Le dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme : quelle efficacité face à la crise sanitaire liée au Covid-19 ?

Publié le 17/07/2020

La crise sanitaire due à la pandémie de Covid-19 suscite des questions liées à l’intégrité des marchés. Dans l’objectif d’assurer la sécurité des transactions en période de récession, la vigilance des acteurs financiers devrait être renforcée. Le dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme devrait s’adapter aux exigences imposées par l’état d’urgence sanitaire et s’appliquer avec rigueur. Ainsi, il est important d’apprécier l’efficacité de ce dispositif à la lumière des risques proliférés dans ce contexte dérogatoire.

Dans un contexte de crise sanitaire engendrée par la pandémie de Covid-19, la sécurisation des marchés financiers se situe au cœur des défis législatifs. Conscients des risques liés aux activités bancaires et financières, les législateurs européen et français ont déjà mis en place un dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Parmi les objectifs de la régulation financière, figure l’intégrité. À l’instar de la sécurité, la régulation vise à assurer l’intégrité des marchés financiers. Ces objectifs complémentaires conditionnent « le fonctionnement régulier des marchés ainsi que la solidité et la stabilité du système »1.

Afin de préserver l’intégrité du marché, le législateur a instauré une obligation de vigilance pour lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Le risque se présente dans le fait que la finance devient un terrain favorable pour la fraude et l’escroquerie. En effet, plusieurs outils financiers peuvent être détournés de leur but principal, et être exploités pour blanchir des capitaux ou financer le terrorisme.

Le blanchiment d’argent désigne l’action d’introduire l’argent « sale » dans l’économie légale. Il s’agit des fonds obtenus de façon illégale. L’objectif est de dissimuler l’origine illicite des ressources financières, qui sont souvent d’origine criminelle2. En principe, le secret bancaire interdit au professionnel de dévoiler des informations sur ses clients. Cependant, l’enjeu d’assurer l’intégrité du marché a poussé le législateur à instaurer une obligation de vigilance.

Dans un contexte de crise, le dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme doit être renforcé. La démarche consiste à durcir les obligations des acteurs financiers. La crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 est susceptible de créer des failles dans le système financier. Pour faire face à ces risques, le service « Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins », dit TRACFIN, s’est mobilisé pour accompagner les opérateurs financiers dans leur rôle pour assurer l’intégrité des marchés financiers. Le 28 mai 2020, il a publié une analyse typologique des principaux risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme liés à la crise sanitaire et économique de la pandémie de Covid-193. L’enjeu pour les professionnels est « de renforcer leur vigilance sur les risques spécifiques liés à la pandémie et de préciser les critères d’alerte à mettre en place dans leur cartographie des risques »4. Parmi les risques, il convient de citer la vente de matériel sanitaire fictif ou non conforme, les faux ordres de virement, la fraude à l’appel aux dons, ou encore la fraude par détournement du dispositif de prêt garanti par l’État5.

La crise actuelle a suscité des questions portant sur l’efficacité du dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Toute la difficulté consiste à savoir si le dispositif en vigueur est compatible avec les exigences imposées par la crise sanitaire.

Afin de cerner son utilité dans un contexte de crise, il est important de constater l’évolution du cadre juridique dédié à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (I) et d’identifier la portée des obligations découlant du corpus normatif en vigueur (II).

I – L’évolution du cadre juridique de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme

Le dispositif de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement de terrorisme a été renforcé par diverses lois (A). L’arsenal juridique a connu des évolutions importantes sur le plan international, européen et national. Cette évolution a contribué à l’élargissement du champ d’application du dispositif anti-blanchiment (B).

A – Le renforcement du dispositif de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme

D’emblée, il convient de noter que l’objectif de lutte contre le blanchiment d’argent bénéficie d’un cadre juridique varié et évolutif. L’évolution du régime juridique en faveur de l’intégrité des marchés permet de saisir les risques inhérents à la crise sanitaire due à la pandémie de Covid-19.

