De la nature juridique des opérations de vente réalisées en ligne par des particuliers

Publié le 12/03/2020

Pour de nombreux particuliers, les ventes en ligne sont devenues une façon courante de se séparer de toutes sortes de biens. En créant une véritable économie parallèle qui se déploie en marge des modèles commerciaux traditionnels, de telles opérations de vente posent en elles-mêmes de nombreux problèmes juridiques qui, sans être nouveaux, amènent à discuter les solutions traditionnelles. La qualification juridique qu’il convient de donner à ces opérations en est une illustration.

Un particulier qui réalise des opérations de vente en ligne accomplit-il des actes civils ou des actes de commerce ? Relève-t-il, autrement dit, des seules dispositions du Code civil ou peut-il se voir opposer celles du Code de commerce1 ? Pour n’être pas propre aux opérations en ligne, la question n’est pas vraiment nouvelle2, mais il faut observer qu’internet lui donne aujourd’hui une autre résonance tant son usage facilite et étend, par un changement d’échelle, la réalisation d’opérations de vente. Chacun pouvant, en franchise de tout statut, se défaire de biens devenus inutiles ou ayant cessé de plaire, sur ce nouveau « drugstore de la profusion »3. Les sites dédiés font ainsi figure de vastes marchés aux frontières illimitées, de réseaux géants difficiles à réguler, mais dont les intermédiaires professionnels tirent profit, notamment par l’exploitation des données personnelles4. Le tout aboutissant à une désintermédiation des entreprises traditionnelles.

Devant l’ampleur du phénomène et des enjeux juridiques liés, les sites de vente ne sont pas sans se désintéresser de ces opérations en mettant en garde les particuliers. Certains sites demandent aux vendeurs de s’identifier comme particulier ou professionnel, d’autres incitent les particuliers à changer de statut dès lors que leurs activités deviennent habituelles, d’autres encore, suivant en cela les injonctions du Code général des impôts5, mettent en ligne des informations destinées à attirer l’attention sur les conséquences découlant de la qualité de professionnel6. Sans doute de telles mesures vont-elles dans le bon sens, mais elles n’offrent qu’une solution très imparfaite. En l’absence d’obligation de surveillance pesant sur les sites, le mécanisme mis en place repose finalement sur une déclaration des vendeurs ; or, nombreux semblent être ceux qui restent insensibles aux mises en garde faites pour préférer assumer, le cas échéant, les conséquences, souvent méconnues, d’une qualification commerciale des opérations accomplies7.

Sans aborder l’ensemble des problèmes que posent les ventes en ligne (notamment le processus de conclusion des contrats)8, on peut s’interroger sur la manière dont le droit positif qualifie aujourd’hui de telles opérations.

En l’état actuel des textes et de leur interprétation, le fondement de la qualification repose sur le caractère dissociable de l’opération d’achat et de vente : si le bien n’a pas été acheté avec l’intention d’être revendu, la vente prend un caractère civil ; elle est en revanche commerciale lorsque les deux opérations sont liées l’une à l’autre. Reste à mieux expliquer cette qualification et à en apprécier la solidité.

I – La qualification juridique

Une constatation s’impose immédiatement. Le cadre électronique qui sert de support aux actes accomplis par les particuliers est, sur le plan de la qualification, juridiquement neutre. Bien qu’internet soit au centre des opérations, il n’est pas en lui-même déterminant dans la qualification des actes qu’il permet. Par la simplicité de son procédé, il permet la rencontre d’une offre et d’une demande mais sans pour autant influencer la qualification juridique9. Le cadre juridique de la vente ne change pas non plus l’analyse : que le particulier utilise, comme c’est souvent le cas, les services d’un courtier ou qu’il recoure à d’autres modalités de vente en ligne, l’appréciation de la nature juridique des opérations accomplies ne s’en trouve pas affectée. De la même manière, si la qualification du contrat en contrat conclu à distance a pour effet de modifier son régime juridique, elle ne produit cependant aucune conséquence sur sa nature civile ou commerciale. En somme, seules sont constitutives de la qualification les conditions de réalisation des opérations de vente.

