Activité de la cour d’appel de Paris dans le domaine de la concurrence (Novembre 2019-Février 2020)

Publié le 16/10/2020

Le présent article porte sur les arrêts rendus par la cour d’appel de Paris en droit de la concurrence, au sens du livre IV du Code de commerce, au cours de la période de novembre 2019 à février 2020.

Les décisions suivantes ont plus particulièrement retenu notre attention : réforme de la décision de l’Autorité de la concurrence dans l’affaire des hausses de prix mises en œuvre dans le secteur de l’élimination des déchets d’activités de soins à risque infectieux en Corse (I) ; confirmation de la validité d’opérations de visite et de saisie dans le secteur du notariat (II) ; rejet du recours du groupe Canna contre la décision de l’Autorité de la concurrence dans l’affaire des fertilisants liquides pour la production hors sol dédiés à la culture domestique (III) ; rejet de la demande de l’ordre des architectes de sursis à exécution de la décision de l’Autorité de la concurrence dans l’affaire des prestations d’architecte (IV) ;  réforme partielle d’une décision sanctionnant la société Générale Import pour des pratiques d’importation exclusive en outre-mer (V) ;  rejet du recours du GIE Radio taxi Antibes Juan-les-Pins (VI).

I – Réforme de la décision de l’Autorité de la concurrence dans l’affaire des hausses de prix mises en œuvre dans le secteur de l’élimination des déchets d’activités de soins à risque infectieux en Corse

On se souvient que l’Autorité de la concurrence a condamné la société Sanicorse, sur le fondement de l’interdiction des abus de position dominante, pour avoir mis en œuvre une pratique d’augmentation brutale, significative, persistante et injustifiée des tarifs de l’élimination des déchets d’activités de soins à risque infectieux (DASRI) en Corse de 2011 à 2015.

Saisie d’un recours par l’entreprise, la cour d’appel de Paris réforme la décision attaquée après avoir jugé que la pratique incriminée n’avait pas pour objet ou pour effet de dissuader les concurrents d’entrer dans le marché pertinent et n’était pas constitutive d’un abus d’exploitation.

A – Absence d’objet ou d’effet anticoncurrentiel

S’agissant de l’absence d’objet ou d’effet anticoncurrentiel, la cour constate que la preuve n’a pas été rapportée que l’augmentation des tarifs en cause avait pour objet ou pouvait avoir pour effet, réel ou potentiel, de dissuader ou évincer d’éventuels concurrents. D’une part, contrairement à ce que soutenait l’Autorité de la concurrence, la société Sanicorse n’a jamais reconnu, ni a fortiori revendiqué, avoir utilisé le levier tarifaire pour dissuader les établissements de soins de développer ou de rechercher une alternative, expliquant seulement que la crainte de voir émerger un concurrent avant qu’elle ait amorti les investissements consacrés au traitement des DASRI l’avait conduite à augmenter ses prix pour accélérer l’amortissement desdits investissements. D’autre part, aucun des établissements de soins corses, et pas davantage l’Agence régionale de santé (ARS), n’a indiqué avoir renoncé à un projet alternatif d’élimination des déchets afin d’obtenir de la société Sanicorse qu’elle abandonne sa politique de hausses tarifaires, de sorte qu’aucun effet d’exclusion réel n’est établi. Par ailleurs, la cour observe que l’augmentation importante des tarifs de la société Sanicorse était intrinsèquement de nature à persuader les établissements de soins corses et l’ARS de la nécessité de susciter une concurrence, plutôt que de les faire renoncer à d’éventuels projets en ce sens, de sorte qu’un effet potentiel d’exclusion n’est pas davantage démontré (pt 36).

B – Absence d’abus d’exploitation

La cour recherche ensuite si la pratique incriminée est constitutive d’un abus d’exploitation.

Ce faisant, elle rappelle que deux conditions sont nécessaires pour qualifier des conditions de transaction d’abus d’exploitation. D’une part, il faut que ce soit la position dominante de l’entreprise en cause qui lui ait permis d’obtenir les avantages de transactions examinés ; d’autre part, ces avantages doivent être non équitables. S’agissant de la seconde condition, la cour note qu’il n’appartient pas à l’Autorité de se substituer aux organes de direction de l’entreprise en position dominante pour déterminer quelle doit être sa politique, notamment tarifaire, sur le marché pertinent, et ce n’est que si, et seulement si, les conditions de transactions passées entre cette entreprise et ses partenaires économiques peuvent, au vu de l’ensemble des circonstances de la cause, être objectivement qualifiées de non équitables, que l’Autorité est en droit d’intervenir (pt 92).

