Les Hauts-de-Seine à l’assaut de la croissance
Les indicateurs économiques sont encourageants et confirment la reprise au niveau national comme régional. Au sein de l’Ile-de-France, les Hauts-de-Seine forment un territoire ancré de plus en plus dans l’innovation, et soutient activement le numérique et les startups. Focus sur des entrepreneurs et acteurs de l’économie locale.
« On voit une vraie vitalité économique du département, on sent un petit vent d’air frais, c’est agréable », reconnaît Stéphane Ferrain, responsable à l’appui des entreprises, au sein de la Chambre de commerce et d’industrie du 92 (CCI 92). En effet, l’enquête de conjoncture réalisée par la CCI 92 explique que, pour les PME, « cette embellie se traduit sur l’ensemble des indicateurs : amélioration de la situation financière (+ 12 %), progression globale de l’activité et évolution favorable des investissements (+ 8 %) ». Même enthousiasme du côté de Jean-Claude Duchange, directeur général de PC House, située à Clamart, et président du Club des entrepreneurs du 92 : pour lui, le territoire présente des avantages certains. « On a des atouts importants en Ile-de-France et particulièrement dans les Hauts-de-Seine. Tout comme à Paris, les choses sont plus concentrées que dans le 78 ou le 91, mais on a plus de place que dans le 75, c’est un nouvel atout », estime le chef d’entreprise. Et de souligner des maires volontaristes, qui « donnent envie aux entreprises de s’installer sur leur territoire ». « Ce qu’ils font à Clamart est formidable (dans le cadre du Grand Paris, NDLA) ! », se réjouit-il, évoquant les gros besoins en transport et métro sur le point d’être comblés. Jean-Claude Duchange vante également la réussite de Noveos, le parc d’affaires de Paris Sud-Ouest, installé au Plessis-Robinson. « Ils sont à l’origine d’un vrai dynamisme industriel. Ils créent un pôle d’exportation avec la Chine ou le Canada, se posent les bonnes questions sur l’excellence dans l’animation de la zone d’activité ». À ses yeux, un vrai modèle, qui accueille désormais entreprises et startups innovantes, l’un des points forts du département.
L’innovation en avant
Car si les secteurs traditionnels se portent bien — comme le commerce, les restaurants, les transports — d’autres comme le numérique ont le vent en poupe dans les Hauts-de-Seine, qui apparaît ainsi comme territoire particulièrement accueillant. Stéphane Ferrain rappelle la tenue annuelle du concours « Made in 92 », qui récompense les plus belles réussites lancées par des startups. Lors de la troisième édition, ce ne sont pas moins de 200 candidatures qui ont été proposées, contre 60 pour la première. À ses yeux, ce succès constitue « un indicateur de l’attrait de l’entrepreneuriat auprès des jeunes, car il existe cette image positive de la culture startup ». Initiative particulière qu’il met en avant, le « challenge de l’innovation » qui a été organisé à cette occasion. « Il y avait des prix classiques, mais aussi des prix sectoriels, comme avec le tourisme connecté, pour lequel le département montre un intérêt certain et souhaite accompagner ce secteur », explique-t-il, tout en soulignant le dynamisme du secteur de la fintech, avec la proximité de la Défense, le commerce connecté ou le monde de l’image et des médias (à Boulogne et Issy-les-Moulineaux, il existe de nombreuses startups autour des médias), souligne-t-il.
