PSAN : aspects institutionnels de l’enregistrement et des modifications touchant la gouvernance

Publié le 14/03/2022
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L’enregistrement des prestataires de services sur actifs numériques (PSAN) fait intervenir deux autorités : l’Autorité des marchés financiers (AMF) et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Le présent article entend exposer le rôle de chaque autorité dans ce processus d’enregistrement.

Cadre réglementaire. Le régime français des PSAN a été mis en place par la loi PACTE1. Les travaux parlementaires de cette loi nous apprennent que le législateur a entendu concilier deux objectifs2 : (i) la réduction des risques et (ii) la préservation de l’innovation3. La poursuite de ces objectifs a conduit le législateur à mettre en place un régime qui s’articule autour d’un enregistrement obligatoire et d’un agrément optionnel, préalablement à la fourniture de services sur actifs numériques.

En instaurant ce régime d’enregistrement obligatoire, le législateur a créé un monopole en faveur des PSAN5.

Le présent article entend présenter le rôle de l’AMF et de l’ACPR dans le cadre de l’enregistrement des PSAN (I) et dans le cadre des modifications de la gouvernance desdits prestataires (II).

I – Enregistrement des PSAN

Un unique point d’entrée. La réglementation consacre l’AMF comme point d’entrée des porteurs de projets. Ceux-ci déposent leurs dossiers auprès de l’AMF qui ensuite les transmet à l’ACPR. Ce point d’entrée unique permet – à notre avis – de simplifier la tâche des demandeurs en évitant de multiplier le nombre de dépôts de demandes auprès de différentes autorités.

Répartition des tâches entre l’AMF et l’ACPR. Aux termes de l’article L. 54-10-3 du Code monétaire et financier, « aux fins de l’enregistrement, l’Autorité des marchés financiers recueille l’avis conforme de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ». La réglementation encadre le travail commun des deux autorités puisque « dès réception du dossier complet, l’Autorité des marchés financiers procède à son instruction et le transmet dans un délai de cinq jours ouvrés à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution pour avis. Celle-ci transmet son avis à l’Autorité des marchés financiers dans un délai de trois mois à compter de la réception du dossier complet »6.

Opérationnellement, afin de fluidifier le traitement des dossiers, les services de l’AMF et de l’ACPR échangent sur tous les aspects d’un dossier d’enregistrement et désignent pour chaque autorité une équipe d’analystes, au sein des deux autorités7.

Les autorités vérifient :

  • La compétence et l’honorabilité des dirigeants effectifs et des actionnaires significatifs personnes physiques8 (à ce propos, l’AMF et l’ACPR soulignent qu’il « est important que toutes les personnes n’ayant pas occupé de fonctions en lien avec la LCB-FT suivent une formation dans ce domaine »9) ;

  • Le lieu d’établissement du PSAN ;

  • Pour les PSAN qui fournissent les services 1 (conservation d’actifs numériques ou d’accès à des actifs numériques pour le compte de tiers) et 2 (échange d’actifs numériques en monnaie ayant cours légal), qu’ils sont en mesure de se conformer aux obligations en matière de LCB-FT et de gel des avoirs.

Une unique autorité en charge de l’enregistrement. La double instruction réalisée par l’AMF et l’ACPR signifie-t-elle que les deux autorités enregistrent les PSAN ? La réponse à cette question est négative. La loi prévoit expressément que l’AMF délivre l’enregistrement des PSAN10.

Délai d’enregistrement. Le délai d’instruction d’un dossier d’enregistrement est de six mois11 à compter de la réception d’un dossier complet. Passé ce délai, le silence de l’AMF vaut acceptation (silence vaut acceptation)12.

II – Les modifications de l’actionnariat et de la gouvernance des PSAN

Évènements pouvant affecter un PSAN. Les PSAN n’échappent pas aux mouvements liés à la vie des affaires. Ainsi, il peut arriver qu’à l’occasion d’une prise de contrôle ou de participation, les actionnaires significatifs et/ou les dirigeants effectifs changent13. Que se passe-t-il dans ce cas ?

Obligation de déclaration. L’article L. 54-10-3 prévoit que toute modification qui affecte le respect par un PSAN enregistré de ses obligations doit faire l’objet d’une déclaration auprès de l’AMF. Ainsi, en cas de changement de dirigeants effectifs ou d’actionnaires significatifs personnes physiques, le PSAN effectue une déclaration à l’AMF. Cette déclaration entraîne une nouvelle analyse de la compétence et de l’honorabilité.

