général tenant à la volonté de la commune de s’engager dans une nouvelle politique et une gestion plus dynamique du stationnement sur son territoire.
En s’abstenant de rechercher si les vices invoqués par la société à l’encontre de la mesure de résiliation étaient d’une gravité suffisante pour conduire à la reprise des relations contractuelles1 et non à la seule indemnisation de la société, c’est-à-dire si, eu égard à leur gravité et, le cas échéant, à celle des manquements de la société à ses obligations contractuelles, ainsi qu’aux motifs de la résiliation, une telle reprise n’était pas de nature à porter une atteinte excessive à l’intérêt général, le juge des référés a entaché son ordonnance d’une erreur de droit, l’existence d’un motif d’intérêt général s’opposant à la reprise des relations contractuelles ne pouvant être appréciée indépendamment de la gravité des vices affectant la mesure de résiliation2.
Pouvoirs du juge du référé contractuel : articulation entre les articles L. 551-18 et L. 551-20 du CJA
CE, 25 janv. 2019, n° 423159, Sté Bureau européen d’assurance hospitalière (BEAH). Le rejet des conclusions présentées par la société hospitalière d’assurances mutuelles sur le fondement de l’article L. 551-18 du Code de justice administrative, devenu définitif, ne fait pas obstacle à ce que soit prononcée, même d’office, une sanction sur le fondement des dispositions de l’article L. 551-20 du même code, si le contrat litigieux a été signé avant l’expiration du délai exigé après l’envoi de la décision d’attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre ou pendant la suspension prévue à l’article L. 551-4 ou à l’article L. 551-9 du code.
Le marché litigieux a été signé par le centre hospitalier en méconnaissance de l’obligation prévue par l’article L. 551-4 du Code de justice administrative. Il y a donc lieu de prononcer une des sanctions prévues par l’article L. 551-20 du même code.
Pour déterminer la sanction à prononcer, il incombe au juge du référé contractuel qui constate que le contrat a été signé prématurément, en méconnaissance des obligations de délai rappelées à l’article L. 551-20 du Code de justice administrative, d’apprécier l’ensemble des circonstances de l’espèce, en prenant notamment en compte la gravité du manquement commis, son caractère plus ou moins délibéré, la plus ou moins grande capacité du pouvoir adjudicateur à connaître et à mettre en œuvre ses obligations ainsi que la nature et les caractéristiques du contrat.
Le centre hospitalier, qui ne pouvait ignorer les conditions dans lesquelles un marché peut être signé lorsque le juge du référé précontractuel a été saisi, a signé le contrat litigieux alors qu’il était clairement informé de l’existence d’un référé précontractuel, qui lui avait été notifié. Il y a lieu, dans ces conditions, de lui infliger une pénalité financière d’un montant de 20 000 € en application des dispositions de l’article L. 551-20 du Code de justice administrative.
Insuffisance de motivation de l’avis défavorable d’un conseil académique sur la candidature d’un enseignant-chercheur
CE, 30 janv. 2019, n° 412159, Mme A. Pour écarter la demande de recrutement par voie de mutation de l’intéressée, professeur de sociologie à un poste de professeur d’université intitulé « sociologie du genre, sociologie de l’égalité », le conseil académique de l’université s’est borné à indiquer dans son avis rendu sur le fondement de l’article 9-3 du décret n° 84-430 du 6 juin 1984, que la « pleine adéquation » de la candidature de l’intéressée avec le profil du poste n’était pas « avérée », sans indiquer, même sommairement, les raisons pour lesquelles il estimait que la candidature de l’intéressée ne correspondait pas au profil de poste. Cette délibération est insuffisamment motivée3.
Appréciation de la limite d’âge pour le concours d’accès à l’ENM
CE, 30 janv. 2019, n° 422830, Mme B. Il résulte de l’article 17 du décret du 4 mai 1972 que les candidats doivent, pour pouvoir être admis à se présenter au premier concours d’accès à l’École nationale de la magistrature, n’avoir pas dépassé leur trente-et-unième anniversaire au 1er janvier de l’année du concours4.