Selon l’analyse généralement faite, les actes de vente accomplis par des particuliers sont considérés comme civils, sauf s’ils entrent dans l’énumération des actes de commerce de l’article L. 110-1,1° du Code de commerce10. Suivant cet article, un acte de commerce correspond à « tout achat de biens meubles pour les revendre ». Appliqué aux opérations réalisées par un particulier, il en résulte que lorsque celui-ci accomplit une vente et que celle-ci ne s’insère pas dans le cadre d’un achat « pour » revendre comme l’exige le texte, l’opération demeure civile. N’effectuant pas une seule et même « opération indivisible dans laquelle l’achat et la revente ont été déterminés l’un par rapport à l’autre » mais deux contrats successifs dissociables, l’un d’achat l’autre de vente, l’opération ne saurait être commerciale11. « Démembrés », l’achat et la vente demeurent des actes civils.

Le particulier réalisant une vente ne saurait ainsi être soumis aux dispositions du Code de commerce. Ce qui, sans reprendre la question dans son ensemble, lui permet d’échapper à la rigueur de certaines de ses règles12. N’effectuant pas d’actes de commerce, il ne risque pas d’être qualifié de commerçant13 et de se voir ainsi imposer le respect d’obligations particulières (immatriculation au registre du commerce et des sociétés14, obligations comptables et fiscales15 notamment), de relever de la compétence du tribunal de commerce16, d’être soumis aux spécificités du droit commercial (au principe de la liberté de la preuve par exemple) ; il conserve le bénéfice des textes protecteurs issus du droit de la consommation.

À n’en pas douter, la qualification à laquelle aboutit l’application de l’article L. 110-1,1° du Code de commerce, repose sur un compromis théorique et pratique acceptable. Lorsque le particulier s’est comporté comme un commerçant, le texte le place sous l’emprise du Code de commerce. Lorsqu’il n’a eu en revanche aucune visée commerciale, il demeure soumis au Code civil. En maintenant les particuliers à l’écart de la vie des affaires, cette solution limite, de façon salutaire, la mainmise des règles commerciales sur certaines opérations de vente liées à la vie courante (comme la vente de « biens meublants », d’une voiture…).

Cela étant, si le mécanisme légal menant à la qualification paraît fondé, il faut, pour en vérifier la solidité, s’interroger sur ses conditions d’application.

De la nature juridique des opérations de vente réalisées en ligne par des particuliers
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II – L’appréciation du critère de qualification

L’appréciation de l’indivisibilité de l’opération qu’impose la préposition « pour » utilisée par l’article L.110-1, 1° du Code de commerce renvoie à l’analyse de l’intention de l’auteur des actes de vente. Si le particulier est animé d’une intention de revente au moment de l’achat, l’acte est commercial. Lorsque, comme l’a écrit Edmond-Eugène Thaller, cette intention n’existe pas initialement, « ni l’achat primitif ni la revente subséquente ne deviennent des actes de commerce »17. Considérée d’une certaine manière comme le but immédiat et direct qui a guidé l’acheteur, c’est l’intention de revendre au moment de l’achat qui est juge de la qualification18.

En toute rigueur juridique, puisque l’intention ne saurait être présumée, les actes de vente réalisés par un particulier semblent à l’abri d’une qualification commerciale. Tant qu’il n’est pas démontré que l’acheteur était animé de la volonté de revendre au moment de l’acquisition, la qualification commerciale ne peut pas être retenue19. En cas de différend, c’est à celui qui entend se prévaloir de la commercialité de démontrer que l’intention de revendre était bien « contemporaine »20 de l’achat.

Malgré la logique et le bien-fondé du résultat, il faut constater qu’une marge importante d’incertitude subsiste lorsqu’on analyse de plus près l’élément sur lequel repose le raisonnement. Le motif de l’acquisition ne s’intégrant pas dans le contrat, il est en effet délicat de déterminer si l’achat a été ou non effectué en vue de la revente21. Aussi, compte tenu de la difficulté à établir quelle a été la véritable intention au moment de l’achat, il existe un risque que cette intention soit induite des circonstances et des modalités de réalisation des opérations de vente. La doctrine a d’ailleurs parfaitement montré la liberté d’appréciation dont disposent les juges dans cette appréciation. Selon certains auteurs, ils peuvent retenir l’intention au vu d’éléments aussi divers que « les habitudes professionnelles, le mode de règlement, la déclaration des parties, les quantités de marchandises vendues, la forme du contrat, le lieu de livraison22 ». Pour d’autres, l’appréciation peut se faire suivant les conditions, la nature et les quantités des choses vendues23, ou encore au regard du caractère « habituel » des opérations réalisées24.