Une double instruction. À l’instar de l’analyse réalisée dans le cadre de l’enregistrement, l’AMF et l’ACPR interviennent de nouveau pour réaliser une analyse de la compétence et de l’honorabilité des nouveaux dirigeants effectifs et/ou des actionnaires significatifs personnes physiques. Pour ce faire, l’AMF informe l’ACPR dans un délai de cinq jours ouvrés à compter de la réception d’une déclaration complète et sollicite son avis sur la conformité de la situation du prestataire. L’ACPR dispose d’un délai d’un mois pour transmettre son avis à l’AMF14 tandis que l’AMF dispose d’un délai de trois mois pour apprécier les conséquences du changement de situation. Autrement dit, les délais d’instruction sont raccourcis par rapport à ceux prévus pour l’enregistrement.

Enfin, à notre avis, la réglementation a instauré une différence plus subtile entre les procédures : dans le cadre de l’enregistrement, l’AMF recueille un avis conforme de la part de l’ACPR tandis que dans le cadre d’une déclaration de changement de gouvernance (actionnariat significatif ou direction effective), l’AMF recueille l’avis de l’ACPR. Selon notre interprétation, l’utilisation de ces termes n’est pas anodine puisque dans le cas de l’avis conforme, l’AMF serait obligée de solliciter l’avis et de le suivre tandis que dans le cas de l’avis, l’AMF ne serait pas obligée de le suivre.

Notes de bas de pages

  • 1.
    L. n° 2019-486, 22 mai 2019, relative à la croissance et la transformation des entreprises.
  • 2.
    Le régime encadrant les PSAN a été introduit par l’amendement n° 2492 (rect). L’exposé sommaire de cet amendement indique que : « le présent projet vise à permettre la mise en place d’un environnement favorisant l’intégrité, la transparence et la sécurité des services concernés pour les investisseurs en actifs numériques, tout en assurant un cadre réglementaire sécurisant pour le développement d’un écosystème français robuste ».
  • 3.
    V. en ce sens : D. Beau, « Crypto-actifs, stablecoins et banques centrales : risques, enjeux et perspectives », in Observatoire européen du droit financier sur les crypto-monnaies, 29 oct. 2020, p. 3, discours disponible à l’adresse suivante : https://lext.so/RW0aAK (https://www.banque-france.fr).
  • 4.
    V. également : A. Aranda Vasquez, « Quelques réflexions sur les enjeux de l’autorisation et de l’enregistrement des PSAN », 17 août 2021, article disponible à l’adresse suivante : Quelques réflexions sur les enjeux de l’autorisation et de l’enregistrement des PSAN, www.actu-juridique.fr.
  • 5.
    Notons que l’article L. 54-10-4 du Code monétaire et financier dispose : « L’exercice de la profession de prestataire des services mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 54-10-2 est interdit à toute personne n’ayant pas été enregistrée au préalable par l’Autorité des marchés financiers. Il est interdit à toute personne qui n’a pas la qualité de prestataire des services mentionnés aux mêmes 1° et 2° d’utiliser une dénomination, une raison sociale, une publicité ou tout autre procédé laissant croire qu’elle est enregistrée en cette qualité ou susceptible de créer une confusion à cet égard. » Pour un développement sur le passeport européen : v. A. Aranda Vasquez, « Les PSAN peuvent-ils bénéficier du passeport européen ? », à paraître sur le site : https://www.actu-juridique.fr.
  • 6.
    C. mon. fin., art. D. 54-10-3.
  • 7.
    ACPR, « Premier bilan de l’enregistrement des PSAN », ACPR juill 2021, article disponible à l’adresse suivante : https://acpr.banque-france.fr.
  • 8.
    Il s’agit des « personnes physiques qui soit détiennent, directement ou indirectement, plus de 25 % du capital ou des droits de vote du prestataire, soit exercent, par tout autre moyen, un pouvoir de contrôle sur ce prestataire au sens des 3° et 4° du I de l’article L. 233-3 du Code de commerce » (C. mon. fin., art. L. 54-10-3).
  • 9.
    ACPR, « Premier bilan de l’enregistrement des PSAN », ACPR juill 2021, article disponible à l’adresse suivante : https://acpr.banque-france.fr.
  • 10.
    C. mon. fin., art. L. 54-10-3.
  • 11.
    C. mon. fin., art. D 54-10-3.
  • 12.
    C. mon. fin., art. R-54-10-4.
  • 13.
    V. not. : A. Aranda Vasquez, « Gouvernance des prestataires de services sur actifs numériques : nomination et désignation de nouveaux dirigeants effectifs », à paraître sur le site : https://www.actu-juridique.fr.
  • 14.
    C. mon. fin., art. D. 54-10-5.
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