Salon Transfair ou comment réussir la transmission d’entreprise
Le 21 novembre dernier se tenait le salon Transfair au Palais des Congrès de Paris, porte Maillot, plus grand événement de France dédié à la transmission d’entreprise. Une question essentielle pour le dynamisme économique de nos territoires. Selon les chiffres de l’Observatoire BPCE, chaque année, plus de 185 000 entreprises en France sont susceptibles d’être transmises, mais 51 000 seulement changent effectivement de mains. Pourtant l’enjeu économique est immense : rien qu’en Île-de-France, 1/3 des entreprises sont gérés par un chef d’entreprise de 55 ans et plus. Depuis 2015, le salon Transfair, lancé par la CCI, et soutenu par des avocats, notaires et experts-comptables, permet d’aborder toutes les questions liées à la reprise ou à la cession de son entreprise. Afin de donner les bons outils aux parties prenantes, et de faciliter le passage à l’action.
« Le dynamisme de notre territoire repose majoritairement sur les TPE et PME », a rappelé Dominique Restino, le vice-président de la CCI-Île-de-France et président de la CCI Paris, dans son discours introductif à la présentation de l’édition 2019 du salon Transfair. Chaque année, 93 000 entreprises franciliennes sont concernées par cette question, qui n’est pas seulement liée à l’âge des chefs d’entreprise. La transmission reste un enjeu majeur du tissu économique. L’étude de la BPCE fait état de baisse des cessions mais de l’augmentation, sur la période 2018-2019, des entreprises mises sur le marché. « Organiser sa transmission est une démarche complexe, qui mêle enjeux techniques et aspects affectifs », précise-t-il. Bref, un vrai « projet de vie », dont la préparation « peut prendre plusieurs années : les cédeurs comme les repreneurs doivent prendre le temps », d’où la nécessité de constituer autour de soi une équipe de professionnels (avocats, notaires, experts-comptables, professionnels de la CCI…) soudée autour de soi. À ce titre, « Transfair traduit notre volonté d’unir nos forces au service des dirigeants et repreneurs en Ile-de-France ».
La force de l’interprofessionnalité
Pour Christiane Féral-Schuhl, présidente du Conseil national des barreaux (CNB), la présence de l’avocat est tout bonnement « incontournable ». Face aux « zones de risques », les avocats peuvent tenir la main et « accompagner les réflexions et les investigations » nécessaires à une reprise saine. En termes d’intelligence économique, l’avocat peut par exemple s’assurer que l’entreprise a sécurisé « au bon niveau » les questions de dépôt de nom de domaine ou de marque, que la marque est bien protégée… Il peut aussi garantir que les questions informatiques sont au clair : « quid des droits ? Des licences ? Le repreneur doit-il payer ou non » ? Autant de questions à poser bien en amont. « Si dans le travail de “due diligence” on ne répond pas au foisonnement de questions, il peut y avoir de mauvaises surprises », met-elle en garde, en regrettant que dans d’autres pays, comme aux États-Unis, l’avocat accompagne le chef d’entreprise lors de ses voyages d’affaires, lorsqu’il a une ambition de déploiement économique ou de rachat d’entreprise. À ses yeux, pas de doutes, le recours à un avocat peut éviter bien des problèmes.
Pour Bertand Savouré, président de la Chambre des notaires de Paris, ce « temps fort de la vie », qu’est le moment de la transmission, est traditionnellement assuré par les notaires. « On ne peut pas penser “entrepreneur’’, sans prendre en compte la dimension patrimoniale, que la cession se fasse à titre onéreux ou à titre gratuit (pour ses enfants, ses salariés, sa famille…) ». Des questions comme les donations, le régime patrimonial choisi pour les couples mariés, la mobilité (dans le cas d’une expatriation ou lors du rachat d’une entreprise hors de France) se posent, et les notaires sont là pour y apporter des réponses.
Du côté des experts-comptables, Laurent Benoudiz, président de l’Ordre des experts-comptables Paris Ile-de-France, est lui aussi persuadé que « l’interprofessionnalité est le seul moyen pour qu’une transmission fonctionne », face aux « difficultés de toute nature, juridique, économique…». Pour les experts-comptables, en cas de transmission, les « missions sont à géométrie variable : cela dépend si on est à l’initiative de l’opération. Dans ce cas, on joue le rôle de “chef d’orchestre’’ qui doit superviser que l’ensemble des points de vigilance sont bien tous couverts. Parfois, nous n’avons qu’à nous pencher sur les problèmes d’évaluation, nous faisons de l’auditialisation, nous nous intéressons à la reprise de passifs. Dans tous les cas, l’audit comptable et juridique va de pair ». Attention, toutefois à ne pas s’y prendre au dernier moment. « Souvent nous avons des clients très âgés, qui reculent le moment de leur transmission, et qui meurent avant de l’avoir fait, et de ce fait, ne transmettent jamais », déplore-t-il.