D’abord, sur le plan international6, il est important de citer les déclarations de Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, telle que celle du 12 décembre 1988. Cette déclaration a été adoptée afin de prévenir le risque du blanchiment d’argent et du financement du terrorisme. Le Comité de Bâle estime que « les banques et autres institutions financières peuvent inconsciemment servir d’intermédiaires pour le transfert ou le dépôt de fonds d’origine criminelle. Les criminels et leurs complices se servent du système financier pour effectuer des paiements et des transferts de compte à compte, pour occulter l’origine des fonds et l’identité de leur véritable propriétaire et pour dissimuler des billets de banque dans des coffres »7. La déclaration met en place des règles et des principes de déontologie pour que les banques contribuent à « l’élimination des opérations de blanchiment de fonds par l’intermédiaire du système bancaire national et international »8. Elle vise à renforcer la vigilance des intermédiaires financiers en favorisant des mesures préventives efficaces. Il y a notamment à leur charge une obligation d’identification des clients. En effet, « les banques doivent s’efforcer, avec la diligence requise, de vérifier l’identité de tous les clients faisant appel à leurs services »9.

En outre, il est important de citer les travaux du groupe international de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (GAFI). Les premières recommandations ont été adoptées en 1990, révisées en 1996, dans le but de « lutter contre l’usage abusif des systèmes financiers à des fins de blanchiment de l’argent de la drogue »10. Aussi, des recommandations spéciales ont été élaborées en 2001 et 2004. L’ensemble de ces textes a été fusionné dans les recommandations du 16 février 201211 « afin de tenir compte de nouvelles menaces et de renforcer les obligations existantes »12. Ces recommandations mettent en place des obligations à la charge des États en matière de blanchiment d’argent. Ceux-ci « doivent identifier, évaluer et comprendre les risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme »13.

Sur le plan européen, la lutte contre le blanchiment d’argent a été impulsée par la directive du 10 juin 1991. Cette dernière a été abrogée par la directive du 26 octobre 200514. Ce texte a été remplacé par la directive du 20 mai 2015 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme15. Afin de renforcer le dispositif de lutte contre le blanchiment d’argent, une proposition de directive du 5 juillet 2016 a vu le jour. Cette proposition prévoit « une série de mesures visant à mieux lutter contre le financement du terrorisme et à garantir une plus grande transparence des transactions financières »16. Une directive du 30 mai 2018 a été adoptée pour modifier la directive (UE) n° 2015/849 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme ainsi que les directives nos 2009/138/CE et 2013/36/UE17. Ce nouveau texte impose « aux États membres d’identifier, de comprendre et d’atténuer les risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme »18. Consciente du caractère évolutif des menaces et des vulnérabilités des marchés financiers, l’Union européenne a voulu « adopter une approche intégrée en ce qui concerne la conformité des dispositifs nationaux de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme avec les exigences au niveau de l’Union, en prenant en considération une évaluation de l’efficacité de ces dispositifs nationaux »19. Le corpus normatif européen a été renforcé par un règlement délégué de la Commission du 31 janvier 201920.

En droit français21, le dispositif de lutte contre le blanchiment d’argent a été mis en place par l’ordonnance du 30 janvier 2009 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme22. Cette ordonnance a transposé la directive du 26 octobre 2005. La lutte contre le blanchiment d’argent est régie par les articles L. 561-1 et suivants du Code monétaire et financier. Dans un souci de conformité avec la directive européenne du 20 mai 2015, le législateur a adopté l’ordonnance du 1er décembre 2016 renforçant le dispositif français de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme23 et la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique24. Récemment, une ordonnance du 12 février 2020 renforçant le dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme25 a été adoptée pour transposer la directive européenne de 2015.

Il en découle que le dispositif dédié à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme est évolutif et diversifié. La prolifération des textes juridiques régissant cette matière témoigne de la volonté législative de préserver l’intégrité des marchés. La sécurisation des transactions, notamment dans un contexte de crise, exige la mise en place d’un marché sain par des moyens efficaces de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. L’enjeu est de limiter les risques de détournement de capitaux « sales » vers le secteur sanitaire. Ces capitaux pourraient être orientés vers le commerce de produits sanitaires fictifs ou non conformes en profitant de la forte demande en matériel sanitaire (masques, gel hydroalcoolique, appareils respiratoires, etc.)26.

