Gouvernance des prestataires de services sur actifs numériques : nomination et désignation de nouveaux dirigeants effectifs
La nomination des dirigeants effectifs d’un prestataire de services sur actifs numériques fait l’objet d’une évaluation de leur compétence et de leur honorabilité lors de l’enregistrement ou de l’agrément du prestataire (I), ou en cas de nomination au sein d’un prestataire déjà enregistré ou agréé (II). Le présent article entend exposer le cadre réglementaire et quelques impacts opérationnels.
Le régime français des prestataires de services sur actifs numériques (PSAN) a été mis en place par la loi PACTE1. Ce régime impose aux entités qui entendent fournir les services mentionnés au 1° à 4° de l’article L. 54-10-2 du Code monétaire et financier d’obtenir un enregistrement ou un agrément2.
Dans ce cadre, une analyse de la compétence et de l’honorabilité des dirigeants effectifs est réalisée par l’Autorité des marchés financiers (AMF) et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). En outre, en cas de nomination d’un nouveau dirigeant effectif, le PSAN doit informer l’AMF afin qu’une nouvelle analyse de la compétence et de l’honorabilité soit réalisée.
I – Désignation des dirigeants effectifs lors de l’enregistrement
Rappelons que lors de l’analyse de la demande d’enregistrement en qualité de PSAN en vue de fournir les services mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 54-10-2 du Code monétaire et financier, l’AMF vérifie si :
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les dirigeants effectifs possèdent l’honorabilité et la compétence nécessaires à l’exercice de leurs fonctions ;
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les actionnaires significatifs (personnes physiques détenant – directement ou indirectement – plus de 25 % du capital ou des droits de vote de l’entité ou qui ont un pouvoir de contrôle sur le prestataire au sens des 3° et 4° du I de l’article L. 233-3 du Code de commerce) (i) garantissent une gestion saine et prudente du prestataire et (ii) possèdent l’honorabilité et la compétence nécessaires ;
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le prestataire est européen (établi au sein de l’Union européenne (UE) ou au sein de l’espace économique européen) ;
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le prestataire est en mesure de se conformer à ses obligations en matière de LCB-FT et de gel des avoirs (applicable aux entités qui entendent fournir les services 1° et 2° de l’article L. 54-10-2 précité).
L’article D. 54-10-2 du Code monétaire et financier précise que le demandeur transmet à l’AMF :
« 1° L’identité des personnes mentionnées aux 1° et 2° de l’article L. 54-10-3, les documents relatifs à l’honorabilité de ces personnes, notamment un extrait de casier judiciaire du président, du directeur général, des directeurs généraux délégués ou des gérants, et de toute autre personne exerçant des fonctions équivalentes, ou toute autre information sur tout refus d’enregistrement, d’agrément, d’affiliation ou d’octroi de licence nécessaire à l’exercice d’activités commerciales ou professionnelles, de même que sur tout retrait, révocation ou résiliation d’enregistrement, d’agrément, d’affiliation ou de licence, ou toute radiation par une autorité publique ou par une association professionnelle ainsi que des informations sur le temps minimal qui sera consacré à l’exercice de leurs fonctions par ces personnes ;
2° Une attestation des personnes mentionnées aux 1° et 2° de l’article L. 54-10-3 déclarant ne pas avoir fait l’objet des interdictions prévues à l’article L. 500-1 ;
3° L’attestation par les personnes mentionnées aux 1° et 2° de l’article L. 54-10-3 de la possession des connaissances et des compétences suffisantes pour exercer leurs fonctions de manière à être en mesure de comprendre, les principaux risques auxquels le prestataire est exposé, et de respecter les exigences qui lui sont applicables au titre des chapitres Ier et II du titre VI du présent livre.
Les personnes mentionnées aux 1° et 2° de l’article L. 54-10-3 justifient de leur compétence en fournissant un curriculum vitæ ;
4° Pour les services mentionnés aux 1° et 2° de l’article L. 54-10-2, les informations mentionnées au 4° de l’article L. 54-10-3 ».
L’instruction DOC-2013-23 précise en plus que le demandeur transmet des informations sur le temps minimal consacré par les dirigeants du PSAN à leurs fonctions3.
Concrètement, sur le plan de la compétence et de l’honorabilité des dirigeants effectifs, nous comprenons que les PSAN doivent réunir (i) les pièces d’identité et les extraits de casier judiciaire de ses dirigeants, (ii) les éventuelles informations négatives (refus d’agrément, révocation, radiation, etc.)4, (iii) les attestations signées qu’ils n’ont pas fait l’objet des interdictions prévues à l’article L. 500-1 du Code monétaire et financier, (iv) les attestations signées par les dirigeants qu’ils ont les connaissances et compétences suffisantes et (v) les CV.
