L’appréciation du caractère insurmontable des difficultés du débiteur de l’article L. 620-1 du Code de commerce à l’aune du nouvel article 1195 du Code civil
L’accueil de la théorie de l’imprévision par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 a été l’une des innovations les plus commentées de la réforme du droit des contrats. Celle-ci suscite de nombreuses interrogations, parmi lesquelles figure la question de son impact sur le droit des procédures collectives, et notamment sur la procédure de sauvegarde. Chronologiquement, la première difficulté concerne les conditions d’ouverture de la procédure : l’existence d’un traitement de la situation d’imprévision en droit commun remet-elle en cause l’appréciation du caractère insurmontable des difficultés du débiteur visées par l’article L. 620-1 du Code de commerce ?
L’introduction par la réforme du droit des contrats du nouvel article 1195 dans le Code civil a mis fin à un débat doctrinal fourni sur l’opportunité de la prise en compte de la situation d’imprévision. Désormais, celle-ci est définie et son traitement est encadré par un mécanisme progressif, entre renégociation amiable et intervention judiciaire, même si l’étendue de cette dernière est encore sujet à discussion et susceptible de réforme1. Cependant, et ce bien avant l’ordonnance du 10 février 2016, le droit des procédures collectives avait reconnu la possibilité d’un traitement de l’imprévision, via l’ouverture d’une procédure de sauvegarde2. Dès lors, l’introduction du nouvel article 1195 du Code civil pose la question du maintien de cette jurisprudence particulièrement compréhensive des intérêts du débiteur. Doit-elle modifier l’appréciation jusqu’ici souple du caractère insurmontable d’une difficulté lorsque celle-ci provient d’une situation d’imprévision telle qu’elle est désormais définie à l’article 1195 du Code civil ? À première vue, les deux dispositifs se font concurrence, ce qui devrait mécaniquement aboutir à une nouvelle appréciation plus stricte des conditions d’ouverture de la procédure de sauvegarde (I). Cependant, à cette appréciation stricte devrait être préférée une lecture plus souple et séquencée de l’articulation des deux mécanismes (II).
I – L’apparente concurrence des deux mécanismes
Dans certaines situations, le mécanisme prévu par l’article 1195 du Code civil et la procédure de sauvegarde tendent à se recouper (A). Dans ce cas précis de chevauchement, il pourrait logiquement être considéré que le droit commun des contrats soit amené à prendre l’ascendant sur le droit des procédures collectives et à restreindre le champ d’application de la procédure de sauvegarde (B).
A – La possibilité d’un recoupement des dispositifs
La lecture conjointe du nouvel article 1195 du Code civil et des articles L. 620-1 et suivants du Code de commerce fait apparaître la possibilité d’un recoupement du nouveau traitement proposé de la situation d’imprévision avec la procédure de sauvegarde.
Tout d’abord, il existe une certaine superposition des champs d’application respectifs des deux dispositifs, permise par la souplesse des conditions posées par l’article L. 620-1 du Code de commerce (et) telles qu’elles sont interprétées par la jurisprudence. Bien entendu, la très grande majorité des cas où la procédure de sauvegarde trouve à s’appliquer ne relève pas de l’imprévision définie par l’article 1195 du Code civil, celle-ci étant probablement d’une application assez rare3. À l’inverse cependant, si l’ensemble des conditions relatives à l’imprévision sont remplies, la partie victime du changement imprévisible de circonstances pourrait aisément solliciter l’ouverture d’une procédure de sauvegarde à son égard. Il lui suffirait pour cela de démontrer que l’excessive onérosité de l’exécution du contrat constitue pour elle une difficulté insurmontable, ce qui serait le cas de tout débiteur dont la situation dépend en tout ou partie d’un contrat significatif, que cela soit une société holding porteuse d’un emprunt important dans un montage avec un financement de type LBO, comme dans l’affaire Cœur Défense, ou un débiteur entretenant une relation privilégiée avec l’un de ses cocontractants.
