Panorama de droit public (15 avril – 31 mai 2018)
Outre les importantes décisions de l’assemblée du contentieux du Conseil d’État du 18 mai 2018, réduisant pour l’une les conditions d’invocabilité des vices de forme et de procédure contre un acte réglementaire, et admettant dans certains cas, pour l’autre, la légalité du tirage au sort des officiers publics et ministériels, cette sélection de décisions et d’arrêts du 15 avril au 31 mai 2018 présente principalement des espèces relatives au contentieux administratif, aux contrats administratifs, aux collectivités territoriales et aux fonctionnaires et agents publics.
Une « actualité » sur le portail de la DGFiP n’est pas susceptible de recours
CE, 26 avr. 2018, n° 417809, G. et a. L’information donnée sous l’intitulé « d’actualité » sur le portail internet de la Direction générale des finances publiques (DGFIP) a pour seul objet d’informer les contribuables de modifications ou de mises à jour intervenues dans des commentaires administratifs publiés au BOFiP – impôts, dont les références sont indiquées et qui sont rendues accessibles au moyen d’un lien hypertexte. Une telle « actualité » ne contient, par elle-même, aucune disposition impérative à caractère général et n’est pas susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. Par suite, les conclusions des requérants dirigées contre cette « actualité » sont irrecevables.
Avis d’une instance consultative et droits de la défense
CE, 26 avr. 2018, n° 409324, Mme B. Le principe général des droits de la défense implique que la personne concernée par une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle, après avoir été informée des insuffisances qui lui sont reprochées, soit mise à même de demander la communication de son dossier et ait la faculté de présenter ses observations devant l’autorité appelée à prendre la décision. Lorsque les dispositions applicables se bornent à prévoir que cette autorité recueille l’avis d’une instance consultative, le principe des droits de la défense n’exige pas que cette instance entende l’intéressé mais seulement que ses membres aient, préalablement à leur délibération, communication des observations qu’il a pu présenter devant l’autorité compétente.
Nature de la délibération fixant la participation au fonctionnement des classes sous contrat
CE, 2 mai 2018, n° 391876, Cne de Plestin-les-Grèves et a. Les délibérations annuelles fixant la participation d’une commune au fonctionnement des classes des écoles privées sous contrat d’association présentent le caractère de décisions individuelles dont l’objet est purement pécuniaire et non de mesures réglementaires relatives à l’organisation du service public de l’enseignement.
Pour les écoles privées ayant conclu avec l’État un contrat d’association pour une durée déterminée avec tacite reconduction, les communes qui ne souhaitent pas renouveler leur accord de prise en charge des dépenses de fonctionnement des classes maternelles doivent prendre une délibération en ce sens et la notifier à la personne morale responsable de l’école avant la reconduction tacite du contrat. En cas de contrat d’association à durée indéterminée, la délibération peut être prise à tout moment. Sous réserve de sa transmission à l’État au titre du contrôle de légalité, elle devient exécutoire, en dépit des stipulations contraires qui seraient maintenues dans le contrat d’association, dès qu’elle a été notifiée à son destinataire. Elle ne peut, toutefois, produire d’effet durant l’année scolaire au cours de laquelle elle est ainsi notifiée.
Demande d’expulsion du domaine public maritime : le juge doit se prononcer sur la condition d’utilité
CE, 4 mai 2018, n° 415002, M. et Mme B. Le juge des référés a fait droit aux conclusions tendant à l’expulsion de M. B. et de tout autre occupant de son chef, de l’immeuble que celui-ci occupe sur les dépendances du domaine public maritime sans se prononcer sur l’utilité de cette mesure. Alors même qu’il avait estimé qu’il n’avait pas, en vertu de l’article L. 521-3-1 du Code de justice administrative, qui prévoit qu’une telle condition n’est pas requise en cas de requête relative à une occupation non autorisée dans la zone des 50 pas géométriques, à se prononcer sur la condition d’urgence, il a méconnu les dispositions de l’article L. 521-3 du Code de justice administrative.