Ces risques liés à la pandémie de Covid-19 nécessitent d’accroître la vigilance des personnes assujetties au dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

B – L’élargissement du champ d’application du dispositif de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme

En droit français, le dispositif de prévention contre le blanchiment d’argent a un champ d’application relativement large. L’évolution du dispositif a permis d’élargir son domaine, ce qui reflète l’objectif du législateur d’assurer l’intégrité dans le marché.

Concernant les personnes assujetties, le champ d’application du dispositif de prévention est étendu. En effet, plusieurs acteurs bancaires et financiers sont concernés par l’obligation de vigilance en matière de blanchiment d’argent. L’article L. 561-2 du Code monétaire et financier énumère les professionnels tenus d’une obligation de vigilance. L’ordonnance du 1er décembre 2016 a élargi la liste des personnes concernées par le dispositif anti-blanchiment. Sont soumis à cette obligation notamment les établissements de crédit27, les établissements de paiement28, les établissements de monnaie électronique29, les intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement30, les intermédiaires d’assurance31 et les intermédiaires en financement participatif32. Ces derniers sont tenus d’une obligation de lutte contre le blanchiment d’argent en vertu de l’ordonnance du 30 mai 2014 relative au financement participatif33.

Concernant le champ d’application matériel, le dispositif de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme s’avère être large. En effet, l’opération de blanchir l’argent consiste à introduire des fonds illégaux dans le commerce légal. Il s’agit d’une circulation des fonds suivie d’une transformation pour dissimuler leur origine. L’opération de blanchiment d’argent s’accomplit par l’intégration des fonds d’origine criminelle dans l’économie légale34. Dans le but de lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, le législateur interdit des « opérations avec des sociétés bancaires-écran »35. En effet, selon l’article L. 561-10-3 du Code monétaire et financier, il est interdit aux établissements bancaires, à la Banque de France, et l’institut d’émission des départements d’Outre-mer de « nouer ou maintenir une relation de correspondant bancaire avec un établissement de crédit ou exerçant des activités équivalentes constitué dans un pays où il n’a aucune présence physique effective permettant que s’exercent des activités de direction et de gestion, s’il n’est pas rattaché à un établissement ou à un groupe réglementé ». Cette interdiction vise à exclure toutes sortes d’opérations de blanchiment de capitaux. D’ailleurs les acteurs susmentionnés doivent prendre des mesures appropriées pour s’assurer que les banques ne nouent pas des relations avec une société-écran36. Ces mesures préventives visent à éradiquer toutes les sources des opérations suspectes. Partant, le domaine de prévention des risques est désormais étendu.

En ce qui concerne la crise liée au Covid-19, le TRACFIN a annoncé le traitement d’une centaine de déclarations de soupçon. Il a externalisé une vingtaine de dossiers ayant un lien avec la crise actuelle37. Ces déclarations de soupçon invitent à poser la question de la teneur des obligations imposées en matière de lutte contre le blanchiment d’argent.

Le dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme : quelle efficacité face à la crise sanitaire liée au Covid-19 ?
M. Schuppich / AdobeStock

II – La portée des obligations relatives à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme

Le dispositif anti-blanchiment met à la charge des acteurs de la finance des obligations pour détecter le risque de blanchiment d’argent ou de financement du terrorisme. Le législateur met en place une obligation de vigilance qui vise à se renseigner sur la clientèle (A), et une obligation de déclaration des opérations suspectes (B). Ces obligations doivent être renforcées dans un contexte de crise sanitaire.

A – Une obligation de vigilance

Les personnes assujetties au dispositif anti-blanchiment sont tenues d’une obligation de vigilance à l’égard des clients. Cette obligation peut être standard, renforcée ou allégée38.

