Publication d’une charte Fintech par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution
En janvier 2022, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a publié une charte pour l’instruction des dossiers d’autorisation. Cette charte, à destination des fintech, a été élaborée avec la Place et entend donner de la visibilité aux fintech sur les attentes du régulateur dans le cadre des demandes d’agrément.
Contexte. L’actualité des fintech a été riche en 2021, et 2022 s’ouvre sous des augures favorables. Cela se traduit par des levées de fonds qui battent des records. Cette dynamique est accompagnée par les pouvoirs publics1.
C’est dans ce cadre que s’inscrit la publication de la charte pour l’instruction des dossiers d’autorisation, le 10 janvier 2022. Cette charte, fruit d’un travail collectif entre la Place et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), « (i) vise à donner plus de visibilité sur les délais et les échanges d’informations, et (ii) précise les attentes vis-à-vis des [fintech] ainsi que les diligences que l’ACPR met en œuvre dans l’instruction des dossiers traités »2. Autrement dit, cette charte est une œuvre pédagogique destinée aux fintech. Elle « précise (…) les attentes de l’ACPR vis-à-vis des candidats à l’agrément afin que les dossiers soient préparés dans les meilleures conditions. Cette démarche de transparence devrait permettre aux porteurs de projets de mieux s’approprier la réglementation et facilitera ainsi concrètement leur parcours »3.
Champ d’application. Cette charte porte principalement sur les demandes d’agrément ou d’enregistrement et est complétée de précisions sur les procédures d’exemption d’agrément en qualité d’établissement de paiement ou d’établissement de monnaie électronique, sur l’enregistrement en qualité d’agent de prestataires de services de paiement et sur le rôle de l’ACPR dans l’enregistrement des prestataires de services sur actifs numériques4.
Cette charte s’adresse aux fintech. À cette occasion, l’ACPR rappelle que ce terme n’a pas de définition légale. Dans ce cadre, le terme fintech vise ici les start-up « alliant (i) un fort degré d’innovation et (ii) une offre de services sur un ou plusieurs domaines financiers relevant de l’ACPR. L’innovation peut être une innovation de produit, de procédé, de commercialisation ou d’organisation fondée sur l’utilisation des nouvelles technologies ». Cette appréhension des fintech est intéressante dans la mesure où elle s’inscrit dans la lignée de la définition du ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance5, et qu’elle précise ce que le régulateur entend par innovation.
I – Un acte de droit souple
Droit souple. La charte précise qu’« il s’agit d’un document à vocation informative qui n’a pas pour effet de se substituer ou d’ajouter aux dispositions législatives ou réglementaires en vigueur (en particulier, les délais s’appliquant à chaque étape du traitement d’une demande sont mentionnés à titre indicatif) ». Nous comprenons qu’il s’agit donc d’un acte de droit souple.
Rappelons à cet égard que selon le Conseil d’État, le droit souple regroupe des instruments qui répondent à trois conditions cumulatives : « Ils ont pour objet de modifier ou d’orienter les comportements de leurs destinataires en suscitant, dans la mesure du possible, leur adhésion ;
– ils ne créent pas par eux-mêmes de droits ou d’obligations pour leurs destinataires ;
– ils présentent, par leur contenu et leur mode d’élaboration, un degré de formalisation et de structuration qui les apparente aux règles de droit.
Le premier critère permet de distinguer le droit souple des avis ou autres documents préparatoires à l’élaboration d’une règle de droit. Le deuxième marque la limite entre droit souple et droit dur. Le troisième critère a pour fonction de distinguer le droit souple du non-droit »6.
II – Présentation de la charte Fintech
Contact au sein de l’ACPR. La charte Fintech communique une information clé – en pratique –, à savoir les contacts au sein de l’Autorité. Ainsi :
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si le porteur de projet n’est pas issu du secteur financier, il lui est recommandé de contacter le pôle Fintech-Innovation de l’ACPR ;
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si le porteur de projet est issu du secteur financier ou s’il est accompagné par un conseil habitué aux procédures d’agrément de l’ACPR, il peut contacter directement la direction des autorisations.
Contenu des présentations à fournir. La charte fournit également des informations sur le contenu des présentations à fournir à la direction des autorisations de l’ACPR (la présentation fournie au Pôle Fintech-Innovation est libre).