« Péremption » des vices de forme et de procédure contre les actes réglementaires
CE, ass., 18 mai 2018, n° 414583, Fédération des finances et affaires économiques de la CFDT. Le contrôle exercé par le juge administratif sur un acte qui présente un caractère réglementaire porte sur la compétence de son auteur, les conditions de forme et de procédure dans lesquelles il a été édicté, l’existence d’un détournement de pouvoir et la légalité des règles générales et impersonnelles qu’il énonce, lesquelles ont vocation à s’appliquer de façon permanente à toutes les situations entrant dans son champ d’application tant qu’il n’a pas été décidé de les modifier ou de les abroger.
Le juge administratif exerce un tel contrôle lorsqu’il est saisi, par la voie de l’action, dans le délai de recours contentieux. En outre, en raison de la permanence de l’acte réglementaire, la légalité des règles qu’il fixe, comme la compétence de son auteur et l’existence d’un détournement de pouvoir doivent pouvoir être mises en cause à tout moment, de telle sorte que puissent toujours être sanctionnées les atteintes illégales que cet acte est susceptible de porter à l’ordre juridique.
Après l’expiration du délai de recours contentieux, une telle contestation peut être formée par voie d’exception à l’appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure prise pour l’application de l’acte réglementaire ou dont ce dernier constitue la base légale. Elle peut aussi prendre la forme d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision refusant d’abroger l’acte réglementaire, comme l’exprime l’article L. 243-2 du Code des relations entre le public et l’administration1. Si, dans le cadre de ces deux contestations, la légalité des règles fixées par l’acte réglementaire, la compétence de son auteur et l’existence d’un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n’en va pas de même des conditions d’édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l’acte réglementaire lui-même et introduit avant l’expiration du délai de recours contentieux.
Légalité du tirage au sort des officiers publics et ministériels
CE, ass., 18 mai 2018, n° 400675, K. et a. Une autorité administrative est tenue d’exercer sa compétence conformément aux lois et règlements applicables et dans le respect de l’intérêt général. Si aucun texte ni aucun principe ne font obstacle à ce que, lorsque le législateur n’en a pas décidé lui-même, le pouvoir réglementaire puisse prévoir, dans certains cas, de faire reposer sur le tirage au sort le départage entre des demandes adressées à l’administration, c’est à la condition que ce mode de départage, par lequel l’autorité compétente ne peut exercer le pouvoir d’appréciation qui est en principe le sien, soit en adéquation avec l’objet de ces demandes ou les circonstances de l’espèce et conforme aux intérêts dont elle a la charge.
Il résulte des articles 52 et 53 de la loi du 6 août 2015 que, dans les zones où « les notaires (…) peuvent librement s’installer » il incombe au ministre de la Justice de nommer titulaire d’un des offices créés en application de ces dispositions, le demandeur remplissant les conditions générales d’aptitude aux fonctions de notaire. Ces dispositions font obstacle à ce que le pouvoir réglementaire introduise des critères supplémentaires, tenant notamment aux mérites respectifs des candidats, qui permettraient au ministre de porter une appréciation entre les demandeurs remplissant les conditions générales d’aptitude, lesquels disposent, en vertu de la loi, d’un égal droit à être nommés.
En prévoyant que lorsque le nombre de demandes pour une zone donnée est supérieur à celui des offices à créer pour cette zone, l’ordre de traitement des demandes fait l’objet d’un tirage au sort, le décret du 20 mai 2016 s’est borné à prévoir de simples modalités de départage entre des demandeurs disposant, en vertu de la loi, d’un égal droit à être nommé. Dès lors que le système retenu procède de la loi elle-même, le décret n’a pas méconnu les objectifs du législateur.
Ces dispositions ne méconnaissent pas la liberté d’entreprendre2 au motif qu’elles remettraient en cause l’équilibre économique des offices existants.
