Panorama de droit public (1er décembre 2017 – 15 janvier 2018)
Le lecteur lira avec intérêt cette sélection de décisions relatives, pour la plupart, à la fonction publique, aux collectivités territoriales, à la responsabilité de la puissance publique et à l’arrêt de soins de personnes en état végétatif. Mention particulière sera faite de l’arrêt du tribunal des conflits Commune de Capbreton, qui précise les critères du « mandat administratif ».
Conditions de validité de la nomination d’un régisseur dans un EPLE
CE, 6 déc. 2017, n° 402474, Mme C. La nomination d’un régisseur dans un établissement public local d’enseignement relève de la compétence du chef d’établissement, avec l’agrément de l’agent comptable. La nomination d’un régisseur affecte la détermination des personnes susceptibles d’être déclarées personnellement et pécuniairement responsables d’opérations relevant de la comptabilité publique. Dès lors, cette nomination ne saurait résulter d’une simple décision implicite du chef d’établissement, mais doit nécessairement être formalisée par une décision explicite, soumise à l’agrément de l’agent comptable.
Un fonctionnaire irrégulièrement maintenu sans affectation a droit à la réparation intégrale du préjudice subi
CE, 6 déc. 2017, n° 405841, ministre des Affaires étrangères et du Développement international. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un fonctionnaire qui a été irrégulièrement maintenu sans affectation a droit à la réparation intégrale du préjudice qu’il a effectivement subi du fait de son maintien illégal sans affectation1. Pour déterminer l’étendue de la responsabilité de la personne publique, il est tenu compte des démarches qu’il appartient à l’intéressé d’entreprendre auprès de son administration, eu égard tant à son niveau dans la hiérarchie administrative que de la durée de la période pendant laquelle il a bénéficié d’un traitement sans exercer aucune fonction. Dans ce cadre, sont indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l’illégalité commise présente un lien direct de causalité. Pour l’évaluation du montant de l’indemnité due, doit être prise en compte la perte des primes et indemnités dont l’intéressé avait, pour la période en cause qui débute à la date d’expiration du délai raisonnable dont disposait l’administration pour lui trouver une affectation, une chance sérieuse de bénéficier, à l’exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l’exercice effectif des fonctions.
Fin de vie : le droit au recours des proches est respecté
CE, 6 déc. 2017, n° 403944, Union nationale des associations de familles de traumatisés crâniens et de cérébro-lésés (UNAFTC). Il résulte des articles L. 1110-5, L. 1110-5-1, L. 1110-5-2, L. 1111-4 et L. 1111-11 du Code de la santé publique et de la décision du Conseil constitutionnel du 2 juin 2017 que le législateur a permis au médecin en charge d’un patient hors d’état d’exprimer sa volonté d’arrêter ou de ne pas mettre en œuvre, au titre du refus de l’obstination déraisonnable, les traitements qui apparaissent inutiles, disproportionnés ou sans autre effet que le seul maintien artificiel de la vie et que la procédure collégiale qu’elles prévoient doit permettre à l’équipe soignante en charge du patient de vérifier le respect des conditions légales et médicales d’arrêt des soins et de mise en œuvre, dans ce cas, d’une sédation profonde et continue, associée à une analgésie2.
En confiant au seul médecin en charge du patient la responsabilité de prendre la décision de limitation ou d’arrêt des traitements à l’issue de la procédure collégiale, le décret n° 2016-1066 du 3 août 2016 se borne à expliciter les dispositions législatives pour l’application desquelles il est pris, sans en modifier le sens ou la portée. Dans ces conditions, il ne méconnaît pas la liberté personnelle protégée par l’article 2 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen ainsi que le principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine.
