Vers un droit raisonnable : l’influence du nouvel article 1221 du Code civil sur les sanctions de l’inexécution

Publié le 14/10/2019

L’article 1221 du Code civil a fait l’objet de nombreux développements. Pour autant, il est généralement étudié seulement dans le cadre de l’examen de l’exécution forcée en nature. Or cet article a le potentiel de profondément bouleverser l’ensemble des sanctions de l’inexécution et, en particulier, le calcul des dommages et intérêts contractuels. Afin de mieux mesurer cette évolution éventuelle, il est possible de se tourner vers le droit anglais qui organise très différemment les diverses sanctions de l’inexécution du contrat.

1. L’interdépendance des sanctions de l’inexécution. L’article 1221 du Code civil instaure une restriction économique à l’exécution forcée en nature. Bien que critiqués1, les effets de cet article sur d’autres sanctions de l’inexécution du contrat doivent encore être déduits. C’est, en particulier, la question du calcul des dommages et intérêts contractuels qui retiendra l’attention ici.

Avant la réforme, le calcul des dommages et intérêts contractuels trahissait la dépendance de cette sanction envers l’exécution forcée en nature (I). Dès lors, il est légitime de s’interroger sur les conséquences qu’une modification de l’exécution forcée en nature pourrait avoir sur les dommages et intérêts (II). Sur tous ces aspects, le droit anglais permet de mieux comprendre la position actuelle, et future, du droit français.

I – La dépendance des dommages et intérêts envers l’exécution forcée en nature

2. La fonction compensatoire des dommages et intérêts contractuels. La fonction des dommages et intérêts contractuels est de compenser la partie lésée pour le préjudice résultant de l’inexécution, et ce tant en droit anglais2 qu’en droit français3. La doctrine anglo-américaine, s’inspirant des travaux de Jhering4, recense trois intérêts contractuels différents : expectation interest, reliance interest et restitution interest5. L’« expectation interest » ou intérêt positif est l’intérêt qu’aurait le créancier à l’exécution régulière du contrat. Le « reliance interest » ou intérêt négatif est l’intérêt qu’aurait le créancier à la non-conclusion du contrat, ce qui mène nécessairement au remboursement des frais engendrés sur la foi de l’exécution du contrat ainsi que certaines pertes d’opportunités6. La victime de l’inexécution ne pourra poursuivre simultanément la protection de ces deux intérêts7. Enfin, le « restitution interest » est l’intérêt qu’aurait le créancier dans les profits que son cocontractant a réalisés en violant le contrat, mais sa place en droit contractuel est débattue.

Cette théorie a été réceptionnée en droit français par le biais de la distinction entre l’intérêt positif et l’intérêt négatif8. Toutefois, même en cherchant à protéger l’intérêt positif du créancier, le juge peut recourir à différentes méthodes d’évaluation des dommages et intérêts. La différence de valeur et le coût de remplacement ou de substitution constituent les deux grandes méthodes selon l’intérêt positif. Reste à observer comment, en pratique, chaque système juridique protège l’intérêt positif.

3. L’exemple du contrat d’entreprise. Que faire si le carrelage est mal posé et se fissure, si les travaux d’aménagement du four d’une boulangerie sont un échec ou si la piscine construite n’est pas aussi profonde que prévu ? En droit français, le principe de réparation intégrale est appliqué strictement9, en dépit des tentatives des juges du fond de parvenir à des solutions plus équilibrées10. Ainsi le débiteur est-il souvent condamné au paiement des frais de la destruction et reconstruction entière de l’ouvrage11. De plus, lorsque l’échec des travaux d’installation, combiné à la configuration particulière des lieux, rend nécessaire le remplacement total du four de la boulangerie, le débiteur sera condamné à la somme de ces travaux même s’ils représentent plus de dix fois le prix de sa prestation12. En droit anglais, au contraire, l’entrepreneur n’est tenu d’indemniser que le préjudice d’agrément subi par le maître de l’ouvrage en dépit d’une construction non conforme aux stipulations contractuelles13. Dès lors, les intérêts des parties sont mis en balance lors de l’évaluation des dommages et intérêts14.

4. Rationalisation de la différence. La différence s’explique par la place de l’exécution forcée au sein de la panoplie des sanctions de l’inexécution dans chaque système juridique. Ainsi, les dommages et intérêts basés sur le coût de substitution apparaissaient comme un équivalent de l’exécution15 expliquant la sanction prévue par chaque système juridique16. Or l’exécution forcée en nature du contrat n’est pas une sanction aussi disponible en droit anglais qu’en droit français17, bien que le droit anglais semble évoluer sur ce point18.