Ensuite, les deux mécanismes sont également proches dans le traitement qu’ils proposent de la situation d’imprévision. L’article 1195 nouveau du Code civil, dans sa rédaction initiale issue de l’ordonnance du 10 février 2016, prévoit un traitement graduel : le premier alinéa encadre dans un premier temps la voie conventionnelle, et c’est seulement en cas d’échec que l’intervention du juge est rendue possible, par le second alinéa, soit par la voie de la résiliation, soit par celle de la révision du contrat, bien qu’actuellement cette dernière semble être remise en cause4. Les outils proposés au débiteur par le Code de commerce afin d’assurer la poursuite de son activité sont assez proches de ce mécanisme désormais prévu par le droit commun des contrats. Ainsi, la procédure de sauvegarde offre, par le dispositif des contrats en cours, une possibilité de résilier avant son terme un contrat à durée déterminée5. Elle permet également une forme de révision amiable du contrat, matérialisée par l’établissement d’un plan de sauvegarde négocié entre le débiteur et la majorité de ses créanciers. Enfin, l’article L. 626-18 du Code de commerce consacre, dans son quatrième alinéa, le pouvoir du tribunal d’imposer des délais uniformes de paiement, ce qui constitue également une forme de modification judiciaire du contrat, mais encadrée à la fois par les textes et la jurisprudence6. Sur ce point, et en considérant la possibilité que la loi de ratification de l’ordonnance du 10 février 2016 supprime de l’article 1195 du Code civil le pouvoir de révision du contrat accordé au juge, la procédure de sauvegarde offrirait même une voie supplémentaire par rapport au nouveau droit commun.
Dès lors que la procédure de sauvegarde et le nouveau mécanisme de l’article 1195 du Code civil offrent à une même situation d’imprévision des solutions équivalentes, une possible concurrence entre les deux mécanismes semble émerger et pose la question de leur articulation.
B – Principe et limites de l’interprétation stricte du caractère insurmontable des difficultés du débiteur
De prime abord, pourrait être défendue l’idée selon laquelle le dispositif de droit commun introduit à l’article 1195 du Code civil ne permettrait plus de considérer comme insurmontable la difficulté liée à l’exécution devenue trop onéreuse d’un contrat en cas de changement imprévisible de circonstances7.
En effet, dans le cas où la situation d’une partie au contrat relèverait potentiellement des deux dispositifs, la faculté de renégociation du contrat et celle de demander au juge son adaptation, sa révision8 ou sa résiliation prévues par l’article 1195 du Code civil deviendraient un obstacle à la possibilité de recourir à la procédure de sauvegarde. Le mécanisme offert par le droit commun rendrait la difficulté virtuellement surmontable et la procédure de sauvegarde ne pourrait être ouverte en l’état. En ce sens, la mise en œuvre du mécanisme introduit par l’article 1195 du Code civil deviendrait un préalable à l’ouverture de la procédure de sauvegarde, et jouerait le rôle d’une condition supplémentaire implicite à remplir par le débiteur qui ne pourrait solliciter l’ouverture de la procédure qu’à la seule condition d’avoir, au préalable, échoué dans sa tentative de révision ou de résiliation pour imprévision selon la procédure de droit commun. Marginalement, au regard du caractère supplétif de l’article 1195 du Code civil, cet obstacle à la procédure de sauvegarde disparaîtrait en cas d’exclusion conventionnelle par les parties du dispositif de droit commun. Dans ce cas seulement, l’ouverture de la sauvegarde pourrait être accordée directement, peu important les efforts préalables du débiteur.
