Le Code de la consommation n’exige pas la mention du montant de l’engagement de la caution à la fois en chiffres et en lettres
L’article L. 341-2 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 14 mars 2016, n’impose pas la mention du montant de l’engagement de la caution à la fois en chiffres et en lettres. Dès lors, la cour d’appel qui impose une telle exigence ajoute à la loi une condition qu’elle ne comporte pas.
Cass. com., 18 janv. 2017, no 14-26604, F–PB
1. Depuis la loi n° 89-421 du 23 juin 1989 relative à l’information et à la protection des consommateurs ainsi qu’à diverses pratiques commerciales, il est prévu en matière de crédit à la consommation et de crédit immobilier l’obligation de faire précéder, sous peine de nullité du cautionnement, la signature de la caution d’une mention manuscrite dont les termes étaient imposés par l’article L. 313-7 du Code de la consommation en cas de cautionnement simple et par l’article L. 313-8 si le cautionnement est solidaire, devenus respectivement, suite à l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du Code de la consommation, les articles L. 314-15 et L. 314-16 du code.
2. La loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l’initiative économique a, par la suite, imposé des mentions en tous points comparables dans les cautionnements conclus par acte sous seing privé par des personnes physiques au profit de créanciers professionnels. Elles étaient énoncées, dans ce cas, aux articles L. 341-21 et L. 341-32 du Code de la consommation, devenus, quant à eux, les articles L. 331-1 et L. 331-2. Ces diverses mentions ont un seul et même objectif : faire prendre conscience à la caution de la gravité du contrat qu’elle conclut, lui faire comprendre la nature et la portée de son engagement.
3. Ces dispositions sont à l’origine d’un contentieux abondant. On se souvient ainsi que, par quelques décisions remarquées, les juges du fond se sont parfois montrés très favorables à la caution en annulant son engagement en raison de différences mineures entre la mention reproduite et celle visée par la loi3.
4. Cependant, et cela est également bien connu, la Cour de cassation a cherché, ces dernières années, à être plus cohérente en la matière, en déclarant que la mention manuscrite peut valablement se démarquer du modèle légal si cette différence n’a aucune conséquence sur la compréhension du sens et de la portée de l’engagement de caution. À titre d’illustrations, la haute juridiction a refusé de prononcer la nullité du cautionnement en présence d’une mention visant à la fois le caractère « personnel et solidaire » du cautionnement et ayant substitué le terme « banque » à ceux de « prêteur » et de « créancier »4. De même, ni l’omission d’un point ni la substitution d’une virgule à un point entre la formule caractérisant l’engagement de caution et celle relative à la solidarité, ni l’apposition d’une minuscule au lieu d’une majuscule au début de la seconde de ces formules, n’affectent la portée des mentions manuscrites conformes pour le surplus aux dispositions légales5. Enfin, des solutions pragmatiques ont parfois été dégagées par les magistrats. Par exemple, l’omission des termes « mes biens » a été jugée comme ayant simplement pour conséquence de limiter le gage de la banque aux revenus de la caution sans que cela affecte pour autant la validité du cautionnement6. De la même manière, l’omission du terme « intérêts » dans la mention manuscrite a uniquement pour effet de réduire l’étendue du cautionnement au principal de la dette sans, ici encore, en affecter la validité7.
5. Mais le respect scrupuleux du contenu de la mention visée par l’article L. 341-2 suffit-il8 ? N’est-il pas nécessaire que la caution y fasse figurer d’autres précisions qui relèveraient d’un autre texte ? Rappelons notamment que l’ancien article 1326 du Code civil prévoyait que : « L’acte juridique par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l’acte sous seing privé vaut pour la somme écrite en toutes lettres »9. Cette répétition de l’inscription de la somme, en lettres et en chiffres, doit-elle alors être également respectée par la caution dans sa mention manuscrite ? Telle était justement la question se posant dans un arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 18 janvier 201710.
6. En l’espèce, par un acte du 15 janvier 2009, M. X s’était rendu caution, à concurrence de 52 000 €, du remboursement d’une facilité de trésorerie d’un montant de 40 000 € consentie par la banque A à la société Y. Cette dernière ayant été mise en redressement judiciaire, la banque avait assigné la caution en paiement.
7. Or pour annuler l’engagement de caution souscrit par M. X, la cour d’appel de Lyon, après avoir relevé que ce dernier avait apposé sur l’acte la mention manuscrite suivante : « En me portant caution de la société Y dans la limite de la somme de 52 000 € couvrant le paiement… », avait estimé que l’exigence générale posée par l’article 1326 du Code civil, à laquelle ne dérogent pas les dispositions de l’article L. 341-2 du Code de la consommation, a précisément pour but, par la répétition de la somme, sous deux formes différentes, d’attirer l’attention et de faire prendre conscience au scripteur de l’importance de son engagement. En conséquence, les juges du fond avaient déclaré que la mention portée par M. X ne révélait pas qu’une simple erreur matérielle mais portait atteinte à la validité de son engagement.
8. Sans surprise, l’établissement de crédit avait formé un pourvoi en cassation. Celui-ci se révèle utile puisque la haute juridiction casse la décision de la cour d’appel de Lyon. En effet, en statuant comme elle l’a fait, « alors que l’article L. 341-2 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 14 mars 2016, n’impose pas la mention du montant de l’engagement de la caution à la fois en chiffres et en lettres, la cour d’appel, qui a ajouté à la loi une condition qu’elle ne comporte pas, a violé ce texte ».