S’agissant d’abord de l’obligation de vigilance standard, l’article L. 561-5 du Code monétaire et financier impose aux professionnels de respecter certaines mesures « avant d’entrer en relation d’affaires avec leur client ou de l’assister dans la préparation ou la réalisation d’une transaction ». Ils doivent vérifier l’identité de leur client, et le cas échéant, du bénéficiaire effectif de la relation d’affaires39, et vérifier « les éléments d’identification sur présentation de tout document écrit à caractère probant ». Ils doivent également identifier et vérifier « l’identité de leurs clients occasionnels et, le cas échéant, de leurs bénéficiaires effectifs, lorsqu’elles soupçonnent qu’une opération pourrait participer au blanchiment des capitaux ou au financement du terrorisme ou lorsque les opérations sont d’une certaine nature ou dépassent un certain montant »40. Dans un souci d’intégrité, l’article L. 561-6 précise que pendant toute la durée de la relation d’affaires, les acteurs concernés exercent « une vigilance constante et pratiquent un examen attentif des opérations effectuées en veillant à ce qu’elles soient cohérentes avec la connaissance actualisée qu’elles ont de leur relation d’affaires ».

S’agissant ensuite de l’obligation de vigilance allégée, l’article L. 561-9 du Code monétaire et financier prévoit que les professionnels concernés peuvent mettre en œuvre des mesures de vigilance simplifiées lorsque « le risque de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme leur paraît faible », ou lorsque « les clients, les services ou les produits figurent sur la liste des personnes, services ou produits présentant un faible risque de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme et il n’existe pas de soupçon de blanchiment ou de financement du terrorisme »41.

S’agissant enfin de l’obligation de vigilance renforcée, elle impose de prendre des mesures de vigilance complémentaires lorsque le risque de blanchiment d’argent et de financement de terrorisme est élevé42. Tel est l’exemple du produit ou de l’opération qui « présente, par sa nature, un risque particulier de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme, notamment lorsqu’ils favorisent l’anonymat »43. Ainsi, les personnes assujetties doivent effectuer « un examen renforcé de toute opération particulièrement complexe ou d’un montant inhabituellement élevé ou ne paraissant pas avoir de justification économique ou d’objet licite. Dans ce cas, ces personnes se renseignent auprès du client sur l’origine des fonds et la destination de ces sommes ainsi que sur l’objet de l’opération et l’identité de la personne qui en bénéficie »44.

En période de crise sanitaire, le TRACFIN invite les personnes concernées par le dispositif de lutte contre le blanchiment d’argent à porter une vigilance particulière notamment à l’égard des sociétés récemment créées, aux modifications récentes de l’objet social pour le commerce des produits sanitaires, aux sites internet fictifs, aux incohérences des documents pour justifier l’achat de matériel sanitaire, ainsi qu’à « l’absence de flux financiers confirmant la commande de matériel sanitaire auprès d’un fournisseur »45.

En somme, l’obligation de vigilance amène les acteurs financiers à s’immiscer dans les affaires de leurs clients pour détecter le risque de blanchiment d’argent46. Le législateur a, dès lors, consacré une limite au principe de non-ingérence pour préserver l’intégrité des marchés financiers.

B – Une obligation de déclaration

Il est important de noter que l’obligation de vigilance en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme est suivie d’une autre obligation de déclaration47. En effet, selon l’article L. 561-15 du Code monétaire et financier, les professionnels concernés doivent déclarer au TRACFIN « les sommes inscrites dans leurs livres ou les opérations portant sur des sommes dont elles savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent d’une infraction passible d’une peine privative de liberté supérieure à un an ou sont liées au financement du terrorisme ». Cette obligation consiste à déclarer les sommes et les opérations soupçonnées.

En outre, les acteurs financiers doivent porter à la connaissance du TRACFIN « toute information de nature à infirmer, conforter ou modifier les éléments contenus dans la déclaration »48.

