Que reste-t-il de la mention manuscrite obligatoire en matière de cautionnement par une personne physique ?
Par deux arrêts de janvier 2017, la chambre commerciale de la Cour de cassation refuse d’étendre le champ d’application de la nullité liée au formalisme informatif de l’article L. 341-2 du Code de la consommation, tout en réaffirmant sa singulière position quant à la sanction applicable à une mention manuscrite imparfaite. Elle confirme la validité du cautionnement alors que dans le premier arrêt la mention en lettres de la somme cautionnée est absente et que dans le second, la mention manuscrite prévoit une durée de garantie supérieure à celle stipulée par ailleurs dans le contrat.
Cass. com., 18 janv. 2017, no 14-26604, PB
Cass. com., 31 janv. 2017, no 15-15890, PB
1. En créant le formalisme informatif en droit du cautionnement, l’article L. 341-2 du Code de la consommation1 a pris position pour une protection forte et étendue de la caution personne physique contractant avec un professionnel2, développant ainsi un « droit spécial des sûretés »3. Son texte, repris au nouvel article L. 331-1 du Code de la consommation4, impose en effet à la caution de « faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci ». Le législateur s’est ainsi engagé, de manière ferme, à ce que le professionnel prenne des mesures positives d’avertissement de la caution. Assouplissant le traitement de cette problématique, la Cour de cassation admet avec mesure la nullité de la mention manuscrite obligatoire, développant toujours davantage le pouvoir d’interprétation judiciaire en la matière. Les deux arrêts commentés s’inscrivent dans ce paradigme reposant sur la relativisation et la protection du formalisme informatif.
2. Dans les deux espèces présentées, la chambre commerciale était saisie d’un litige opposant une caution personne physique qui s’était engagée à garantir les dettes d’une société et une banque prêteuse, créancière du cautionnement. Dans l’un et l’autre des arrêts, la liquidation judiciaire de la société avait obligé la banque à actionner la caution qui, voulant échapper à son engagement, s’était placée sur le terrain de la validité formelle de la mention manuscrite obligatoire.
Dans la première espèce, la caution avait fidèlement recopié la mention manuscrite obligatoire, mais elle n’avait pas indiqué la somme en toutes lettres, répétant au contraire deux fois la somme en chiffres. Ce défaut fut la source d’un litige cristallisé autour du point de savoir si l’absence de la somme en lettres faisait supposer que la caution n’avait pas pu prendre l’exacte mesure de son engagement.
La cour d’appel de Lyon avait fait droit à la demande de la caution, considérant que l’article L. 341-2 du Code de la consommation imposait la répétition de la somme sous deux formes différentes, afin d’attirer l’attention et faire prendre conscience à la caution personne physique de l’importance de son engagement. En l’espèce, l’unité formelle de l’indication de la somme dans la mention obligatoire contredisait donc ces supposées exigences légales ; la validité de l’engagement de la caution s’en trouvait affectée et le cautionnement lui-même devait être annulé pour cette raison.
Contestant cette acception de la mention de la somme cautionnée, la banque s’est pourvue en cassation, la chambre commerciale tranchant le débat dans son arrêt du 18 janvier 2017. Elle casse l’arrêt de la cour d’appel rhodanienne et met très justement en exergue que la lettre de l’article L. 341-2 n’impose aucunement la double mention de la somme. Peu importe donc que la seconde mention n’ait pas été en lettres mais en chiffres, puisqu’elle n’était pas nécessaire à la validité du cautionnement.
Dans la seconde espèce, par un contrat conclu en février 2011, le demandeur au pourvoi s’était engagé à se porter caution pour une durée de onze mois. Toutefois, dans la mention manuscrite obligatoire de l’article L. 341-2, la caution indiquait qu’elle s’engageait jusqu’en octobre 2011, soit trois mois de moins que ce qui était stipulé par ailleurs dans le cautionnement. Cette incohérence sur la durée du cautionnement était donc invoquée par la caution pour être dispensée de sa garantie, la contradiction empêchant, selon elle, la vérification de son consentement quant à la portée de son engagement.