Plus fondamentalement, la position du droit français antérieure à la réforme s’explique par une certaine confusion entre la force obligatoire des contrats et l’exécution forcée en nature du contrat19. En assimilant entièrement la force obligatoire du contrat à l’une des sanctions de l’inexécution, le droit français ne pouvait que hiérarchiser les autres sanctions de l’inexécution autour de l’exécution forcée en nature. Un tel constat paraît logique étant donné que les sanctions de l’inexécution ne sont que des reflets, des traductions concrètes, de la force obligatoire des contrats. En conséquence, l’exécution forcée était, en droit français, « l’astre autour duquel gravite l’ensemble des sanctions »20. Sous cet angle, il est crucial de mesurer le nouveau domaine de l’exécution forcée en nature car toute modification de ce dernier se ressentira également sur les dommages et intérêts contractuels.

II – L’évolution des dommages et intérêts, corollaire de l’évolution de l’exécution forcée en nature

5. Une sanction déraisonnable ? L’article 1221 du Code civil précise que l’exécution forcée en nature du contrat peut être refusée « s’il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier ». Sans s’interroger directement sur cette mesure, il est possible de se demander comment l’exécution forcée du contrat pourrait être considérée comme étant déraisonnable sans que cela se traduise au niveau de l’octroi des dommages et intérêts. Si l’exécution forcée apparaissait, en droit français, comme « l’astre autour duquel gravite l’ensemble des sanctions »21, alors la limite de l’article 1221 du Code civil se réverbérera sur les dommages et intérêts, et il est possible d’envisager deux évolutions.

D’une part, la limite de l’article 1221 du Code civil pourrait engendrer la recherche d’un nouvel « astre » pour hiérarchiser l’ensemble des sanctions de l’inexécution.

D’autre part, il serait possible d’envisager que cette limite vienne délier les sanctions de l’inexécution, c’est-à-dire qu’il n’y aurait plus d’« astre » pour fournir un centre de gravité aux sanctions de l’inexécution. En toute logique, si l’exécution forcée paraît excessivement coûteuse pour le débiteur eu égard aux intérêts du créancier, alors l’évaluation selon le coût de remplacement risque de se heurter au même obstacle.

6. Retour sur le contrat d’entreprise. Antérieurement à la réforme, le moindre écart dans l’exécution d’un contrat d’entreprise justifiait souvent la restauration complète des attentes du créancier. Prenons l’hypothèse d’un entrepreneur construisant une piscine qui installe trois marches au lieu de quatre, sans que cela empêche le maître de l’ouvrage d’user entièrement de la piscine et sans que cela constitue une atteinte à la sécurité de ce dernier. La dépendance des sanctions de l’inexécution envers l’exécution forcée en nature se ressentait particulièrement dans les options dont disposait le maître d’ouvrage. Ce dernier pouvait :

  • agir en exécution forcée en contraignant l’entrepreneur à démolir et reconstruire l’ouvrage entièrement ;

  • agir afin qu’un tiers fasse l’opération de démolition-reconstruction aux frais de l’entrepreneur ;

  • agir en dommages et intérêts dont le montant permettrait de financier entièrement la démolition et la reconstruction entière de la piscine.

Toutes ces sanctions étaient envisageables alors que, concrètement, il est possible de douter du préjudice du créancier.

Après la réforme, l’exécution forcée pourrait peut-être (et selon les facultés contributives et la taille de l’entreprise de l’entrepreneur) être refusée. Il semblerait étrange que si l’exécution forcée est rejetée sur ce fondement, le maître d’ouvrage puisse solliciter le remplacement ou même des dommages et intérêts calculés en fonction du coût de substitution. Plutôt, il faudrait revoir le préjudice réellement subi par le créancier à la lumière de l’exigence de proportionnalité. Sous cet angle, le droit français pourrait s’inspirer de son voisin d’outre-Manche qui ne compenserait que le préjudice d’agrément du maître d’ouvrage.

7. L’éclairage du droit anglais : les dommages et intérêts raisonnables. Pour le juriste français, le droit anglais peut être source d’enseignement afin de prédire et d’intégrer les conséquences possibles de l’article 1221 du Code civil sur l’évaluation des dommages et intérêts22. Le droit anglais met en avant deux critères : la proportionnalité et la nécessité des dommages et intérêts.

