Panorama de droit public (1er mars-15 avril 2018)
Hormis des décisions relatives à la fonction publique et à la procédure administrative contentieuse, cette chronique printanière inclut des décisions par lesquelles le Conseil d’État poursuit ses constructions jurisprudentielles en matière de contrat administratif, en indiquant qu’une délégation de service public ne saurait être modifiée substantiellement par avenant, et en matière de délai de recours, en appliquant le principe issu de la décision Czabaj aux décisions à objet pécuniaire et aux titres exécutoires. Le Conseil d’État précise également les conditions auxquelles il peut être recouru à un second vote en cas d’opérations électorales au sein d’une assemblée délibérante, définit la notion d’archive publique et rappelle qu’en droit, la République n’a pas cessé d’exister de 1940 à 1944.
La Bourse du travail de Paris est un établissement public administratif
CE, 7 mars 2018, n° 415125, Bourse du travail de Paris. Il résulte des dispositions du décret du 3 avril 1970 que la Bourse du travail de Paris est « un établissement public de caractère municipal doté de la personnalité morale ». Elle a pour objet de concourir à la promotion économique et sociale des travailleurs, notamment par l’organisation d’activités d’enseignement et la fourniture de services de consultation ou d’information. Eu égard à son objet, aux modalités de son organisation et de son fonctionnement et à l’origine de ses ressources, principalement assurées par des subventions inscrites au budget de la ville de Paris, la Bourse du travail de Paris doit être regardée comme exerçant une mission de service public à caractère administratif. Il suit de là que l’intéressé, employé en qualité de conseiller en droit du travail par la Bourse du travail de Paris, est un agent contractuel de droit public.
Pas de modification substantielle d’une DSP par avenant
CE, 9 mars 2018, n° 409972, Compagnie des parcs et passeurs du Mont-Saint-Michel. Les délégations de service public sont soumises aux principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, qui sont des principes généraux du droit de la commande publique. Pour assurer le respect de ces principes, les parties à une convention de délégation de service public ne peuvent, par simple avenant, apporter des modifications substantielles au contrat en introduisant des conditions qui, si elles avaient figuré dans la procédure de passation initiale, auraient pu conduire à admettre d’autres candidats ou à retenir une autre offre que celle de l’attributaire. Ils ne peuvent notamment ni modifier l’objet de la délégation ni faire évoluer de façon substantielle l’équilibre économique du contrat, tel qu’il résulte de ses éléments essentiels, comme la durée, le volume des investissements ou les tarifs.
Alors même que les clauses tarifaires d’un contrat de délégation de service public revêtent un caractère réglementaire, les tarifs sont au nombre des éléments essentiels qui concourent à l’équilibre économique du contrat.
L’avenant n° 5 au contrat litigieux prévoyait des hausses de tarifs comprises entre 31 et 48 %, qui se traduiraient par une augmentation de plus d’un tiers des recettes et qui allaient très au-delà de la compensation des augmentations de charges liées aux modifications des obligations du délégataire convenues par ailleurs. En en déduisant qu’une modification substantielle était ainsi apportée au contrat, la cour n’a ni omis de répondre au moyen tiré de ce que la hausse des tarifs était destinée à compenser les investissements nouveaux et les charges d’exploitation résultant du changement de point de départ des navettes, non compensés par le versement d’une subvention d’exploitation, ni méconnu le droit du délégataire à la compensation des nouvelles sujétions de service public, ni apprécié de manière « purement arithmétique » la modification introduite par l’avenant n° 5, ni commis d’erreur de droit.
Application de la jurisprudence Czabaj aux décisions à objet purement pécuniaire
CE, 9 mars 2018, n° 405355, Communauté de communes du pays roussillonnais. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l’effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d’une telle notification, que celui-ci a eu connaissance1. En une telle hypothèse, si le non-respect de l’obligation d’informer l’intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l’absence de preuve qu’une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le Code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d’un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l’exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu’il en a eu connaissance. Il appartient au juge administratif de faire application de cette règle au litige dont il est saisi, quelle que soit la date des faits qui lui ont donné naissance.
L’expiration du délai permettant d’introduire un recours en annulation contre une décision expresse dont l’objet est purement pécuniaire fait obstacle à ce que soient présentées des conclusions indemnitaires ayant la même portée2.
La communauté de communes a eu connaissance de la décision préfectorale ayant minoré sa dotation de compensation pour l’année 2012, au plus tard à la fin de l’année 2012 et n’a exercé aucun recours juridictionnel à son encontre. Ainsi, cette décision, qui a un objet exclusivement pécuniaire, était devenue définitive. Les conclusions, présentées devant le tribunal administratif le 26 décembre 2014, qui sont fondées sur l’illégalité de cette décision ayant minoré sa dotation de compensation pour l’année 2012, ne sont pas recevables.