Mais dans ce bouillon d’innovation, le développement durable ne doit pas être oublié. Smartenon, entreprise toute jeune, lancée en juin 2017 mais prometteuse, a fait du 92 son terrain de « jeu ». Cyril Banos, son cofondateur et président, confirme que le département est « sa première zone de chalandise ». Smartenon propose en effet d’accompagner les édifices pour réaliser leur transition écologique et numérique, en une seule fois. « Nous transformons des bâtiments en bâtiments intelligents et efficaces du point de vue environnemental », explique-t-il. Le département, surtout son croissant Ouest, regorge d’un panel extraordinaire, de « leaders » comme la Société Générale mais « aussi de très nombreux bâtiments vétustes ». Les potentialités sont donc énormes : « les propriétaires vont devoir s’adapter pour continuer à louer leurs biens », explique Cyril Banos. Avec ses deux associés, Cyrille Dayange et Quentin Piepszowik, ils proposent des audits complets du bâtiment, avec identification des besoins, audit de performance énergétique, évaluation de la présence de matériaux toxiques (amiante, plomb…), réflexion sur comment rendre le bâtiment intelligent (avec des objets connectés) sans saturer le réseau interne, etc. Après cette première étape, Smartenon peut même devenir maître d’œuvre du chantier. « Le secteur est très porteur. Comme les chantiers sont pharaoniques, un seul chantier en même temps est une solution efficace pour le client, cela revient bien moins cher, puisqu’on regroupe le travail en bloquant moins longtemps le bâtiment et en installant qu’une fois les échafaudages. Si le chantier de Jussieu a duré si longtemps, c’est justement parce que les travaux ont été réalisés par tranches », éclaire celui qui se revendique comme un « pur produit du 92 ». Smartenon entr’aperçoit donc l’avenir avec beaucoup d’optimisme : « la transition numérique est très forte en Ile-de-France, avec le projet de région connectée », et il y aura des déménagements d’entreprises parisiennes dans le département, espère Cyril Banos. Sans compter les fenêtres de tir à saisir avec les JO 2012 et le Grand Paris.
Un autre regard sur l’entrepreneuriat
Les futurs entrepreneurs (surtout les jeunes générations) auraient-ils donc un regard nouveau sur l’entrepreneuriat ? C’est ce que pense Stéphane Ferrain, qui souligne le changement de paradigme, avec « moins l’impression d’un parcours du combattant ». L’esprit de la « startup nation », cher à Emmanuel Macron, souffle sur la France, et le département des Hauts-de-Seine n’y échappe pas. « Il y a dix ans, les jeunes avaient une vision bureaucratique, une approche très juridique de la création d’entreprise. Désormais on voit un message très positif se dérouler autour du lancement d’une activité, et ce n’est plus seulement parce que l’on a perdu son job, comme un plan B par dépit », affirme Stéphane Ferrain. « Aujourd’hui c’est plutôt : je cherche un emploi, mais je ne suis pas contre l’idée de créer une entreprise ». Le statut d’auto-entrepreneur a pu faciliter ce passage à l’acte, en instaurant « un rapport simple avec le client et tout en laissant la possibilité de trouver un job à côté », une sorte de tremplin en somme. Pour Stéphane Ferrain, ce statut, datant de 2008, a rendu « l’accès à l’entrepreneuriat plus facile, sans aucun coût contrairement à une SAS. Il n’y a pas de comptabilité à assurer, mais un abattement forfaitaire sans obligation de procéder à un bilan et de payer des charges pour cela », sans oublier le côté attractif de ne pas payer de charges sociales si l’autoentrepreneuur n’a pas généré de chiffres d’affaires. N’oublions pas le boom des microentrepreneurs, qui participent à l’« uberisation » de l’économie, notamment en restauration à domicile.
Avec l’apparition des géants des entreprises du numérique, comme Facebook, une autre vision de l’entreprise émerge, qui a permis aux grandes boîtes de mettre sur le marché un produit en contournant « la culture entrepreneuriale autour du test, avec des études, des plans bien aboutis… », analyse-t-il. Désormais, « on avance et on teste. L’entrepreneur a l’impression que, finalement, ce n’est pas si compliqué ». Par ailleurs souligne le responsable à l’appui des entreprises, les aides à destination des demandeurs d’emploi aident aussi à passer le cap, à l’instar de Activ’Créa, offre de services Pôle Emploi dans la démarche de création d’entreprise.