La proportionnalité exprime une relation entre le dommage réellement subi et la charge de sa réparation pour le débiteur. Ici il serait possible, afin de calculer les dommages et intérêts dus, de prendre en compte les facultés de contribution et de financement du débiteur. Ainsi, et pour rester dans le cadre du même exemple, le juge pourrait être plus exigeant envers le débiteur dirigeant une grande entreprise de construction de piscines et pouvant aisément financer le coût d’une opération de destruction-reconstruction. A contrario, il serait plus aisé de qualifier une sanction de disproportionnée en présence d’un débiteur à la tête d’une petite structure entrepreneuriale n’ayant pas les ressources pour financer une telle mesure de réparation. Toutefois, et pour reprendre notre exemple, il ne paraît pas forcément nécessaire de s’interroger sur cet aspect lorsque le préjudice de l’inexécution est si faible. En revanche, cela gardera toute son importance en présence d’un préjudice plus significatif.

La nécessité permet de s’intéresser à l’intention du créancier en évitant un enrichissement injustifié23 tout en alignant le montant de l’indemnisation sur la valeur subjective que le débiteur accorde à la réalisation de la prestation contractuelle24. Enfin, le fait que le créancier n’affecte pas les dommages et intérêts au remplacement en fonction duquel ils ont été calculés peut être compris comme une preuve que l’inexécution ne lui a pas réellement causé de pertes25, même s’il est permis de douter de la pertinence d’un tel raisonnement.

Pour conclure, que faire dans une situation où l’octroi de dommages et intérêts évalués selon l’intérêt positif du créancier paraît déraisonnable ? Le droit anglais opte simplement pour une troisième technique d’évaluation : le préjudice d’agrément26. Ainsi, lorsqu’il s’agit de protéger l’intérêt positif du créancier, les dommages et intérêts peuvent être calculés en fonction du coût de substitution ou de la différence de valeur. Cependant, lorsque ces deux mesures paraissent déraisonnables, il serait loisible de recourir à la mesure dite du préjudice d’agrément.

8. Conséquences sur la protection de l’intérêt positif du créancier. Étant donné que le contrôle de proportionnalité peut être utilisé en matière de remplacement, l’une des conséquences de cette réforme est de lier plus étroitement trois sanctions de l’inexécution très utilisées en pratique : l’exécution forcée en nature, les dommages et intérêts contractuels et le remplacement. Désormais, et comme le fait de manière comparable le juge anglais27, il se pourrait que le juge français commence à se demander quelle est la sanction la plus adéquate (en vertu d’un contrôle de proportionnalité) au lieu de toujours accorder l’exécution forcée et ses corollaires en raison d’une confusion entre la force obligatoire du contrat et son exécution forcée. Dans un futur proche, en soumettant la demande du créancier (en exécution forcée, en dommages et intérêts ou pour le remplacement) au respect d’une certaine proportionnalité, c’est son intérêt positif que le droit français vient conditionner.

L’introduction d’une charge de minimiser son dommage viendrait sceller un tel mouvement28, en offrant un nouveau point gravitationnel permettant de structurer la panoplie des sanctions de l’inexécution29. Ainsi, à l’avenir, il faudrait considérer que l’intérêt positif du créancier sera protégé dans la limite du caractère proportionné ou adéquat de la sanction réclamée.