L’intérêt de cette interprétation est qu’elle restreindrait les conditions d’ouverture, aujourd’hui relativement souples, de la procédure de sauvegarde. Elle préviendrait ainsi ce qui est parfois considéré comme son instrumentalisation par un débiteur cherchant à s’exonérer de ses obligations contractuelles ou, à tout le moins, à s’arroger une position plus avantageuse que celle offerte par la relation contractuelle initiale9. Dans ce cas, alors, il semble que la procédure s’éloigne de sa finalité. L’article L. 620-1 du Code de commerce précise en effet que celle-ci est « destinée à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif ». En refusant de subordonner l’existence de la difficulté insurmontable à une difficulté affectant l’activité, sous la seule réserve de la fraude10, la jurisprudence a ainsi pu déconnecter l’ouverture de la procédure de sauvegarde de son objectif11. Or, l’ensemble des atteintes portées aux droits des créanciers en conséquence de l’ouverture de la procédure de sauvegarde ne peut se comprendre et se justifier qu’au regard de cette finalité12. En ce sens, l’introduction de l’article 1195 du Code civil, apprécié comme une nouvelle condition à l’ouverture de la procédure de sauvegarde, rendrait plus difficile l’ouverture des procédures de sauvegarde purement contractuelles, permettant un recentrage de la procédure vers des cas plus « classiques » de traitement de difficultés d’ordre économique ou opérationnel, en accord avec sa philosophie première telle qu’exprimée à l’article L. 620-1 du Code de commerce.
Cette lecture stricte n’est cependant pas pleinement satisfaisante. D’un point de vue pratique d’abord, en ce que le processus de révision contractuelle du Code civil ne relève pas de la même temporalité que la procédure de sauvegarde13. En effet, le dispositif du nouvel article 1195 du Code civil est graduel, ce qui nécessite l’écoulement d’un certain délai auquel s’oppose le rythme beaucoup plus soutenu de la procédure de sauvegarde. Surtout, le premier alinéa de l’article 1195 du Code civil oblige la partie lésée par l’évolution des circonstances à continuer de supporter l’excessive onérosité de l’exécution en attendant l’intervention du juge. Le risque est alors que de cette exécution excessivement onéreuse, étalée dans le temps, résulte l’état de cessation des paiements, fermant définitivement les portes de la procédure de sauvegarde au débiteur. Ce résultat semble absurde : l’instauration même de la procédure de sauvegarde en 2005 procède de la volonté affichée du législateur de permettre un traitement précoce et anticipé des difficultés, et d’éviter en particulier l’état de cessation des paiements. Économiquement, attendre la décision du juge sur le fondement du nouvel article 1195 du Code civil pourrait ainsi devenir contre-productif. Enfin, d’un point de vue plus théorique, cette approche vient à considérer la procédure de sauvegarde comme une solution subsidiaire, ce qui heurte nettement la philosophie moderne des procédures collectives.
Pour certains14, la voie à privilégier devient dès lors la voie inverse du « pluralisme »15, c’est-à-dire celle du libre choix entre l’un et l’autre des mécanismes proposés par le Code civil et par le Code de commerce. Si la loi ne l’interdit pas, l’intéressé devrait pouvoir choisir ce qui lui semble être le plus favorable à ses intérêts et à sa situation. L’argument se fonde notamment sur les mots de la Cour de cassation dans l’arrêt Cœur Défense : à partir du moment où les conditions d’ouverture de la procédure de sauvegarde sont réunies, le débiteur peut la solliciter.
Cependant, n’est-ce pas aller un peu vite ? Comme nous l’avons montré, les deux corps de règles semblent avoir vocation à se confronter, et il paraît difficile de conclure aussi rapidement à leur étanchéité. Entre la quasi exclusion d’un mécanisme par l’autre et leur indifférence mutuelle, il semble qu’une voie médiane puisse être identifiée.
II – L’articulation souple et séquencée des deux mécanismes
De manière intermédiaire, une articulation plus souple et séquencée des articles 1195 du Code civil et L. 620-1 du Code de commerce reviendrait à distinguer, au sein du nouvel article du Code civil, la renégociation amiable de l’intervention du juge, seule la première étant susceptible de représenter une nouvelle condition implicite à l’ouverture de la sauvegarde (A). La partie au contrat subissant la situation d’imprévision aurait alors tout intérêt à user des procédures amiables préventives afin de mener cette tentative de renégociation (B).