Par sa décision n° 2015-715 DC du 5 août 2015, le Conseil constitutionnel a jugé qu’en fixant à 70 ans l’âge limite pour l’exercice des fonctions de notaire, d’huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire et en permettant une prolongation d’activité, le législateur a poursuivi un objectif d’intérêt général, n’a pas porté à la liberté d’entreprendre de ces professionnels une atteinte disproportionnée et n’a méconnu aucune autre exigence constitutionnelle. Il a, en conséquence, déclaré conformes à la constitution les dispositions des articles 53, 54 et 55 de la loi du 6 août 2015.
Par l’instauration d’une limite d’âge, le législateur a poursuivi un objectif légitime tenant au renouvellement de ces professions et à une meilleure ouverture de leur accès à des jeunes professionnels. Cette limite d’âge, fixée à 70 ans avec la possibilité d’une autorisation de prolongation de l’activité pendant une durée maximale de 12 mois, est supérieure tant à celle de la plupart des législations comparables qu’à l’âge effectif auquel la plupart de ces professionnels cessent, en pratique, leur activité. Les professionnels concernés, qui étaient informés près d’un an avant de l’application de cette nouvelle règle, étaient en mesure de préparer au cours de cette période, la cession de leur office ou de leurs parts dans la société titulaire de l’office. Au demeurant, ces professionnels conservent la possibilité, en cas de préjudice grave et spécial résultant de l’application de la limite d’âge instaurée par la loi, d’en demander réparation à l’État sur le fondement du principe constitutionnel d’égalité devant les charges publiques.
Une réclamation auprès d’un organisme chargé d’un service de prestations au nom et pour le compte de l’État doit être regardée comme adressée également à ce dernier
CE, 23 mai 2018, n° 405448, Mme B. Lorsqu’un organisme de droit public ou un organisme de droit privé chargé d’une mission de service public est chargé du service de prestations au nom et pour le compte de l’État, une réclamation préalable adressée à cet organisme en vue d’obtenir la réparation des préjudices nés de fautes commises dans le service d’une telle prestation doit, en principe, être regardée comme adressée à la fois à cet organisme et à l’État, lequel, en l’absence de décision expresse de sa part, est réputé l’avoir implicitement rejetée à l’expiration du délai de deux mois suivant la date de réception de la demande par l’organisme saisi, alors même que ce dernier l’aurait également rejetée au titre de sa responsabilité propre.
Dans une telle hypothèse, il appartient au juge administratif, saisi d’une action indemnitaire après le rejet d’une telle réclamation préalable, de regarder les conclusions du requérant tendant à l’obtention de dommages et intérêts en réparation de fautes commises par les services de l’organisme chargé du service des prestations au nom et pour le compte de l’État comme également dirigées contre ce dernier et de communiquer la requête tant à cet organisme qu’à l’autorité compétente au sein de l’État.
Injonction de délivrer un permis de construire
CE, 25 mai 2018, n° 417350, Préfet des Yvelines, avis. Lorsqu’une juridiction, à la suite de l’annulation d’un refus opposé à une demande d’autorisation d’occuper ou d’utiliser le sol, fait droit à des conclusions aux fins d’injonction sur le fondement de l’article L. 911-1 du Code de justice administrative, ces conclusions du requérant doivent être regardées comme confirmant sa demande initiale. Par suite, la condition posée par l’article L. 600-2 du Code de l’urbanisme imposant que la demande ou la déclaration soit confirmée dans les 6 mois suivant la notification de l’annulation au pétitionnaire doit être regardée comme remplie lorsque la juridiction enjoint à l’autorité administrative de délivrer l’autorisation d’urbanisme sollicitée.