Il résulte des réserves d’interprétation dont le Conseil constitutionnel a assorti sa décision n° 2017-632 QPC du 2 juin 2017 que les personnes auprès desquelles le médecin s’est enquis de la volonté du patient doivent pouvoir exercer un recours en temps utile et que, lorsqu’est exercé un recours tel que le référé prévu par l’article L. 521-2 du Code de justice administrative devant les juridictions administratives ou celui que prévoit l’article 809 du Code de procédure civile devant les juridictions civiles, il doit être examiné dans les meilleurs délais par la juridiction compétente en vue de la suspension éventuelle de la décision contestée. Ceci implique nécessairement que le médecin ne peut mettre en œuvre une décision d’arrêter ou de limiter un traitement avant que les personnes qu’il a consultées et qui pourraient vouloir saisir la juridiction compétente d’un tel recours n’aient pu le faire et obtenir une décision de sa part.
Arrêt des soins d’une adolescente dans un état végétatif persistant
CE, réf., 5 janv. 2018, n° 416689, Mme B. et F. Il appartient au juge des référés d’exercer ses pouvoirs de manière particulière, lorsqu’il est saisi, sur le fondement de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative, d’une décision, prise par un médecin, dans le cadre défini par le Code de la santé publique, et conduisant à arrêter ou ne pas mettre en œuvre, au titre du refus de l’obstination déraisonnable, un traitement qui apparaît inutile ou disproportionné ou sans autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, dans la mesure où l’exécution de cette décision porterait de manière irréversible une atteinte à la vie. Il doit alors, le cas échéant en formation collégiale, conformément à ce que prévoit le troisième alinéa de l’article L. 511-2 du Code de justice administrative, prendre les mesures de sauvegarde nécessaires pour faire obstacle à son exécution lorsque cette décision pourrait ne pas relever des hypothèses prévues par la loi, en procédant à la conciliation des libertés fondamentales en cause, que sont le droit au respect de la vie et le droit du patient de consentir à un traitement médical et de ne pas subir un traitement qui serait le résultat d’une obstination déraisonnable.
La décision du médecin de limitation ou d’arrêt des traitements d’un patient mineur hors d’état d’exprimer sa volonté doit être notifiée à ses parents ou à son représentant légal afin notamment de leur permettre d’exercer un recours en temps utile, ce qui implique en particulier que le médecin ne peut mettre en œuvre cette décision avant que les parents ou le représentant légal du jeune patient, qui pourraient vouloir saisir la juridiction compétente d’un recours, n’aient pu le faire et obtenir une décision de sa part.
Pour apprécier si les conditions d’un arrêt des traitements de suppléance des fonctions vitales sont réunies s’agissant d’un patient victime de lésions cérébrales graves, quelle qu’en soit l’origine, qui se trouve dans un état végétatif ou dans un état de conscience minimale le mettant hors d’état d’exprimer sa volonté et dont le maintien en vie dépend d’un mode artificiel d’alimentation et d’hydratation, le médecin en charge doit, dans le cas d’un patient mineur, rechercher l’accord des parents ou du représentant légal de celui-ci, agir dans le souci de la plus grande bienfaisance à l’égard de l’enfant et faire de son intérêt supérieur une considération primordiale.
Il peut être passé outre à une formalité constitutionnelle impossible
CE, 13 déc. 2017, n° 411788, président du Sénat. Si le président de la République ne peut, en principe, procéder à la nomination du président de la commission prévue par le dernier alinéa de l’article 25 de la constitution sans qu’ait été émis au préalable l’avis des commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l’article 13 de la constitution, en l’espèce l’avis de la commission des lois du Sénat n’a pas été recueilli du fait du refus de réunir cette commission, dans un délai raisonnable suivant l’annonce du nom de la personnalité pressentie, afin de procéder à l’audition de cette dernière et au vote prévu par la constitution, alors même d’ailleurs que la commission des lois s’est réunie à quatre reprises entre le 15 mars et le 4 avril 2017. Ce refus de réunir la commission des lois a mis le président de la République dans l’impossibilité de recueillir son avis dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l’article 13 de la constitution. Il a également rendu impossible le respect de la règle résultant de l’article 5 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 qui prévoit, pour l’application de la procédure prévue au cinquième alinéa de l’article 13 de la constitution, que le scrutin correspondant au vote émis par chacune des commissions permanentes doit être dépouillé au même moment dans les deux assemblées.