A – La tentative de renégociation comme condition préalable à la procédure de sauvegarde
Contrairement à la conception selon laquelle le nouvel article 1195 du Code civil rendrait à lui seul la difficulté née de l’imprévision surmontable, il est possible de soutenir que ladite difficulté demeure insurmontable malgré l’existence du nouveau dispositif légal tant qu’elle le demeure par le débiteur seul, c’est-à-dire sans l’intervention du juge16. Il s’agit d’une appréciation subjective du caractère insurmontable des difficultés du débiteur, se rapportant exclusivement à ses capacités, le caractère insurmontable n’étant pas apprécié de manière virtuelle, comme une qualité objective de la difficulté.
En reprenant l’architecture même du nouveau texte de l’article 1195 du Code civil, il en résulterait que ladite difficulté ne pourrait tout de même pas être considérée comme insurmontable tant que le débiteur n’aurait pas proposé une renégociation des termes du contrat à son cocontractant selon les termes du premier alinéa de l’article. À l’inverse, son caractère insurmontable réapparaîtrait avec l’échec de la négociation ou le rejet de la proposition de négociation, puisque, à ce moment-là, la seule option proposée par le Code civil serait le recours au juge. Cette interprétation revient donc à distinguer entre les différents modes de traitement de la situation d’imprévision portés par l’article 1195 du Code civil, matérialisés dans sa rédaction par la distinction de deux alinéas, et à neutraliser la dernière partie du second.
En ce sens, si l’introduction du nouvel article 1195 du Code civil n’est pas de nature à faire obstacle à l’ouverture d’une procédure de sauvegarde au bénéfice de la partie souffrant de l’imprévision, elle n’est pas non plus complètement neutre quant à l’appréciation des conditions posées par l’article L. 620-1 du Code de commerce. En effet, dès lors que l’on adopte cette lecture des deux mécanismes, la tentative de renégociation telle que décrite par l’alinéa premier de l’article 1195 du Code civil doit alors être lue comme une obligation plutôt que comme un simple rappel de la faculté offerte à toute partie à un contrat de solliciter de son cocontractant une renégociation des termes de la convention. Si la partie lésée souhaite pouvoir bénéficier d’une procédure de sauvegarde, il lui faudra démontrer qu’elle a tenté de renégocier et que cette renégociation a échoué, ce qui rend alors sa difficulté contractuelle insurmontable. Cette obligation de tenter la renégociation fait d’ailleurs écho à l’obligation d’adapter le contrat devenu déséquilibré du fait d’un changement imprévisible de circonstances que des auteurs avaient pu déduire de certains arrêts17, mais en diffère sur certains points : dégagée dans un contexte différent, elle pèse sur la partie lésée et non sur son cocontractant, elle est d’étendue moindre puisqu’elle ne semble porter que sur une obligation de tenter la négociation et non de la mener à bien, et elle ne repose pas sur le même fondement18.
Si cette lecture a le mérite de concilier procédure de sauvegarde et traitement de droit commun de l’imprévision, l’amplitude limitée de l’obligation pesant in fine sur le débiteur interroge néanmoins sur sa pertinence. Ne va-t-il pas de soi que, dans le cas d’une difficulté provenant de l’exécution d’un contrat, celle-ci n’est insurmontable qu’à partir du moment où la renégociation échoue ? Le droit positif ne se prononce pas aussi clairement sur la question : en réalité, la jurisprudence actuelle ne semble pas exiger la preuve d’un quelconque acte positif de la part du débiteur, et paraît ne considérer le caractère insurmontable de la difficulté qu’à l’aune de sa gravité, et non au regard des efforts poursuivis par le débiteur19. Dans le cas précis de l’imprévision, cette lecture a donc l’intérêt de poser comme préalable la tentative positive initiée par le débiteur là où elle ne semblait être, au mieux, qu’implicite.
