Dans les Hauts-de-Seine, lancement réussi pour le Catalyseur
Lancé en avril 2019, le Catalyseur, niché au cœur du quartier d’affaires de La Défense, se positionne comme « le » point d’entrée pour l’innovation et l’entrepreneuriat sur le territoire Paris Ouest La Défense (POLD). Accélérateur de développement, il a pour vocation de faciliter les synergies entre tous les acteurs de l’entrepreneuriat et de l’innovation du territoire, des grandes entreprises aux start-ups.
Au cœur de la tour Cœur Défense, l’ambiance est studieuse mais aussi chaleureuse. Petites cabines permettant de s’isoler pour des visioconférences ou des réunions en comité limité, grandes tables installées dans une vaste pièce lumineuse, favorisant les échanges et les contacts… C’est dans cet espace cosy, intitulé Base 11, 11 comme le nombre de villes associées au POLD, créé début 2016 sous l’impulsion du maire de Courbevoie, Jacques Kossowski, que son souhait s’est réalisé : ce dernier tenait à mettre en relation les différents acteurs de l’économie locale, qu’il s’agisse des grands groupes implantés à La Défense, des pôles académiques ou encore des start-ups et entreprises innovantes. Nathalie Jacquart, coordinatrice du Catalyseur, confirme la pertinence d’une telle initiative, fondamentalement fédératrice. « Il existe un foisonnement d’initiatives de toutes ces parties prenantes, que ce soit des universités, des grandes écoles, et énormément d’incubateurs, qui ont connu un vrai boom depuis cinq ans ». Face à des besoins convergents, les grands groupes ont estimé que l’impulsion ne pouvait venir que des collectivités territoriales. C’est désormais chose faite avec l’engagement du POLD en faveur du Catalyseur. « Nous avons constaté que pour les entreprises, il n’était pas toujours très clair d’identifier qui faisait quoi et comment, sur le territoire. Cela prend beaucoup de temps. Sans bousculer l’existant, nous essayons de le rendre plus visible », estime Nathalie Jacquart. La première étape a donc consisté à « réaliser un “mapping’’ de tout l’existant sur le territoire, dans un esprit de coconstruction, ce qui se traduit par des conventions de partenariat ».
Un Catalyseur pour faciliter, connecter et diffuser
Mais le Catalyseur n’est pas un incubateur. « Nous n’avons pas nos propres programmes ou offres de services, nous agrégeons des offres de service d’autres acteurs qu’on met en visibilité. On ne crée rien de plus mais on connecte et on fait connaître les gens entre eux, ce qui permet au plus grand nombre de bénéficier d’un écosystème plus riche », précise la coordinatrice. Face à la problématique immobilière rencontrée par des entreprises à peine nées, le Catalyseur offre également une solution. Jusqu’à présent, il « n’exist[ait] pas d’espaces adaptés pour les start-ups, qui ont souvent besoin de trouver de petits espaces, ou qui, en fonction de l’accélération parfois soudaine de leur développement, ont besoin rapidement de nouveaux locaux, plus grands ». En bénéficiant de l’espace pour une période de six mois, accompagnées au sein du dispositif « Atterrissage Rebondissement », les start-ups, PME, ETI, associations ou intrapreneurs voient leurs besoins comblés, tant pour « celles qui ne sont pas encore prêtes à rentrer dans des incubateurs », que « pour faire face aux flottements dans leurs parcours ».
Le Catalyseur embrasse un large panel de secteurs à l’image du dynamisme économique du POLD : bien sûr l’économie du numérique, mais aussi l’industrie de la santé, l’audit et le consulting, l’ingénierie, la banque, les assurances et la finance, l’énergie, etc. En soutenant l’entrepreneuriat, et par là même l’emploi, le Catalyseur entend valoriser le territoire, renforcer son attractivité et sa compétitivité, tant sur le plan régional que national et international. Les bonnes idées ne manquent pas parmi les habitants des 11 communes qui ont vocation à lancer leur business.