La cour relève, par ailleurs, que les hausses importantes appliquées sur une période relativement courte par la société Sanicorse ont été rendues possibles par le monopole de fait dont elle jouissait pour l’élimination des DASRI, dont il a résulté qu’elle n’avait pas à craindre que ses clients se tournent vers d’autres prestataires (pt 93).

En revanche, le caractère non équitable de ces augmentations n’est pas établi. En effet, observe la cour, l’Autorité n’a pas soutenu, et n’a d’ailleurs pas cherché à démontrer, que les prix résultant des augmentations tarifaires pratiquées par la société Sanicorse entre 2011 et 2015 étaient sans rapport raisonnable avec la valeur économique de la prestation fournie et, partant, ne les a pas qualifiés d’excessifs. Dans la mesure où la charge de la preuve d’une pratique anticoncurrentielle pèse sur l’Autorité, la cour présume que ces prix sont équitables (pt 95).

Or la cour considère que, dès lors que l’application d’une augmentation tarifaire n’est rien d’autre que la fixation d’un prix, l’appréciation du caractère équitable ou non équitable d’une telle augmentation se confond avec celle du caractère équitable ou non équitable du prix en résultant. Si le prix atteint apparaît équitable, l’augmentation ayant conduit à ce prix ne peut pas être jugée inéquitable, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’en rechercher les éventuelles justifications (pt 96).

Il en irait certes autrement si l’entreprise en position dominante violait le contrat qui la lie à son client pour lui imposer une augmentation tarifaire avant l’heure. Mais tel n’est pas le cas en l’espèce : dans les deux cas où, selon l’Autorité, la société Sanicorse a résilié le contrat la liant à un producteur de DASRI afin de lui imposer de nouveaux tarifs, celle-ci a agi dans le respect des stipulations contractuelles en se bornant à refuser la prorogation ou le renouvellement du contrat à son échéance. Plus généralement, il n’a pas été soutenu que la société Sanicorse avait manqué à ses engagements contractuels (pt 97)1.

Activité de la cour d’appel de Paris dans le domaine de la concurrence (Novembre 2019-Février 2020)
Photo : ©Florence Piot/AdobeStock

II – Confirmation de la validité d’opérations de visite et de saisie dans le secteur du notariat

À l’origine de cette affaire, le juge des libertés et de la détention (JLD) de Paris a, le 29 septembre 2017, sur le fondement de l’article L. 450-4 du Code de commerce, autorisé des opérations de visite et de saisie dans les locaux de diverses instances notariales.

Son ordonnance répondait à une requête présentée à la suite d’une demande d’enquête relative aux pratiques susceptibles d’être relevées dans le secteur des prestations de service à destination des notaires aux fins d’établir si ont été mises en œuvre des pratiques de nature à empêcher, restreindre ou fausser le jeu de la concurrence.

Au soutien du recours formé contre le déroulement des opérations de visite et de saisie, le Conseil supérieur du notariat, l’Association pour le développement du service notarial et ses filiales ont fait valoir six irrégularités justifiant, selon les requérants, l’annulation des opérations de visite et de saisie conduites à Paris et Venelles.

L’ensemble des moyens ainsi soulevés sont rejetés par le premier président de la cour d’appel de Paris.

A – Confusion entre les différentes attributions de l’Autorité de la concurrence

Les requérants ont fait valoir que depuis l’entrée en vigueur de l’article 58 de la loi du 6 août 2015, l’article L. 462-4-1 du Code de commerce donne pour mission à l’Autorité de la concurrence de rendre un avis au ministère de la Justice sur la liberté d’installation des notaires et de faire des recommandations pour améliorer l’accès aux offices publics ou ministériels. Elle a, ainsi, de larges pouvoirs dans la régulation de la profession notariale. L’exercice de ce nouveau rôle mettrait en doute son impartialité dans le cadre de poursuites des pratiques anticoncurrentielles ; ceci d’autant plus qu’il n’y aurait pas d’étanchéité entre ses services spécialisés dans la profession réglementée et ceux chargés de la poursuite éventuelle d’infraction au droit de la concurrence, placés sous la même autorité du rapporteur général.

Pour rejeter ce moyen, le premier président précise qu’il existe au sein de l’Autorité une séparation fonctionnelle stricte entre les services d’instruction, placés sous la direction du rapporteur général et le collège. Cette distinction serait respectueuse des principes de séparation des pouvoirs et d’impartialité.