Au fond, on le mesure, faire reposer la qualification sur l’appréciation d’un élément d’ordre psychologique n’offre pas la sécurité juridique souhaitable. Cette incertitude peut paraître d’autant plus grande que les arguments pouvant être opposés en défense pour écarter l’élément intentionnel semblent très relatifs.

Il en est d’abord ainsi du motif lié à « l’état » des biens vendus. Dans les faits il est fréquent que les biens cédés soient des biens usagers ayant été utilisés, ce qui peut être mis en avant par le particulier pour écarter tout caractère intentionnel ; l’usage du bien témoignant en quelque sorte de l’absence de volonté initiale de revendre. Mais, était-ce un argument suffisant ? Le doute est permis car cette appréciation ne semble pas en phase avec l’idée que le droit positif se fait de la commercialité. La jurisprudence n’a jamais consacré le caractère civil des ventes de biens d’occasion. Le droit en fait au contraire une profession commerciale : celle d’antiquaire25. S’agissant des particuliers, le législateur admet du reste qu’ils peuvent accomplir des actes de commerce en raison de la vente de biens d’occasion. L’interprétation de l’article L. 310-2, I, alinéa 3, du Code de commerce conduit, dans l’économie traditionnelle, à considérer que les particuliers qui vendent des objets personnels et usagés plus de deux fois par an, sans être inscrits au registre du commerce et des sociétés, entrent dans la sphère de la commercialité.

Il est possible, ensuite, qu’entre l’achat et la revente se soit écoulé un certain temps. Ne peut-on pas voir là une preuve de l’absence d’intention de revendre au moment de l’achat ? De prime abord l’argument peut s’entendre. Lorsqu’un particulier vend un bien quelque temps après l’avoir acheté, la « préméditation » exigée semble faire défaut ; ainsi l’écoulement du temps est un élément sur lequel il peut s’appuyer pour dénier tout caractère intentionnel26. Cet argument ne semble toutefois pas à l’analyse totalement déterminant. Le parallèle avec le commerce classique conduit là aussi à observer que la durée de détention des biens vendus ne produit aucune incidence sur l’appréciation de la commercialité. Le fait pour un commerçant de vendre des biens plusieurs mois après les avoir achetés ne disqualifie pas la nature commerciale des actes accomplis. Ce motif ne paraît pas, par conséquent, être une véritable garantie pour empêcher les juges de retenir une qualification commerciale dès lors que les circonstances établiraient que de nombreuses opérations ont été réalisées, même si les dates d’achat et de revente sont espacées dans le temps. Indépendamment de la durée de détention, les juges peuvent parfaitement s’en remettre aux conditions de réalisation des opérations accomplies27. C’est d’ailleurs ce qu’ils ont déjà fait en s’appuyant sur des éléments établissant une suite d’opérations réalisées28 ou encore sur la constatation que les biens achetés puis vendus n’étaient pas destinés à un usage personnel29.

L’absence de caractère lucratif pourrait encore être avancée pour justifier la nature civile des actes réalisés. Bien que l’article L. 110-1, 1°, du Code de commerce ne l’exige pas expressément, et que l’on puisse l’analyser comme un critère de nature économique inopérant pour définir un acte juridique30, il est admis en jurisprudence et en doctrine que le caractère lucratif, « essence même du commerce »31, est un élément déterminant de la qualification commerciale32. S’agissant d’opérations accomplies par un particulier, celui-ci doit donc avoir acheté pour revendre afin d’en tirer profit33. Cette condition, qui semble favorable aux particuliers car elle permet de prendre en considération le fait qu’ils cherchent avant tout à vendre des biens devenus inutiles plutôt qu’à parvenir à un enrichissement personnel, est-elle toutefois une protection efficace ? On peut en douter. Vendre des biens, moyennant un prix, semble en effet suffisant pour établir la nature lucrative des actes accomplis. La circonstance qu’aucune plus-value n’ait été réalisée (c’est-à-dire que les biens aient été revendus à un prix moins élevé que celui d’achat) peut assurément être avancée, mais elle ne semble pas être décisive. Tout bien usagé a vocation à se déprécier de sorte qu’en obtenir un prix, même faible, confère à l’opération un caractère lucratif. L’argument tenant à ce que les sommes obtenues ne représentent qu’une faible partie des revenus du vendeur n’est pas non plus déterminant. La qualification d’un acte de commerce ne suppose pas de se livrer à une analyse de proportionnalité entre les gains qu’il procure et les revenus dont dispose son auteur. Cette proportionnalité n’a éventuellement d’incidence que sur la détermination du caractère professionnel ou non de l’activité exercée34, mais reste étrangère à la qualification juridique proprement dite des actes accomplis. À propos d’actes accomplis par un particulier, la jurisprudence n’a, semble-t-il, jamais retenu ce critère que la loi ignore de son côté.