Notes de bas de pages

  • 1.
    V. notamment Benabent A., « Un culte de la proportionnalité… un brin disproportionné ? », D. 2016, p. 137 ; Puig P., « L’excès de proportionnalité », RTD civ. 2016, p. 70 et s.
  • 2.
    Robinson v Harman (1848) 1 Ex Rep 850, p. 855, per Baron Parke ; en ce sens : Radford v de Froberville [1977] 1 WLR 1262 ; Photo Production v Securicor [1980] AC 827 ; Golden Strait Corp v Nippon Yusen Kubishka Kaisha (The Golden Victory) [2007] UKHL 12 ; n° 29, per Lord Scott.
  • 3.
    C’est ce que précise l’article 1231-2 du Code civil ; v. Cass. com., 17 mars 1987, n° 85-15711, inédit ; Cass. 1re civ., 20 nov. 1990, n° 87-19564 : Bull. civ. I, n° 258, p. 182 – Cass. 3e civ., 27 mars 2012, n° 11-11798 : RDC juill. 2012, p. 773, obs. Genicon T. ; Comp. en droit anglais Frost v Knight (1872) LR 7 Ex. 111 ; Dunkirk Colliery Co v Lever (1878) 9 ChD 20 ; British Westinghouse Electric v Underground Electric Railways [1912] AC 673.
  • 4.
    Von Jhering R., « De la culpa in contrahendo ou des dommages et intérêts dans les conventions nulles ou restées imparfaites », in Œuvres choisies, trad. de Meulenaere O., t. 2, 1893, éd. Marescq, p. 23.
  • 5.
    Les articles fondateurs pour ce triptyque étant : Fuller L.-L., Perdue W.-R., « The Reliance Interest in Contract Damages : 1 », The Yale Law Journal, vol. 46, 1936, p. 52 et s. ; Fuller L.-L., Perdue W.-R., « The Reliance Interest in Contract Damages : 2 », The Yale Law Journal, vol. 46, n° 3 (Jan., 1937), p. 373 et s.
  • 6.
    Rogerson W.-P., « Efficient reliance and damage measures for breach of contract », in Economics of Contract Law, (dir.), 2007, Baird D. G. (éd.), E. Elgar, p. 245. L’intérêt négatif aurait sa place dans tous les cas où le contrat se verrait rétroactivement anéanti ce qui inclurait autant les hypothèses de nullité que de résolution, v. Laithier Y.-M., Étude comparative des sanctions de l’inexécution du contrat, préf. Muir-Watt H., 2004, LGDJ, n° 145, justifiant cette position par l’évitement d’un enrichissement sans cause. Ceci expliquerait l’existence de dommages-intérêts additionnels en cas de résolution ou nullité du contrat, v. Cass. com., 13 févr. 2001, n° 99-11090. Il s’agit du préjudice résultant de la résolution, v. Paulin C., La clause résolutoire, préf. Deveze J., 1996, LGDJ, Bibliothèque de droit privé, t. 258, nos 119 et s. ; Pinna A., La mesure du préjudice contractuel, préf. Gautier P.-Y., 2007, LGDJ, Bibliothèque de droit privé, t. 419, n° 52.
  • 7.
    V. en droit anglais Cullinane v British Rema Manufacturing Co Ltd [1954] 1 QB 292, p. 308 où Jenkins L.J précise explicitement qu’il est impossible de réclamer à la fois une compensation pour ses investissements dans la réalisation du contrat et pour les profits qu’il aurait pu obtenir si le contrat avait été correctement exécuté.
  • 8.
    Pour leurs transpositions en droit français, v. Guelfucci-Thibierge C., Nullité, restitutions et responsabilité, préf. Ghestin J., 1992, LGDJ, Bibliothèque de droit privé, t. 218, nos 129 et s. ; Laithier Y.-M., Étude comparative des sanctions de l’inexécution du contrat, préf. Muir-Watt H., 2004, LGDJ, nos 110 et s. ; Pinna A., La mesure du préjudice contractuel, préf. Gautier P.-Y., 2007, LGDJ, Bibliothèque de droit privé, t. 419, nos 46 et s. ; Tisseyre S., Le rôle de la bonne foi en droit des contrats – essai d’analyse à la lumière du droit anglais et du droit européen, préf. Fabre-Magnan M., 2012, PUAM, nos 222 et s. ; Comp. Demogue R., Traité des obligations en général, t. I, 1923, A. Rousseau, n° 36, dans lequel l’auteur critique le système de Jhering.
  • 9.
    Genicon T., « Les dommages-intérêts comme reflet de l’exécution forcée en nature », RDC juill. 2012, p. 777.
  • 10.
    Cass. 3e civ., 27 mars 2012, n° 11-11798 : RDI 2012, p. 352, note Malinvaud P. : « la cour d’appel, au lieu d’ordonner la démolition du carrelage de la chape et du plancher chauffant et leur réfection intégrale, (…) a préconisé une solution plus douce et moins coûteuse consistant à poser un nouveau carrelage sur l’ancien entraînant une surélévation du sol d’environ deux centimètres (…) ».