Surtout, cette lecture permet d’inciter positivement les deux parties au contrat frappé d’imprévision à considérer sérieusement la redéfinition amiable de l’équilibre contractuel. L’architecture même du nouvel article 1195 du Code civil a déjà cette visée : l’intervention du juge ne peut être sollicitée par la partie lésée qu’en cas d’échec ou de refus de renégociation, et elle agit comme un épouvantail pour son cocontractant. Pour ce dernier, s’ajoute ici au spectre de la révision judiciaire celui de la procédure de sauvegarde, avec toutes les atteintes qu’elle peut porter à ses droits. Cette grille de lecture est donc fortement incitatrice à la négociation amiable entre les parties, en jouant à la fois sur les attraits de la procédure de sauvegarde pour le débiteur et sur son effet répulsif pour le créancier. Elle rejoint dès lors parfaitement tant les objectifs des rédacteurs de la réforme du droit des contrats que ceux du législateur de 200520.
B – La renégociation encadrée par les procédures préventives amiables
Si cette lecture incite à la renégociation, encore faut-il que celle-ci ait de réelles chances d’aboutir. Or, ce succès dépend en grande partie de l’environnement dans lequel les discussions s’inscrivent. À ce titre, les procédures préventives amiables du livre VI Code de commerce offrent un cadre particulièrement avantageux à ce type de renégociation contractuelle21.
Tout d’abord, leurs conditions d’ouverture sont suffisamment larges pour accueillir ce type de renégociation. Concernant le mandat ad hoc, la loi n’en limite pas l’accès. Pour la procédure de conciliation, l’article L. 611-4 du Code de commerce exige l’existence d’« une difficulté juridique, économique ou financière, avérée ou prévisible ». Si l’exécution rendue excessivement onéreuse du fait d’un changement imprévisible de circonstances ne saurait être considérée à cet instant comme insurmontable au sens de l’article L. 620-1 du Code de commerce, elle n’en resterait pas moins une difficulté « avérée ou prévisible », laquelle serait suffisante pour la conciliation. L’une ou l’autre des procédures pourrait donc être envisagée, voire le recours successif à l’une et puis à l’autre.
Surtout, ces procédures sont susceptibles de favoriser le succès de ce type de renégociation. D’une part, elles offrent des garanties primordiales de confidentialité, expressément prévues par l’article L. 611-15 du Code de commerce et récemment renforcées par la jurisprudence22. D’autre part, elles offrent un avantage d’ordre psychologique non négligeable. Bien entendu, ce sont des procédures contractuelles, qui reposent sur un accord entre le débiteur et son créancier, lorsque celui-ci accepte d’y participer23. Cependant, elles se déroulent sous l’égide d’un tiers désigné par le président du tribunal qui, en soi, ne dispose que d’un pouvoir d’encadrement des négociations24, mais qui rend tangible le risque d’ouverture ultérieure d’une procédure collective. Dès lors, si la partie subissant la situation d’imprévision est positivement incitée à tenter de renégocier le contrat pour pouvoir se ménager la possibilité de recourir à la procédure de sauvegarde, son cocontractant est non seulement incité à accepter l’invitation mais aussi à trouver de bonne foi une solution contractuelle afin de répartir les effets du changement de circonstances.
Dans cet environnement, la renégociation a toutes les chances de réussir, et la procédure de sauvegarde d’être évitée25. En cas d’échec, il s’agira alors pour la partie défavorisée au contrat de choisir sa voie, entre traitement de la situation d’imprévision directement par le mécanisme de droit commun ou indirectement par l’ouverture de la procédure de sauvegarde.
Notes de bas de pages
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1.