L’absence de caractère répétitif des actes accomplis pourrait, enfin, être mise en avant pour faire échec à la commercialité. On sait que la jurisprudence ne retient que rarement le caractère commercial d’un acte isolé accompli par une personne non commerçante35. Pour sa part, la doctrine estime généralement que les opérations réalisées doivent être répétées pour revêtir une nature commerciale36. L’absence de répétition est donc de nature à placer les particuliers hors d’atteinte du droit commercial. L’argument peut sembler sérieux si les actes réalisés sont effectivement en nombre limité37 ; c’est d’ailleurs ce que paraît dire l’article L. 310-2, I, alinéa 3, du Code de commerce dans l’économie traditionnelle38. Mais dès lors que plusieurs actes ont été accomplis, le doute s’installe car le critère s’avère passablement flou. La solution peut certes sembler être acceptable en offrant au juge une marge d’évaluation propre à chaque espèce, mais il n’en demeure pas moins qu’elle laisse subsister une incertitude juridique tant elle fait relever l’appréciation de l’arithmétique39. Si, comme cela a été jugé, la vente de plusieurs dizaines d’objets par un non-commerçant suffit à caractériser l’existence d’actes de commerce40, la question reste entière dans les cas, certainement les plus fréquents, d’actes réalisés en petit nombre41. Autant d’interprétations divergentes sont possibles. Par l’imprécision qu’il laisse subsister, le critère montre ses limites.

Dans ces conditions, le plus sûr n’est-il pas d’adopter un statut légal ? Le statut de micro-entrepreneur est parfois présenté comme la solution appropriée. En s’y soumettant, les particuliers peuvent se livrer, sous réserve d’en respecter les seuils légaux d’application42, à toutes les opérations de vente qu’ils souhaitent. La simplification de la déclaration d’activité conjuguée avec les régimes sociaux et fiscaux mis en place sont de nature à lever bon nombre des réticences liées à la déclaration d’exercice d’une activité.

Il reste toutefois un écueil. Les micro-entrepreneurs, même s’ils relèvent de règles propres, ont la qualité de commerçant dès lors, selon la définition de l’article L. 121-1 du Code de commerce, qu’ils « effectuent des actes de commerce à titre de profession habituelle ». C’est dire, au fond, qu’outre le respect des règles imposées par le statut de micro-entrepreneur, le choix place les vendeurs dans la même situation juridique que les commerçants ; comme eux, ils sont soumis à toutes les dispositions contraignantes du droit commercial. Sans doute que ceux qui comptent faire des opérations de vente une activité principale ou secondaire sont enclins à adopter ce statut, mais pour les autres, assurément les plus nombreux, rien ne semble moins sûr.