La cour d’appel de Nancy, contrairement aux juges lyonnais, s’était montrée assez souple dans son appréciation de la validité de la mention obligatoire, puisqu’elle avait conclu à la validité du cautionnement. Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation a donc dû donc décider si cette contradiction entre les durées stipulées rendait la mention manuscrite contestable.
Par un arrêt du 31 janvier 2017, la chambre commerciale répond par la négative, elle rejette le pourvoi et admet, de manière assez surprenante, que l’on considère, en l’espèce, que la durée du cautionnement est clairement exprimée dans le contrat. Elle met fin au litige en indiquant que le cautionnement avait pris fin en octobre 2011.
3. Ces deux solutions s’inscrivent dans la tendance de la Cour de cassation à considérer que la remise en question de la mention manuscrite obligatoire de l’ancien article L. 341-2 du Code de la consommation ne doit pas être instrumentalisée par les plaideurs. Elle appelle donc les praticiens et les juges du fonds à apprécier la validité de cette mention avec souplesse et pragmatisme.
La lecture combinée de ces deux arrêts révèle que la chambre commerciale cherche un équilibre entre la préservation de la protection de la caution personne physique et les intérêts économiques liés à une éventuelle annulation du cautionnement. Pour ce faire, elle n’accepte qu’avec parcimonie que le débat soit porté sur la validité de la mention manuscrite obligatoire, restreignant par là même les causes de nullité (I). Il s’ensuit que même en cas d’imperfection de la mention manuscrite obligatoire, la chambre commerciale fait prévaloir l’exécution du contrat sur son anéantissement, restreignant par là même l’application de la nullité (II).
I – Restriction des causes de nullité
4. Pour accéder à la nullité liée au formalisme informatif, le justiciable doit démontrer que les dispositions de l’article L. 341-2 du Code de la consommation n’ont pas été respectées. En la matière, la Cour de cassation n’admet cependant pas facilement la critique de la rédaction des mentions manuscrites obligatoires et les deux espèces commentées révèlent deux procédés convergeant dans l’exclusion de toute remise en cause formelle du cautionnement. Évinçant la protection du droit de la consommation qu’elle aurait pu offrir à la caution personne physique, la juridiction suprême refuse de sanctionner les contradictions présentes entre les différentes mentions manuscrites d’un même contrat (A) et apprécie strictement ce qui relève du champ des erreurs matérielles (B).
A – Impunité de l’incohérence rédactionnelle
5. Dans l’espèce du 31 janvier 20175, le cautionnement comprenait deux mentions manuscrites précisant chacune la durée de l’engagement. En première page du contrat, la caution s’engageait, sous sa signature, à un cautionnement de huit mois ; en fin de contrat, lors du recopiage de la mention de l’article L. 341-2 du Code de la consommation, la caution avait indiqué s’engager pour onze mois. Cette dernière avait profité de la divergence de ces durées pour faire valoir la nullité de son engagement.
En filigrane, la question de l’intégrité de son consentement se posait. En droit de la consommation en effet, le rôle des mentions obligatoires est élémentaire : il permet de « rendre le contrat clair, c’est-à-dire de permettre au consommateur de ne pas passer à côté d’obligations importantes »6. Les mentions manuscrites, quant à elles, servent à faire prendre conscience à leur auteur de l’importance de leur engagement. Comme le rappelle Jérôme Julien, « celui qui écrit lit deux fois »7. La mention manuscrite obligatoire poursuit donc ce double objectif de clarté et de compréhension de l’engagement souscrit et relève donc de la vérification du consentement de la caution personne physique8. Il en résulte que toute ambiguïté sur la portée de l’engagement devrait compromettre la validité de ces clauses, raison pour laquelle la caution faisait valoir que la durée est un élément essentiel du contrat. En l’espèce, l’impossibilité dans laquelle elle se trouvait de savoir laquelle des deux durées lui était applicable, l’autorisait, selon elle, à solliciter la nullité de son engagement.