Application de la jurisprudence Czabaj aux titres exécutoires
CE, 9 mars 2018, n° 401386, Communauté d’agglomération du pays ajaccien. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l’effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d’une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l’obligation d’informer l’intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l’absence de preuve qu’une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le Code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d’un délai raisonnable.
S’agissant des titres exécutoires, sauf circonstances particulières dont se prévaudrait son destinataire, le délai raisonnable ne saurait excéder un an à compter de la date à laquelle le titre, ou à défaut, le premier acte procédant de ce titre ou un acte de poursuite a été notifié au débiteur ou porté à sa connaissance. Un débiteur qui saisit la juridiction judiciaire, alors que la juridiction administrative était compétente, conserve le bénéfice de ce délai raisonnable dès lors qu’il a introduit cette instance avant son expiration. Un nouveau délai de deux mois est décompté à partir de la notification ou de la signification du jugement par lequel la juridiction judiciaire s’est déclarée incompétente.
Second vote en cas d’opérations électorales au sein d’une assemblée délibérante : les conditions
CE, 9 mars 2018, n° 415286, Boudot. À l’issue d’opérations électorales au sein d’une assemblée délibérante, le président de celle-ci est tenu d’en proclamer les résultats. Toutefois, en cas d’irrégularité de nature à vicier la sincérité du scrutin, l’assemblée peut, après avoir été informée des résultats de celui-ci et de la nature de l’irrégularité invoquée, décider à l’unanimité de procéder à un second vote. Le juge de l’élection, saisi d’une protestation contre le nouveau scrutin, doit se voir transmettre les éléments lui permettant de se prononcer sur l’existence de l’irrégularité invoquée pour justifier la nullité des premières opérations électorales afin, en l’absence d’une telle irrégularité, d’annuler les résultats issus du second vote et de proclamer, le cas échéant, les résultats initiaux3.
Demande par le défendeur de frais irrépétibles après désistement d’office du demandeur
CE, 9 mars 2018, n° 402378, Mme C. Lorsqu’un tribunal administratif ou une cour administrative d’appel choisit d’adresser une mise en demeure en application de l’article R. 612-5 du Code de justice administrative, ce tribunal ou cette cour doit, sauf à ce que cette mise en demeure s’avère injustifiée ou irrégulière, constater le désistement d’office du requérant si celui-ci ne produit pas le mémoire complémentaire à l’expiration du délai fixé.
La circonstance que des conclusions aient été présentées par le défendeur postérieurement au désistement d’office du requérant ne fait pas obstacle à ce que le juge soit saisi par ce défendeur de conclusions tendant, sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative, au remboursement de frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
Marché public portant sur des activités réglementées : obligations du pouvoir adjudicateur
CE, 4 avr. 2018, n° 415946, Société Altraconsulting. Il appartient au pouvoir adjudicateur, dans le cadre de la procédure de passation d’un marché public portant sur des activités dont l’exercice est réglementé, de s’assurer que les soumissionnaires remplissent les conditions requises pour les exercer4. Tel est le cas des consultations juridiques et de la rédaction d’actes sous seing privé qui ne peuvent être effectuées à titre habituel que par les professionnels mentionnés par l’article 54 de la loi du 31 décembre 1971. Toutefois, lorsque les prestations qui font l’objet du marché n’entrent qu’en partie seulement dans le champ d’activités réglementées, l’article 45 du décret du 25 mars 2016 autorise les opérateurs économiques à présenter leur candidature et leur offre sous la forme d’un groupement conjoint, dans le cadre duquel l’un des cotraitants possède les qualifications requises. Ainsi, pour un marché relatif à des prestations ne portant que partiellement sur des consultations juridiques ou la rédaction d’actes sous seing privé, il est loisible à un opérateur économique ne possédant pas ces qualifications de s’adjoindre, dans le cadre d’un groupement conjoint, en tant que cotraitant, le concours d’un professionnel du droit, à la condition que la répartition des tâches entre les membres du groupement n’implique pas que celui ou ceux d’entre eux qui n’ont pas cette qualité soient nécessairement conduits à effectuer des prestations relevant de l’article 54 de la loi du 31 décembre 1971.