L’obligation de déclaration est complétée par une obligation d’information49. Les professionnels doivent adresser au TRACFIN « les éléments d’information relatifs à certaines opérations présentant un risque élevé de blanchiment ou de financement du terrorisme en raison du pays ou du territoire d’origine ou de destination des fonds, de la nature des opérations en cause ou des structures juridiques impliquées dans ces opérations »50.

Au-delà de l’obligation de déclaration, l’article L. 561-16 du Code monétaire et financier prévoit que les personnes assujetties au dispositif anti-blanchiment doivent s’abstenir « d’effectuer toute opération portant sur des sommes dont elles savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent d’une infraction passible d’une peine privative de liberté supérieure à un an ou sont liées au financement du terrorisme jusqu’à ce qu’elles aient fait la déclaration prévue à l’article L. 561-15 ». Cette abstention vise à se prémunir contre les opérations suspectes et d’empêcher leur exécution.

Afin de protéger les personnes soumises à l’obligation de déclaration, le législateur évince certaines poursuites pénales51 et toute poursuite civile et disciplinaire notamment pour violation du secret professionnel. En effet, l’article L. 561-22 du même code énonce qu’« aucune action en responsabilité civile ne peut être intentée ni aucune sanction professionnelle prononcée » contre les personnes assujetties au dispositif anti-blanchiment, leurs dirigeants et préposés lorsqu’elles ont, de bonne foi, fait la déclaration au TRACFIN.

D’ailleurs, le TRACFIN « peut s’opposer à l’exécution d’une opération non encore exécutée, dont il a eu connaissance à l’occasion des informations qui lui ont été communiquées »52. Également, il « peut demander que les documents, informations ou données, quel que soit le support utilisé, conservés (…) lui soient communiqués dans les délais qu’il fixe »53. Enfin, pour la mise en œuvre de l’obligation de vigilance à l’égard de la clientèle, le TRACFIN peut désigner aux acteurs assujettis les opérations suspectes et les personnes présentant un risque important de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme54.

L’obligation de vigilance en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme impose aux acteurs de la finance de s’immiscer dans les affaires de leurs clients. Le législateur a mis en place une exception au principe de non-ingérence pour préserver l’intégrité des marchés financiers. On a abouti à un infléchissement du principe de non-immixtion pour des raisons d’intérêt général. Ce tempérament est nécessaire notamment dans un contexte de crise sanitaire.