B – Violation du secret professionnel des notaires

Il était également soutenu que l’annulation des opérations de visite et de saisie effectuées dans les locaux des requérants sur le fondement de l’article L. 450-4 s’impose dès lors que cet article n’institue pas de garanties suffisantes lorsque ces visites sont réalisées dans les locaux d’études notariales ou d’organisations professionnelles de notaires abritant des documents couverts par le secret professionnel, en contradiction avec les articles 8 et 6, alinéa 1er, de la convention européenne des droits de l’Homme.

Le premier président répond que l’article 56-3 du Code de procédure pénale prévoyant la présence obligatoire d’un magistrat lors d’une perquisition dans le cabinet d’un notaire n’est applicable qu’à la matière des investigations pénales.

En ce qui concerne la recherche des preuves de pratiques anticoncurrentielles, les garanties apportées par l’article L. 450-4 ont été jugées suffisantes aussi bien par le législateur que par la Cour de cassation.

C – Défaut de signature de l’ordonnance prise sur commission rogatoire par le juge des libertés et de la détention

Les requérants soutenaient également que l’ordonnance prise sur commission rogatoire par le juge des libertés et de la détention d’Aix-en-Provence, dépourvue de signature, est réputée n’avoir jamais existé et fait encourir l’annulation aux opérations menées à Venelles.

Cet argument n’a pas résisté à l’analyse. Le premier président souligne notamment que le magistrat qui a rendu l’ordonnance sur commission rogatoire a été joint téléphoniquement par l’officier de police judiciaire (OPJ), que ce magistrat a donné des instructions concernant le déroulement des opérations. Ce fait était, par ailleurs, consigné dans le procès-verbal dressé dans les locaux des requérants. Il en résulte que le JLD d’Aix-en-Provence n’a pu donner de telles instructions qu’après avoir signé l’ordonnance.

D – Droit des occupants des locaux visités de prendre connaissance des documents consultés

Le premier président écarte également un moyen qui invoquait la violation du droit des occupants des locaux visités à Paris de prendre connaissance des documents consultés. Pour lui, la prise de connaissance des documents retenus ne signifie pas que l’occupant des lieux et son conseil ont le droit de visualiser la totalité des documents au fur et à mesure de leur consultation par les rapporteurs de l’Autorité de la concurrence. La prise de connaissance des pièces ne concerne que les documents que les rapporteurs s’apprêtent à saisir à la fin des opérations de fouille.

E – Absences répétées de l’OPJ

Pour rejeter ce moyen, le premier président observe que ni l’article L. 450-4, ni la jurisprudence de la Cour de cassation n’imposent l’obligation, à peine de nullité, de présence des OPJ pendant toute la durée des opérations.

Il relève, par ailleurs, qu’en l’espèce, les OPJ étaient présents au début des opérations et que conformément à la jurisprudence, l’absence momentanée des OPJ ne peut porter atteinte aux droits des requérants dès lors que ces OPJ sont à même d’intervenir à tout moment, d’autant plus que l’accord préalable des JLD territorialement compétents quant à la présence discontinue des OPJ, était acté dans les procès-verbaux dressés dans les locaux des requérants lors des opérations.

F – Protection des correspondances avocat-client

Les requérants reprochaient encore à l’Autorité de la concurrence de leur avoir imposé « un délai extrêmement court pour lister les correspondances avocat-client contenues dans les scellés fermés provisoires » et d’avoir refusé de leur remettre une copie de travail des saisies effectuées.

Le premier président écarte le moyen en précisant que le seul fait qu’un courrier émane d’un avocat n’a pas pour effet d’en interdire la saisie. Et d’ajouter, à propos du bref délai, que la jurisprudence a validé un délai de 15 jours et qu’en l’espèce, les requérants ont adressé à l’Autorité, dans le délai imparti, des listes totalisant 22 488 documents informatiques pour lesquels ils ont demandé la protection, ce qui exclut qu’ils aient rencontré des difficultés insurmontables dans la recherche de ces documents2.

III – Rejet du recours du groupe Canna contre la décision de l’Autorité de la concurrence dans l’affaire des fertilisants liquides pour la production hors sol dédiés à la culture domestique

Cette affaire a pour origine la condamnation de diverses entreprises du secteur de la commercialisation des fertilisants liquides pour la production hors sol dédiés à la culture domestique à une sanction pécuniaire pour avoir participé à des pratiques verticales sur les prix.

Le groupe Canna a formé un recours que la cour d’appel rejette.