6. Si l’argumentation convainc volontiers, la Cour de cassation rejette pourtant le pourvoi. Elle décide que le contrat n’encourt pas la censure, puisque la mention manuscrite obligatoire litigieuse « comportait toutes les mentions manuscrites prescrites à peine de nullité par l’article L. 341-2 du Code de la consommation ». Conforme au modèle, elle ne peut conduire à la nullité de l’engagement. Il convient alors de relever qu’à travers cet arrêt, la haute juridiction se livre à une interprétation littérale qui, poussée à l’extrême, aboutit à une vision désincarnée du droit de la consommation. Car s’il est vrai que ce dernier ne l’oblige pas à procéder à une lecture globale du contrat, la chambre commerciale fait fi de la raison du texte.
En effet, le procédé consistant en une analyse isolée de chaque stipulation contractuelle est contraire à l’esprit du droit de la consommation, dont les deux principaux objectifs sont l’information du consommateur et sa rétractation9. Comment prétendre que la caution a été correctement informée si le contrat est intrinsèquement contradictoire ? D’aucuns ont souligné, en des matières autres que celle du droit de la consommation, que les incohérences internes au contrat devaient être sanctionnées10. Elles le méritent a fortiori quand la loi prescrit des obligations dont l’objectif est justement de permettre la compréhension, la connaissance et la conscience de ses actes juridiques.
7. Sans doute la sévérité dont elle fait preuve est liée à l’espèce soumise : la chambre commerciale intervenant en matière commerciale, elle fait obstacle au désengagement du dirigeant ayant garanti personnellement les dettes de la société placée en liquidation judiciaire. Le juge fait ainsi barrage à une pratique consistant en l’invocation – parfois abusive, et à tout le moins souvent contestable – d’un vice affectant la validité du cautionnement, dans l’attente de l’exécution du plan de liquidation, déchargeant ainsi la caution de tout ou partie de son obligation de règlement.
Ainsi, si la volonté du législateur a été d’appliquer l’article L. 341-2 à toutes les personnes physiques quel que soit leur statut professionnel11, la Cour de cassation montre qu’une appréciation in concreto doit être favorisée. La protection légale devrait donc être réservée aux cas dans lesquelles elle est utile. En tout état de cause en l’espèce, une durée ayant été prévue, peu importait qu’elle ait été de huit ou de onze mois, le cautionnement était délimité et la caution ne pouvait pas s’attendre à être engagée en deçà de la durée minimale contractuellement prévue.
C’est d’ailleurs ce même rejet d’une convocation systématique de l’article L. 341-2 qui a poussé la chambre commerciale à ne pas qualifier d’erreur matérielle l’omission de la mention de la somme cautionnée en toutes lettres.
B – Interprétation stricte des erreurs matérielles
8. Dans l’arrêt du 18 janvier 201712, le cautionnement contenait une clause rédigée de la manière suivante : « En me portant caution de la société Pare et Cie dans la limite de la somme de 52 000 € couvrant le paiement… ». La clause litigieuse comportait donc la répétition de la somme garantie par la caution, mais sous deux formes identiques, les deux étant en chiffres.
En réponse à la demande en nullité de la caution fondée sur cette absence de mention de la somme en toutes lettres, la banque créancière invoquait l’erreur matérielle. Son argumentation n’était pas dénuée de tout intérêt et aurait pu prospérer, eu égard à l’évolution conceptuelle de la Cour de cassation sur ce point.