Computation du délai imparti pour demander la validation de services accomplis en tant que non titulaire
CE, 4 avr. 2018, n° 407032, A. Le respect du délai de 2 ans prévu par le I de l’article 50 du décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2015-788, durant lequel un fonctionnaire territorial peut, à compter de la notification de sa titularisation, demander la validation de ses services accomplis antérieurement en qualité d’agent non titulaire, s’apprécie à la date de réception de cette demande par son employeur ou, lorsqu’elle est saisie directement par l’agent, par la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités territoriales.
Précisions sur la notion d’infection nosocomiale
CE, sect., 23 mars 2018, n° 402237, Mme D. Doit être regardée au sens du second alinéa du I de l’article L. 1142-1 du Code de la santé publique comme présentant un caractère nosocomial, une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d’un patient et qui n’était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s’il est établi qu’elle a une autre origine que la prise en charge5.
La mission de l’avocat ne se termine qu’après la lecture de la décision
CE, sect., 23 mars 2018, n° 406802, Société Patrice Parmentier automobiles. Lorsqu’elle est exigée par les dispositions régissant la procédure applicable devant les juridictions administratives, l’obligation faite aux parties d’être représentées par un avocat, qui a pour objet tant d’assurer aux justiciables le concours d’un mandataire qualifié veillant à leurs intérêts que de contribuer à la bonne administration de la justice en faisant de ce mandataire l’interlocuteur de la juridiction comme des autres parties, revêt un caractère continu qui se poursuit jusqu’à la lecture de la décision.
Il résulte d’une règle générale de procédure que lorsque la représentation est obligatoire, la révocation d’un avocat par sa partie ou la décision d’un avocat de mettre fin à son mandat est sans effet sur le déroulement de la procédure juridictionnelle et ne met un terme aux obligations professionnelles incombant à cet avocat que lorsqu’un autre avocat s’est constitué pour le remplacer, le cas échéant après qu’une invitation à cette fin a été adressée à la partie concernée par la juridiction.
L’inspection générale de la justice ne peut inspecter la Cour de cassation
CE, sect., 23 mars 2018, n° 406066, Syndicat Force ouvrière Magistrats et autres. Le principe de la séparation des pouvoirs et l’article 64 de la constitution, qui garantissent l’indépendance de l’autorité judiciaire, notamment l’indépendance des magistrats dans l’exercice de la fonction de juger, n’interdisent pas la création, auprès du ministre de la Justice, d’un organe appelé à contrôler ou à évaluer l’activité des juridictions judiciaires, à condition que celui-ci apporte, par sa composition, le statut de ses membres, son organisation ainsi que les conditions et les modalités de son intervention, les garanties nécessaires au respect de l’indépendance de l’autorité judiciaire et que ses investigations ne le conduisent pas à porter une appréciation sur un acte juridictionnel déterminé. Ces principes n’interdisent pas davantage la présence, au sein d’un tel organe, d’inspecteurs extérieurs à la magistrature judiciaire justifiant de qualifications adéquates, dès lors que les investigations portant sur le comportement d’un magistrat sont conduites par un inspecteur ayant lui-même cette qualité et que celles qui portent sur l’activité juridictionnelle d’une juridiction le sont sous l’autorité directe d’un tel inspecteur.
L’article 1er du décret n° 2016-1675 du 5 décembre 2016 crée une Inspection générale de la justice placée auprès du garde des Sceaux, ministre de la Justice.
Eu égard à la composition et au statut des membres ainsi qu’à l’organisation, aux conditions et aux modalités d’intervention de l’Inspection générale de la justice ainsi qu’aux garanties dont disposent les magistrats faisant l’objet d’une inspection, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le décret attaqué n’apporterait pas les garanties nécessaires au respect de l’indépendance de l’autorité judiciaire, au regard des principes rappelés ci-dessus, en ce qui concerne les juridictions judiciaires des premier et second degrés.
En revanche, eu égard tant à la mission confiée par le législateur à la Cour de cassation, placée au sommet de l’ordre judiciaire, qu’aux rôles confiés par la constitution à son premier président et à son procureur général, notamment à la tête du Conseil supérieur de la magistrature chargé par la constitution d’assister le président de la République dans son rôle de garant de l’autorité judiciaire, le décret attaqué ne pouvait légalement inclure la Cour de cassation dans le champ des missions de l’Inspection générale de la justice sans prévoir de garanties supplémentaires relatives, notamment, aux conditions dans lesquelles sont diligentées les inspections et enquêtes portant sur cette juridiction ou l’un de ses membres. Son article 2 doit, par suite, être annulé en tant qu’il inclut la Cour de cassation dans le champ de la mission permanente d’inspection, de contrôle, d’étude, de conseil et d’évaluation exercée par l’Inspection générale de la justice.