Les juges parisiens écartent une série de moyens portant sur la définition du marché pertinent, l’établissement des pratiques reprochées, le dommage à l’économie, la durée de la participation aux pratiques en cause et le caractère « mono-produit » de l’entreprise en cause.

On retiendra plus particulièrement l’analyse de la cour d’appel sur le prétendu caractère « mono-produit » de l’entreprise en cause.

Rappelons à cet égard que les paragraphes 47 et 48 du communiqué Sanctions3 prévoient qu’« afin d’assurer le caractère à la fois dissuasif et proportionné de la sanction pécuniaire, l’Autorité peut adapter l’amende à la baisse pour tenir compte du fait que l’entreprise concernée mène l’essentiel de son activité sur le secteur ou le marché en relation avec l’infraction (entreprise “mono-produit”) ».

En l’espèce, la décision attaquée a retenu la responsabilité de la société Canna France en tant qu’auteur des pratiques et la société JMB Holding B. V. en sa qualité de société-mère ayant exercé une influence déterminante sur le comportement de sa filiale pendant la période de commission des pratiques en cause et, en conséquence, leur a infligé solidairement une sanction pécuniaire.

Il s’ensuit que les sociétés Canna France et JMB Holding B. V. forment, ensemble, l’« entreprise », tant au sens de l’article L. 464-2 du Code de commerce que du communiqué Sanctions, notamment en son paragraphe 48. C’est donc au chiffre d’affaires global de l’entité économique formée par ces deux sociétés qu’il convient de confronter la valeur des ventes en relation avec l’infraction, afin d’apprécier si l’entreprise en cause présente un caractère « mono-produit » (pt 93).

C’est donc à tort que la société requérante a fait valoir que l’Autorité n’a pas tiré les conséquences du fait qu’elle réalise en France une part prépondérante de son chiffre d’affaires dans la vente des fertilisants et additifs liquides pour la production hors sol (80 %) et que cette circonstance justifierait l’application de la réduction de sanction prévue au bénéfice d’une entreprise « mono-produit »4.

IV – Rejet de la demande de l’ordre des architectes de sursis à exécution de la décision de l’Autorité de la concurrence dans l’affaire des prestations d’architecte

On se souvient que, par décision du 30 septembre 2019, l’Autorité de la concurrence a notamment sanctionné l’ordre des architectes pour avoir mis en œuvre des pratiques anticoncurrentielles sur les prix dans le secteur des marchés publics de la maîtrise d’œuvre pour la construction d’ouvrages publics en France, en violation des articles 101, paragraphe 1er, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et L. 420-1 du Code de commerce.

L’ordre a saisi le premier président de la cour d’appel de Paris d’une demande de sursis à exécution de cette décision. Celui-ci refuse d’y faire droit.

Le requérant faisait valoir que la décision contestée était affectée d’une violation flagrante des règles de droit applicables ayant pour conséquence de la menacer sérieusement d’annulation de sorte que son exécution serait de nature à engendrer les conséquences manifestement excessives prévues à l’article L. 464-8 du Code de commerce. Cette violation flagrante des règles de droit résiderait dans l’imputabilité des pratiques à l’ordre des architectes alors que les pratiques reprochées ont été mises en œuvre par le conseil national de l’ordre des architectes (CNOA) et plusieurs conseils régionaux de l’ordre des architectes (CROA).

Pour rejeter ce moyen, le premier président énonce qu’il ne lui appartient pas de contrôler la légalité de la décision objet du recours, que les violations du droit alléguées par le requérant relèvent de l’appréciation du juge de fond, qu’en l’espèce, il n’appartient pas au juge statuant sur le sursis à exécution d’apprécier l’application qu’a faite l’Autorité de la concurrence des règles d’imputabilité, laquelle incombe au juge du fond5.

V – Réforme partielle d’une décision sanctionnant la société Générale Import pour des pratiques d’importation exclusive en outre-mer

La cour réforme partiellement la décision de l’Autorité de la concurrence n° 18-D-21 du 8 octobre 2018 qui a condamné la société Générale Import sur le fondement de l’article L. 420-2-1 du Code de commerce (issu de la loi Lurel n° 2012-1270 du 20 novembre 2012, relative à la régulation économique outre-mer) qui dispose que « sont prohibés, dans les collectivités relevant de l’article 73 de la constitution et dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, les accords ou pratiques concertées ayant pour objet ou pour effet d’accorder des droits exclusifs d’importation à une entreprise ou à un groupe d’entreprises ».