9. À l’origine, l’orthodoxie judiciaire imposait de ne pas apprécier les erreurs de plume en raison de la nullité sans grief prévue par le législateur13. Les juges du fond veillaient alors à ce que le recopiage de la mention légale soit strictement exécuté par la caution14. Du point de vue des sources du droit, leur position était louable ; elle favorisait cependant l’instrumentalisation de la nullité par les cautions de mauvaise foi qui, en tout état de cause, sont toujours autorisées à se prévaloir de leurs propres erreurs de rédaction15.
Cette dernière considération, combinée au risque de multiplication du contentieux, a poussé la Cour de cassation à admettre que les juges du fond puissent apprécier la validité de la mention manuscrite obligatoire16. Rejetant un formalisme « rigide et standardisé »17, la haute juridiction affirme que : « ni l’omission d’un point ni la substitution d’une virgule à un point entre la formule caractérisant l’engagement de la caution et celle relative à la solidarité, ni l’apposition d’une minuscule au lieu d’une majuscule au début de la seconde de ces formules, n’affectent la portée des mentions manuscrites conformes pour le surplus aux dispositions légales »18.
Le critère de discrimination entre ce qui conduit à la nullité et ce qui lui échappe réside dans l’intégrité du sens de la mention manuscrite obligatoire19. La mention manuscrite, même si elle n’est pas parfaitement conforme à celle prévue à l’article L. 341-2, sera valable toutes les fois où les éventuels défauts qu’elle comporte n’ont pas affecté sa compréhension. Tel est le cas de toutes les « erreurs matérielles »20, la Cour de cassation allant même jusqu’à accepter le remplacement des termes légalement prévus par des synonymes21.
10. Cette application rigoureuse, mais non rigoriste22, des exigences du droit de la consommation, a inspiré la banque créancière qui, en l’espèce, a fait valoir que l’oubli de la mention en toutes lettres du prix dans la mention manuscrite obligatoire n’affectait pas son sens profond. Selon le demandeur au pourvoi, cette omission devait être qualifiée d’erreur matérielle, insusceptible de fonder la nullité du contrat. Il est vrai qu’en l’espèce, la mention du prix avait été répétée deux fois et qu’il ne s’agissait donc que de la forme de sa rédaction. Telles une virgule ou une minuscule mal placées, l’absence de lettres pouvait s’analyser en une coquille ; tel un synonyme, la seconde mention du prix en chiffres pouvait sans doute remplacer les lettres. Dans les deux cas, la rédaction de la mention manuscrite n’ôtait rien à la compréhension du contrat.
La Cour de cassation ne suit pas ce raisonnement mais décide que l’absence du montant cautionné en toutes lettres n’est pas à une erreur matérielle. La position est radicale et aurait pu conduire à l’annulation du contrat. Paradoxalement, elle permet pourtant de préserver à la fois la soupape d’appréciation incarnée par l’erreur matérielle et de ne pas prononcer la nullité dans un cas où manifestement, la caution personne physique comprenait et mesurait la portée de son engagement. En refusant d’étendre le domaine des erreurs matérielles, et en extrayant le problème discuté du champ d’application de l’article L. 341-2, la haute juridiction a montré qu’elle n’est pas encline à favoriser l’accès à la nullité au-delà des limites fixées par le législateur. Elle montre, par là même, que l’application de la nullité n’est pas un droit absolu de la caution personne physique.
II – Restriction à l’application de la nullité
11. La Cour de cassation, particulièrement sa chambre commerciale, ne se montre pas disposée à prononcer la nullité d’un cautionnement quand ce dernier peut être « sauvé ». Elle opère donc une distinction salutaire entre le formalisme ad validitatem de l’article L. 341-2 et le formalisme probatoire, issu d’autres dispositions légales (A). Par ailleurs, elle préfère forcer l’interprétation du contrat plutôt que de l’anéantir (B).