La présentation doit inclure les éléments suivants : « 1. Une présentation de la société (créée ou en cours de création), de sa gouvernance envisagée (dirigeants effectifs et organe de surveillance) et de son actionnariat ;
2. Une présentation de l’activité envisagée, des services réglementés fournis, de la typologie de la clientèle et de la tarification envisagée ;
3. Un schéma des flux financiers montrant les comptes bancaires ou de paiement (en France et à l’étranger) sur lesquels les fonds vont transiter ;
4. Si l’entreprise a déjà identifié des prestations essentielles qui seront externalisées, les principales fonctions concernées et le nom des prestataires pressentis (si l’information est déjà disponible) ;
5. Un projet de programme d’activité (« business plan ») sur trois ans qui met en évidence l’évolution (i) des volumes de paiement, (ii) du compte de résultat, (iii) des fonds propres et des exigences en fonds propres. Ce projet devra également présenter de manière synthétique les hypothèses retenues ;
6. La structure et les modalités de financement du projet ;
7. Une présentation synthétique du dispositif de contrôle interne et de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT), ainsi que les responsables des fonctions clés si l’information est déjà disponible ;
8. Le calendrier indicatif de dépôt du dossier auprès de l’ACPR et de réalisation du projet dans son ensemble ».
Dépôt du dossier d’agrément. La charte Fintech énonce les attentes du régulateur vis-à-vis des porteurs de projet. Ces derniers sont invités (i) à prendre connaissance des documents utiles mis à disposition par l’ACPR sur son site internet, (ii) à attendre que leur projet soit bien défini, (iii) organiser leurs documents de façon claire et simple, (iv) veiller à ce que les documents transmis soient fournis dans un format adapté, et (v) déposer leur dossier lorsqu’il paraît complet.
Actions de l’ACPR après le dépôt du dossier. Le délai d’instruction des dossiers d’agrément court à compter de la réception d’une demande complète. L’ACPR communique une information précieuse permettant de comprendre la notion de demande complète. Une demande est considérée comme complète « après la réception de toutes les informations nécessaires aux fins de décision ».
La charte précise les actions de l’ACPR après la réception du dossier d’agrément :
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retour dans les trois semaines après le dépôt du dossier par l’ACPR, l’autorité communique des demandes de clarification ;
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après réception des éléments complémentaires, l’ACPR fait un retour au porteur de projet dans un délai de deux semaines avec sa réponse ou indique qu’un délai supplémentaire est nécessaire ;
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lorsque le dossier est complet, l’ACPR informe le porteur de projet et une date indicative de passage au collège de supervision de l’ACPR est par ailleurs communiquée.
Attentes vis-à-vis du projet. Il est attendu que le porteur de projet réponde aux demandes de l’ACPR dans le délai d’un mois ou demande un délai supplémentaire. S’il ne répond pas dans un délai de trois mois, l’ACPR peut lui demander s’il a l’intention d’abandonner sa demande ou dans quel délai il sera en mesure de répondre. Sans réponse de sa part, l’ACPR classera sans suite la demande.
Notification de la demande d’agrément. Après la décision du collège de supervision de l’ACPR, le demandeur est informé de cette décision par un message sur le portail Autorisations. Enfin, dès que l’agrément est définitif, l’entité pourra fournir les services régulés qui ont fait l’objet de la demande d’agrément et sera enregistrée sur le registre des agents financiers (REGAFI) ou sur le registre des organismes d’assurance (REFASSU) de l’ACPR.
Notes de bas de pages
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1.
V. not. https://lext.so/hEDUp7.
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2.
ACPR, Charte pour l’instruction des dossiers d’autorisation « Fintech », janv. 2022, https://lext.so/hZDJ2F.
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3.
ACPR, communiqué de presse, « L’ACPR publie sa “charte Fintech” pour faciliter le parcours d’agrément des start-up du secteur financier », 10 janv. 2022, https://lext.so/EAls2Y.
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4.
Le présent article se concentrera sur les agréments.
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5.
Le ministère de l’Économie, des Finances, et de la Relance définit la fintech de la manière suivante : « La FinTech, contraction de Financial Technology (technologie financière) désigne des petites entreprises (start-up et PME) qui fournissent des services financiers grâce à des solutions innovantes » (Bercy Infos, « La Fintech, le numérique au service du secteur financier », 19 janv. 2018, https://lext.so/4ixCNG).
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6.
CE, étude annuelle, Le droit souple, 15 mai 2013, spéc. p. 9.
Référence : AJU003t7