Cas particulier des dirigeants étrangers : l’AMF précise dans sa réponse à la question « Quelles sont les informations demandées par l’AMF pour évaluer l’honorabilité et la compétence des dirigeants et actionnaires étrangers ? » que, dans le cas d’un demandeur étranger, il doit « apporter des éléments (au moins traduits en langue anglaise) équivalents à ceux prévus dans l’instruction. Il peut également apporter tout autre élément pertinent pour les besoins de cette évaluation ».
Cas particulier de certains établissements régulés : notons que l’article D. 54-10-2 du Code monétaire et financier prévoit une présomption d’honorabilité, puisqu’il énonce que « les exigences en matière d’honorabilité sont réputées satisfaites lorsque l’enregistrement est sollicité par un établissement financier mentionné aux 1° à 7° de l’article L. 561-2 du Code monétaire et financier, conformément au dernier alinéa de l’article D. 54-10-2 du même code »5. Cet article offre ainsi une certaine souplesse pour les dirigeants de certains établissements régulés (par exemple : les établissements tels les établissements de crédit, les établissements de paiement, les établissements de monnaie électronique, les intermédiaires en financement participatif, etc.).
II – Désignation de nouveaux dirigeants effectifs
Le sixième alinéa de l’article L. 54-10-3 du Code monétaire et financier énonce : « Toute modification affectant le respect par un prestataire des services mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 54-10-2 [du Code monétaire et financier] des obligations mentionnées ci-dessus doit faire l’objet d’une déclaration auprès de l’Autorité des marchés financiers ».
L’article D. 54-10-5 du Code monétaire et financier précise qu’« en application du sixième alinéa de l’article L. 54-10-3 [du Code monétaire et financier], le prestataire déclare à l’Autorité des marchés financiers tout changement relatif aux personnes mentionnées aux 1° et 2° de l’article L. 54-10-3 ou tout événement de nature à remettre en cause l’appréciation précédemment portée sur leur honorabilité, au plus tard 15 jours après leur réalisation ».
Ainsi, les PSAN doivent déclarer (i) le changement de leurs dirigeants effectifs (nomination, démission ou révocation) ou (ii) tout événement de nature à remettre en cause l’appréciation précédemment portée sur l’honorabilité des dirigeants effectifs (v. C. mon. fin., art. D. 54-10-5, I).
Il existe un risque réglementaire pour les PSAN puisqu’au titre du II de l’article D. 54-10-5 du code précité, « lorsque l’Autorité des marchés financiers considère que, compte tenu du changement de situation déclaré, le prestataire ne respecte plus les obligations prévues à l’article L. 54-10-3, elle le met en demeure de régulariser sa situation dans un délai de trois mois. À défaut, l’Autorité des marchés financiers engage une procédure de radiation dans les conditions prévues au III du présent article ».
Enfin, nous pouvons également noter qu’en termes de calendrier, les PSAN doivent déclarer tout changement qui affecte les dirigeants effectifs ou tout événement nature à remettre en cause leur honorabilité, « au plus tard 15 jours après leur réalisation ». Il s’agit donc d’une déclaration qui peut avoir lieu après la nomination du dirigeant effectif.
III – Impacts opérationnels
Sur le plan opérationnel, les demandeurs ou les PSAN enregistrés devraient, à notre sens, identifier clairement les obligations qui pèsent sur eux en matière de gouvernance et mettre à jour leur cartographie des risques.
Une fois les risques identifiés (par exemple : risque lié à un manque de compétence du dirigeant ou risque lié à un défaut de déclaration du changement de dirigeant auprès de l’AMF), des mesures de remédiation peuvent être mises en place. Dans ce contexte, les PSAN enregistrés pourraient prévoir en amont que les dirigeants ou ses futurs dirigeants suivent une formation en matière de LCB-FT applicable au secteur des actifs numériques. L’enjeu nous semble double : il s’agit pour le PSAN (i) de respecter ses obligations réglementaires et (ii) de mettre en place des mesures favorisant la bonne continuité de la gouvernance.
Notes de bas de pages
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1.
L. n° 2019-486, 22 mai 2019.
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2.
V. A. Aranda Vasquez, « Quelques réflexions sur les enjeux de l’autorisation et de l’enregistrement des PSAN », Actu-Juridique, 17 août 2021, n° 000m5.
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3.
AMF, instruction, DOC-2019-23, Régime applicable aux prestataires de services sur actifs numériques, p. 3.
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4.
V. C. mon. fin., art D. 54-10-2, 1°.
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5.
V. également AMF, position, DOC-2020-07, Questions-Réponses relatives au régime des prestataires de services sur actifs numériques, p. 7.
Référence : AJU002g9