A – Éviction du formalisme ad probationem
12. Dans l’arrêt du 18 janvier 2017, la caution faisait valoir que l’absence de mention de la somme cautionnée en toutes lettres privait la mention manuscrite obligatoire de sa validité. Sans doute, le juriste élevé à l’application de l’ancien article 1326 du Code civil23 acquiert-il rapidement le réflexe de faire apparaître chaque somme en chiffres et en lettres dès qu’il s’agit de faire figurer un prix au contrat. Le réflexe est tel que le rédacteur exporte facilement cette exigence à des champs d’application qui ne se montrent pourtant pas si exigeants. Il est vrai qu’une erreur de plume s’immisce aisément dans la rédaction du contrat et qu’à l’heure de sa remise en cause, la précaution vaut mieux que le regret. Cette double forme imposée est fondée sur des considérations herméneutiques et sert à guider l’interprète en cas de discordance24. Il est vrai que la mention en toutes lettres laissant peu de place au doute quant au montant stipulé, elle prévaut naturellement sur la mention en chiffres le cas échéant.
13. Forte de ces considérations, en l’espèce, la caution invoquait la nullité de son cautionnement, considérant que l’absence du montant garanti en toutes lettres faisait obstacle à sa validité. Le raisonnement était audacieux dans la mesure où la caution invoquait la combinaison de l’article L. 341-2 relatif au formalisme informatif à l’article 1326 du Code civil imposant un écrit en toutes lettres et en chiffres pour tous les actes unilatéraux. L’argumentation était donc habile puisqu’elle visait à transposer les exigences de l’ancien article 1326 du Code civil sur la sanction de l’article L. 341-2.
Le texte de droit de la consommation ne fait pas expressément barrage à une telle extension, puisque l’article L. 341-2 fait preuve du plus grand mutisme sur la question de la formulation du prix. En effet, il impose simplement que la mention manuscrite respecte le modèle suivant : « En me portant caution de X, dans la limite de la somme de … couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de …, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X n’y satisfait pas lui-même ».
La caution procédait donc à un amalgame volontaire entre les exigences du droit de la consommation et celles du droit civil, stratégie qui n’a pas séduit la chambre commerciale de la Cour de cassation. Cette dernière a rappelé que l’article L. 341-2 n’impose aucunement la double mention du prix et que, partant, ce serait ajouter une condition à la loi que de l’imposer aux contractants.
14. Cette solution est la bienvenue, car elle permet de préserver à la fois les objectifs du droit de la consommation et les dispositions du droit civil. Effectivement, les deux matières se distinguent en matière de formalisme25, puisque le rôle de la mention manuscrite de droit de la consommation est d’« attirer l’attention du garant sur la portée de son engagement et sur le fait qu’il peut être amené à exécuter l’obligation du débiteur principal si celui-ci était défaillant »26. Alors que l’article 1326 du Code civil règle l’éventuelle contestation sur le prix naissant après la conclusion du contrat, le droit de la consommation cherche à éclairer le contractant quant au sens et à la portée de son engagement27. Or sur ces deux objectifs de l’article L. 341-2, l’on peut douter que la répétition du montant sous deux formes distinctes soit utile. Tout d’abord, si la caution ne mesure pas la portée de son acte – et donc les conséquences patrimoniales de son engagement –, la stipulation de la somme en toutes lettres ne l’aidera sans doute pas davantage. Ensuite, répéter le montant ne devrait pas non plus l’aider à saisir le sens de son engagement, à savoir la garantie qu’il offre au créancier en cas de défaillance du débiteur principal.
Plus fondamentalement, les civilistes ont été confrontés à la question de la valeur juridique de l’article 1326 du Code civil, et après des débats nourris, la Cour de cassation a tranché en faveur d’un formalisme ad probationem28. Imposer la nullité de l’article L. 341-2 du Code de la consommation à l’impératif de la double mention du prix, serait revenu à le transformer en un formalisme ad validitatem. À terme, la solution aurait pu avoir une incidence sur l’appréciation de cette double mention du prix en droit civil, ce qui aurait contredit la position adoptée par la réforme du droit des obligations du 10 février 2016.