Lorsque le juge annule un refus d’autorisation ou une opposition à une déclaration après avoir censuré l’ensemble des motifs que l’autorité compétente a énoncés dans sa décision conformément aux prescriptions de l’article L. 424-3 du Code de l’urbanisme ainsi que, le cas échéant, les motifs qu’elle a pu invoquer en cours d’instance, il doit, s’il est saisi de conclusions à fin d’injonction, ordonner à l’autorité compétente de délivrer l’autorisation ou de prendre une décision de non-opposition. Il n’en va autrement que s’il résulte de l’instruction soit que les dispositions en vigueur à la date de la décision annulée, qui eu égard aux dispositions de l’article L. 600-2 demeurent applicables à la demande, interdisent de l’accueillir pour un motif que l’administration n’a pas relevé, ou que, par suite d’un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date du jugement y fait obstacle. L’autorisation d’occuper ou utiliser le sol délivrée dans ces conditions peut être contestée par les tiers sans qu’ils puissent se voir opposer les termes du jugement ou de l’arrêt.
En cas d’annulation, par une nouvelle décision juridictionnelle, du jugement ou de l’arrêt ayant prononcé, dans ces conditions, une injonction de délivrer l’autorisation sollicitée et sous réserve que les motifs de cette décision ne fassent pas par eux-mêmes obstacle à un nouveau refus de cette autorisation, l’autorité compétente peut la retirer dans un délai raisonnable qui ne saurait, eu égard à l’objet et aux caractéristiques des autorisations d’urbanisme, excéder 3 mois à compter de la notification à l’administration de la décision juridictionnelle. Elle doit, avant de procéder à ce retrait, inviter le pétitionnaire à présenter ses observations.
Pas de recherche de reclassement si l’agent le refuse expressément
CE, 25 mai 2018, n° 407336, A. Il résulte d’un principe général du droit, dont s’inspirent tant les dispositions du Code du travail relatives à la situation des salariés qui pour des raisons médicales ne peuvent plus occuper leur emploi, que les règles statutaires applicables dans ce cas aux fonctionnaires, que, lorsqu’il a été médicalement constaté qu’un salarié se trouve, de manière définitive, atteint d’une inaptitude physique à occuper son emploi, il incombe à l’employeur public, avant de pouvoir prononcer son licenciement, de chercher à reclasser l’intéressé dans un autre emploi. La mise en œuvre de ce principe implique que, sauf si l’agent manifeste expressément sa volonté non équivoque de ne pas reprendre une activité professionnelle, l’employeur propose à ce dernier un emploi compatible avec son état de santé et aussi équivalent que possible avec l’emploi précédemment occupé ou, à défaut d’un tel emploi, tout autre emploi si l’intéressé l’accepte. Ce n’est que lorsque ce reclassement est impossible, soit qu’il n’existe aucun emploi vacant pouvant être proposé à l’intéressé, soit que l’intéressé est déclaré inapte à l’exercice de toutes fonctions ou soit que l’intéressé refuse la proposition d’emploi qui lui est faite, qu’il appartient à l’employeur de prononcer, dans les conditions applicables à l’intéressé, son licenciement3. Ce principe est applicable aux agents contractuels de droit public de Pôle emploi.
S’il y a transfert du risque d’exploitation, un contrat de mobilier urbain est une concession
CE, 25 mai 2018, n° 416825, Société Philippe Védiaud Publicité et a. Le contrat litigieux avait pour objet l’installation, l’exploitation, la maintenance et l’entretien de mobiliers urbains destinés notamment à l’information municipale. Le titulaire du contrat devait assurer ces prestations à titre gratuit et était rémunéré par les recettes tirées de la vente d’espaces à des annonceurs publicitaires.
Le juge du référé précontractuel a relevé, d’une part, que le contrat avait pour objet l’installation, l’exploitation, la maintenance et l’entretien de mobiliers urbains destinés notamment à l’information municipale, d’autre part, que le titulaire du contrat devait assurer ces prestations à titre gratuit et était rémunéré par les recettes tirées de la vente d’espaces à des annonceurs publicitaires. Pour juger que ce contrat était un marché public et non une concession de service, il s’est borné à constater qu’il confiait à titre exclusif l’exploitation des mobiliers à des fins publicitaires à son attributaire, pour en déduire qu’aucun risque n’était transféré à ce dernier. En statuant ainsi, sans rechercher si la société attributaire du contrat assumait un risque réel d’exploitation, il a commis une erreur de droit.
