Covid-19 en Île-de-France : « Les conséquences économique vont être sévères »
Région désormais la plus touchée par la pandémie de Covid-19, l’Île-de-France s’organise pour tenter de limiter l’effet de la crise sanitaire sur l’économie régionale. Elle participe notamment, avec l’État, au financement d’un Fonds de solidarité destiné à soutenir les plus petites entreprises. À elle seule, la région représente près de 30 % du PIB national. Alexandra Dublanche, vice-présidente du conseil régional d’Île-de-France, chargée du développement économique, de l’attractivité, de l’agriculture et de la ruralité, détaille l’ensemble des mesures mises en place dans ses domaines d’action.
Les Petites Affiches : Comment vous, et les services de la région, vous organisez-vous depuis le début du confinement, le 17 mars dernier ?
Alexandra Dublanche : L’avantage à la région c’est que nous étions déjà rodés au télétravail et au management à distance puisque depuis notre déménagement à Saint-Ouen il y a deux ans, tous les agents ont le droit à un ou deux jours de télétravail par semaine. Nous avons, de ce fait, tout de suite été opérationnels à distance avec la quasi-totalité des effectifs du conseil régional d’Île-de-France (soit 99 %) aujourd’hui en télétravail et disposant d’un matériel informatique et logiciel de la meilleure qualité qu’il soit.
Loin d’être à l’arrêt ni même au ralenti c’est plutôt l’inverse car nous accélérons l’instruction des dossiers et nous réduisons au maximum nos délais de paiement vis-à-vis des bénéficiaires d’aides régionales. Dans les lycées franciliens, les agents logés et en nécessité absolue de service travaillent tout en respectant scrupuleusement les recommandations sanitaires.
LPA : Quelles sont les principales actions mises en place pour soutenir les entreprises franciliennes ? Notamment les plus petites ?
A. D. : Notre enjeu principal c’est l’information des acteurs économiques les plus fragiles. C’est la raison pour laquelle nous avons élaboré un document que nous avons voulu le plus simple d’accès possible et qui récapitule toutes les mesures mises en place par la région, l’État et Bpifrance pour aider les entreprises franciliennes dans cette période troublée. Nous avons également mis en place un numéro d’appel régional unique : le 01 53 85 53 85. Il permet de répondre à toutes les demandes des entreprises.
Aussi, nous participons de manière massive au Fonds de solidarité État-régions à hauteur de 76 M€. Ce fonds permettra d’aider les petites entreprises, les commerçants, les artisans, qui ont dû fermer et ont connu une baisse d’au moins 50 % de leur chiffre d’affaires. Les bénéficiaires pourront toucher une aide de 1 500 € qui ne réglera pas tous les problèmes mais leur permettra d’amortir un peu la baisse de CA.
Nous avons également créé une aide exceptionnelle « PM’up Covid-19 », votée vendredi 3 avril, qui a vocation à soutenir les projets d’entreprises de transformation de leur outil de production ou de création visant à sécuriser les approvisionnements stratégiques en Île-de-France : masques, gels hydroalcooliques, blouses, respirateurs… Nous déplafonnons notre aide PM’up classique jusqu’à 800 000 €.
Enfin, nous engageons 300 M€ sur un prêt « back up prévention », un prêt de la région qui existait déjà mais avec un taux de 3,8 %. Nous avons obtenu de la BPI qu’il passe à 0 %. Des prêts de 10 000 à 300 000 € pourront donc être accordés à taux zéro avec un différé de remboursement de 2 ans, sans garantie personnelle de la part du dirigeant.
Nous avons, de plus, mené un certain nombre d’actions structurantes. C’est le cas notamment de la plate-forme de solutions accessibles depuis le 26 mars dernier sur le site de la région. Elle référence plus de 300 acteurs qui proposent des solutions innovantes à destination des entreprises, des citoyens et des acteurs de la santé pour faire face à la crise du Covid-19.
LPA : La mise en place d’un Fonds de solidarité d’1 Md€ suffira-t-il à empêcher la faillite des plus petites entreprises de la région ?
A. D. : L’investissement de 1 Md€ réalisé par l’État et par les régions est conséquent sans aucun doute. Toutefois, il est trop tôt pour dire aujourd’hui s’il suffira à combler tous les besoins qui sont nombreux. L’objectif est qu’il puisse servir au plus grand nombre de TPE, d’autoentrepreneurs ou de travailleurs indépendants en leur permettant de compenser leurs pertes du mois de mars.