15. Il convient toutefois de relever que le cautionnement étant un acte unilatéral, l’article 1326 lui est définitivement applicable, mais à condition de le contenir dans les limites qui lui sont traditionnellement assignées. Sa violation n’entraîne en effet pas nullité de la garantie, mais relègue le contrat à n’être invoqué qu’en commencement de preuve par écrit29. Subséquemment, il revient à l’établissement bancaire créancier d’apporter la preuve du cautionnement par d’autres moyens en cas de contestation de son engagement par la caution. À cet égard, la Cour de cassation se montre clémente et accepte tout élément extérieur au contrat30, en ce compris des éléments tirés de l’acte principal31.
La réticence de la chambre commerciale à l’égard du prononcé de la nullité dépasse son simple refus d’extension à des domaines où elle n’est traditionnellement pas admise. Le second arrêt permet en effet de constater qu’en présence de stipulations incohérentes et incompatibles, la chambre commerciale préfère interpréter le contrat plutôt que de l’anéantir.
B – Prévalence de l’interprétation sur la nullité
16. Dans l’arrêt du 31 janvier 2017, la Cour de cassation ayant refusé d’appliquer la nullité à l’incohérence des mentions relatives à la durée du cautionnement, elle n’avait d’autre choix que d’interpréter le contrat. Elle se trouvait effectivement confrontée à l’impératif de choisir entre la durée mentionnée sous la signature (8 mois) et celle de la mention de l’article L. 341-2 (11 mois) ; elle choisit de faire prévaloir la durée la plus courte.
À choisir, il est vrai que d’opter pour la durée la plus brève permet un bel arbitrage entre les intérêts des parties : la banque obtient l’exécution du cautionnement et la caution trouve son engagement temporellement réduit au minimum. Toutefois, sur un plan théorique, il y a là une contradiction entre la validation de la mention manuscrite et le refus de lui donner force obligatoire. En effet, si la mention est valide, c’est assurément qu’il doit être considéré que la caution a pu prendre l’exacte mesure de son engagement. Cette dernière aurait donc nourri des attentes légitimes quant à la durée du contrat, attentes qui font obstacle à toute interprétation du contrat dans un sens contraire. Peu importe, en théorie, que la durée soit plus longue ou plus courte, si elle a compris son acte, la caution a compris la durée. On s’attache alors, à l’image de la méthodologie de la chambre commerciale, à une lecture clause par clause du contrat. Il s’ensuit qu’en validant la mention de l’article L.341-2, le juge devrait automatiquement valider la durée qu’elle contient. De sorte que l’interprétation de la Cour de cassation en l’espèce est discutable et confine au forçage du contrat.
17. Cette intrusion de la chambre commerciale dans les stipulations contractuelles n’est pas sans rappeler la méthodologie qu’elle met en œuvre lorsque, face à une mention manuscrite imparfaite, elle favorise au maximum son application. Normalement, le manquement aux dispositions relatives à la mention de l’article L. 341-2 du Code de la consommation entraîne la nullité de l’engagement du garant32, cette dernière résultant simplement d’un constat du défaut d’identité entre le contrat et les prescriptions légales33. La chambre commerciale est souple en la matière, puisqu’elle accepte que la nullité puisse être confirmée34 et admet son aménagement.
Ainsi, dans un arrêt du 1er octobre 201335, la chambre commerciale a admis que l’oubli de l’expression « mes biens » lors de l’énoncé du droit de gage du créancier n’entraînait pas la nullité du cautionnement, mais limitait seulement sa mise en œuvre. La haute juridiction a alors considéré que le droit de gage de la banque se limitait aux revenus de la caution, excluant les biens non visés par la mention manuscrite. Cette « dérive »36 de la chambre commerciale, répétée en 201437, « aboutit à un assouplissement inattendu du formalisme légal en rendant de l’espace à la liberté contractuelle, là où l’on pensait l’avoir écartée »38. Elle aboutit aussi, comme le témoigne l’espèce commentée, à un aménagement du contrat laissé à l’appréciation du juge.