Mission : assurer la pérennité des entreprises
Malgré son enthousiasme, Stéphane Ferrain garde les pieds sur terre. Dans son équipe, il conseille évidemment la création d’entreprise, mais pas à n’importe quel prix. Son but ? La pérennité des entreprises, et donc un accompagnement étape par étape, afin de mettre toutes les chances de son côté pour éviter les échecs. « Nous analysons comment on peut aider une entreprise, si elle doit continuer ou pas. On n’est pas dans une logique Française des Jeux où 100 % des gagnants ont tenté leur chance », plaisante-t-il. L’idée est de ne pas « y aller seul » : c’est déterminant pour réussir et mieux appréhender les nécessités telles que l’approche du marché, le business model, les rencontres avec des clients et des partenaires. « Aider les entreprises à la pérennité, ce n’est pas seulement une intention : nous organisons des réunions, des workshops, des ateliers avec une dizaines d’entrepreneurs, qui procèdent ainsi à des échanges pratiques et confrontent leurs outils », explique-t-il.
Anaïs Hody, jeune entrepreneuse, a bénéficié de l’accompagnement du groupe Plato de la CCI, qui réunit une quinzaine de jeunes entrepreneurs franciliens. Cette ancienne éducatrice spécialisée s’est reconvertie dans sa passion : la pâtisserie. Elle a ainsi créé « Box en chef », une box mensuelle qui rend la pâtisserie accessible et démocratise un art réputé difficile. « On a surfé sur la tendance des box, reconnaît-elle, mais aussi sur la gastronomie qui a été remise à la mode grâce, entre autres, aux émissions de télévision comme Top Chef. Les gens adorent faire eux-mêmes, et nous on apporte un vrai savoir-faire (avec des fiches recettes), des produits de professionnels et des goodies, comme des vidéos ou la newsletter avec les astuces des chefs, directement chez les gens », explique-t-elle. À ses yeux, discuter avec d’autres entrepreneurs, « venant de secteurs différents, et qui ont un regard extérieur », a été un vrai plus dans son parcours entrepreneurial. Elle a pu rencontrer des coachs, des experts-comptables, des experts de levées de fond ou de la digitalisation. « Au niveau du réseau, ce n’est pas négligeable », assure-t-elle.
Encourager le réseau local
Ce réseau est précisément un élément déterminant pour les entrepreneurs. C’est à ce but que travaille Jean-Claude Duchange, chef d’entreprise et président du Club des entrepreneurs du 92, qui représente le deuxième pôle économique (le Sud des Hauts-de-Seine) après la Défense. Ce club, créé en 2005 et qui se définit comme un « facilitateur de croissance », insiste sur l’importance des échanges au niveau local, entre entreprises. « Pourquoi aller chercher un fournisseur à Marseille quand on peut en trouver un dans les Hauts-de-Seine ? », interroge-t-il. « Nous organisons des soirées où les entrepreneurs trouvent leur compte : ils sont là pour faire du business », explique-t-il. Lors de ces multiples réunions, de nombreux thèmes sont abordés : des ordonnances Macron, afin de mieux les expliquer aux réunions juridiques, en présence d’un avocat en droit social, tout ce qui intéresse directement les entrepreneurs peut faire l’objet d’une rencontre. Et à chaque fois, c’est aussi l’occasion de pouvoir trouver des interlocuteurs ou partenaires locaux. Au sein du club, des pôles de réflexion se sont créés : formation, juridique, numérique, santé… De quoi faire avancer les réflexions et propositions, apprendre aussi à améliorer sa façon de « réseauter ». « Comment briser la glace, comment bien réaliser un pitch », sont aussi des thèmes abordés, qui représentent des préoccupations d’entrepreneurs. Le Club, membre délibérant du pôle HDSI (Hauts-de-Seine Initiative), et reconnu par la CCI 92, offre aussi des accompagnements aux entrepreneurs qui viennent avec un projet : business plan, motivation sont évalués. Jean-Claude Duchange fait aussi beaucoup d’« interventions auprès de jeunes du foyer des jeunes de Clamart. Je leur explique que le vrai trésor, c’est eux, qu’il faut faire fructifier leurs atouts ». Un message à de potentiels entrepreneurs, qui, doublé d’une reprise économique, aura sans doute encore plus d’impact.