Bien qu’elles puissent être perçues comme un signe de notre époque marchande, les opérations de vente ne témoignent cependant pas toujours, pour de nombreux particuliers les réalisant, d’un attrait pour la spéculation et l’enrichissement. Aussi, à l’heure où les chiffres montrent qu’un nombre toujours croissant de personnes vendent des biens en ligne43, et que le phénomène devrait s’amplifier dans les années à venir, on peut se demander si ces opérations ne mériteraient pas une approche légale plus précise.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Selon une réponse ministérielle : « Il n’est pas interdit aux particuliers de vendre des produits, notamment sur internet. Toutefois, l’article L. 121-1 du Code de commerce dispose que sont commerçants ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle. Le juge peut donc requalifier en activité commerciale les actes de vente de particuliers lorsque la régularité et l’importance de ces actes montrent qu’ils correspondent en réalité à l’exercice d’une activité professionnelle… », voir la réponse ministérielle, 13e législature, QE n° 21726. Cette question a été publiée au JO le 22 avril 2008, p. 3357 ; la réponse au JO du 1er juillet 2008, p. 5658.
  • 2.
    Elle se pose, par exemple, pour les actes de vente faits par l’intermédiaire de petites annonces dans des journaux ou lors de brocantes auxquelles participent les particuliers.
  • 3.
    Selon les termes employés par Jean Baudrillard à propos des centres commerciaux, voir La société de consommation,1970, Folio/Essais, p. 21. La consultation des conditions générales d’utilisation du site eBay permet, à ce propos, de constater que les particuliers peuvent vendre et acheter à peu près tout ce qu’ils veulent.
  • 4.
    Voir Oliveau F.-X., Micro-capitalisme, 2017, PUF, p. 5 et s.
  • 5.
    Selon l’article 242 bis du CGI : « L’entreprise, quel que soit son lieu d’établissement, qui en qualité d’opérateur de plateforme met en relation à distance, par voie électronique, des personnes en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un bien ou d’un service est tenue : 1° De fournir, à l’occasion de chaque transaction, une information loyale, claire et transparente sur les obligations fiscales et sociales qui incombent aux personnes qui réalisent des transactions commerciales par son intermédiaire. Elle est également tenue de mettre à disposition un lien électronique vers les sites des administrations permettant de se conformer, le cas échéant, à ces obligations ».
  • 6.
    La consultation de certains sites de vente montre que de telles informations sont généralement contenues dans les conditions générales d’utilisation, de vente ou dans les formulaires d’inscription. Relevons que certains sites prévoient des limites aux opérations de vente réalisées par des particuliers. Par exemple, le site eBay.fr, dans ses conditions applicables aux vendeurs, se réserve le droit de fixer « pour chaque compte vendeur par mois calendaire » des limites par nombre d’objets vendus, nombre d’annonces en cours ou chiffre d’affaires. Ce même site, sans être très précis, donne une liste des « indices typiques d’activités professionnelles ». Est visé, le fait d’acheter des objets en vue de les revendre, de vendre régulièrement de grandes quantités d’objets, de vendre régulièrement des objets neufs sans les avoir achetés pour un usage personnel et de vendre des objets pour une entreprise. Il existe aussi des critères dits « supplémentaires ». Parmi ceux-ci figure, par exemple, le fait d’avoir reçu un nombre important d’évaluations pour la période d’activité concernée, le nombre de ventes en cours, ou encore le fait que le nombre de ventes a augmenté régulièrement sur une longue période ; voir sur le site eBay.fr la rubrique « Utilisateur particulier : vos droits et obligations sur eBay.fr ». Le site paruvendu.fr, dans son article 2.1 de « La charte du bon Annonceur » qui est insérée dans les « Conditions générales d’utilisation », précise que « l’annonceur sera considéré comme un annonceur professionnel si tout ou partie des critères énumérés ci-dessous sont réunis : l’annonceur