9. Cette solution mérite bien évidemment une totale approbation. Plusieurs arguments militent en ce sens. Tout d’abord, le cautionnement est en principe un contrat consensuel11. Dès lors, toute dérogation doit être interprétée restrictivement. Or, l’article L. 341-2 n’exige nullement une mention en chiffres et en lettres. Il n’y a donc pas lieu de lui ajouter des exigences propres à une autre disposition légale.
10. Par ailleurs, et contrairement à ce qu’affirmaient en l’occurrence les juges du fond, la reproduction de la somme en chiffres et en lettres n’a pas pour but d’attirer l’attention et de faire prendre conscience à la caution l’importance de son engagement. La mention reproduite à la main se suffit en elle-même pour cela. En fait, l’inscription en chiffres et en lettres a bien d’autres finalités. D’une part, elle tend à éviter les erreurs matérielles. Il est en effet très simple de se tromper en inscrivant le montant d’une somme en chiffres12. C’est d’ailleurs pour cela que l’inscription de la somme écrite en toutes lettres prévaut. D’autre part, cette règle permet de se prémunir contre les fraudes prenant la forme d’une falsification de l’acte instrumentaire. Celles-ci sont logiquement plus simples à opérer sur les chiffres que sur les lettres. La décision de la Cour de cassation échappe alors à toute critique.
Notes de bas de pages
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1.
Selon cet article : « Toute personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : “En me portant caution de X dans la limite de la somme de (…) couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de (…), je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X n’y satisfait pas lui-même” ».
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2.
Selon ce dernier : « Lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution fait précéder sa signature de la mention manuscrite suivante : “En renonçant au bénéfice de discussion défini à l’article 2298 du Code civil et en m’obligeant solidairement avec X je m’engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu’il poursuive préalablement X” ».
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3.
CA Rennes, 22 janv. 2010, n° 08/08806 : JCP G 2010, doctr. 708, spéc. n° 2, obs. Simler P. ; JCP E 2010, 1189, note Bouteiller P. – CA Bourges, 1er juill. 2010, n° 10/00126 : JCP E 2010, 2042, note Bouteiller P. ; JCP G 2011, doctr. 226, spéc. n° 4, obs. Simler P.
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4.
Cass. 1re civ., 10 avr. 2013, n° 12-18544 : Contrats, conc. consom. 2013, comm. 169, obs. Raymond G. ; D. 2013, p. 1460, note Lasserre Capdeville J. et Piette G.
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5.
Cass. 1re civ., 11 sept. 2013, n° 12-19094 : JCP G 2013, 1074, note Lasserre Capdeville J.
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6.
Cass. com., 1er oct. 2013, n° 12-20278 : Bull. civ. IV, n° 143 ; D. 2013, AJ, p. 2332, obs. Avena-Robardet V. ; D. 2014, p. 127, note Julienne D. et Andreu L. ; JCP E 2013, 1624, note Legeais D. ; Gaz. Pal. Rec. 2013, p. 3297, obs. Piedelièvre S.
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7.
Cass. com., 4 nov. 2014, n° 13-24706 : Dalloz actualité, 24 nov. 2014, obs. Avena-Robardet V. ; RTD civ. 2015, p. 182, obs. Crocq P. ; JCP E 2014, 1645, note Legeais D. ; Contrats, conc. consom. 2015, comm. 43, obs. Raymond G. ; Gaz. Pal. 22 janv. 2015, n° 205d6, p. 9, note Mignot M. ; LEDB déc. 2014, n° 159, p. 4, obs. Lasserre Capdeville J.
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8.
Pour un ajout demandé par la banque, Cass. com., 27 janv. 2015, n° 13-24778 : LPA 1er juin 2015, p. 18, obs. Lasserre Capdeville J. En l’occurrence, la banque avait fait ajouter, après la mention « au prêteur », les mots suivants : « Ou à toute personne qui lui sera substituée en cas de fusion, absorption, scission, ou apport d’actifs, les sommes dues sur mes revenus (…) ». – Pour un ajout décidé par le client, Cass. com., 4 nov. 2014, n° 13-23130 : LPA 1er juin 2015, p. 19, obs. Lasserre Capdeville J. ; JCP E 2014, 1645, note Legeais D. ; Contrats, conc. consom. 2015, comm. 43, obs. Raymond G. Ici, la mention manuscrite apposée par la caution contenait l’ajout, en tête de paragraphe, de la formule « je reconnais être parfaitement informé de la situation tant juridique que financière du cautionné », immédiatement suivie de la formule caractérisant son engagement de caution et de celle relative à la solidarité ; ces ajouts sont validés par la Cour de cassation dans la mesure où ils n’ont aucune incidence sur la bonne compréhension de la mention manuscrite.
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9.
Depuis l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, la règle en question figure à l’article 1376 du Code civil.
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10.
Cass. com., 18 janv. 2017, n° 14-26604 : D. 2017, AJ, p. 213 ; LEDB mars 2017, obs. Mignot M., à paraître.
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11.
Simler P., « Cautionnement. Conditions de validité. Conditions propres au cautionnement », JCl. Civil, fasc. 25, n° 48.
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12.
Songeons aux cas des « zéros en trop », virgules mal placées, etc.