Contrôle en cassation de la proportionnalité de la sanction aux fautes commises
CE, 13 déc. 2017, n° 400629, La Poste. La constatation et la caractérisation des faits reprochés à l’agent relèvent, dès lors qu’elles sont exemptes de dénaturation, du pouvoir souverain des juges du fond. Le caractère fautif de ces faits est susceptible de faire l’objet d’un contrôle de qualification juridique de la part du juge de cassation. L’appréciation du caractère proportionné de la sanction au regard de la gravité des fautes commises relève, pour sa part, de l’appréciation des juges du fond et n’est susceptible d’être remise en cause par le juge de cassation que dans le cas où la solution qu’ils ont retenue quant au choix, par l’administration, de la sanction est hors de proportion avec les fautes commises3.
La cour a jugé que les faits reprochés à l’intéressée étaient matériellement établis et présentaient le caractère de fautes disciplinaires de nature à justifier une sanction.
En se fondant sur la manière de servir de l’intéressée durant l’ensemble de sa carrière, sur l’absence de tout passé disciplinaire, sur ses qualités professionnelles et humaines, sur l’absence de volonté de nuire tant à sa cliente, avec laquelle elle entretenait une relation d’amitié, qu’à La Poste, la cour a estimé que la sanction de révocation était disproportionnée aux faits en cause. Toutefois, eu égard à la gravité des manquements reprochés à l’intéressée, l’appréciation portée sur ce point par la cour conduirait en cas de reprise de la procédure disciplinaire au prononcé d’une sanction qui serait, en raison de son caractère insuffisant, hors de proportion avec les fautes commises4. Par suite, La Poste est fondée à demander l’annulation de l’arrêt.
Suppression de la compétence au titre de laquelle la collectivité participe, fin de la participation au groupement
CE, 13 déc. 2017, n° 406563, Assemblée des départements de France. Il résulte des dispositions du 3e alinéa de l’article L. 5721-6-3 du Code général des collectivités territoriales, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé leur adoption, que lorsqu’une collectivité territoriale ne dispose plus d’une compétence au titre de laquelle elle participait à un groupement, tel qu’un syndicat mixte, sa participation se trouve désormais privée de base légale et ne peut donc que prendre fin.
Retrait d’une décision informelle créatrice de droits
CE, 13 déc. 2017, n° 393466, CCAS d’Aimargues. Sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l’administration ne peut retirer une décision individuelle créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de 4 mois suivant la prise de cette décision. Une décision administrative explicite accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire, alors même que l’administration avait l’obligation de refuser cet avantage5. Il en va de même, dès lors que le bénéfice de l’avantage en cause ne résulte pas d’une simple erreur de liquidation ou de paiement, de la décision de l’administration accordant un avantage financier qui, sans avoir été formalisée, est révélée par les circonstances de l’espèce, eu égard notamment à la situation du bénéficiaire et au comportement de l’administration.
Par une délibération du conseil d’administration du CCAS d’Aimargues du 9 août 1995, une indemnité de fonction a été allouée au vice-président de ce centre communal, de sorte que ce dernier était en droit d’en bénéficier quand il a été désigné à ce poste sans qu’aucune autre décision formelle lui octroyant cette indemnité ne soit nécessaire. L’indemnité de fonction a été versée chaque mois à l’intéressé au cours des années 2002 à 2008 où il a occupé ce poste de vice-président. Dans ces circonstances, le versement de cette indemnité ne saurait résulter d’une simple erreur de liquidation ou de paiement de la part de l’administration. En conséquence, la décision d’attribution de l’indemnité figurant dans la délibération a créé des droits pour l’intéressé dès la date de sa désignation, alors même qu’elle était illégale depuis l’origine.
La décision du bureau du CESE statuant sur la recevabilité d’une pétition est une décision administrative
CE, 15 déc. 2017, n° 402259, Brillault. La décision par laquelle le bureau du conseil économique, social et environnemental (CESE) statue sur la recevabilité d’une pétition dont le conseil est saisi sur le fondement du troisième alinéa de l’article 69 de la constitution, en vérifiant si les conditions posées par l’article 4-1 cité au point précédent sont remplies, a le caractère d’une décision administrative susceptible d’un recours pour excès de pouvoir.