achète et/ou crée des produits ou services en vue de les revendre ; le volume et la fréquence des ventes ou des prestations de services réalisées par l’annonceur sont importants et sont effectués sur une courte durée ; l’annonceur réalise un chiffre d’affaires supérieur au seuil autorisé par la loi ou la réglementation du fait de cette activité de vente ou de prestation de service ; l’annonceur conserve pendant une durée brève les produits dont il fait l’acquisition avant de les revendre ; les ventes ou prestations de service réalisées par l’annonceur sont effectuées dans un but lucratif ». D’autres sites mettent en place un espace professionnel. Tel est le cas, par exemple, du site Leboncoin.fr qui soumet les professionnels à une inscription particulière et les fait relever de stipulations spécifiques.
  • 7.
    En toute hypothèse, de telles déclarations ne sauraient lier les juges.
  • 8.
    Il faut relever que la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude précise les obligations déclaratives fiscales et sociales incombant aux plateformes en ligne, voir en particulier l’article 10.
  • 9.
    La qualification juridique de la plateforme peut parfois se poser pour déterminer son rôle, et donc le droit qui lui est applicable dans un processus de vente, voir Cass. com., 19 juin 2019, n° 18-12292 : Com. com. électr. 2019, comm. 53, note Loiseau G.
  • 10.
    Sur les actes de commerce, v. not. Decocq G. et Ballot-Léna A., Droit commercial, 7e éd.,2017, Dalloz, Hypercours, nos 92 et s. ; Dekeuver-Défossez F. et Blary-Clément É., Droit commercial, 12e éd., 2019, LGDJ, nos 59 et s. ; Houtcieff D., Droit commercial, 4e éd., 2016, éd. A. Colin, nos 123 et s. ; Legeais D., Droit commercial et des affaires, Sirey, 25e éd., nos 42 et s. ; Blaise J.-B. et Desgorces R., Droit des affaires, 10e éd., 2019,LDGJ, nos 128 et s. ; Pédamon M. et Kenfack H., Droit commercial, 4e éd., 2015, Dalloz Précis, n° 56, p. 56 ; Piedelièvre S., Droit commercial, 11e éd., 2019, Dalloz Cours, n° 62.
  • 11.
    Didier P., Droit commercial, t. I, Introduction, L’entreprise, L’entreprise individuelle, 2e éd., 1997, PUF, p. 124 ; Didier P. et Didier Ph., Droit commercial, t. I, 2005, Économica, n° 227.
  • 12.
    Sur les intérêts de la distinction, voir en particulier Dekeuver-Défossez F. et Blary-Clément É., Droit commercial, 12e éd., 2019, LGDJ, nos 309 et s.
  • 13.
    L’article L. 121-1 du Code de commerce dispose que « sont commerçants ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle. »
  • 14.
    Suivant l’article L. 123-1 du Code de commerce, les personnes physiques ayant la qualité de commerçant doivent être immatriculées au registre du commerce et des sociétés. À défaut, elles s’exposent à des poursuites pour « travail dissimulé par dissimulation d’activité ». Cette infraction est punie d’un emprisonnement de 3 ans et d’une amende de 45 000 €, voir les articles L. 8221-3 et L. 8224-1 du Code du travail.
  • 15.
    S’agissant des obligations comptables, le Code de commerce impose à toute personne physique ayant la qualité de commerçant de procéder à l’enregistrement comptable des mouvements affectant le patrimoine de son entreprise, voir les articles L. 123-12 et s. du Code de commerce. Concernant le droit fiscal, la qualité de commerçant conduit à soumettre le contribuable au régime des bénéfices industriels et commerciaux et aux obligations liées à ce régime, voir les articles 34 et s. du Code général des impôts.
  • 16.
    Rappelons que selon l’article L. 721-3, 3° du Code de commerce, les tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives « aux actes de commerce entre toutes personnes ».
  • 17.
    Thaller E., Traité élémentaire de droit commercial, 3e éd., 1904, Librairie Arthur Rousseau, p. 16, n° 18.
  • 18.
    Voir Révérand J., L’acte de commerce, 1933, Librairie du recueil Sirey, p. 36.
  • 19.
    Sur la preuve de l’intention de revendre, v. Houtcieff D., Répertoire de droit commercial, 2008, Dalloz, Acte de commerce, n° 47.
  • 20.
    Dekeuver-Défossez F. et Blary-Clément É., Droit commercial, 12e éd., 2019, LGDJ, n° 64.
  • 21.
