Les principales dispositions du décret du 10 mai 2021 sur la procédure de « clémence » en droit de la concurrence

Publié le 28/09/2021
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Le décret fixe les modalités d’organisation et d’application de la procédure de clémence en droit de la concurrence. Il procède à la transposition des articles 17 à 22 de la directive (UE) 2019/1 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 dite « ECN + » qui ont par ailleurs donné lieu à un communiqué de procédure de l’Autorité de la concurrence.

D. n° 2021-568, 10 mai 2021, relatif à la procédure d’exonération totale ou partielle des sanctions pécuniaires prévue au IV de l’article L. 464-2 du Code de commerce entreprises et organismes ayant mis en œuvre une pratique prohibée par le droit de la concurrence, services de l’Autorité de la concurrence, services de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes : JO du 12 mai

Le décret précise notamment les conditions formelles de la démarche que le demandeur d’une mesure de clémence doit effectuer, les renseignements qu’il doit communiquer afin de bénéficier de cette procédure, les modalités de la procédure qui s’ensuit, l’information du demandeur au sujet de son éligibilité à l’exonération totale ou partielle de sanctions pécuniaires ainsi que les conditions de fond de l’exonération totale ou partielle.

Les conditions requises pour bénéficier de l’exonération partielle des sanctions pécuniaires

L’exonération partielle de sanctions pécuniaires est accordée lorsque les conditions suivantes sont remplies :

  • Le demandeur satisfait aux conditions fixées à l’article R. 464-5-4 du Code de commerce ;

  • Il révèle sa participation à une pratique prohibée par l’article L. 420-1 du code précité ;

  • Il fournit des éléments d’information qui comportent une valeur ajoutée significative afin d’établir l’existence de la pratique en cause, par rapport à ceux qui se trouvent déjà en la possession de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ou de l’Autorité de la concurrence au moment de la demande.

Le décret précise aussi que le demandeur peut solliciter du directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ou du rapporteur général de l’Autorité de la concurrence l’attribution d’une place dans l’ordre d’arrivée en vue de bénéficier de l’exonération totale ou partielle de sanctions pécuniaires.

À noter. Les autorités saisies doivent fixer un délai afin de permettre au demandeur de rassembler les éléments d’information requis.

Les éléments d’information fournis par le demandeur durant le délai précité sont réputés avoir été communiqués à la date de réception de la demande, telle que constatée dans le courrier ou le procès-verbal marquant sa place dans l’ordre d’arrivée.

Les éléments d’information à transmettre et les conditions à remplir

Le demandeur doit fournir les éléments d’information dont il dispose en lien avec la pratique en cause, notamment :

  • Son nom et son adresse ;

  • Les circonstances ayant conduit à l’introduction de la demande ;

  • Les noms de toutes les autres entreprises ou associations d’entreprises qui participent ou ont participé à la pratique en cause ;

  • Les produits et les territoires concernés ;

  • La durée et la nature de la pratique en cause ;

  • Des renseignements sur toute autre demande d’exonération totale ou partielle de sanctions pécuniaires présentée par le passé ou susceptible d’être présentée à l’avenir à toute autre autorité de concurrence concernant la pratique en cause.

En outre, afin de se voir accorder une exonération, le demandeur est tenu de remplir l’ensemble des conditions suivantes :

  • Il doit mettre fin à sa participation à la pratique prohibée sans délai et au plus tard immédiatement après avoir déposé sa demande, sauf pour ce qui serait, de l’avis du rapporteur général de l’Autorité de la concurrence, raisonnablement nécessaire à la préservation de l’intégrité de l’enquête ;