Bien qu’il s’agisse d’un projet que nous portons de manière conjointe, nous avons eu des désaccords, notamment sur les critères. Nous nous sommes battues avec Valérie Pécresse pour que le taux initial de 70 % voulu par l’État soit ramené à 50 % de baisse de chiffre d’affaires pour bénéficier à davantage d’acteurs, d’autant que le mois de mars avait été travaillé à moitié, le confinement ayant débuté mi-mars.
À compter du 15 avril, une seconde phase permettra aux bénéficiaires de la première aide de déposer une nouvelle demande pour une subvention, forfaitaire cette fois-ci, de 2 000 €. Nous espérons pouvoir convaincre le gouvernement de ne pas imposer d’avoir profité au préalable de la première vague opérée par l’État pour toucher la deuxième. L’objectif est de pouvoir sauver le plus grand nombre d’entreprises.
LPA : Que vous disent les chefs d’entreprise, entrepreneurs et salariés avec lesquels vous vous entretenez ? L’inquiétude grandit-elle face aux conséquences économiques de cette crise ?
A. D. : L’inquiétude est avant tout sanitaire. Cela doit évidemment être notre priorité à tous. Il y a aussi beaucoup d’incompréhension entre un discours de confinement total suivi d’une incitation à reprendre l’activité sans pour autant bénéficier de matériel de protection. Certains sont perdus ou dans l’incapacité de faire revenir leurs salariés, comme demandé par l’État, en l’absence de masques notamment. C’est la raison pour laquelle, avec Valérie Pécresse, nous avons lancé une commande de 20 millions de masques que nous recevons petit à petit et que nous répartissons au mieux en donnant bien sûr la priorité au personnel soignant. Nous avons toutefois commencé à équiper des pharmacies ou encore des commerces alimentaires.
LPA : Pensez-vous que les effets de cette crise vont se faire ressentir longtemps sur l’économie de la région ? Bien après la fin du confinement ?
A. D. : Sans aucun doute oui, au moins à deux titres. Tout d’abord car les conséquences économiques vont être sévères. Les estimations de l’Insee sont sans appel : un mois de confinement se traduirait par une perte de 3 points de PIB annuel. Toutefois, de cet épisode dramatique doit ressortir aussi un peu de bon. C’est pour cela que cette crise est l’occasion de nous interroger plus généralement sur notre modèle de production. Outre les mesures très conjoncturelles que nous avons prises, nous pensons également à plus long terme et souhaitons soutenir un effort résolu de restructuration et de relocalisation de la production de certaines filières en Île-de-France. C’est l’objet du « Pack relocalisation » qui est en cours de finalisation dans les services régionaux. Celui-ci devrait comprendre un accompagnement personnalisé, un appui à la recherche de sites, une aide au recrutement et des soutiens financiers…
L’aide « PM’up Covid-19 » dont j’ai parlé précédemment ne marque ainsi que la première étape d’une volonté politique plus large d’assurer à l’avenir les approvisionnements stratégiques pour la société et l’économie franciliennes !
LPA : Quelles sont les aides prévues pour les agriculteurs ?
A. D. : Conscients des difficultés rencontrées par les maraîchers franciliens pour écouler leurs stocks avec la fermeture des restaurants et des marchés, nous avons encouragé et soutenu une initiative menée par les grossistes de Rungis, le lancement du site Rungis livré chez vous. Il permet depuis quelques jours de ravitailler en produits frais les Franciliens confinés à leur domicile. Nous travaillons aussi sur des aides pour les horticulteurs et les pépiniéristes qui sont en grande difficulté car les mois de mars à juin sont ceux où ils réalisent plus de 70 % de leur chiffre d’affaires.
Enfin l’élevage est aussi particulièrement impacté avec des récoltes de lait moindre notamment, nous avons demandé aux professionnels de chiffrer l’ampleur des dégâts.
LPA : Dans quelle mesure l’attractivité de la région est-elle atteinte ? Les grandes villes allemandes semblent moins impactées par exemple…
A. D. : C’est très difficile à chiffrer pour le moment et nous n’avons pas encore de données nous permettant de tirer des conclusions.