Pour apprécier si une personne entre dans le champ de l’article L. 215-3 du Code de l’action sociale et des familles, il incombe à l’autorité compétente d’apprécier si cette personne remplit les conditions pour bénéficier du recul de la limite d’âge qu’elles prévoient à la date à laquelle cette limite d’âge lui est devenue opposable.
Le juge de l’asile doit user de ses pouvoirs d’instruction
CE, 30 janv. 2019, n° 416013, OFPRA. Si l’inscription d’une personne dans le fichier des personnes recherchées pour prévenir des menaces graves pour la sécurité publique ou la sûreté de l’État ne saurait, par elle-même, suffire à établir que la condition posée par le 1° de l’article L. 711-6 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est remplie, il appartient au juge de l’asile, lorsqu’il est informé d’une telle inscription, que la fiche soit ou non produite à l’instance, de se forger une conviction au vu de l’argumentation des parties sur ce point dans le cadre de la procédure contradictoire et il ne saurait dénier toute force probante à l’inscription au fichier d’une personne faisant l’objet de recherches pour prévenir des menaces graves pour la sécurité publique ou la sûreté de l’État sans user de ses pouvoirs d’instruction pour recueillir toutes informations pertinentes, notamment auprès du ministre de l’Intérieur, qu’il peut appeler dans l’instance afin qu’il apporte au débat contradictoire tous éléments et informations sur les circonstances et les motifs de l’inscription en cause.
Délai de recours contre les décisions implicites relevant du plein contentieux depuis le décret JADE
CE, avis, 30 janv. 2019, n° 420797, B. La nouvelle règle, issue du décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016, selon laquelle, sauf dispositions législatives ou règlementaires qui leur seraient propres, le délai de recours de 2 mois court à compter de la date où les décisions implicites relevant du plein contentieux sont nées, est applicable à ces décisions nées à compter du 1er janvier 2017.
S’agissant des refus implicites nés avant le 1er janvier 2017 relevant du plein contentieux, le décret du 2 novembre 2016 n’a pas fait – et n’aurait pu légalement faire – courir le délai de recours contre ces décisions à compter de la date à laquelle elles sont nées.
Toutefois, les dispositions du II de l’article 35 du décret du 2 novembre 2016, qui prévoient l’application de l’article 10 de ce décret à « toute requête enregistrée à compter » du 1er janvier 2017, ont entendu permettre la suppression immédiate, pour toutes les situations qui n’étaient pas constituées à cette date, de l’exception à la règle de l’article R. 421-2 du Code de justice administrative dont bénéficiaient les matières de plein contentieux.
Or la réglementation applicable jusqu’à l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2017, du décret du 2 novembre 2016, ne créait pas de droit acquis à ce que tout refus tacite antérieur reste, en matière de plein contentieux, indéfiniment susceptible d’être contesté. Elle conférait seulement aux intéressés le droit à ce que le délai de recours contre un tel refus ne courre qu’à compter du moment où ce refus était explicitement et régulièrement porté à leur connaissance.
Un délai de recours de 2 mois court, par suite, à compter du 1er janvier 2017, contre toute décision implicite relevant du plein contentieux qui serait née antérieurement à cette date.
Cette règle doit toutefois être combinée avec les dispositions de l’article L. 112-6 du Code des relations entre le public et l’Administration, aux termes desquelles, sauf en ce qui concerne les relations entre l’Administration et ses agents, les délais de recours contre une décision tacite de rejet ne sont pas opposables à l’auteur d’une demande lorsque l’accusé de réception prévu par l’article L. 112-3 du même code ne lui a pas été transmis ou que celui-ci ne porte pas les mentions prévues à l’article R. 112-5 de ce code et, en particulier, dans le cas où la demande est susceptible de donner lieu à une décision implicite de rejet, la mention des voies et délais de recours.