Notion de « services publics effectifs »
CE, 28 mars 2018, n° 402913, Centre national de la recherche scientifique. En estimant que l’intéressé avait, du 16 février 2005 au 1er janvier 2007, participé à des travaux de recherche collectivement effectués au sein d’une unité de recherche du CNRS, sous la supervision directe du directeur de cette unité et en étant soumis aux mêmes obligations de travail et aux mêmes sujétions que les chercheurs du CNRS qui concouraient à ces travaux, la cour a, sans les dénaturer, souverainement apprécié les pièces du dossier qui lui était soumis. En jugeant que l’intéressé devait, par suite, être regardé comme ayant accompli, pendant cette période, des services publics effectifs auprès du CNRS, au sens de l’article 8 de la loi du 12 mars 2012, alors même qu’il n’était pas rémunéré par le CNRS mais touchait une « libéralité » versée annuellement par la Ligue nationale contre le cancer au titre des recherches auxquelles il participait, la cour a exactement qualifié les faits de l’espèce.
Le destinataire doit prouver l’absence de qualité du signataire de l’accusé de réception
CE, 28 mars 2018, n° 399867, Madame B. Lorsque le destinataire d’une décision administrative soutient que l’avis de réception d’un pli recommandé portant notification de cette décision à l’adresse qu’il avait lui-même indiqué à l’administration n’a pas été signé par lui, il lui appartient d’établir que le signataire de l’avis n’avait pas qualité pour recevoir le pli en cause6.
Le courrier envoyé à l’intéressée a fait l’objet d’un accusé de réception, signé par le gardien de la résidence où elle habite. En estimant que l’intéressée n’établissait pas que le gardien de cette résidence n’avait pas qualité pour recevoir les plis recommandés qui lui étaient destinés, la cour s’est livrée à une appréciation souveraine des pièces du dossier exempte de dénaturation. Elle n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que la décision avait été régulièrement notifiée, à la date de la signature du pli, à l’intéressée.
Devoirs du juge saisi d’un recours contre une opposition à l’acceptation d’un legs
CE, 30 mars 2018, n° 411124, ministre de l’Intérieur. Le dernier alinéa de l’article 910 du Code civil dans sa rédaction issue de la loi du 17 mai 2011 et l’article 6-4 du décret du 11 mai 2007 donnent au ministre de l’Intérieur le pouvoir de faire usage de son droit d’opposition à l’acceptation d’une libéralité par un établissement étranger notamment lorsque les activités de cet établissement ou de ses dirigeants, qu’elles soient menées en France ou à l’étranger, sont contraires à l’ordre public.
En se fondant, pour rejeter les appels formés par le ministre de l’Intérieur contre les jugements du tribunal administratif annulant les décisions s’opposant à l’acceptation par le mouvement raëlien international de legs, sur le seul motif que cette association n’était pas interdite en France et que les légataires, qui en étaient membres actifs, n’étaient pas défavorablement connus des services de police, sans rechercher si les activités de cette association, en France mais aussi à l’étranger, n’étaient pas contraires à l’ordre public, la cour a commis une erreur de droit.
Machines à sous ou fumoir, il faut choisir
CE, 30 mars 2018, n° 408156, Société Casino de Blotzheim, Société Amnéville Loisirs. Il résulte des articles L. 3511-7, R. 3511-1 et R. 3511-3 du Code de la santé publique alors en vigueur et de l’article 68-27 de l’arrêté du 14 mai 2007 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos que l’installation de machines à sous au sein d’un local clos implique nécessairement la présence dans ce local d’un caissier ainsi que l’intervention d’un membre du comité de direction en cas d’événement ou d’incident requérant sa présence. Une telle situation est incompatible avec le respect des dispositions précitées du Code de la santé publique, qui excluent l’intervention de personnels dans les salles closes réservées aux fumeurs avant que l’air y ait été renouvelé, en l’absence de tout occupant, pendant au moins une heure. Il en résulte qu’une salle close affectée exclusivement à la consommation de tabac, au sens de l’article R. 3511-3 du Code de la santé publique, constitue nécessairement un local distinct, au sens de l’article 68-27 de l’arrêté du 14 mai 2007, et que l’installation de machines à sous dans une telle salle méconnaît les dispositions du Code de la santé publique.