En guise de conclusion, la crise actuelle due au Covid-19 est susceptible d’engendrer des risques liés au blanchiment d’argent. La pandémie représente une nouvelle opportunité pour les fraudeurs afin de multiplier les escroqueries et de blanchir les capitaux. Face à ce contexte pathologique, il est important d’appliquer avec rigueur le dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Les personnes assujetties à ce dispositif doivent accroître leur vigilance afin que la pandémie ne soit pas un terrain favorable au blanchiment de capitaux.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Bonneau T., Régulation bancaire et financière européenne et internationale, 4e éd., 2018, Bruylant, n° 267.
  • 2.
    Bonneau T., Droit bancaire, 13e éd., 2019, LGDJ, nos 338 et s.
  • 3.
    TRACFIN, Les risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme liés à la crise sanitaire et économique de la pandémie Covid-19 – Analyse typologique des principaux risques identifiés, 28 mai 2020, disponible sur le site : https://www.economie.gouv.fr/tracfin/les-risques-de-blanchiment-de-capitaux-et-de-financement-du-terrorisme-lies-la-crise, consulté le 7 juin 2020.
  • 4.
    TRACFIN, Les risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme liés à la crise sanitaire et économique de la pandémie Covid-19 – Analyse typologique des principaux risques identifiés, 28 mai 2020, disponible sur le site : https://www.economie.gouv.fr/tracfin/les-risques-de-blanchiment-de-capitaux-et-de-financement-du-terrorisme-lies-la-crise, consulté le 7 juin 2020.
  • 5.
    TRACFIN, Les risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme liés à la crise sanitaire et économique de la pandémie Covid-19 – Analyse typologique des principaux risques identifiés, 28 mai 2020, disponible sur le site : https://www.economie.gouv.fr/tracfin/les-risques-de-blanchiment-de-capitaux-et-de-financement-du-terrorisme-lies-la-crise, consulté le 7 juin 2020.
  • 6.
    Bonneau T., Régulation bancaire et financière européenne et internationale, 4e éd., 2018, Bruylant, nos 329 et s.
  • 7.
    Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, « Prévention de l’utilisation du système bancaire pour le blanchiment de fonds d’origine criminelle », préambule, 12 déc. 1988.
  • 8.
    Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, « Prévention de l’utilisation du système bancaire pour le blanchiment de fonds d’origine criminelle », préambule, 12 déc. 1988.
  • 9.
    Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, « Prévention de l’utilisation du système bancaire pour le blanchiment de fonds d’origine criminelle », préambule, 12 déc. 1988.
  • 10.
    GAFI, « Les quarante recommandations du GAFI », oct. 2003.
  • 11.
    GAFI (2012), recommandations – Normes internationales sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et de la prolifération, mise à jour : oct. 2016, GAFI, Paris, France.
  • 12.
    Bonneau T., Régulation bancaire et financière européenne et internationale, 4e éd., 2018, Bruylant, n° 332.
  • 13.
    GAFI (2012), recommandations – Normes internationales sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et de la prolifération, recommandation n° 1.
  • 14.
    Dir. n° 2005/60/CE du PE du Cons., 26 oct. 2005, relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme : JOUE L 309, 25 nov. 2005, p. 15.
  • 15.
    Dir. (UE) n° 2015/849 du PE du Cons., 20 mai 2015, relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, modifiant le règlement (UE) n° 648/2012 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive n° 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil et la directive n° 2006/70/CE de la Commission : JOUE L 141/73, 5 juin 2015.
  • 16.
    Commission européenne, proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive (UE) n° 2015/849 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme et la directive n° 2009/101/CE, 5 juill. 2016, p. 2.
  • 17.
    Dir. (UE) n° 2018/843 du PE du Cons., 30 mai 2018, modifiant la directive (UE) n° 2015/849 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme ainsi que les directives nos 2009/138/CE et 2013/36/UE : JOUE L 156/43, 19 juin 2018.
  • 18.
    Dir. (UE) n° 2018/843 du PE du Cons., 30 mai 2018, modifiant la directive (UE) n° 2015/849 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme ainsi que les directives nos 2009/138/CE et 2013/36/UE : JOUE L 156/43, 19 juin 2018.
  • 19.
