Covid-19 : « Nous espérons éviter un afflux de faillites »
Les mandataires et liquidateurs judiciaires se mobilisent pour venir en aide aux entreprises éprouvées par la crise sanitaire du coronavirus. Ces professions ont mis en place un numéro vert, le 0800 942 564, ouvert de 10 heures à 17 heures, Christophe Basse, président du Conseil national des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires, nous en explique le fonctionnement.
Les Petites Affiches : Pouvez-vous nous présenter cette hotline ?
Christophe Basse : Cette hotline fonctionne depuis le 23 mars. Nous l’avons mise en place avec la Direction générale des entreprises du ministère de l’Économie et des Finances. Au bout de la ligne, un administrateur ou un mandataire judiciaire vous répond. Quasiment toute la profession est mobilisée. Cela représente 450 professionnels et 5 200 collaborateurs. L’objectif est de soutenir les mesures gouvernementales. Nous sommes là pour les expliquer, qu’il s’agisse des reports des échéances fiscales et sociales, du gel de certaines dettes, des modalités d’interventions de la BPI ou de l’aide forfaitaire pour les indépendants. Nous expliquons cette boîte à outils qui existe pour les entrepreneurs en difficultés, notre profession étant depuis toujours formée pour les assister.
LPA : Quels sont les retours de la première journée ?
C. B. : Nous avons reçu environ 300 appels. 98 % d’entre eux ont trouvé un interlocuteur. Pour l’essentiel, les personnes qui nous ont contactés ont de toutes petites entreprises de moins de 10 salariés ou des entreprises individuelles. Nous avons répondu à seulement 6 entreprises de plus de 500 personnes. Nous avons eu beaucoup d’hôteliers, de restaurateurs, des entrepreneurs dans le secteur du transport, des agriculteurs et viticulteurs qui sont très seuls. Nous savons par la presse que le secteur de l’évènementiel est lui aussi durement touché mais il nous a moins sollicités.
LPA : Quelles sont leurs questions ?
C. B. : Les questions tournent essentiellement autour de la trésorerie, avec un focus particulier sur l’aide indemnitaire pour les entrepreneurs individuels et les indépendants de 1 500 euros. Celle-ci va voir le jour à la fin du mois de mars. Nous répondons aussi à de nombreuses questions sur le chômage partiel. Nous écoutons évidemment beaucoup d’angoisses et d’incertitudes. Comme cette opération a été montée avec la DGE cela nous permet de remonter auprès du ministère de l’Économie et des Finances les demandes, difficultés et statistiques.
LPA : La trésorerie est le souci majeur ?
C. B. : Oui. Les entrepreneurs ont compris qu’ils pouvaient suspendre le règlement des charges fiscales et sociales. Ils le font bien. En revanche, ils ont souvent un souci de trésorerie. Souvent, ils ne sont plus payés par leurs clients. Certains sont dans de telles difficultés qu’ils ne le peuvent pas, d’autres ne payent pas par crainte du lendemain. Cela bloque le système. Nous leur conseillons aux entreprises de payer leur client dans la mesure du possible pour ne pas bloquer toute une chaîne de crédit. S’ils ne sont plus en mesure de payer leurs salariés en chômage partiel – car l’État rembourse une fois que l’avance a été faite – ils pourront bénéficier d’une procédure collective. Mais pour le moment, on n’en est pas là ! Nous n’avons pas identifié tellement de sociétés en situation de défaut de paiement.
LPA : Dans quelle situation sont ces entrepreneurs ?
C. B. : Nous avons fait des statistiques pour savoir si notre interlocuteur est en état de cessation de paiement, ce cliquet qui implique d’ouvrir une procédure collective. Moins de 5 % d’entre elles étaient dans cette situation. Nous n’avons pas le dossier dans ces échanges téléphoniques, mais nous espérons que ces mesures gouvernementales permettront d’éviter un afflux de faillites. Une ordonnance permet désormais d’adapter les procédures collectives à la situation actuelle, avec l’autorisation de les faire sous forme digitalisée ou par visioconférence. Les tribunaux pourront ainsi ouvrir de nouveaux dossiers s’il le fallait. Nous aurons des statistiques plus fines dans les prochains jours. Pour le moment, le retour que nous avons des greffes est qu’il n’y a pas une accumulation de dossiers en attente.
LPA : Quelles sont les mesures que vous expliquez le plus ?
C. B. : L’une des mesures qui nous est le plus demandée est l’aide indemnitaire de 1 500 euros. Elle évolue tous les jours, le formulaire de la DEGEFI n’étant pas encore sorti. Elle va concerner les tout petit entrepreneur, qui font moins d’un million d’euros de chiffres d’affaires et ont perdu 70 % de leur chiffre par rapport aux années précédentes. J’ai compris que cela pourrait également bénéficier aux professions libérales qui déclarent moins de 40 000 euros de revenus imposables par an. C’est une demande très importante qui nous est faite car c’est lié à la trésorerie.
LPA : Que pensez-vous des mesures mises en place par le gouvernement ?
C. B. : Je crois que les mesures gouvernementales sont massives et spectaculaires. La suspension de ces charges est une mesure importante. Le fiscal social sont les premières créances qui ne sont pas payées car elles n’empêchent pas l’entreprise de continuer à tourner. Vient ensuite le gel de certaines dettes – le loyer, l’électricité, le gaz. Pour les activités hôtelières, c’est généralement un poste très important. Ces mesures sont redoutablement efficaces pour ces petites entreprises et sont inédites. L’objectif est qu’il n’y ait pas plus de faillite à date qu’il pourrait y en avoir dans cette période. Nous essayons de les développer au mieux pour éviter cette situation. Si jamais nous constatons que cela ne fonctionne pas, ou pas assez, nous pourrons faire remonter nos observations au gouvernement. Pour le moment cela semble pouvoir tenir.
LPA : Quels conseils donnez-vous aux entrepreneurs ?
C. B. : Nous les aidons à y voir plus clair dans les mesures gouvernementales, à savoir s’ils sont ou non éligibles aux aides. Nous craignions des appels agressifs. Nous avons finalement des gens plutôt calmes et résignés au téléphone. Le numéro existera pendant toute la période de confinement. Peut-être que cela sera plus difficile dans 15 jours. À un moment, il faudra payer ces mesures. Nous voulons donc aussi préparer le redémarrage. La France a les outils législatifs du Code de commerce pour qu’une structure puisse redémarrer en douceur si elle n’a pas les moyens de payer les premières échéances. Un entrepreneur peut se placer sous la protection d’un juge dans le cadre d’une prévention ou d’un tribunal dans le cadre d’une procédure de sauvegarde. Nous le rappelons.