Notes de bas de pages
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1.
L’article L. 341-2 ancien du Code de la consommation dispose que : « Toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : “En me portant caution de X, dans la limite de la somme de X couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X n'y satisfait pas lui-même” ».
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2.
On relève, en effet, qu’outre le consommateur, est protégée toute personne physique contractant avec un professionnel (à cet égard, v. par ex. : Piédelièvre S., Droit de la consommation, 2e éd., 2014, Economica, n° 409).
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3.
Piédelièvre S., Droit de la consommation, 2e éd., 2014, Economica, n° 408 ; v. égal. Albigès C., « L’influence du droit de la consommation sur l’engagement de caution », in Mélanges en l’honneur de Jean Calais-Auloy, 2004, Dalloz, p. 1 et s. ; Legeais D., « Le Code de la consommation, siège d’un nouveau droit commun du cautionnement », JCP E 2003, 1443.
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4.
En suite de la nouvelle numérotation issue de l’ordonnance n° 2016-301, du 14 mars 2016.
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5.
Cass. com., 31 janv. 2017, n° 15-15890.
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6.
Julien J., Droit de la consommation, 2015, LGJD, Domat Droit Privé, n° 189.
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7.
Julien J., Droit de la consommation, 2015, LGJD, Domat Droit Privé, n° 190, note 14, selon la formule latine « qui scribit bis legit ».
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8.
V. not. : Calais-Auloy J. et TempleH., Droit de la consommation, 9e éd., 2015, Précis Dalloz, n° 62.
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9.
Piédelièvre S., Droit de la consommation, 2e éd., 2014, Economica, n° 2
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10.
V. par ex. : Dupont N., « L’interdiction de se contredire au détriment d’autrui en procédure civile française », RTD civ. 2010, p. 459 ; Houtcieff D., Le principe de cohérence en matière contractuelle, 2001, PUAM ; Stoffel-Munck P., L’abus dans le contrat. Essai d’une théorie, 2000, LGDJ.
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11.
La raison de l’inclusion de toutes les cautions personnes physiques, même non consommateurs, dans le champ d’application de l’article L. 341-2, réside dans la considération selon laquelle toutes les personnes physiques sont également démunies face au créancier professionnel. Importée de la loi dite « Dutreil » du 31 décembre 1989 au cautionnement, la technique de la mention manuscrite obligatoire connaît aujourd’hui une application étendue (Picod Y., « La mention manuscrite obligatoire de la caution à l’épreuve de la loi pour l’initiative économique », Dr. et procéd. 2004, p. 255).
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12.
Cass. com., 18 janv. 2017, n° 14-26604.
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13.
Picod Y., Droit de la consommation, 3e éd., 2015, Sirey, n° 254.
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14.
Pour le cas de l’omission d’une virgule, v. par ex. : CA Rennes, 22 janv. 2010, n° 08/08806 : JCP G 2010, 708, obs. Simler P. – CA Lyon, 21 juin 1995 : JCP G 1997, I 3991, obs. Simler P., cité par Picod Y., Droit de la consommation, 3e éd., 2015, Sirey, n° 254.
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15.
Cass. 1re civ., 16 mai 2012, n° 11-17411 : la cour d’appel avait refusé la nullité au motif que « la caution, tenue de recopier la formule prévue par la loi, ne saurait invoquer, pour tenter d’échapper à ses engagements, ses propres errements dans le recopiage de cette formule ». La première chambre civile avait censuré ce raisonnement, considérant que le simple fait que la mention ne soit pas conforme au modèle légal justifiait la nullité, peu importe le rôle joué par la caution dans la rédaction de la mention litigieuse.
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16.
Cass. 1re civ., 9 nov. 2004, n° 02-17028 : Bull. civ. I, n° 254.
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17.
Piédelièvre S., Droit de la consommation, 2e éd., 2014, Economica, n° 412.