Le contrat ne comporte aucune stipulation prévoyant le versement d’un prix à son titulaire. Celui-ci est exposé aux aléas de toute nature qui peuvent affecter le volume et la valeur de la demande d’espaces de mobilier urbain par les annonceurs publicitaires sur le territoire de la commune, sans qu’aucune stipulation du contrat ne prévoie la prise en charge, totale ou partielle, par la commune des pertes qui pourraient en résulter. Il suit de là que ce contrat, dont l’attributaire se voit transférer un risque lié à l’exploitation des ouvrages à installer, constitue un contrat de concession et non un marché public4.
Aspects sociaux de critères : oui, s’ils sont liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution
CE, 25 mai 2018, n° 417580, Nantes Métropole. Il résulte des articles 52 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 et 62 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 que si l’acheteur peut, pour sélectionner l’offre économiquement la plus avantageuse, mettre en œuvre des critères comprenant des aspects sociaux, c’est à la condition, notamment, qu’ils soient liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution. À cet égard, des critères à caractère social, relatifs notamment à l’emploi, aux conditions de travail ou à l’insertion professionnelle des personnes en difficulté, peuvent concerner toutes les activités des entreprises soumissionnaires, pour autant qu’elles concourent à la réalisation des prestations prévues par le marché. Ces dispositions n’ont, en revanche, ni pour objet ni pour effet de permettre l’utilisation d’un critère relatif à la politique générale de l’entreprise en matière sociale, apprécié au regard de l’ensemble de son activité et indistinctement applicable à l’ensemble des marchés de l’acheteur, indépendamment de l’objet ou des conditions d’exécution propres au marché en cause.
Contrôle du juge du référé précontractuel sur une décision de ne pas allotir
CE, 25 mai 2018, n° 417428, Hauts-de-Seine Habitat et a. Saisi d’un moyen tiré de l’irrégularité de la décision de ne pas allotir un marché, il appartient au juge du référé précontractuel de déterminer si l’analyse à laquelle le pouvoir adjudicateur a procédé et les justifications qu’il fournit sont, eu égard à la marge d’appréciation dont il dispose pour décider de ne pas allotir lorsque la dévolution en lots séparés présente l’un des inconvénients que l’article 32 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 mentionne, entachées d’appréciations erronées. Par ailleurs, lorsqu’un marché public a été alloti, le juge ne peut relever un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence du fait de la définition du nombre et de la consistance des lots que si celle-ci est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation, compte tenu de la liberté de choix dont le pouvoir adjudicateur dispose en ce domaine.
Lorsque le pouvoir adjudicateur a choisi de diviser un marché public en lots géographiques, il appartient notamment au juge du référé précontractuel, saisi d’un moyen en ce sens, de s’assurer, en prenant en compte l’objet du marché et la nature des prestations à réaliser, que ce choix n’est pas entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.
Effet à double détente d’une déclaration d’inconstitutionnalité
CE, 30 mai 2018, n° 400912, Mme B. Par sa décision n° 2016-591 du 21 octobre 2016, le Conseil constitutionnel, statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la requérante à l’occasion de son recours pour excès de pouvoir contre le décret du 10 mai 2016 relatif au registre public des trusts, a déclaré contraire à la constitution le deuxième alinéa de l’article 1649 AB du Code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi du 6 décembre 2013, instituant un registre public des trusts et a prononcé son abrogation à compter de la date de publication de sa décision. Après avoir rappelé qu’en principe la déclaration d’inconstitutionnalité doit bénéficier à l’auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et que la disposition déclarée contraire à la constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de sa décision, le Conseil constitutionnel a estimé qu’en l’espèce, aucun motif ne justifiait de reporter les effets de l’abrogation des dispositions litigieuses.