Ainsi, sous réserve qu’aient été respectées les règles rappelées ci-dessus, les recours de plein contentieux dirigés contre une décision implicite de rejet née antérieurement au 1er janvier 2017 ne sont recevables que dans un délai franc de 2 mois à compter de la date d’entrée en vigueur du décret du 2 novembre 2016, soit jusqu’au 2 mars 2017.
Dérogation à la consultation des commissions administratives paritaires
CE, 30 janv. 2019, n° 409384, Syndicat national pénitentiaire Force Ouvrière-Direction. Il résulte des articles 45 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, 25 du décret n° 82-451 du 28 mai 1982, et 14 et 50 du décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 que la décision qui prononce le détachement d’un fonctionnaire ne peut intervenir qu’après consultation de la commission administrative compétente du corps d’accueil. En outre, lorsque le détachement est prononcé d’office ou qu’il est mis fin à ce dernier de façon anticipée à l’initiative de l’administration d’origine de l’intéressé, cette décision ne peut intervenir qu’après qu’a été consultée la commission administrative paritaire compétente du corps auquel appartient le fonctionnaire.
Si les dispositions de l’article 14 de la loi du 11 janvier 1984 posent le principe d’une consultation de la commission administrative paritaire sur les décisions individuelles intéressant les membres du ou des corps qui en relèvent, et si les dispositions réglementaires prises pour leur application précisent qu’une telle consultation intervient, en règle générale, pour le détachement d’un fonctionnaire, ces dispositions ne font toutefois pas obstacle à ce que le pouvoir réglementaire aménage la mise en œuvre de ce principe pour tenir compte des missions et des sujétions particulières de certaines catégories d’agents et, en particulier, ceux chargés de fonctions de direction et d’encadrement, pour la nomination desquels l’autorité administrative bénéficie, dans l’intérêt du service, d’une marge d’appréciation étendue.
Lorsque le pouvoir réglementaire édicte des règles spécifiques à certains emplois et prévoit que ceux-ci sont pourvus par voie de détachement dans un statut d’emploi en dehors de tout rattachement à un corps, la consultation d’une commission administrative paritaire n’est pas requise lorsque le détachement est prononcé à la demande de son bénéficiaire.
La protection fonctionnelle s’applique aux agents non titulaires de droit local
CE, 1er févr. 2019, n° 421694, A. Il résulte d’un principe général du droit que, lorsqu’un agent public est mis en cause par un tiers à raison de ses fonctions, il incombe à la collectivité dont il dépend de le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui, dans la mesure où une faute personnelle détachable du service ne lui est pas imputable, de lui accorder sa protection dans le cas où il fait l’objet de poursuites pénales, sauf s’il a commis une faute personnelle, et, à moins qu’un motif d’intérêt général ne s’y oppose, de le protéger contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont il est l’objet. Ce principe général du droit s’étend aux agents non-titulaires de l’État recrutés à l’étranger, alors même que leur contrat est soumis au droit local.
Lorsqu’il s’agit, compte tenu de circonstances très particulières, du moyen le plus approprié pour assurer la sécurité d’un agent étranger employé par l’État, la protection fonctionnelle peut exceptionnellement conduire à la délivrance d’un visa ou d’un titre de séjour à l’intéressé et à sa famille.
Une altercation entre un maire et un fonctionnaire communal n’est pas un accident de service
CE, 6 févr. 2019, n° 312700, Mme B. Constitue un accident de service, pour l’application de la réglementation relative à l’allocation temporaire d’invalidité, un événement survenu à une date certaine, par le fait ou à l’occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d’apparition de celle-ci. L’intéressée, fonctionnaire territoriale, entretenait des relations conflictuelles avec le maire. Une expertise indique que l’intéressée souffrait d’un syndrome dépressif en lien avec ses conditions de travail avant qu’une altercation ne survienne avec le maire. La circonstance que l’intéressée a été placée en congé de maladie pour accident de service, avec effet à compter de cette altercation, est sans incidence sur la qualification de cet événement au regard des dispositions relatives à l’attribution de l’allocation temporaire d’invalidité. En retenant que l’invalidité permanente de l’intéressée, due à son état dépressif, ne résultait pas d’un accident de service, le tribunal administratif n’a pas inexactement qualifié les faits.