Dominique Restino a bien reprécisé, que le rôle de la CCI Île-de-France est, bien sûr, de fournir des chiffres et des experts, mais surtout de « créer du liant » entre les différentes professions concernées. Puisque l’Île-de-France compte pour 30 % du PIB français, il a fallu dynamiser davantage ce volet « transmission », une chose faite avec Transfair. Si les reprises dans le macrocosme des grandes entreprises sont cachées ou peu visibles, pour les TPE et PME, c’est un temps fort qui prend en moyenne 10 à 12 mois, voire 18 mois. « Le plus important du point de vue du repreneur, c’est d’épouser un projet, en adéquation par-delà des chiffres et des règles ». À ses yeux, Transfair permet de renforcer la fédération de tous les acteurs de la transmission des entreprises, de favoriser l’anticipation des projets de transmission et de mettre en relation des chefs d’entreprise avec des professionnels du conseil et de l’accompagnement.
Les secrets de l’attractivité des entreprises
Les résultats de l’étude sur les facteurs d’attractivité d’une entreprise, réalisée à l’occasion de la conférence, ont été dévoilés. Menée auprès d’environ 200 répondants, dont 60 % de chefs d’entreprise (majoritairement de TPE), des hommes (à 81 %), majoritairement âgés de 43 à 73 ans, et surtout localisés en Île-de-France, elle donnait de nombreuses informations sur les critères d’attractivité d’une entreprise, qui dépassent la seule froideur des résultats.
Des éléments factuels jouent, en premier lieu, comme la rentabilité de l’entreprise, son chiffre d’affaires, les indicateurs. Le potentiel de développement vient juste après, suivi de l’équipe et des RH, de la notoriété de l’entreprise, puis en 5e position arrive la question du secteur (concurrentiel ou non). Pourtant, 3,4/5 des répondants se font aussi influencer par leur intuition. 3,3/5 suivent en priorité les conseils des professionnels. Les repreneurs pour le compte d’une entreprise sont ceux pour qui ces conseils sont le plus importants. Ils sont 51 % à considérer que cela a une influence forte sur leur décision (vs. 39 % pour les repreneurs pour leur propre compte). 80 % des répondants estiment que les conseils des professionnels de la transmission d’entreprise (experts-comptables, avocats, notaires, réseaux d’accompagnement) influencent ou influenceraient leur décision de reprendre une entreprise. De façon générale, 85 % des répondants se déclarent totalement rationnels ou plutôt rationnels, même si la donnée émotionnelle les influence également, puisque « 49 % des répondants estiment que les valeurs véhiculées par l’entreprise, la marque ou le produit influencent davantage leur décision de reprise que la valeur, et 30 % des répondants estiment que le plaisir entrepreneurial influence davantage leur décision de reprise que la rentabilité ».
Les critères les plus influençant restent le potentiel de croissance de l’entreprise (à 99 %), le secteur de l’activité (94 %), la rentabilité (93 %), la valeur de l’entreprise (85 %). En vue de la transmission d’une entreprise, l’amélioration du chiffres d’affaires de l’entreprise, la présentation d’une vision à long terme et d’un beau plan de croissance, la présentation enthousiasmante d’une entreprise ou encore sa valorisation, enfin, assurer la continuité des effectifs, sont les raisons principales des futurs repreneurs pour trouver une entreprise attractive. Mais le territoire joue également un rôle : 71 % des répondants estiment que l’attractivité du territoire (accessibilité, bassin d’emplois, incitations fiscales…) influence davantage leur décision de reprise que l’attachement au territoire. Les repreneurs semblent donc mobiles et prêts à faire entrer les différents territoires en concurrence.
Parmi les répondants, 64 % disent sans doute reprendre une entreprise au cours de l’année. Pour 45 % d’entre eux, le budget dont ils disposent se situe entre 100 000 et 500 000 €. Des chiffres plutôt encourageants, qui seront peut-être boostés pour les quelque 2 000 visiteurs venus au salon Transfair.