Cette décision n’a pas entraîné, même implicitement, l’abrogation du décret attaqué. En revanche, alors même qu’elle ne comporte aucune prescription sur les effets produits par les dispositions législatives déclarées contraires à la constitution, il résulte de l’ensemble de ses motifs que le décret attaqué, qui a été pris pour la mise en œuvre des dispositions législatives déclarées inconstitutionnelles, était privé de base légale (annulation du décret).
Contrat de partenariat : l’action du crédit-bailleur relève du juge administratif
T. confl., 14 mai 2018, n° 4119, Sté Batimap c/ Cne de Nogent-sur-Seine. La commune a conclu avec une société, un contrat de partenariat ayant pour objet le transfert, la restructuration et l’agrandissement d’un musée. Pour cette opération, la société cocontractante a conclu avec une autre société un contrat de crédit-bail. Une convention tripartite a été conclue entre les deux sociétés et la commune.
Le contrat de partenariat est un contrat administratif. La nature de la créance que le titulaire détient sur la personne publique en exécution de ce contrat n’est pas modifiée par la cession dont elle peut être l’objet5. L’action du crédit-bailleur, cessionnaire de la créance du titulaire, relève donc de la compétence de la juridiction administrative.
Par ailleurs, la convention tripartite prévoit notamment, afin de préciser les conséquences à tirer d’une résiliation du contrat de partenariat, l’acquisition par la commune des ouvrages financés par le crédit-bailleur contre versement de l’indemnité irrévocable prévue par ce contrat. L’action par laquelle le crédit-bailleur demande, sur le fondement de cette stipulation, le paiement de cette indemnité, relève de la compétence de la juridiction administrative.
Litige entre le CNED et un de ses usagers : compétence administrative
T. confl., 14 mai 2018, n° 4120, Mme Malika V. c/ Centre national d’enseignement à distance (CNED). Mme V. s’est inscrite à une formation à distance proposée par le CNED. Sa demande d’annulation partielle de son inscription a été rejetée. Elle a alors formé un recours gracieux, sollicitant l’annulation de l’intégralité de son inscription ainsi que le remboursement des droits d’inscription correspondants. Ce recours ayant été rejeté, Mme V. a demandé au tribunal administratif de prononcer la « nullité du contrat de formation » qu’elle avait souscrit auprès du CNED et de constater qu’elle ne lui était redevable d’aucune somme.
Aux termes de l’article R. 426-1 du Code de l’éducation, le CNED est un établissement public national à caractère administratif doté de la personnalité civile et de l’autonomie financière, placé sous la tutelle des ministres de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. Selon l’article R. 423-2 du même code, le CNED dispense un enseignement et des formations à distance dans le cadre de la formation initiale et de la formation professionnelle tout au long de la vie. Cet enseignement et ces formations sont assurés à tous les niveaux de l’enseignement scolaire et de l’enseignement supérieur dans le cadre de formations complètes ou particulières.
La formation dont Mme V. a demandé le bénéfice relève de la mission de service public administratif que le Code de l’éducation confie au CNED. Le litige, qui oppose un service public administratif à un de ses usagers, relève de la compétence de la juridiction administrative.
Notes de bas de pages
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1.
V. CE, ass., 3 févr. 1989, n° 74052, Cie Alitalia : Lebon, p. 44 – CE, 10 oct. 2013, n° 359219, Fédération française de gymnastique : Lebon, p. 251.
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2.
Ab. jur. CE, ass., 12 déc. 1953, n° 18046, Synd. nat. de transporteurs aériens : Lebon, p. 547 – CE, 20 déc. 2011, n° 346690, Briand : Lebon, tables, p. 813, 941, 997, 1130.
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3.
V. CE, 19 mai 2017, n° 397577, M. Balland : Lebon, tables, p. 448,497, 649, 653.
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4.
V. CE, 5 févr. 2018, n° 416581 et a., Ville de Paris et Sté de mobiliers urbains pour la publicité et l’information.
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5.
T. confl., 18 oct. 1999, n° 3130, SA Cussenot Matériaux : Lebon, p. 475.