Le mémoire récapitulatif peut être demandé après la clôture de l’instruction
CE, 8 févr. 2019, n° 418599, Époux A. À l’occasion de la contestation de l’ordonnance prenant acte du désistement d’un requérant en l’absence de réponse à l’expiration du délai qui lui a été fixé pour produire un mémoire récapitulatif, il incombe au juge, saisi de moyens en ce sens, de vérifier que l’intéressé a reçu la demande mentionnée par les dispositions de l’article R. 611-8-1 du Code de justice administrative, que cette demande fixait un délai d’au moins 1 mois au requérant pour répondre et l’informait des conséquences d’un défaut de réponse dans ce délai, enfin que le requérant s’est abstenu de répondre dans le délai requis. En revanche, la seule circonstance que l’instruction était close à la date à laquelle le président de la formation de jugement a demandé à la partie en cause de produire un mémoire récapitulatif n’est, par elle-même, de nature ni à exonérer cette partie de l’obligation de produire un tel mémoire dans le délai qui lui est imparti, ni à faire obstacle à ce qu’un désistement soit constaté à défaut de respect de cette obligation.
Le président de la première chambre de la cour administrative d’appel a demandé aux requérants, en application de l’article R. 611-8-1 du Code de justice administrative, de produire un mémoire récapitulatif dans un délai d’1 mois, en leur précisant que cette obligation leur incombait à peine de désistement de leur requête d’appel. Faute pour les requérants d’avoir produit le mémoire demandé, ce magistrat leur a donné acte de leur désistement5.
Les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l’ordonnance attaquée serait entachée d’irrégularité ni d’une erreur de droit ou de qualification juridique au motif que le président de chambre avait fixé une date de clôture de l’instruction, de sorte que l’instruction était close à la date à laquelle il leur a été demandé de produire un mémoire récapitulatif.
Validité de clauses imposant le français comme langue de travail des parties à un marché
CE, 8 févr. 2019, n° 420296, Sté Veolia Eau – Compagnie générale des eaux. Les dispositions prévoyant que la langue de travail pour les opérations préalables à l’attribution du marché et pour son exécution est le français exclusivement qui figurent dans le règlement de la consultation, régissent seulement les relations entre les parties au contrat et n’imposent pas le principe de l’usage de la langue française par les personnels de l’usine attributaire. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier soumis au juge des référés que le cahier des clauses administratives particulières du marché prévoit la possibilité pour le titulaire du marché de « recourir aux services d’un sous-traitant étranger » et stipule que l’exploitant doit remettre une attestation sur l’honneur indiquant son intention « de faire appel pour l’exécution des prestations, objet du contrat, à des salariés de nationalité étrangère ». Ces stipulations contractuelles permettent le recours à des sous-traitants et des salariés de nationalité étrangère pour l’exécution des prestations objet du contrat et n’imposent pas davantage, ni directement ni indirectement, l’usage ou la maîtrise de la langue française par les travailleurs étrangers susceptibles d’intervenir. En estimant que le moyen tiré de la contrariété du règlement de la consultation avec les libertés fondamentales garanties par le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne était de nature à créer un doute sérieux sur la validité du contrat, la cour administrative d’appel a dénaturé les pièces du dossier.