    Dir. (UE) n° 2018/843 du PE du Cons., 30 mai 2018, modifiant la directive (UE) n° 2015/849 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme ainsi que les directives nos 2009/138/CE et 2013/36/UE : JOUE L 156/43, 19 juin 2018.
  • 20.
    Règlement délégué (UE) n° 2019/758 de la Commission du 31 janvier 2019 complétant la directive (UE) n° 2015/849 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les normes techniques de réglementation en précisant les actions que doivent au minimum engager les établissements de crédit et les établissements financiers et le type de mesures supplémentaires qu’ils doivent prendre pour atténuer les risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme dans certains pays tiers : JOUE L 125/4, 14 mai 2019.
  • 21.
    Cutajar C., « Blanchiment – Éléments constitutifs – Répression », JCl. Pénal des Affaires, fasc. 20, 15 févr. 2010, mise à jour 27 janv. 2020, nos 12 et s.
  • 22.
    Ord. n° 2009-104, 30 janv. 2009, relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme : JO n° 0026, 31 janv. 2009, p. 1819.
  • 23.
    Ord. n° 2016-1635, 1er déc. 2016, renforçant le dispositif français de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme : JO n° 0280, 2 déc. 2016.
  • 24.
    L. n° 2016-1691, 9 déc. 2016, relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique : JO n° 0287, 10 déc. 2016.
  • 25.
    Ord. n° 2020-115, 12 févr. 2020, renforçant le dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme : JO n° 0037, 13 févr. 2020.
  • 26.
    TRACFIN, Les risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme liés à la crise sanitaire et économique de la pandémie de Covid-19 – Analyse typologique des principaux risques identifiés, 28 mai 2020, disponible sur le site : https://www.economie.gouv.fr/tracfin/les-risques-de-blanchiment-de-capitaux-et-de-financement-du-terrorisme-lies-la-crise, consulté le 7 juin 2020.
  • 27.
    C. mon. fin., art. L. 561-2, 1°.
  • 28.
    C. mon. fin., art. L. 561-2, 1° bis.
  • 29.
    C. mon. fin., art. L. 561-2, 1° ter.
  • 30.
    C. mon. fin., art. L. 561-2, 3°.
  • 31.
    C. mon. fin., art. L. 561-2, 3° bis.
  • 32.
    C. mon. fin., art. L. 561-2, 4°.
  • 33.
    Ord. n° 2014-559, 30 mai 2014, relative au financement participatif : JO n° 0125, 31 mai 2014, p. 9075.
  • 34.
    Bonneau T., Droit bancaire, 13e éd., 2019, LGDJ, n° 338.
  • 35.
    Cutajar C., « Blanchiment – Prévention du blanchiment », JCl. Pénal des Affaires, fasc. 10, 15 févr. 2010, mise à jour 31 janv. 2017, n° 95.
  • 36.
    C. mon. fin., art. L. 561-10-3.
  • 37.
    TRACFIN, Les risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme liés à la crise sanitaire et économique de la pandémie de Covid-19 – Analyse typologique des principaux risques identifiés, 28 mai 2020, disponible sur le site : https://www.economie.gouv.fr/tracfin/les-risques-de-blanchiment-de-capitaux-et-de-financement-du-terrorisme-lies-la-crise, consulté le 7 juin 2020.
  • 38.
    Cutajar C., « Blanchiment – Prévention du blanchiment », JCl. Pénal des Affaires, fasc. 10, 15 févr. 2010, mise à jour 31 janv. 2017, nos 109 et s.
  • 39.
    C. mon. fin., art. L. 561-2-2.
  • 40.
    C. mon. fin., art. L. 561-5.
  • 41.
    Modifié par Ord. n° 2020-115, 12 févr. 2020, renforçant le dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme : JO n° 0037, 13 févr. 2020, art. 3.
  • 42.
    C. mon. fin., art. L. 561-10.
  • 43.
    C. mon. fin., art. L. 561-10, 2°.
  • 44.
    C. mon. fin., art. L. 561-10-2.
  • 45.
    TRACFIN, Les risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme liés à la crise sanitaire et économique de la pandémie Covid-19 – Analyse typologique des principaux risques identifiés, 28 mai 2020, disponible sur le site : https://www.economie.gouv.fr/tracfin/les-risques-de-blanchiment-de-capitaux-et-de-financement-du-terrorisme-lies-la-crise, consulté le 7 juin 2020.
  • 46.
    Bonneau T., Droit bancaire, 13e éd., 2019, LGDJ, n° 342.
  • 47.
    Cutajar C., « Blanchiment – Prévention du blanchiment », JCl. Pénal des Affaires, fasc. 10, 15 févr. 2010, mise à jour 31 janv. 2017, nos 154 et s. ; Bonneau T., Droit bancaire, 13e éd., 2019, LGDJ, n° 343.
  • 48.
    C. mon. fin., art. L. 561-15, IV°.
  • 49.
    Bonneau T., Droit bancaire, 13e éd., 2019, LGDJ, n° 344.
  • 50.
    C. mon. fin., art. L. 561-15-1.
  • 51.
    C. pén., art. 226-10 ; C. pén., art. 226-13 ; C. pén., art. 226-14.
  • 52.
    C. mon. fin., art. L. 561-24.
  • 53.
    C. mon. fin., art. L. 561-25.
  • 54.
    C. mon. fin., art. L. 561-26.
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