La possible suppression du pouvoir de révision du contrat confié au juge à l’initiative de l’une des parties est actuellement débattue dans le cadre des discussions entourant le projet de loi ratifiant l’ordonnance portant réforme du droit des obligations. En l’état actuel, après avoir été supprimée en première lecture par le Sénat le 17 octobre 2017, la possibilité de révision judiciaire du contrat a été rétablie par l’Assemblée nationale en première lecture le 11 décembre 2017. En seconde lecture, les deux assemblées ont chacune confirmé leur position.
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2.
Aff. Cœur Défense : Cass. com., 8 mars 2011, n° 10-13988.
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3.
Cette sévérité s’explique par le caractère hautement dérogatoire à la force obligatoire des conventions du traitement judiciaire de l’imprévision de C. civ., art. 1195.
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4.
V. note n° 1.
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5.
C. com., art. L. 622-13 (résiliation de plein droit ou prononcée par le juge-commissaire à la demande de l’administrateur judiciaire).
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6.
V. Dammann R., « Le plan “imposé” : les leçons du dossier Cœur Défense », D. 2013, p. 2895.
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7.
Interprétation soulevée note par Delebecque P., « Le risque de détournement de la procédure de sauvegarde », BJE mai 2016, n° 113j7, p. 209 ; Ansault J.-J., « Réforme du droit des contrats et procédures collectives », BJE mars 2017, n° 114g9, p. 148 ; Le Corre P.-M., « L’imprévision versus ordonnance du 10 février 2016 et droit des entreprises en difficultés », Lettre juridique n° 666, Lexbase 1er sept. 2016, n° 4051BWX.
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8.
Si cette faculté persiste (n° 1).
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9.
Ce corpus de critiques a particulièrement prospéré au moment de l’affaire Cœur Défense. V. note Dammann R. et Podeur G., « Affaire Cœur Défense : exemple d’instrumentalisation de la procédure de sauvegarde », D. 2010. AJ, p. 579 ; Pétel P., « Le critère d’ouverture de la sauvegarde », BJE sept. 2012, n° 159, p. 308 ; Saintourens B., « L’instrumentalisation de la procédure de sauvegarde est-elle frauduleuse ? », BJE mai 2016, n° 113k2, p. 203.
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10.
Caractérisée seulement sous des hypothèses très strictes (v. Saintourens B., op. cit.). Or, l’instrumentalisation de la procédure, en tant qu’utilisation de la sauvegarde comme un instrument ou un moyen, n’a rien de frauduleux en soi (v. Menjucq M., « L’instrumentalisation de la procédure de sauvegarde est-elle frauduleuse ? », BJE mai 2016, n° 113j9, p. 201).
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11.
V. au contraire, Rémery J.-P., « Le refus jurisprudentiel de la prise en compte des mobiles du débiteur dans le droit des entreprises en difficulté », 3e Rencontres jurisprudence-doctrine : échanges sur la hiérarchisation des intérêts dans les procédures collectives, BJE mai 2016, n° 113j4, p. 194, qui souligne que, le lien entre la finalité de la procédure et ses conditions d’ouverture n’étant pas établi par le législateur lui-même, les solutions jurisprudentielles ne procèdent en réalité que d’une application stricte de la loi, et ne sauraient donc constituer un détournement de la procédure. V. également Le Corre P-M., « La restauration jurisprudentielle du climat de confiance à l’égard de la sauvegarde », D. 2011, p. 919, pour qui ne doit pas être confondu effet d’aubaine et dévoiement de la procédure.
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12.
Saintourens B., op. cit.
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13.
L’argument est soulevé unanimement par les auteurs : Le Corre P.-M. loc. cit (n° 5), Ansault J.-J., op. cit., Domenget-Morin C. et Pousset B., « De nombreuses interactions à prévoir entre l’imprévision et le droit des entreprises en difficultés », JCP G 2016, 481, n° 16.
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14.
Delebecque P., op. cit. ; Ansault J.-J., op. cit.
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15.
Expression de Delebecque P., op. cit.
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16.