Elle fait, en effet, droit à un moyen qui reprochait à l’Autorité d’avoir mentionné à tort, comme date de cessation des pratiques, l’année 2016 au lieu de 2015, ce qui l’a conduite à majorer d’1 an tant la durée des pratiques, par rapport à celle qu’elle avait retenue dans la notification des griefs, que leur prolongation au-delà de l’expiration du délai de mise en conformité.

Elle rectifie cette erreur en réduisant la sanction pécuniaire de 250 000 à 200 000 €.

En revanche, la cour rejette toutes les autres demandes de la requérante. On retiendra notamment son refus de transmettre à la Cour de justice de l’Union européenne une question préjudicielle en interprétation des articles 44 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dans la mesure où celle-ci n’a pas vocation à s’appliquer en dehors de la mise en œuvre, du droit de l’Union, ce qui est le cas en l’espèce, l’entreprise en cause ayant été poursuivie et sa responsabilité retenue uniquement sur le fondement de l’article L. 420-2-1 du Code de commerce6.

VI – Rejet du recours du GIE Radio taxi Antibes Juan-les-Pins

On se souvient qu’aux termes de la décision n° 19-D-05 du 28 mars 2019, l’Autorité de la concurrence, saisie par le ministre de l’Économie après un refus de transaction ministérielle, a prononcé une sanction de 75 000 € à l’encontre du GIE Radio taxi Antibes Juan-les-Pins pour avoir enfreint les dispositions sur la prohibition des ententes.

L’Autorité avait constaté que le GIE a instauré, au sein de son contrat constitutif, des conditions d’admission de nouveaux membres non objectives, non transparentes et discriminatoires ainsi que des motifs d’exclusion destinés à interdire à ses adhérents le développement d’une activité concurrentielle définie par la loi d’orientation des transports intérieurs (LOTI) et de voiture de tourisme avec chauffeur (VTC). Sur la base de ces stipulations, le GIE a ainsi exclu l’un de ses membres après qu’il ait reçu une licence LOTI.

La cour d’appel de Paris rejette le recours du GIE contre la décision de l’Autorité.

Elle écarte notamment un argument selon lequel la notification de griefs a introduit un nouveau grief. Elle énonce à cet égard que « saisie des faits portés à sa connaissance par le ministre chargé de l’Économie sur le fondement de l’article L. 464-9 du Code de commerce, à la suite d’un refus de transiger opposé par l’entreprise mise en cause, l’Autorité instruit l’objet de sa saisine en toute indépendance et n’est pas liée par les analyses ou qualifications envisagées au cours de la phase administrative d’enquête. Il s’ensuit que le moyen tiré du fait que les stipulations contractuelles auxquelles renvoie la notification de griefs (…) n’avaient donné lieu à aucune injonction du ministre chargé de l’Économie, est inopérant » (pts 56 et s.).

Un débat a, par ailleurs, été ouvert sur la détermination du montant de la sanction encourue par le requérant. Celui-ci a fait valoir qu’il est une entreprise commerciale immatriculée au registre du commerce et des sociétés, disposant d’un chiffre d’affaires autonome, et en a déduit qu’en application de l’article L. 464-2 du Code de commerce le montant maximum de la sanction est de 10 % du montant du chiffre d’affaires HT des exercices clos depuis l’exercice précédent celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre soit un maximum de 4 447,20 €.

La cour rétorque que, en l’espèce, aux termes de l’article L. 251-1 du Code de commerce, le but d’un groupement d’intérêt économique « est de faciliter ou de développer l’activité économique de ses membres, d’améliorer ou d’accroître les résultats de cette activité. Il n’est pas de réaliser des bénéfices pour lui-même ». Ne poursuivant pas de but lucratif propre, le GIE n’est pas fondé à soutenir qu’il relève du régime des entreprises, compte tenu de ce qu’il réalise un chiffre d’affaires, cet élément étant inopérant (pts 104 et s.)7.

Notes de bas de pages

  • 1.
    CA Paris, 14 nov. 2019, n° 18/23992.
  • 2.
    CA Paris, 11 déc. 2019, n° 17/20112.
  • 3.
    Communiqué du 16 mai 2011 de l'Autorité de la concurrence sur la méthode de détermination des sanctions pécuniaires.
  • 4.
    CA Paris, 16 janv. 2020, n° 19/03410.
  • 5.
    CA Paris, 22 janv. 2020, n° 19/18745.
  • 6.
    CA Paris, 20 févr. 2020, n° 18/24178.
  • 7.
    CA Paris, 20 févr. 2020, n° 19/08337.
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