Il résulte des dispositions de l’article 69 de la constitution, éclairées par les travaux préparatoires de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, que, si le CESE peut être régulièrement saisi par voie de pétition d’une question à caractère économique, social ou environnemental alors même qu’un projet de loi qui n’est pas sans lien avec celle-ci est soumis au Parlement, il ne peut être saisi aux fins de donner un avis sur un projet de loi que par le gouvernement.
La liste des personnels affectés au CACIR n’est pas communicable
CE, 15 déc. 2017, n° 405845, ministre de l’Intérieur. En jugeant que la liste des noms, prénoms, fonctions et numéros de matricules des agents, officiers, gendarmes et/ou policiers affectés au centre automatisé de constatation des infractions routières était communicable, alors qu’une telle communication était susceptible, eu égard à la qualité de fonctionnaires de police et de militaires de la gendarmerie des intéressés, de porter atteinte à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes, le tribunal administratif a entaché son jugement d’inexacte qualification juridique des faits.
Expulsion en référé d’un occupant sans titre, même du domaine privé
CE, 20 déc. 2017, n° 402383, A. La maison forestière du Danielsrain, qui appartient à la commune, a fait l’objet d’une concession par nécessité absolue de service aux agents de l’office national des forêts affectés au poste de triage correspondant. La circonstance qu’à la suite d’une réorganisation des postes de triage de cet office en 2002, la commune de Sélestat soit sortie du périmètre du poste de l’agent occupant cette maison et qu’ainsi ce dernier ne rende pas directement de services à cette commune, est sans incidence sur l’affectation du bâtiment à cette fin. Dès lors, la juridiction administrative n’est pas manifestement compétente pour connaître du présent litige.
Il résulte de l’article L. 521-3 du Code de justice administrative que lorsque le juge des référés est saisi, sur le fondement de ces dispositions, d’une demande d’expulsion d’un occupant d’un logement concédé par nécessité absolue de service, y compris lorsque celui-ci ne fait pas partie du domaine public de la personne publique propriétaire6, il lui appartient de rechercher si, au jour où il statue, cette demande présente un caractère d’urgence et ne se heurte à aucune contestation sérieuse. S’agissant de cette dernière condition, dans le cas où la demande d’expulsion fait suite à la décision du gestionnaire ou du propriétaire du logement de retirer ou de refuser de renouveler le titre dont bénéficiait l’occupant et où, alors que cette décision exécutoire n’est pas devenue définitive, l’occupant en conteste devant lui la validité, le juge des référés doit rechercher si, compte tenu tant de la nature que du bien-fondé des moyens ainsi soulevés à l’encontre de cette décision, la demande d’expulsion doit être regardée comme se heurtant à une contestation sérieuse7.
Indemnisation des pertes de recettes d’une commune dues à une faute des services fiscaux
CE, 22 déc. 2017, n° 385864, ministre des Finances et des Comptes publics. Une faute commise par l’administration lors de l’exécution d’opérations se rattachant aux procédures d’établissement ou de recouvrement de l’impôt est de nature à engager la responsabilité de l’État à l’égard d’une collectivité territoriale ou de toute autre personne publique si elle lui a directement causé un préjudice. Un tel préjudice peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l’administration et notamment du fait de ne pas avoir versé à cette collectivité ou à cette personne des impôts ou taxes qui auraient dû être mis en recouvrement à son profit. Le montant du préjudice indemnisable doit être calculé en prenant en compte, le cas échéant, les sommes effectivement perçues par la collectivité territoriale ou la personne publique au titre d’un mécanisme de compensation par l’État de ses pertes de recettes mis en œuvre à tort dans cette hypothèse8.
Régularisation d’un document d’urbanisme en cours d’instance
CE, sect., 22 déc. 2017, n° 395963, Cne de Sempy. Les dispositions de l’article L. 600-9 du Code de l’urbanisme, qui instituent des règles de procédure qui ne concernent que les pouvoirs du juge administratif en matière de contentieux de l’urbanisme, sont, en l’absence de dispositions expresses contraires, d’application immédiate aux instances en cours, y compris lorsque les actes attaqués ont été adoptés avant leur entrée en vigueur.