Le Corre P.-M. loc. cit. (n° 5) ; Latina M. et Le Corre P.-M., « L’impact de la réforme du droit des obligations sur le livre VI du Code de commerce », IFPPC 2016, livre II, chap. 1, p. 55.
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17.
V. Cartier-Marraud M.-L. et Akyurek O., « Crise économique et révision des contrats », Gaz. Pal. 16 juin 2009, n° H4193, p. 2.
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18.
V. note Mazeaud D., « Du nouveau sur l’obligation de renégocier », D. 2004, p. 1754. Comp. Ghestin J, « L’interprétation d’un arrêt de la Cour de cassation », D. 2004, p. 2239.
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19.
CA Lyon, 31 mai 2006, n° 02/02245, Sté Euler Hermès Sfac c/ Sté Intex : RTD com. 2006, p. 675, note Vallens J.-L. (l’ouverture d’une procédure de sauvegarde n’impose pas au débiteur de justifier de l’envoi de mises en demeure, de demandes de moratoires non satisfaites, ou même de la mise en œuvre préalable d’une procédure de conciliation).
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20.
V. Le Corre P.-M., « Éclairage – L’objectivation des conditions d’ouverture de la sauvegarde », BJE mars 2012, n° 100, p. 142, pour qui la souplesse des conditions d’ouverture de la procédure de sauvegarde doit être vue, du point de vue du créancier, comme un signal de son intérêt à négocier.
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21.
Le Corre P.-M., op. cit. (n° 5).
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22.
Cass. com., 22 sept. 2015, n° 14-17377, B : Rev. proc. coll. 2015, comm. 761, obs. Roussel-Galle P. ; D. 2016. p. 1894, note Lucas F.-X. ; BJE nov. 2015, n° 112t3, p. 360, note Favario T. ; BJE nov. 2015, n° 112u7, p. 345, note Monsèrié-Bon M.-H. ; RTD com. 2016, p. 189, note Macorig-Venier F. ; Act. proc. coll. 2015, n° 263, comm. 17, obs. Saintourens B. ; Gaz. Pal. 19 janv. 2016, p. 5, Montéran T. ; RTD civ. 2016, p. 114, Barbier H. – Cass. com., 15 déc. 2015, n° 14-11500, FS-PBI : D. 2016, p. 5, obs. Lienhard A. ; Rev. sociétés 2016, p. 193, note Roussel-Galle P. ; LEDEN janv. 2016, n° 1, p. 2, Rubellin P. ; Monsèrié-Bon M.-H. ; RLDA 2016/4, p. 39 ; Rev. proc. coll. 2016, comm. 1, Delattre C., et repère 3, Menjucq M. ; Act. proc. coll. 2016, n° 14, Chaput Y. ; RTD com. 2016, p. 191, Macorig-Venier F. ; BJE mars 2016, n° 113e7, p. 92, note Doray S.
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23.
Cass. com., 22 sept. 2015, n° 14-17377 (solution rendue dans le cadre d’un mandat ad hoc).
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24.
Le conciliateur, ou le mandataire ad hoc, n’a pas le pouvoir d’imposer les termes de l’accord. Cependant, le conciliateur dispose d’un certain levier de pression en ce qu’il rend compte au président du tribunal de l’état d’avancement de sa mission (C. com., art. L. 611-7, al. 4). Plus particulièrement, s’il considère l’accord impossible à trouver, il doit lui en rapporter afin que soit mis fin à sa mission (C. com., art. L. 611-7, al. 6) ce qui, en pratique, est souvent synonyme de l’ouverture d’une procédure collective.
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25.
Se retrouve ici l’analyse selon laquelle la sauvegarde est une procédure qui, du fait de sa facilité d’accès, doit surtout inciter les parties à se tourner vers la conciliation. V. sur ce point Le Corre P.-M. (op. cit., n° 18) pour qui l’intérêt de la procédure de sauvegarde « (…) ne doit jamais se mesurer en nombre de procédures ouvertes, mais bien plutôt en nombre de conciliations réussies ».