    Ripert G. et Roblot R., par Germain M. et Vogel L., Traité de droit commercial, t. I, 17e éd.,1998, LGDJ, n° 331 ; v. aussi Vincensini F.-X., La commercialité, Recherche sur l’identification d’une activité, Thèse Aix-Marseille, 1998, PUAM, nos 378 et s.
  • 22.
    Escarra J. avec la collaboration de Escarra E. et Rault J., Principes de droit commercial, 1934, Sirey, n° 114. Sur la preuve de l’intention, v. Dekeuver-Défossez F. et Blary-Clément É., Droit commercial, 12e éd., 2019, LGDJ, n° 64 ; Houtcieff D., Répertoire de droit commercial, 2008, Dalloz, n° 47.
  • 23.
    Lyon-Caen C. et Renault L., Traité de droit commercial, 1931, n° 114. Sur la difficulté posée par la preuve de l’intention, v. Dekeuver-Défossez F. et Blary-Clément É., Droit commercial, 12e éd., 2019, LGDJ, n° 64.
  • 24.
    Houtcieff D., Répertoire de droit commercial, 2008, Dalloz, n° 47 ; Blaise J.-B. et Desgorces R., Droit des affaires, 10e éd., 2019, LGDJ, n° 129.
  • 25.
    Observons que l’article L. 321-7 du Code pénal sanctionne d’une peine de 6 mois d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende, le fait de ne pas respecter certaines obligations propres à cette profession.
  • 26.
    Relevons, qu’en matière fiscale, les juges administratifs prennent la durée de détention en considération, voir par exemple à propos de la vente d’œuvres d’art, CE, 10e/9e ss-sect., 18 juin 2007, n° 270734 : Comm. com. électr. 2008, comm. 49, note Neau-Leduc P. ; en l’espèce, les juges relèvent que les œuvres d’art étaient restées « peu de temps dans le patrimoine du contribuable ».
  • 27.
    La jurisprudence fiscale offre une illustration de la liberté d’appréciation dont font preuve les juges. En matière fiscale, si les juges administratifs sont tenus d’apprécier la commercialité des opérations « occultes » sur le fondement de l’article L. 110-1 du Code de commerce, les décisions rendues montrent que différents critères sont retenus. Il peut s’agir du nombre d’opérations réalisées, v. par ex., CAA Versailles, 6e ch., 22 mars 2012, n° 10VE01277 : Dr. fisc. 2012, n° 22, comm. 314, note Soyez J.-E. ; en l’espèce, les faits font état de « 324 opérations recensées d’achat, de revente et d’échange », mais aussi du caractère lucratif des opérations accomplies : v. CE, 8e/3e ss-sect., 27 janv. 2010, n° 306956, RJF 4/10 ; observons qu’en l’espèce, l’importance et la fréquence de ces opérations ont été également relevées. Il peut s’agir encore de la faible durée de détention, v. not. CE, 10e/9e ss-sect., 18 juin 2007, n° 270734, Comm. com. électr. 2008, comm. 49, note Neau-Leduc P. ; ou encore du savoir-faire professionnel déployé, v. CE, 8e/3e ss-sect., 3 févr. 2003, n° 232040 : RJF 4 mars, p. 307 ; cette décision a été rendue à propos d’opérations de bourse, les juges relèvent que le particulier a agi dans des « conditions analogues à celles qui caractérisent une activité exercée par une personne se livrant à titre professionnel à des opérations de bourse ».
  • 28.
    Par ex., Cass. crim., 30 mars 2016, n° 15-81478 : dans cet arrêt, la durée de détention ne semble pas avoir été un critère pris en considération.
  • 29.
    Cass. com., 13 nov. 2002, n° 98-17094 : dans cet arrêt, les faits ne précisent pas quelle a été la durée de détention, mais les juges retiennent la qualité de commerçant pour la vente de quatre véhicules en relevant que ces véhicules « n’étaient pas destinés à un usage personnel ».
  • 30.
    Escarra J. avec la collaboration de Escarra E. et Rault J., Principes de droit commercial, 1934, Sirey, n° 116.
  • 31.
    Reinhard Y., Thomasset-Pierre S. et Nourrissat C., Droit commercial, 8e éd., 2012, LexisNexis, n° 336 ; v. aussi Guyon Y., Droit des affaires, t. I, 11e éd., 2001, Économica, n° 53, p. 47 ; Dekeuver-Défossez F. et Blary-Clément É., Droit commercial, 12e éd., 2019, LGDJ, n° 64 ; Houtcieff D., Répertoire de droit commercial, 2008, Dalloz, Acte de commerce, n° 45.
  • 32.