  • Il doit apporter à l’Autorité de la concurrence une coopération véritable, totale, permanente et rapide dès le dépôt de sa demande et tout au long de la procédure d’enquête et d’instruction, ce qui implique en particulier de :

a) Lui fournir sans délai tous les éléments d’information supplémentaires concernant la pratique en cause, qui viendraient en sa possession ou auxquels il pourrait avoir accès, comprenant notamment une description détaillée de cette pratique et de sa nature, de la nature et de l’usage des produits en cause, des territoires sur lesquels cette pratique est susceptible de produire des effets, ainsi qu’une estimation de sa durée de mise en œuvre ;

b) Se tenir à la disposition de l’Autorité de la concurrence pour répondre rapidement à toute demande de sa part visant à contribuer à l’établissement des faits constitutifs de la pratique en cause ;

c) Mettre ses représentants légaux et salariés actuels à la disposition de l’Autorité de la concurrence, et fournir des efforts raisonnables pour en faire de même avec ses anciens représentants légaux et salariés ;

d) S’abstenir de détruire, de falsifier ou de dissimuler des informations ou des éléments de preuves pertinents se rapportant à la pratique en cause ;

e) S’abstenir de divulguer l’existence ou la teneur de sa demande avant que l’Autorité de la concurrence n’ait communiqué ses griefs aux parties, sauf si elle y donne préalablement son accord ;

f) Ne remettre en cause à aucun moment devant l’Autorité de la concurrence, et ce jusqu’au terme de la procédure, les éléments d’information qu’il lui a révélés dans le cadre de la procédure, notamment en ce qui concerne la matérialité des faits qu’il a dénoncés ou l’existence même de la pratique.

En outre, lorsqu’il envisage d’adresser une demande à l’Autorité de la concurrence, le demandeur ne doit pas avoir détruit ou falsifié de preuves de la pratique en cause, ni avoir divulgué son intention de présenter une demande ou la teneur de celle-ci, sauf à d’autres autorités de concurrence.

Demande d’exonération auprès de la Commission européenne

Par ailleurs, il faut noter qu’un demandeur ayant sollicité une exonération totale ou partielle de sanctions pécuniaires auprès de la Commission européenne, soit pour l’attribution d’une place dans l’ordre d’arrivée en vue de bénéficier d’une telle exonération, soit par le dépôt d’une demande complète, peut, si cette demande se réfère à une pratique prohibée couvrant les territoires de plus de trois États membres, soumettre à l’Autorité de la concurrence une demande sommaire concernant la même pratique.

À noter. Lorsqu’elle est saisie d’une demande sommaire, l’Autorité de la concurrence doit vérifier si elle a déjà reçu une autre demande, sommaire ou complète, de la part d’un autre demandeur, concernant la même pratique.

En l’absence d’une telle autre demande, et si elle estime que la demande sommaire dont elle est saisie comporte les éléments précités, le rapporteur général ou un rapporteur qu’il a désigné doit informer le demandeur de l’acceptation de sa demande.

Par ailleurs, lorsque la Commission européenne a informé l’Autorité de la concurrence de ce qu’elle n’a pas l’intention d’instruire l’affaire en tout ou en partie, le demandeur a la possibilité de soumettre au rapporteur général de l’Autorité de la concurrence une demande complète.

À titre exceptionnel, lorsque cela s’avère strictement nécessaire pour la délimitation d’une affaire ou pour son attribution, le rapporteur général peut inviter le demandeur à soumettre une demande complète avant que la Commission européenne n’ait informé l’Autorité de la concurrence de ce qu’elle n’a pas l’intention d’instruire l’affaire en tout ou en partie.

Le rapporteur général de l’Autorité de la concurrence peut fixer au demandeur un délai maximal pour le dépôt de sa demande complète ainsi que des éléments d’information correspondants.

Lorsque le demandeur dépose sa demande complète dans le délai imparti, celle-ci est réputée avoir été déposée au moment du dépôt de la demande sommaire, pour autant que cette dernière porte sur les mêmes produits et les mêmes territoires et sur la même durée de la pratique en cause que la demande introduite auprès de la Commission européenne, qui peut avoir été mise à jour.