Booster le territoire et penser la ville de demain
C’est le cas d’Hadi, l’un des cofondateurs de la start-up Ping Us. « Originaire de Courbevoie, je suis très attaché à ma ville et à mon territoire. J’ai constaté qu’en faisant des recherches sur internet, je pouvais trouver un produit mais sans savoir où le trouver au niveau local, explique-t-il. Je n’ai pas envie d’une ville de demain où il n’y a plus de magasins de proximité, qui soit juste une ville-dortoir. Ce n’est pas ma vision de la ville du futur », explique-t-il. Ainsi Ping Us, qui propose de révolutionner le commerce de proximité en permettant aux commerçants indépendants de proposer leurs services et produit sur une plate-forme collaborative, et aux clients d’accéder instantanément aux produits de leurs commerçants de quartier, ne se pense pas comme un outil de « résistance » à Amazon ou Alibaba. Mais plutôt « comme une offre complémentaire » à ce que ces géants du web peuvent apporter, précise Hadi, conscient de la digitalisation grandissante du monde. Ping Us est une « couche applicative qui permet de synthétiser trois flux, informationnel (je sais où trouver localement le produit que je cherche), logistique (je réserve un produit ou je choisis de me faire livrer), et le flux financier (car l’argent donné à un commerçant local est réinvesti chez d’autres commerçants de quartier). « Avec les autres cofondateurs de Ping Us, notre but est de revaloriser les cœurs de ville, dans une idée de business circulaire. Nous voulons enrichir nos villes et par là même, les habitants du quartier ». Cette solution a donc du sens dans les zones urbaines mais aussi pour revitaliser le tissu rural. « Hors d’Île-de-France, les commerces de proximité tentent de survivre. C’est un sujet qui revient dans les campagnes électorales », signe de leur importance au niveau politique. Si les villes mutualisaient des moyens, « on pourrait mutualiser des camions et des livraisons et ainsi baisser l’impact environnemental, en s’appuyant sur les infrastructures existantes et faire communiquer davantage les commerçants entre eux », imagine le trentenaire. Certes, il y a encore un grand travail « d’éducation des commerçants » : face au digital, ils n’ont pas les mêmes aptitudes ou craintes. « Les commerçants n’ont pas les connaissances, parfois ils ont peur de ne pas maîtriser, les coûts liés au digital, mais ils sont intéressées. Et ils n’ont pas de connaissances sur le retour sur investissement », reconnaît-il. Mais « les commerces de proximité en bas de chez moi n’ont pas la vitrine du digital, alors qu’ils recèlent un potentiel inouï de clients », estime-t-il. Il détient déjà des données encourageantes : « les chiffres montrent que les commerçants ont des pics d’activité en matinée, puis de 17 h à 20 h… Entre les deux, ils font face à des temps vides, qu’ils pourraient utiliser pour travailler sur la partie digitale de leur activité, afin que le e-commerce complète le commerce physique et inversement ».
Parmi les entreprises innovantes également présentes au sein du Catalyseur, on trouve Book your books, une start-up dans l’esprit de Blablacar, mais pour de la location de livres entre particuliers. Du lien culturel et du lien local entre habitants d’une même zone territoriale. Selon les chiffres du fondateur, Damien Petit-Morvan, 37 ans, « 50 % des membres de notre communauté de 350 personnes nous rejoignent pour ce que l’on fait, 24 % pour le lien social, pour rencontrer des gens, avec le livre comme vecteur de rencontre ». Le trentenaire, après dix ans passés dans l’industrie pétrolière, gazière et minière, a profité de la fin d’un contrat pour renouer avec une aspiration qu’il ressentait depuis ses études : la volonté de créer sa boîte. Lors d’une nuit d’insomnie, il prend conscience du nombre de livres qu’il a prêtés et qui ne lui ont jamais été rendus. De là au prêt de livres participatif, il n’y a qu’un pas ! Avant de le franchir, il décide néanmoins de vérifier que personne n’a lancé un tel concept avant lui. Il est le premier.
Le Catalyseur donne un coup de pouce aux start-ups
L’aventure Ping Us a débuté il y a deux ans. Étant ingénieur et sans compétences purement économiques, Hadi se lance dans un MBA. À l’occasion d’une rencontre avec le maire de Courbevoie, Jacques Kossowksi, celui-ci l’informe de l’existence du Catalyseur. Il se montre très intéressé par l’idée de dynamiser les commerces de proximité par le digital, désormais incontournable, de « sortir des actions de quartier mensuelles, utiles mais sur lesquelles on manque de retours clairs en termes d’efficacité », détaille l’ingénieur. Cinq jours plus tard, le dossier de Ping Us est bouclé. Au Catalyseur, les cofondateurs de Ping Us se réjouissent de bénéficier « de conseils financiers, d’une partie réseau, de conseils dans le business et le marketing. Ici, on porte votre idée et cela permet de concrétiser les choses grâce à des experts dans la partie juridique, communication ou sur la partie business plan ». Accompagné de juillet jusqu’à la fin de l’année 2019, Hadi sait que le Catalyseur ne va pas le « lâcher » après : c’est un tremplin, alors que « La Défense est le premier territoire de centre d’affaires d’Europe ». Déterminé, il veut montrer « que la “tech” peut aussi apporter du bon à nos sociétés et nos villes ». Cette idée est sans aucun doute partagée par Damien Petit-Morvan.
Chacun peut gérer son temps comme il le souhaite, en poste ou non, à temps plein ou partiellement présent, les aspirants startupeurs ont l’espace à disposition, ainsi que le réseau rendu possible par la Base 11. L’entrepreneur, qui s’est d’abord tourné vers Coup de pouce, le dispositif local de Rueil-Suresnes-Nanterre, a ensuite passé six mois à Pépite-PON, puis un an en incubateur à Paris. Au Catalysueur, il aime cette absence « de murs ou de cloisons. Cela permet de se voir, c’est très simple d’échanger avec les autres start-ups, les relations de confiance se construisent au quotidien, on s’apporte des meetups, mais également du réseau ». Bien déterminé à booster sa communauté et à l’agrandir, Damien Petit-Morvan savoure actuellement une belle victoire : un partenariat avec le LCL, « ce qui permet de toucher un public de 3 millions de clients. » Un élan prometteur, auquel le Catalyseur n’est sans doute pas totalement étranger.