Banque : « Le coût du risque n’a jamais été aussi bas en France »

Publié le 07/02/2022

PGE – prêt garanti par l’état

Avec des prévisions de croissance de plus de 6 %, l’année 2021 a confirmé une reprise économique. Signe de ce rebond, 50 % des entreprises ayant contracté un prêt garanti par l’État (PGE), ont commencé à le rembourser. Au total, en France au 31 décembre 2021, 699 401 entreprises ont bénéficié d’un PGE pour un montant global de 143 Mds€. Si des incertitudes émergent en ce début d’année 2022, les banques se veulent rassurantes. C’est le constat posé par Jean-Paul Barbet, président du comité des banques à la Fédération bancaire française (FBF) d’Île-de-France.

Actu-Juridique : À la fin de l’année 2021, quelle est la situation des entreprises franciliennes par rapport aux prêts garantis par l’État ?

Jean-Paul Barbet : En Île-de-France, à la fin de l’année 2021, 147 721 entreprises ont contracté un prêt garanti par l’État (PGE) pour un montant global de 52,9 Mds€. Parmi les sociétés contractantes, 87 % sont des très petites entreprises (TPE). La région francilienne représente 38 % en montant des PGE attribués en France. À l’heure actuelle, tout se passe très bien. Environ 50 % des entreprises ont déjà commencé à rembourser leur PGE. Elles sont 16 % à l’avoir totalement remboursé. Ce sont essentiellement des entreprises qui l’avaient contracté par précaution, durant la crise sanitaire. Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a annoncé des mesures complémentaires mais pour le moment, il n’y a pas de sujet d’inquiétude. Au-delà du PGE, dans une économie française avec une croissance de plus de 6 % en 2021, le coût du risque « entreprise » n’a jamais été aussi bas en France. Le coût du risque pour une entreprise est calculé en point de base par rapport à l’encours du crédit.

AJ : Comment interprétez-vous ce phénomène de diminution du coût du risque « entreprise » ?  

J.-P. B. : D’abord, le prêt garanti par l’État a joué son rôle à 100 %. Ce dispositif a été un amortisseur total par rapport à ce qu’ont vécu les entreprises. Le PGE a permis un afflux massif de trésorerie pour les sociétés. Elles sont d’ailleurs nombreuses à ne pas l’avoir complétement utilisé et une part importante  des PGE décaissés est encore sur les comptes. Puis la reprise économique a été à un niveau correct pour permettre un rebond des chiffres d’affaires et des rentabilités.

« En 2021, 96 % des PME ont obtenu leur crédit demandé »

AJ : Concrètement, comment les banques travaillent-elles avec les entreprises sur leur PGE ?

J.-P. B. : L’entreprise a plusieurs options concernant la date de début d’amortissement du PGE. C’est le dirigeant qui prend sa décision. Nous sommes présents en conseil par rapport à son intention. Nous nous fondons sur plusieurs critères : le niveau de la reprise d’activité, le niveau de rentabilité par rapport à son chiffre d’affaires, l’évolution des coûts fixes, et son besoin en fonds de roulement prévisionnel. Ensuite, la mise en place des PGE a créé une vraie solidarité entre les partenaires économiques régionaux. Au niveau des relations entre les chefs d’entreprise et leur banquier, il y a eu énormément de dialogue et une vraie proximité. Les indices de satisfaction des banques, dans le milieu « entreprise », ont progressé favorablement. Puis, il n’y a pas que le PGE sur le marché. Heureusement que les banques ont une palette d’autres crédits à mettre au service des entreprises. Nous avons des liquidités. Nous sommes dans une position idéale pour prêter. 96% des PME ont obtenu leur crédit demandé d’après les données de la Banque de France. Il y a donc un taux d’obtention des nouveaux crédits élevés.

AJ : En demandant ces nouveaux crédits, les entreprises ont-elles relancé leur niveau d’investissement ?

J.-P. B. : Les trésoreries étant souvent renforcées de prêts garantis par l’État, l’appel au crédit a été moins important. Les 53 Mds€ de PGE, attribués aux entreprises franciliennes depuis mars 2020, ont, en gonflant leur trésorerie, atténué la demande de crédits classiques. Les crédits à court terme comme le découvert et l’affacturage en tête, sont ainsi moins utilisés car il y a moins de besoin de découvert et de rachat de créances via l’affacturage. Cependant, au niveau de la mise en place de nouveaux crédits (hors PGE), 2021 a été une bonne année. Nous avons mis en place aussi des crédits moyen et long terme, des crédits pour l’immobilier, du crédit-bail mobilier ou immobilier. Ainsi, nous avons constaté un bon niveau d’investissement. Le taux de croissance dépassant les 6 %, nous le retrouvons dans une dynamique d’investissement. Les banques ont été présentes pour l’économie.

AJ : Avez-vous constaté un effet du plan « France Relance » dans cette dynamique d’investissement des entreprises ?

J.-P. B. : Il y a un élan du plan de relance. Je le trouve adapté et la région Île-de-France est très accompagnante et aidante pour les entreprises. Il y a une dynamique ambiante qui est plutôt très positive. Le grand sujet pour les banques concerne notamment les prêts RSE, responsabilité sociale et environnementale. Nous mettons en place des prêts avec certains critères. Si l’entreprise les respecte, nous pouvons bonifier le taux du prêt. Nous nous engageons beaucoup sur ces sujets liés au social et à l’environnement. Les banques ont un rôle moteur pour aider les entreprises à s’orienter dans ces directions.

AJ : Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a annoncé d’aménager le PGE des très petites entreprises les plus en difficulté, en étalant le remboursement jusqu’à dix ans. En quoi cet ajustement était-il nécessaire ?

J.-P. B. : Si nous regardons la conjoncture actuelle, je dirais que c’est de l’anticipation. Aujourd’hui, la situation est sereine. Cela étant, comme nous repartons dans un début d’année où le virus continue de circuler, c’est une mesure de sécurité par rapport à ce qui peut se passer en 2022. Je précise que cette mesure ne concerne pas l’ensemble des très petites entreprises mais uniquement celles ayant des difficultés avérées de trésorerie et de remboursement à venir (attestées par un expert-comptable ou commissaire au compte) et pour lesquelles la restructuration du PGE constitue une solution de redressement.  Cela devrait représenter au plus 3 à 4 % des entreprises qui ont contracté un PGE. En Île-de-France et plus précisément dans Paris intramuros, ce seront certainement principalement des entreprises de l’événementiel, du tourisme, de la restauration ou encore des salles de sport qui y auront recours. Cela se fera dans le cadre de la Médiation du crédit aux entreprises. Nous passons d’une solution massive avec le PGE pour l’ensemble des entreprises à une frappe plus chirurgicale avec des solutions personnalisées et différenciées.

AJ : Selon vous, quelles sont les perspectives économiques pour l’année 2022 en Île-de-France ?

J.-P. B. : Nous sommes plutôt optimistes. La région Île-de-France est très dynamique et a beaucoup d’atouts. Si je m’en réfère à la dernière note de conjoncture de la Banque de France, l’économie francilienne a conclu l’année 2021 sur une note très favorable à l’exception de quelques rares secteurs que nous avons déjà évoqués. Tant dans l’industrie que dans les services marchands et la construction, les hausses d’activités en décembre 2021 sont quasi générales, les carnets de commandes sont bien remplis et rendent optimistes et confiants les chefs d’entreprises pour début 2022 malgré la nouvelle vague pandémique. Les points d’attention majeurs pour 2022 : les difficultés d’approvisionnement et de recrutement ainsi que les tensions sur les cours des matières premières.

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