La cristallisation des moyens ne vaut que pour l’instance pendante
CE, avis, 13 févr. 2019, n° 425568, Sté Active immobilier et EURL Donimmo. Il résulte de l’article R. 611-7-1 du Code de justice administrative que, lorsqu’il considère qu’une affaire est en état d’être jugée, le président d’une formation de jugement d’un tribunal administratif peut, par ordonnance, fixer, dans le cadre de l’instance et avant la clôture de l’instruction, une date à compter de laquelle les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux. Le pouvoir ainsi reconnu au président de la formation de jugement est limité à l’instance pendante devant la juridiction à laquelle il appartient. Cette ordonnance perd son objet et cesse de produire ses effets avec la clôture de l’instruction dans le cadre de cette instance. Il s’ensuit qu’en cas d’appel, l’usage fait en première instance de la faculté prévue par l’article R. 611-7-1 du Code de justice administrative est sans incidence sur la recevabilité des moyens que peuvent soulever les parties à l’appui de leurs conclusions d’appel.
Les recours contre le décret JADE ont été rejetés
CE, 13 févr. 2019, n° 406606, Syndicat de la juridiction administrative et a. Les dispositions complétant l’article R. 222-1 du Code de justice administrative, élargissant le champ des litiges susceptibles d’être tranchés par ordonnance, ont été prises aux fins de garantir le respect du droit à un délai raisonnable de jugement et dans un objectif de bonne administration de la justice, en permettant de porter en priorité, devant les formations collégiales des cours administratives d’appel, les affaires présentant les plus grandes difficultés. Les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu’elles seraient, au motif que l’actuel délai moyen de jugement devant les cours administratives d’appel ne serait pas excessif, entachées d’erreur manifeste d’appréciation ou, en tout état de cause, qu’elles méconnaîtraient, en ce qu’elles viseraient un délai de jugement trop bref, le droit à un délai raisonnable de jugement.
Ces dispositions permettent effectivement aux présidents et vice-présidents des cours administratives d’appel qu’elles désignent de rejeter par ordonnance, donc sans audience publique, des requêtes d’appel qui sont manifestement dépourvues de fondement, y compris le cas échéant, des requêtes dirigées contre des ordonnances de rejet prises, en première instance, sur le fondement du 7° du même article. Elles ne méconnaissent pas le droit à un recours juridictionnel effectif.
Prises dans l’objectif de bonne administration de la justice et de respect du droit à un délai raisonnable de jugement, les dispositions de l’article R. 611-7-1 du Code de justice administrative permettent aux présidents de formation de jugement et, au Conseil d’État, aux présidents de chambre, de limiter le délai ouvert aux parties pour présenter leurs moyens. Elles ne s’appliquent toutefois qu’aux affaires en état d’être jugées et sont subordonnées à l’information préalable des parties, auxquelles elles garantissent un délai d’au moins 1 mois pour présenter, le cas échéant, tout moyen nouveau. Elles ne méconnaissent pas les droits de la défense ou le droit à un recours juridictionnel effectif.
Des dispositions qui instituent une amende pour sanctionner les auteurs de requêtes abusives, ainsi que celles qui ont pour objet d’en augmenter le montant, n’ont pas, par elles-mêmes, pour effet de restreindre le droit reconnu à toute personne de soumettre sa cause à une juridiction. Par suite, les dispositions de l’article R. 741-12 du Code de justice administrative ne méconnaissent pas, par le seul fait qu’elles accroissent le montant maximal susceptible d’être infligé à l’auteur d’une requête abusive, le droit à un recours juridictionnel effectif.
Caractère communicable d’une convention de prêt bancaire à un parti politique
CE, 13 févr. 2019, n° 420467, Association Rassemblement national. L’ensemble des documents adressés à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques par les partis et groupements politiques en application de l’article 11-7 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 sont reçus par cette commission dans le cadre de la mission de contrôle des comptes annuels de ces partis et groupements politiques qui lui a été confiée par le législateur en vue de garantir la transparence financière de la vie politique. Il s’ensuit que ces pièces comptables constituent des documents administratifs qui sont régis, en l’absence de disposition législative particulière, par la loi du 17 juillet 1978, codifiée aux articles L. 300-1 et suivants du Code des relations entre le public et l’Administration.