Ces dispositions ont pour objet de permettre, sous le contrôle du juge, la régularisation d’un vice ayant entaché l’élaboration ou la révision d’un schéma de cohérence territoriale, d’un plan local d’urbanisme ou d’une carte communale, sous les réserves mentionnées au 2° s’agissant d’un vice de forme ou de procédure ou au 1° s’agissant d’un autre vice, dès lors qu’aucun autre moyen n’est susceptible d’entraîner l’annulation de l’acte attaqué. Lorsque le juge estime qu’une telle régularisation est possible, il peut, de sa propre initiative ou à la demande d’une partie, après avoir invité les parties à présenter leurs observations sur le principe de l’application de l’article L. 600-9, constater, par une décision avant-dire droit, que les autres moyens ne sont pas fondés et surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour permettre, selon les modalités qu’il détermine, la régularisation du vice qu’il a relevé. Le juge peut mettre en œuvre les pouvoirs qu’il tient de l’article L. 600-9 pour la première fois en appel, alors même que le document d’urbanisme en cause a été annulé par les premiers juges. Dans le cas où l’administration lui transmet spontanément des éléments visant à la régularisation d’un vice de forme ou de procédure de nature à entraîner l’annulation de l’acte attaqué, le juge peut se fonder sur ces éléments sans être tenu de surseoir à statuer, dès lors qu’il a préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur la possibilité que ces éléments permettent une régularisation en application de l’article L. 600-9. Toutefois, si les éléments spontanément transmis ne sont pas suffisants pour permettre au juge de regarder le vice comme ayant été régularisé, il peut notamment, après avoir invité les parties à présenter leurs observations sur le principe de l’application de l’article L. 600-9, surseoir à statuer en vue d’obtenir l’ensemble des éléments permettant la régularisation. Eu égard à l’objet et à la portée de l’article L. 600-9, il appartient à l’autorité compétente de régulariser le vice de forme ou de procédure affectant la décision attaquée en faisant application des dispositions en vigueur à la date à laquelle cette décision a été prise.
Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie.
L’anonymat du donneur de gamètes ne saurait être levé en raison de la situation du demandeur
CE, 28 déc. 2017, n° 396571, A. Plusieurs considérations d’intérêt général ont conduit le législateur à interdire la divulgation de toute information sur les données personnelles d’un donneur de gamètes puis à écarter toute modification de cette règle de l’anonymat, notamment la sauvegarde de l’équilibre des familles et le risque majeur de remettre en cause le caractère social et affectif de la filiation, le risque d’une baisse substantielle des dons de gamètes, ainsi que celui d’une remise en cause de l’éthique qui s’attache à toute démarche de don d’éléments ou de produits du corps9. Au regard de cette dernière finalité, qui traduit la conception française du respect du corps humain, aucune circonstance particulière propre à la situation d’un demandeur ne saurait conduire à regarder la mise en œuvre des dispositions législatives relatives à l’anonymat du don de gamètes, qui ne pouvait conduire qu’au rejet des demandes en litige, comme portant une atteinte excessive aux droits et libertés protégés par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales10.
Condition à la responsabilité du fait du suicide d’un détenu
CE, 28 déc. 2017, n° 400560, C. La responsabilité de l’État en cas de préjudice matériel ou moral résultant du suicide d’un détenu peut être recherchée pour faute des services pénitentiaires en raison notamment d’un défaut de surveillance ou de vigilance11. Une telle faute ne peut toutefois être retenue qu’à la condition qu’il résulte de l’instruction que l’administration n’a pas pris, compte tenu des informations dont elle disposait, en particulier sur les antécédents de l’intéressé, son comportement et son état de santé, les mesures que l’on pouvait raisonnablement attendre de sa part pour prévenir le suicide.