    V. par ex., TGI Mulhouse, corr., 12 janv. 2006 : Comm. com. électr. 2006, comm. 112, Grynbaum L. – Cass. 1re civ., 30 sept. 2008, n° 07-16876. En l’espèce, il a été jugé qu’un particulier a la qualité de « vendeur professionnel » pour s’être livré de façon habituelle à des opérations d’achat et de revente de véhicule d’occasion « dont il tirait profit » ; v. également, Cass. com., 20 sept. 2017, n° 16-15856, à propos d’opérations de bourse.
  • 33.
    Relevons que les plus-values réalisées lors de la cession à titre onéreux de meubles corporels par les particuliers relèvent d’un régime fiscal particulier, voir l’article 150-UA-II du Code général des impôts. Ce texte prévoit des exceptions pour « les meubles meublants, les appareils ménagers et les voitures automobiles ».
  • 34.
    Pour démontrer, par exemple, que les actes accomplis l’ont été à titre de « profession » habituelle au sens de l’article L. 121-1 du Code de commerce et font de leur auteur un commerçant.
  • 35.
    Le plus souvent, c’est la théorie de l’accessoire dans sa conception dite « objective » qui justifie la commercialité des actes accomplis de manière isolée, Dekeuver-Défossez F. et Blary-Clément É., Droit commercial, 12e éd., 2019, LGDJ, nos 109 et s. Tel est le cas, par exemple, pour la cession de parts sociales ou d’actions entraînant un transfert de contrôle d’une société commerciale, v. not. Cass. com., 28 nov. 2006, n° 05-14827.
  • 36.
    De longue date, certains auteurs ont observé « qu’un acte isolé demeure un acte civil », v. Julliot de la Morandière L., Rodière R. et Houin R., Droit commercial, t. I, 1965, Dalloz Précis, p. 36. Sur ce point v. aussi Vallansan J. et Vabres R., JCl commercial, Fasc. 37, Compétence des tribunaux de commerce – Détermination des actes de commerce, n° 34 ; Reinhard Y., Thomasset-Pierre S. et Nourrissat C., Droit commercial, 8e éd., 2012, LexisNexis, n° 337. C’est toutefois souvent lors de l’appréciation du caractère « habituel » visé à l’article L. 121-1 du Code de commerce que la doctrine met en avant la nécessité d’établir le caractère répétitif des actes de commerce.
  • 37.
    Ce qui peut être apprécié notamment au regard de l’historique des ventes.
  • 38.
    V. supra.
  • 39.
    À titre d’illustration, v. CA Paris, 24 juin 2016, n° 15/12575 ; en l’espèce, les éléments de fait indiquent qu’entre le 25 mai 2008 et le 14 mars 2014, un particulier a accompli, par l’intermédiaire d’un compte ouvert sur le site de la société PriceMinister, environ 227 ventes, soit 6 à 7 ventes par mois en moyenne, avec une augmentation sur l’année 2014. Ces ventes lui ont rapporté 5 128 €, soit 71 € par mois en moyenne. Les juges ont considéré « qu’il résulte des éléments ci-dessus analysés et de l’absence de tout autre élément de fait ou de preuve contraire que l’activité à laquelle se livre Monsieur X n’est pas une occupation habituelle lui permettant de subvenir à ses besoins, qu’il n’exerce pas des actes de commerce et n’en fait pas sa profession habituelle de sorte qu’il n’est pas commerçant et vendeur professionnel ».
  • 40.
    TGI Mulhouse, corr., 12 janv. 2006, Comm. com. électr. 2006, comm. 112, Grynbaum L.
  • 41.
    V. not. pour des opérations réalisées dans l’économie traditionnelle, Cass. com., 13 nov. 2002, n° 98-17094 ; en l’espèce, les juges ont considéré que les actes accomplis, en l’occurrence l’achat de quatre véhicules, étaient des actes de commerce ; Cass. 1re civ., 30 sept. 2008, n° 07-16876, où la qualité de vendeur professionnel a été retenue à l’égard d’une personne ayant effectué quarante-et-une opérations de vente de véhicules.
  • 42.
    Le seuil pour l’année 2019 est fixé à 170 000 € pour « les entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement, à l’exclusion de la location directe ou indirecte de locaux d’habitation meublés ou destinés à être loués meublés, autres que ceux mentionnés aux 2° et 3° du III de l’article 1407 ». Il est fixé à 70 000 € « pour les autres entreprises », voir l’article 50-0 du Code général des impôts.
  • 43.
    Les chiffres communiqués par le site Leboncoin.fr font état de 800 000 nouvelles annonces postées par jour, de 27 millions d’annonces en ligne et de 28,7 millions de visiteurs par mois, voir https://corporate.leboncoin.fr/leboncoin-fr-aujourdhui-cest.
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