  • 11.
    Cass. 3e civ., 27 mars 2012, n° 11-11798 : RDI 2012, p. 352, note Malinvaud P. Lorsqu’est prise en compte la difficulté pour un entrepreneur de s’exonérer de son inexécution, cette excessivité apparaît comme très protectrice du maître de l’ouvrage, v. CA Montpellier, 12 févr. 2008, n° 07/5365 ; v. Cass. 3e civ., 11 mai 2005, n° 03-21136 : Bull. civ. III, n° 103, p. 96 ; D. 2005, IR, p. 150, censurant une cour d’appel qui avait refusé d’ordonner la destruction d’un immeuble construit en violation des stipulations contractuelles car cela ne le rendait nullement impropre à sa destination, son usage, et que ladite violation ne concernait pas les éléments essentiels et déterminants du contrat. La Cour de cassation considère que le niveau de construction « présentait une insuffisance de 0,33 mètre par rapport aux stipulations contractuelles », ce qui justifiait l’obtention d’une mesure de destruction et reconstruction de l’ouvrage.
  • 12.
    Cass. com., 7 févr. 2012, n° 10-20937, inédit ; RDC juill. 2012, p. 773, note Genicon T.
  • 13.
    Ruxley Electronics and Construction Co Ltd v Forsyth [1996] AC 344, p. 374 per Lord Llyod. Comp. Tito v Waddell [1977] 2 WLR 496 relatif à une compagnie minière qui n’avait pas replanté les arbres après ses opérations minières, contrairement à ses obligations contractuelles. L’exécution du contrat a été considérée comme inutile pour les victimes de l’inexécution, étant donné qu’elles avaient déménagé de l’île en question et qu’elles ne semblaient pas réellement intéressées par la conservation de l’habitat de l’île. Elles n’obtinrent que des dommages-intérêts nominaux ; Comp. Cass. 3e civ., 17 janv. 1984: RTD civ. 1984, p. 711, obs. Mestre J. où un entrepreneur ayant construit une piscine avec seulement trois marches d’accès au lieu de quatre fut condamné à subir le coût de la destruction et reconstruction totale de l’ouvrage.
  • 14.
    Farley v Skinner (N° 2) [2001] UKHL 49. En l’espèce, il s’agissait de la vente d’une maison. L’acquéreur avait demandé à un expert d’étudier la maison et, en particulier, les bruits d’aéronefs. L’expert en a conclu que les bruits étaient acceptables, alors qu’en réalité, à six heures du matin, ils s’avérèrent insupportables pour l’acquéreur. Celui-ci assigna l’expert, mais il a été démontré que le prix de la maison, eu égard au marché immobilier, reflétait cette nuisance et que, par conséquent, techniquement, l’acquéreur n’avait subi aucune perte. Pour autant (v. nos 17 et s.), les juges accordèrent une indemnité de 10 000 £ pour désagrément, ce qui revient à compenser autre chose qu’une perte financière.
  • 15.
    En ce sens : Laithier Y.-M., Étude comparative des sanctions de l’inexécution du contrat, préf. Muir-Watt H., 2004, LGDJ, n° 319.
  • 16.
    Néanmoins, les juges anglais arrivent à des résultats très proches de l’exécution forcée en nature pour certains contrats de prestation de services, mais indirectement. V. Lumley v Wagner (1852) 1 De GM & G. 604 dans lequel une chanteuse avait été engagée pour se produire exclusivement dans un lieu donné pendant une période précise. Un concurrent a tenté de la débaucher en lui offrant une meilleure rémunération. Si les juges n’ont pas contraint la chanteuse à honorer directement ses engagements contractuels, ils ont néanmoins prononcé une interdiction, injunction, à son encontre, l’empêchant de se produire dans un autre lieu pendant la période délimitée par le contrat. Le motif pour ne pas contraindre la chanteuse à honorer directement ses obligations contractuelles était l’atteinte potentielle à la liberté de la débitrice. Ainsi parfois l’octroi d’une injunction mène indirectement aux conséquences qu’aurait eues le prononcé d’une mesure d’exécution forcée. V. également Shepherd Homes Ltd v Sandham (n° 1) [1971] Ch. 340 ; Sky Petroleum Ltd v VIP Petroleum Ltd [1974] 1 WLR 576.
  • 17.
    Andrews N., Clarke M., Tettenborn A., Virgo G., Contractual duties : performance, breach, termination and remedies, 2e éd., 2017, Sweet & Maxwell, n° 20-003. V. Hazeltine H.-D., Early history of specific performance of contract in English law, 1909, Stuttgart, p. 68 ; Jones G., Goodhart W., Specific performance, 2e éd., 1996, Butterworths, p. 1.