Acte usuel de l’autorité parentale : appréciation par l’administration
CE, 13 avril 2018, n° 392949, ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Pour l’application de l’article 372-2 du Code civil, l’administration appelée à prendre, à la demande d’un des parents exerçant en commun l’autorité parentale avec l’autre parent, une décision à l’égard d’un enfant, doit apprécier si, eu égard à la nature de la demande et compte tenu de l’ensemble des circonstances dont elle a connaissance, cette demande peut être regardée comme relevant d’un acte usuel de l’autorité parentale. Dans l’affirmative, l’administration doit être regardée comme régulièrement saisie de la demande, alors même qu’elle ne se serait pas assurée que le parent qui la formule dispose de l’accord exprès de l’autre parent.
Par ailleurs, dans l’hypothèse où l’administration ferait droit, pour un enfant, à une demande émanant d’un parent qu’elle ne pourrait, en vertu de la règle rappelée ci-dessus, regarder comme réputé agir avec l’accord de l’autre parent, l’illégalité qui entacherait, par suite, sa décision, ne serait susceptible d’engager sa responsabilité qu’à raison de la part imputable à sa faute dans la survenance du préjudice.
Un brouillon peut constituer une archive publique
CE, ass., 13 avril 2018, n° 410939, Association du musée des lettres et manuscrits et autres. Tout document procédant de l’activité de l’État constitue, par nature, une archive publique7. Il en résulte que revêtent le caractère d’archives publiques tous les documents procédant de l’activité de l’État quelle que soit la date à laquelle ils ont été produits, quel que soit leur état d’achèvement et quelle que soit l’intention de leur auteur. Sont sans incidence sur la qualification d’archives publiques des documents en litige, le fait qu’il s’agisse de brouillons de télégrammes et que leur auteur les aurait regardés comme des documents privés.
Ainsi que l’expriment les articles 1, 2 et 7 de l’ordonnance du 9 août 1944, la France libre et la France combattante et, par la suite, le Comité français de la libération nationale et le gouvernement provisoire de la République française, ont été, à compter du 16 juin 1940, dépositaires de la souveraineté nationale et ont assuré la continuité de la République. Il s’ensuit que les documents qui émanent de ces institutions et de leurs dirigeants et représentants procèdent de l’activité de l’État et constituent, dès lors, des archives publiques.
Est sans incidence à cet égard la circonstance que les faits et agissements de l’autorité de fait se disant « gouvernement de l’État français » et de l’administration française qui en dépendait engagent la responsabilité de la puissance publique, le débiteur de cette responsabilité ne pouvant être que l’État8. N’y fait pas davantage obstacle la circonstance que doivent être regardés comme des archives publiques les documents procédant de l’activité politique et administrative de cette autorité de fait.
Fonctionnaire irrégulièrement nommé à des fonctions : appréciation de son aptitude
CE, 13 avril 2018, n° 410411, Commune de Gennevilliers. Un fonctionnaire irrégulièrement nommé aux fonctions qu’il occupe doit être regardé comme légalement investi de ces fonctions tant que sa nomination n’a pas été annulée. Son aptitude à exercer normalement ses fonctions peut être appréciée au regard de fonctions auxquelles il a été irrégulièrement nommé, sauf si ces dernières ne correspondent pas à celles pour lesquelles il a été engagé ou à celles de son grade.
Notes de bas de pages
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1.
V. CE, ass., 13 juill. 2016, n° 387763, Czabaj : Lebon, p. 340.
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2.
V. CE, sect., 2 mai 1959, n° 44419, min. Finances c/ Lafon : Lebon, p. 282.
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3.
V. CE, 12 avr. 1989, Élect. mun. Cauterets : Lebon, p. 522 – CE, ass., 31 mai 1957, n° 26188 : Lebon, p. 355 – CE, 19 juin 1992, n° 127421 : Lebon, p. 240.
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4.
V. CE, 18 juin 2010, n° 336418, Min. État, garde des Sceaux, min. Justice et Libertés c/ sté Bureau Véritas : Lebon, p. 667-847 – CE, 4 mai 2016, n° 396590, Agence dptale d’information sur le logement et l’énergie de Vendée : Lebon, p. 818-833-876.
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5.
V. CE, 21 juin 2013, n° 347450, Centre hosp. Puy-en-Velay : Lebon, p. 177.
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6.
V. CE, sect., 11 juill. 1988, n° 52639, SCI 1, rue de la Fraternité : Lebon, p. 296 – CE, 13 nov. 1998, n° 164143, Grimaud : Lebon, p. 393.
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7.
C. patr., art. L. 211-4.
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8.
CE, ass., 12 avr. 2002, n° 238689, Papon : Lebon, p. 139 – CE, ass., avis, 16 févr. 2009, n° 315499 : Lebon, p. 43.