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18.
Cass. 1re civ., 11 sept. 2013, n° 12-19094 : Bull. civ. I, n° 174.
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19.
En matière de solidarité et de substitution de chiffres, v. par ex. : Cass. 1re civ., 27 nov. 2013, n° 12-21393 : JCP E 2014, 1010.
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20.
V. par ex. : Cass. com., 5 avr. 2011, n° 10-16426 : Bull. civ. IV, n° 54 – Cass. com., 5 avr. 2011, n° 09-14358 : Bull. civ. IV, n° 55.
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21.
Cass. 1re civ., 10 avr. 2013, n° 12-18544 : Bull. civ. I, n° 74 ; D. 2013, p. 1460.
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22.
Picod Y., Droit de la consommation, 3e éd., 2015, Sirey, n° 564.
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23.
C. civ., art. 1376 nouv. issu de Ord. n° 2016-131, 10 févr. 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.
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24.
V. par ex. : Mouly C., « Revirement : la mention manuscrite de l’article 1326 du Code civil est une formalité probatoire », D. 1990, p. 177. Spécialement en matière de cautionnement : Aynès L., « La mention manuscrite imposée par l’article 1326 du Code civil est une règle de preuve et non de forme », D. 1994, p. 10.
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25.
V. cependant : Julien J., Droit de la consommation, 2015, LGJD, Domat Droit Privé, n° 190 : l’auteur, sans assimiler les deux fondements, les traite sur un même plan.
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26.
Piédelièvre S., Droit de la consommation, 2e éd., 2014, Economica, n° 410.
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27.
Julien J., Droit de la consommation, 2015, LGJD, Domat Droit Privé, n° 190.
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28.
Ainsi, l’omission des formalités de l’article 1326 du Code civil est sans influence sur la validité du contrat (Cass. 2e civ., 2 déc. 1978, n° 77-12804 : Bull. civ. II, n° 280 – Cass. 1re civ., 6 juill. 2004, n° 01-15041 : Bull. civ. I, n° 199).
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29.
En ce sens : Cass. 1re civ., 2 juill. 1996, n° 94-14943 : Bull. civ. I, n° 281 – Cass. 1re civ., 13 nov. 1996, n° 94-16091 : Bull. civ. I, n° 393.
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30.
Cass. 1re civ., 16 janv. 1985, nos 83-11029 et 83-16928 : Bull. civ. I, n° 24. Plus précisément, la Cour de cassation considère que les éléments de preuve ne peuvent pas être puisés dans les autres clauses du contrat (Cass. 1re civ., 5 mai 2004, n° 02-17155 : Bull. civ. I, n° 125).
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31.
Par ex., la signature de la caution dans le contrat principal est un complément de preuve acceptable (Cass. 1re civ., 15 janv. 2002, n° 98-22113 : Bull. civ. I, n° 13 – Cass. 1re civ., 29 oct. 2002, n° 99-18017 : Bull. civ. I, n° 250).
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32.
Cass. com., 28 avr. 2009, n° 08-11616 : Bull. civ. IV, n° 56.
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33.
Cass. 1re civ., 16 mai 2012, n° 11-17411.
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34.
Cass. com., 5 févr. 2013, n° 12-11720 : Bull. civ. IV, n° 20.
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35.
Cass. com., 1er oct. 2013, n° 12-20278 : Bull. civ. IV, n° 143.
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36.
Picod Y., Droit de la consommation, 3e éd., 2015, Sirey, n° 564.
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37.
V. par ex. : Cass. com., 4 nov. 2014 : AJCA 2014, note Picod Y. : dans cet arrêt, la caution avait oublié d’indiquer qu’elle s’engageait aussi pour les intérêts de la créance, ce qui a conduit la chambre commerciale à limiter le gage du créancier aux seuls intérêts légaux.
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38.
Picod Y., Droit de la consommation, 3e éd., 2015, Sirey, n° 564.