  • 18.
    V. not. Stone R., Devenney J., Text, cases and materials on contract law, 3e éd., 2014, Routledge, n° 15.3.1.1.2.
  • 19.
    V. Laithier Y.-M., Étude comparative des sanctions de l’inexécution du contrat, préf. Muir-Watt H., 2004, LGDJ, et notamment n° 314.
  • 20.
    Genicon T., « Les dommages-intérêts comme reflet de l’exécution forcée en nature », RDC juill. 2012, p. 778.
  • 21.
    Genicon T., « Les dommages-intérêts comme reflet de l’exécution forcée en nature », RDC juill. 2012, p. 778.
  • 22.
    Ruxley Electronics and Construction Co Ltd v Forsyth [1996] AC 344. Les juges ont considéré que l’inexécution n’avait engendré aucune perte de valeur étant donné que la piscine était conforme aux normes de sécurité, que cette profondeur permettait d’y plonger sans danger et que la plus-value apportée à la maison, utile en cas de revente, n’était pas affectée par ce manque de profondeur. Cela a été contesté par l’avocat de la victime qui indiqua que, pour réellement déterminer la perte de valeur, il aurait fallu prendre en compte les frais qu’aurait engendrés un déménagement pour la victime afin que celle-ci s’installe dans une propriété ayant une piscine aux dimensions souhaitées. Cet argument fut rejeté comme étant trop irréaliste. En réalité, l’intérêt de l’argumentation tendait à prouver que la perte de valeur était supérieure au coût de substitution et que, par conséquent, en n’ayant pas cherché une solution de remplacement, la victime n’avait pas, pour autant, failli à son devoir de minimiser le dommage, bien au contraire.
  • 23.
    Dans l’affaire Ruxley, les juges avaient des doutes sur le fait que le créancier emploie réellement les dommages-intérêts à la déconstruction et reconstruction complète de sa piscine, v. Ruxley Electronics and Construction Co Ltd v Forsyth [1996] AC 344, p. 372-373 per Lord Llyod. Cette intention est souvent exigée afin d’user de la technique dite du coût de substitution, v. Radford v De Froberville [1977] 1 WLR 1262, p. 1284 per Oliver J. Pour autant, l’exigence d’une telle intention est critiquée, parce que l’usage que le créancier réserve aux dommages-intérêts contractuels n’est pas, a priori, pertinent pour décider de leur octroi et de leur ampleur. Comp. l’article 1296 du projet de réforme de la responsabilité civile qui précise que la « victime est libre de disposer des sommes allouées ».
  • 24.
    Le surplus du consommateur, auquel fait référence l’arrêt Ruxley, désigne la différence entre la valeur subjective attachée à l’exécution et la valeur que le marché lui attache, v. Harris D., Ogus A., Philipps J., « Contract remedies and the consumer surplus », LQR, vol. 95, Oct. 1979, p. 582 et s.
  • 25.
    Comp. Atiyah P.-S., Smith S., Atiyah’s introduction to contract law, 6e éd., 2005, Clarendon Press, p. 401. Les dommages-intérêts évalués au coût de substitution ne sont octroyés « que lorsqu’ils sont équivalents à la réelle valeur de l’exécution du contrat pour le créancier » (traduit par nous).
  • 26.
    Ruxley Electronics and Construction Co Ltd v Forsyth [1996] AC 344.
  • 27.
    Beswick v Beswick [1968] AC 58, notamment p. 88 per Lord Pearce. V. suivant ce raisonnement Evans Marshall & Co Ltd v Bertola SA [1973] 1 WLR 349, p. 379 per Sachs LJ ; Co-Operative Insurance Society Ltd v Argyll Stores (Holdings) Ltd [1996] Ch. 286, p. 294-295 per Leggatt LJ. Du critère de l’insuffisance des dommages-intérêts, le droit anglais a évolué vers le critère du caractère approprié ou non du remède, ce qui est, indubitablement, un élargissement de son domaine.
  • 28.
    V. l’article 1263 du projet de réforme de la responsabilité civile.
  • 29.
    Comme c’est le cas en droit anglais, v. Muir-Watt H., « La modération des dommages en droit anglo-américain », LPA 20 nov. 2002, p. 45 ; Reifegerste S., Pour une obligation de minimiser le dommage, préf. Muir-Watt H., 2002, PUAM, n° 36.
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