Ces documents constituent des documents préparatoires, exclus du droit à communication, jusqu’à la publication sommaire des comptes au Journal officiel de la République française (JO) prévue à l’article 11-7 précité qui marque l’achèvement de la mission de contrôle dévolue à la commission. Il en va autrement après cette date, à compter de laquelle il appartient seulement à la commission, saisie d’une demande de communication de tels documents, de rechercher si les dispositions qui leur sont applicables permettent d’y faire droit.
La convention de prêt entre une banque et un parti politique constitue, alors même qu’elle est soumise à la loi russe et assortie d’une clause de confidentialité opposable aux seules parties, un document administratif communicable à compter de la publication sommaire des comptes de ce parti politique au JO.
Le tribunal administratif a ordonné à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques de communiquer la convention de prêt en imposant seulement d’y occulter les mentions relatives aux coordonnées bancaires du compte courant détenu par l’association Front national. En ne déduisant pas de la nécessité d’assurer le respect du secret en matière commerciale, l’obligation d’occulter également, à l’occasion de cette communication, les mentions relatives à la durée et au taux d’intérêt de ce prêt, informations reflétant la stratégie commerciale du prêteur, le tribunal administratif a entaché, dans cette mesure, son jugement d’erreur de droit.
Le contrat de rattachement à un périmètre d’équilibre est de droit privé
T. confl., 11 févr. 2019, n° 4148, Sté T2S. D’une part, en concluant avec un producteur ou un consommateur un contrat de rattachement au périmètre d’équilibre dont il a la charge, le responsable d’équilibre n’exerce aucune mission pour le compte d’une personne publique.
D’autre part, le contrat de rattachement à un périmètre d’équilibre, destiné à permettre au producteur de remplir l’obligation mise à sa charge par l’article L. 321-15 du Code de l’énergie, ne constitue pas l’accessoire du contrat d’achat, de sorte que la qualification de contrat administratif conférée à ce dernier par l’article L. 314-7 du même code ne lui est pas étendue. La circonstance que le périmètre d’équilibre auquel le rattachement est demandé soit dédié aux installations bénéficiant de l’obligation d’achat est sans incidence sur la nature de la convention.
Le contrat liant un producteur autonome d’électricité et un responsable d’équilibre, personnes privées, est un contrat de droit privé. Le litige né du refus de conclure un tel contrat relève de la compétence de la juridiction judiciaire.
La procédure d’admission des pourvois en cassation peut être mise en œuvre sur renvoi d’une autre juridiction administrative
CE, sect., 15 févr. 2019, n° 416590, Mme B. La procédure d’admission des pourvois en cassation, instituée par l’article L. 822-1 du Code de justice administrative, est applicable à tout pourvoi en cassation dont le Conseil d’État est saisi, sans qu’y fasse obstacle la circonstance qu’il lui a été transmis par une autre juridiction administrative saisie à tort, devant laquelle des actes de procédure ont été accomplis6.
Notes de bas de pages
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1.
V. CE, sect., 21 mars 2011, n° 304806, Cne de Béziers : Lebon, p. 117.
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2.
V. CE, 16 nov. 2016, n° 401321, Cne d’Erstein : Lebon T., p. 833 et 880.
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3.
Rappr. CE, 14 oct. 2011, nos 333712 et 334692, Thepaut : Lebon T., p. 736 et 956.
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4.
V. CE, 27 mai 2002, n° 245740, Centre national de la recherche scientifique et a. : Lebon T., p. 859.
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5.
CE, 25 juin 2018, n° 416720, Sté l’Immobilière Groupe Casino.
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6.
Ab. jur. CE, 4 avr. 2016, n° 394900, M. : Lebon T., p. 914.