Caractère administratif d’une créance de l’État au titre des frais afférents à une intervention en mer
T. confl., 11 déc. 2017, n° 4107, agent judiciaire de l’État c/ Stés MPC Münchmeyer Petersen Steamship GmbH & Co KG et Triton Shiffahrts GmbH & Co KG. La créance que l’État est susceptible de détenir sur une personne privée au titre des frais afférents à une intervention en mer exécutée dans le cadre de la mission de police administrative confiée au préfet maritime par l’article 1er du décret du 6 février 2004 et assurée par lui au nom de l’État, tant dans la mer territoriale française qu’au-delà de celle-ci en application des stipulations de l’article 221 de la convention des Nations unies sur le droit de la mer, présente par nature le caractère d’une créance administrative. Dès lors, la juridiction administrative est seule compétente pour se prononcer sur le bien-fondé d’une telle créance.
Critères du mandat administratif
T. confl., 11 déc. 2017, n° 4103, Cne de Capbreton. Le titulaire d’une convention conclue avec une collectivité publique pour la réalisation d’une opération d’aménagement ne saurait être regardé comme un mandataire de cette collectivité. Il ne peut en aller autrement que s’il résulte des stipulations qui définissent la mission du cocontractant de la collectivité publique ou d’un ensemble de conditions particulières prévues pour l’exécution de celle-ci, telles que le maintien de la compétence de la collectivité publique pour décider des actes à prendre pour la réalisation de l’opération ou la substitution de la collectivité publique à son cocontractant pour engager des actions contre les personnes avec lesquelles celui-ci a conclu des contrats, que la convention doit en réalité être regardée, en partie ou en totalité, comme un contrat de mandat, par lequel la collectivité publique demande seulement à son cocontractant d’agir en son nom et pour son compte, notamment pour conclure les contrats nécessaires.
Ni la définition des missions confiées à la SATEL, ni les conditions prévues pour leur exécution ne permettent de regarder la convention comme ayant en réalité pour objet de confier à la SATEL le soin d’agir au nom et pour le compte de la commune. Ainsi, les contrats passés par cette société, pour les opérations de construction au sein de la zone d’aménagement, qu’elles aient ou non le caractère d’opérations de travaux publics, sont des contrats de droit privé. Les litiges nés de leur exécution relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire.
Notes de bas de pages
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1.
V. CE, sect., 6 nov. 2002, nos 227147 et 244410, X. : Lebon, p. 376 – CE, 8 juin 2011, n° 335507, Mme X. : Lebon T., p. 973, 993 et 1140.
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2.
V. CE, ass., 14 févr. 2014, nos 375081, 375090 et 375091, Mme Lambert et a. : Lebon, p. 31 – CE, ass., 24 juin 2014, nos 375081, 375090 et 375091, Mme Lambert et a. : Lebon, p. 175.
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3.
V. CE, 27 févr. 2015, nos 376598 et 381828, La Poste : Lebon, p. 64.
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4.
V. CE, 27 juill. 2015, n° 370414, EHPAD de Beuzeville : Lebon T., p. 841.
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5.
V. CE, ass., 26 oct. 2001, n° 197018, Ternon : Lebon, p. 497 – CE, 25 juin 2012, n° 334544, Office national de la chasse et de la faune sauvage : Lebon, p. 534, 567 et 818.
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6.
V. CE, 9 févr. 2000, n° 188954, Rég. de Bourgogne : Lebon T., p. 904 et 1156.
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7.
V. s’agissant d’une demande d’expulsion d’un occupant du domaine public, CE, sect., 16 mai 2003, n° 249880, SARL Icomatex : Lebon, p. 228.
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8.
V. CE, 24 avr. 2012, n° 337802, Cne de Valdoie : Lebon, p. 169 – CE, 16 juill. 2014, n° 361570, min. c/ cne de Cherbourg-Octeville : Lebon, p. 219.
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9.
Rappr. CE, 4 déc. 2017, n° 379685, Sté Endered France : Lebon à paraître – comp. CE, ass., 31 mai 2016, n° 396848, Mme X. : Lebon, p. 208.
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10.
V. CE, avis, 30 juin 2013, n° 362981, X. : Lebon, p. 157 – CE, 12 nov. 2015, n° 372121, Mme X. : Lebon, p. 392.
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11.
V. CE, 9 juill. 2007, n° 281205, X. : Lebon T., p. 1063 et 1072.